de Artisan-Politologue » Ven 31 Déc 2010 00:30
Electoralement parlant, sous la Ve République, le PCF a paradoxalement eu son heure de gloire au moment où son audience commençait à stagner, c'est à dire après 1962. Ce paradoxe tient en grande partie au système électoral uninominal et majoritaire, qui étouffe les mouvements ne pouvant faire alliance avec d'autres forces politiques. Cette stratégie du cordon sanitaire, qu'elle soit voulue par le mouvement ou par ses alliés putatifs, a notamment empêché le FN d'avoir autant d'élus que son poids électoral.
Aux législatives de 1958, le PCF totalisait 18,9 % des exprimés au premier tour et 20,6 % au second. Résultat: 10 sièges sur 546. En 1962, avec à peine plus (21,84 et 20,94 %), il quadruple sa représentation, en passant à 41 sièges. En 1967, avec 22,51 et 21,37 %, il passe à 71 élus plus deux apparentés. Après le trou d'air de 1968 (34 sièges avec à peu près le même nombre de voix), en 1973 il refait complètement son retard et retrouve 73 députés avec 21,41 et 20,83 %. Les résultats de 1978 sont les plus surprenants a priori: 20,55 % au premier tour, un net fléchissement au second tour le faisant baisser quasiment au niveau de 1958 (18,62 %) mais il obtient 86 sièges, soit le groupe communiste le plus important de la Ve République (sous la IVe, il y eut 159 députés communistes en 1945, 153 en juin 1946, 182 en novembre 1946, 103 en 1951, 150 en 1956, 138 en juin 1958).
A partir du milieu des années 1960, les alliances commencent à se nouer, surtout au niveau local, entre socialistes, communistes, PSU et certains radicaux. Cette rupture du cordon sanitaire profite au PCF, qui ne retrouve cependant pas ses effectifs de la IVe République. Dans les années 1970, le Programme commun avec le PS et le MRG, qui prévoit notamment des désistements automatiques, le requinque un peu plus, d'où les 86 députés de 1978.
Cela s'est fait en trois paliers: cordon sanitaire, rupture dudit cordon, accords de désistement.
La suite on la connaît, mais elle ne tient pas dans ce mécanisme: dès 1981 c'est la descente aux enfers. Le coup de massue psychologique survient au premier tour de la présidentielle. Avec 15,5 % des exprimés, Georges Marchais est loin du résultat de Jacques Duclos douze ans auparavant (21,27 % et surtout à peine 460 000 voix de moins que le second, le centriste Alain Poher). La peur du communisme ne peut plus justifier le vote à droite de certains électeurs modérés effrayés par le Programme commun, le réalignement électoral peut jouer, et la France bascule à gauche, ce qu'elle aurait du logiquement faire en 1978, voire-même 1974 selon certains analystes.
Survivance du Programme commun, les désistements ont longtemps permis aux communistes de conserver un groupe à l'Assemblée nationale. Jusqu'en 2007, cela s'est fait avec la relative bienveillance de certains gouvernements, de droite comme de gauche, qui abaissaient les seuils de constitution au début de chaque législature.
Cette thèse est notamment développée par le chercheur grenoblois Pierre Martin, dans son "Comprendre les évolutions électorales, la théorie des réalignements revisitée (Presses de Sciences-Po).
Manu