de Républicain67 » Mer 6 Jan 2016 17:49
J'ai essayé de résumer ici les évolutions qu'a connu le FN dans ma région, l'Alsace depuis les présidentielles en terme de cadres locaux et d'implantation locale. Je précise bien que je ne suis pas du tout, et loin de là sympathisant de ce parti. Je ne suis d'ailleurs membres d'aucun parti politique, ni syndicats français. Je veux faire seulement un travail d'informations sur la politique locale alsacienne et vu qu'on parle beaucoup du FN dans les médias et sur ce forum, je me suis dis que c'était bien le moment de faire un point sur le FN en Alsace, surtout qu'il y a eu un important renouvellement des cadres locaux (fédérations FN 67 et 68) ses dernières années.
Le Front national en Alsace depuis 2012
Je veux essayer ici de résumer une évolution remarquée par qui s’intéresse un peu à la politique alsacienne, la situation actuelle du Front national dans la région (ou plutôt, malheureusement, dans notre ancienne région), c'est-à-dire le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. En effet, beaucoup de choses ont changé pour le parti frontiste en Alsace depuis les cantonales de 2011 et surtout la présidentielle, en matière de résultats, de bastions d'implantation locale, et de cadres locaux.
Lors des élections régionales de 2010, le FN alors conduit par Patrick Binder effectue une remontée dans la région, quoique beaucoup plus faible que lors des régionales de 2004. La concurrence du parti « régionaliste » d'extrême droite Alsace d'abord (plus ancré sur une thématique identitaire, même si les thématiques d'ADA sont proches, les électorats étant distincts), prenant fin le FN progresse fortement comparé à la chute de 2007 et le très mauvais scores des municipales de 2008, notamment à Strasbourg (le FN résiste assez bien à Mulhouse, qui d'ailleurs avec Perpignan est la seule grande ville où le FN est au 2e tour), mais la remontée est limitée par rapport au Nord-Pas-de-Calais ou à la Lorraine voisine. Au final le FN obtient entre 14% des voix au second tour et cinq élus, Christian Cotelle (secrétaire départemental du Bas-Rhin, candidat aux municipales de Strasbourg), Huguette Fatna (conseillère régionale sortante d'Île-de-France, parachutée) et l'Haguenovien Jean-Claude Altherr dans le Bas-Rhin et le couple Binder, Patrick et Martine, tous deux conseillers municipaux d'opposition à Mulhouse et patrons du FN en Haute-Alsace, dans le Haut-Rhin
Aux cantonales de 2011, le FN continue sur sa poussée de 2010 et arrive au second tour dans neuf cantons du Bas-Rhin (dont deux à Strasbourg) et trois du Haut-Rhin. La lecture étant tout de même biasée, vu que seuls la moitié des cantons de la régions ont été concerné par l'élection et surtout que ni Colmar, ni Mulhouse et la majeure partie de son agglomération (Illzach, Wittenheim), ni Haguenau, n'ont pris part au vote. Le FN ne l'emporte nulle part, mais progresse au second tour et dépasse même la barre des 40% des suffrages exprimés dans deux cantons, Niederbronn-les-Bains (Bas-Rhin) avec Laurent Gnaedig et Ensisheim (Haut-Rhin) avec José Sanjuan, tous deux étant des militants locaux bien implantés dans leur territoire. Les cantonales permettent également de faire émerger de nouvelles figures, comme la très jeune Julia Abraham (tout juste dix-huit ans à l'époque), qui fait tout de même 38% face à Alain Grappe (UMP) dans le canton de Guebwiller (Haut-Rhin), éliminant le maire socialiste du chef-lieu. Par contre Patrick et Martine Binder sont battus dès le premier tour de scrutin sur les canton haut-rhinois de Saint-Amarin et Dannemarie.
Aux présidentielles de 2012 le FN effectue une formidable remontée, comparé à 2007. Il obtient 22% des voix dans la région. Marine Le Pen arrive loin derrière Nicolas Sarkozy, mais distance François Hollande. La répartition des votes pour l'extrême droite a fortement changée depuis 2002. En 1986 et 1988, le vote FN était surtout urbain, essentiellement anti-immigré, surtout concentré dans les quartiers populaires de Strasbourg et Mulhouse et leur banlieue (fort dans la banlieue nord de Strasbourg, Schiltigheim, Bischheim...). En 1995, le vote FN perce à Colmar et dans l'Alsace rurale. Les points de force du FN sont toujours Mulhouse et sa région où le FN arrive loin en tête, Strasbourg (autour de 20%) et sa banlieue, mais aussi la région de Haguenau et l'Alsace bossue. En 1995 et 2002 Jean-Marie Le Pen arrive en tête dans la région, le score du FN étant de loin supérieur la moyenne nationale. Aux municipales de 1995 à Mulhouse, l'ancien député Gérard Freulet fait un score record de 35%, ce qui amène les listes PS et UDF à fusionner dans un « front républicain ». A l'époque, En 2012, la situation a bien changée. Le FN fait des scores beaucoup moins bon sur Strasbourg (11,8%) et Mulhouse (17,5%, 19% à Colmar). Le FN s’effondre littéralement à Strasbourg, alors qu'il tournait autour de 20% en 1988, 1995 et 2002. Il devient très faible dans le centre-ville, mais résiste beaucoup mieux dans les quartiers populaires périphériques. On observe ici une évolution comparable à la plupart des grandes villes françaises, Marine Le Pen (11,8%) est talonnée par Jean-Luc Mélenchon (11%) sur Strasbourg. Ainsi le FN passe de 27% en 1995 à 17% en 2012sur Strasbourg. Pour autant, le FN est très fort dans les cantons ruraux et les bassins industriels en crise, comme en Alsace Bossue, l'Alsace du Nord, dans le Bassin potassique, les vallées vosgiennes (Bruche, de Saint-Amarin...). Wittelsheim, ancienne commune minière du Bassin potassique est l'une des rares villes où Marine Le Pen arrive en tête. Aux législatives de juin, le FN n'arrive pas à transformer l'essai. Seule la conseillère régionale Martine Binder arrive à accéder au second tour sur la 6e circonscription du Haut-Rhin (Mulhouse-Illzach) dans la seule triangulaire d'Alsace, en troisième position derrière le sortant Francis Hillmeyer (Nouveau centre), confortablement réélu et Malika Schmidlin-Ben M'Barek (PS, conseillère municipale de Mulhouse). En dehors de Mulhouse-Illzach, on assiste à des duels droite-gauche ou interne à la droite (7e et 9e du Bas-Rhin)Sur la 4e (Cernay-Thann) du Haut-Rhin Raoul Biondi manque de quelques voix le maintien au second tour, et sur la 2e (Guebwiller-Ribeauvillé) Julia Abraham talonne le Vert Henri Stoll, mais n'accède pas au ballotage. Pour résumer on peut dire que l'Alsace, déjà fortement acquise au FN en 1995 et 2002 semble stagner concernant les scores pour l'extrême droite, mais si le vote FN y reste supérieur à la moyenne nationale, contrairement au Nord-Pas-de-Calais ou à la Lorraine par exemple.
Aux municipales de 2014, le FN présente un faible nombre de liste. Il n'est présent qu'à Strasbourg, Mulhouse, Haguenau, Wissembourg, Barr, Sarre-Union (où il fait 41% face au sortant de droite), Herrlisheim, Ensisheim et Illzach (autour de 30% dans les deux dernières communes). Même si le FN dépasse de justesse la barre des 10% à Strasbourg et obtient deux conseillers (FN absent au conseil depuis 2001, où la présence d'une liste FN conduite par Jean-Louis Wehr et une liste Mouvement régionaliste alsacien (aujourd'hui Alsace d'abord)-MNR de Robert Spieler avaient empêché l'extrême droite qui tournait certes autour de 17% d'accèder au second tour), l'apparenté et ancien centriste Jean-Luc Schaffhauser (élu député européen en juin) et la jeune Julia Abraham, on remarque la très faible implantation du FN en Alsace, notamment par la présence sur le terrain. Le FN est absent de Colmar, Saverne, Bischwiller, Saint-Louis, Cernay... et même Wittenheim (où pourtant Marine Le Pen est arrivé en tête aux présidentielle, Martine Binder était arrivé en tête aux deux tour aux législatives) et Wittelsheim, où Marine Le Pen est arrivé en tête avec près du tiers des voix en 2012, loin devant Nicolas Sarkozy et François Hollande. On remarque un phénomène similaire en Lorraine, où le FN ne présente ou n'arrive pas présenter des listes dans plusieurs villes où Marine Le Pen arrive en tête aux présidentielles : Amnéville, Freyming-Merlebach, Stiring-Wendel, Dombasle-sur-Meurthe... Toutefois, les municipales de 2014 permettent au FN d'obtenir des cadres locaux bien implantés comme José Sanjuan sur Ensisheim et le Bassin potassique et Freddy Ciolek sur Illzach.
Aux départementales de mars 2015, le FN fait un nouveau bond en avant et arrive à se maintenir dans presque tous les cantons hormis Strasbourg-1, 4, 5 et 6 (la surprise dans ce canton, Julia Abraham est dépassé de justesse par le binôme socialiste, alors qu'elle obtient avec Laurent Husser, le meilleur score strasbourgeois du FN), Hoenheim (duel interne à la droite) et Brunstatt (binôme de droite élu dès le 1er tour de scrutin). Sur Saint-Louis, le FN est talonné par les autonomistes d'Unser Land. Au 1er tour, le FN arrive loin devant les DVG sur le canton de Wittenheim (39% contre 25%) et la droite sur Ensisheim (35 contre 30) et devant la droite divisée à Bischwiller et Ingwiller. Au second tour, le FN ne l'emporte nulle part. Dans le canton de Wittenheim (qui regroupe la preque totalité des communes de l'ancien Bassin potassique alsacien), le FN est battu d'extrême justesse (plus de 48%) par le binôme DVG/PS. Le binôme de gauche (Pierre Vogt, DVG, CG sortant de Cernay et ancien maire de Wittelsheim, très connu dans le secteur) et Marie-France Vallat (PS, adjointe au maire de Wittenheim) sont bien implantés dans le Bassin potassique, alors que les candidats FN (tous deux conseillers municipaux d'Ensisheim, dans le canton voisin) sont de quasi-inconnu dans le secteur. Le FN dépasse au 2e tour la barre des 40% des votants dans cinq autres cantons, Bischwiller, Sarre-Union et Reichshoffen (Bas-Rhin), Ensisheim, Guebwiller (Haut-Rhin). Les départementales médiatisent de nouvelles têtes frontistes, comme le jeune Strasbourgeois Andréa Didelot, Baptiste Pierre, de Sarre-Union ou la très jeune Virginie Denjean-Obernesser à Bischwiller.
Aux régionales, il y a un bon mois, le FN arrive en tête dans le Haut-Rhin, mais Philippe Richert l'emporte dans le Haut-Rhin. Au deuxième tour, la liste Richert gagne dans les deux départements d'Alsace. Le FN n'arrive en tête que dans dans le canton haut-rhinois de Wittenheim (Bassin potassique) avec 46,2% (soit plus que dans les cantons de Forbach et Hayange!), en tête avec45% à Wittenheim, 49% à Wittelsheim, plus de 50% à Staffelfelden et Ungersheim), et talonne la droite dans le canton voisin d'Ensisheim avec plus. Le FN dépasse aussi la barre des 40% aussi dans les cantons de Bischwiller, Cernay et Masevaux et les frôle à Reichshoffen, Kingersheim et Altkirch. Les seules villes de plus de + de 10 000 habitants où la liste Philippot arrive en tête au deuxième tour en Alsace sont les anciennes communes minières de Wittenheim et Wittelsheim, au nord de Mulhouse.
Le FN se maintient à un niveau très élevé dans le Bassin potassique, où il progresse même en voix et en pourcentage. Il s'agit d'un territoire, très particulier, celui de l'ancien bassin des Mines de potasse d'Alsace (MDPA), jusqu'à récemment le seul vrai bastion PCF d'Alsace (Bischheim, cité cheminote de la banlieue nord de Strasbourg a perdu sa mairie communiste en 1983), Staffelfelden avait un maire apparenté PCF jusqu'en 2014 et à Wittenheim, où la liste communiste de Maurice Haffner faisait encore 20% aux municipales de 2008. La droite modérée a toujours été très faible sur ce territoire, cf. seulement 9% pour le binôme divers droite sur le canton de Wittenheim en 2015, derrière le FN, les DVG et les autonomistes d'Unser Land. Mais le temps où Georges Marchais arrivait en tête à Wittenheim semble bien loin. En dehors du Bassin potassique, le FN reste en tête dans plusieurs communes de la bande rhénane du Haut-Rhin, ainsi que dans quelques villages du Sundgau et d'Alsace Bossue et reste très fort dans le canton bas-rhin de Bischwiller, où le FN reste majoritaire au second tour dans deux communes du Ried nord : Fort-Louis (avec un maire passé au FN, Gérard Janus) et Dalhunden. En Alsace Bossue, l' « effet Richert », enfant du pays semble avoir freiné la vague FN.
Le FN reste très dans ses nouvelles zones de forces, le Bassin potassique, la bande rhénane du Haut-Rhin, le canton de Bischwiller, l'Alsace Bossue, le canton de Reichshoffen, les vallées sous-vosgiennes... Étrangement, les communes de la bande rhénane, aussi bien du côté de Mulhouse que de Bischwiller, frontalières avec l'Allemagne optent de plus en plus pour le FN, ce qui est nouveau. Alors les communes frontalières de l'Outre-Forêt et du canton de Saint-Louis semblent bien résister à la monter de l'extrême droite. Pour résumer depuis 2012, le FN progresse en Alsace, moins qu'en Lorraine ou dans le Nord par exemple, mais arrive à progresser assez fortement en nombre de voix entre les deux tours, aux départementales comme aux régionales.
Je voudrais maintenant aborder la question des cadres. En 2012, Pascale Ellès, transfuge de la droite, devient secrétaire départementale du FN dans le Bas-Rhin et succède à Christian Cotelle, conseiller régional. En 2014, suite à des désaccords avec Jean-Luc Schaffhauser (ex-UDF-CDS) qui prends de plus en plus d'emprise sur la fédération du Haut-Rhin et surtout l'épisode de la « fournée » Mme Ellès démissionne de son poste et quitte le FN au lendemain des européennes de 2014. Laurent Gnaedig lui succède et reconstruit une fédération très affaiblie et divisée. Au début de 2015, Patrick et Martine Binder (secrétaire départementale du FN 68) qui détenaient d'une main de fer la fédération du FN 68 et au niveau régionales quittent la politique. Alain Favaletto devient secrétaire départemental. Lors des régionales de décembre, seul Christian Cotelle est réinvestit comme sortant, il ne sera pas réélu. Huguette Fatna repart en Île-de-France, où elle est maintenant conseillère régionale, élue en Seine-Saint-Denis. Lors de la campagne, le parachutage de la Bas-Rhinoise Virginie Joron comme tête de liste dans le Haut-Rhin (ce qui démontre la très faible implantation locale du FN), des opposants, tels que José Sanjuan sont exclus, alors que des transfuges de la droite, comme Jean-Claude Bader (ancien adjoint de Fabienne Keller à Strasbourg, aussi connu comme le « Johnny alsacien »), Christian Zimmermann (ancien adjoint de Neuf-Brisach) ou les anciens adjoints de Jean Rottner Christelle Ritz et Fabrice Ciarletta (exclu de l'UMP pour avoir prônés un rapprochement avec le FN) ont rejoint le FN. On remarque pour finir, que parmis les quatorze élus FN alsaciens au Conseil régional d'Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, cinq ont moins de trente, ce qui démontre un certain renouvellement et rajeunissement des cadres locaux du FN en Alsace, avec des jeunes qui montent comme Julia Abraham, Baptiste Pierre, Sylvain Marcelli ou Andréa Didelot. Pour finir, les régionales ont démontré la très faible implantation du FN en Alsace, mais qui paradoxalement avec ses nouveaux élus et les transfuges commence très timidement à se notabiliser.