de vudeloin » Lun 31 Jan 2011 16:11
Bien que n’étant pas un spécialiste avéré de la Loi Fondamentale, quelques éclaircissements à ton intention, l’Arrageois, comme aux autres lecteurs de ce forum que le problème peut intéresser.
L’Allemagne est un pays dont l’unité territoriale est récente et dont toute l’Histoire, de la chute de l’Empire Romain à 1871, est marquée par une profonde division en une multitude d’Etats, de principautés, de royaumes plus ou moins étendus et tous dotés d’une certaine identité.
Pour ceux qui l’auraient en effet oublié, c’est le 18 janvier 1871, dans la Galerie des Glaces du Château de Versailles, que l’Empire Allemand a été proclamé, sous l’égide de la Prusse et de son roi, Wilhelm 1er, sous le nom de second Reich.
Pour mémoire, ce second Reich ( le premier représentant le défunt Saint Empire Romain Germanique et sa monarchie élective ) regroupait à l’origine vingt deux Etats monarchiques, trois « républiques ‘ » et une terre dite d’Empire, à savoir l’Alsace Moselle juste conquise sur la France.
Les quatre royaumes étaient ceux de Prusse ( le plus puissant car militarisé et le plus étendu car couvrant largement une région, la Silésie, aujourd’hui en Pologne ), de Bavière ( avec le roi Louis II à l’époque ), de Saxe ( Dresde et Leipzig ) et de Wurtemberg.( c'est-à-dire Stuttgart ).
Les grands duchés étaient les duchés de Bade, de Hesse, de Mecklembourg Schwerin, de Mecklembourg Strelitz, d’Oldenburg et de Saxe Weimar Eisenach.
Les duchés étaient les duchés d’Anhalt, de Brunswick ( rappelez vous Valmy ), de Saxe Cobourg Gotha ( tout un programme, sauf que c’est la famille qui a fourni une lignée monarchique à la Belgique ), Saxe Altenburg et de Saxe Meiningen.
Si j’étais puriste, on devrait d’ailleurs écrire Sachsen à chaque fois…
Sans détailler les principautés, j’indique que pour finir, existaient aussi trois systèmes républicains, trois villes libres, à savoir Bremen, Hamburg et Lübeck, villes hanséatiques qui ont constitué d’ailleurs de manière historique pour les deux premières un Land – ville et pour la troisième la base d’un nouveau Land, le Schleswig Holstein, après la conquête de territoires dans la courte guerre contre le Danemark de 1864.
Les Lander que nous connaissons ont donc beaucoup à voir avec ces Etats historiques, puisqu’ils constituent, pour une bonne part, le résultat de la fusion des anciens Etats féodaux, voire leur simple prolongement historique.
Notons tout de même, à ce stade de la présentation historique des choses, qu’aux partitions territoriales et monarchiques, se sont ajoutées celles de la religion, et notamment de la Réforme qui a tracé une ligne franche entre Nord et Sud de l’Allemagne, le Bade Wurtemberg et la Bavière restant attachés à la Sainte Eglise apostolique et romaine, mais le Nord nettement moins…
Enfin les frontières de l’Allemagne ont encore évolué au XXe siècle, nous le savons tous, ne serait ce que parce que la France a remis la main sur l’Alsace Moselle perdue en 1871 mais surtout parce qu’on a poussé la Pologne vers l’Ouest en lui faisant absorber la Silésie et la Prusse Orientale ( la région de Gdansk en Pologne mais aussi celle de Kaliningrad en Russie ) et que la frontière entre Pologne et Allemagne n’a été consacrée qu’en 1971, par suite des accords que Willy Brandt avait signés avec la Pologne sur le tracé de la ligne Oder Neisse.
Politiquement parlant, la constitution des Länder est donc la résultante de la disparition, lors de la République de Weimar, des Etats confédérés du second Reich, et de leurs regroupements tout sauf arbitraires ( nous sommes en Allemagne, ne l’oublions pas ).
Et, dès 1920, nonobstant la partie la plus orientale de l’ex Empire, la plupart des Lânder tels que nous les connaissons sont constitués.
On notera d’ailleurs que les trois villes libres sont instituées en Länder et qu’elles demeurent, encore aujourd’hui, des points forts de la gauche allemande.
A croire que le passé hanséatique compte pour les choix d’aujourd’hui.
Il est même courant de dire, dans la gauche allemande, qu’un succès aux élections de Bremen constitue la première étape d’une réussite plus importante ensuite.
Pour les autres, les choses sont fixées assez vite : l’Etat libre de Prusse de 1920 se traduit aujourd’hui en Lânder de Berlin et de Brandebourg, comme se constitue l’Etat libre de Thuringe qui ressemble de beaucoup à l’actuel Land.
On notera cependant que le découpage administratif issu de la Seconde Guerre Mondiale va néanmoins provoquer deux mutations essentielles : d’une part, l’instauration de zones d’occupation de Berlin va distinguer l’ex capitale du reste de l’ancienne Prusse d’autant plus aisément que le Brandebourg est totalement et exclusivement sous administration soviétique.
Et la répartition des zones d’occupation à l’Ouest entre Français, Anglais et Américains conduit d’une part à créer le Land de Hesse, ex zone sous contrôle US et le Land de Rhénanie Palatinat, ex zone sous contrôle français.
Dans le même esprit, l’ancienne région longtemps régie par les lois françaises, la Sarre, a fini par devenir un Land en elle-même.
Compte tenu de la personnalité propre à chaque Land, le régime fédéral laisse libre choix aux Etats pour fixer les conditions de renouvellement de leurs assemblées locales.
Durée et mode d’élection sont finalement fixés dans chaque Etat, même si la proportionnelle avec seconde voix est le régime le plus appliqué, reprenant le mode de scrutin du Bundestag.
Je ne rentrerais pas dans le détail des habitudes politiques allemandes ( ce serait sans doute trop long ) mais pour aller à l’essentiel, les régions catholiques sont en général les plus conservatrices et les villes s’avèrent souvent plutôt portées à voter à gauche.
Bremen ou Hamburg sont des villes d’influence SPD importante, avec évidemment des variantes ,mais c’est aussi le cas de la plupart des grandes villes de la Ruhr, de Leipzig, de Dresde ou surtout de Berlin.
Cette ville capitale, créée de toutes pièces au début du XVIIIe siècle pour devenir la capitale du royaume de Prusse, a de tous temps constitué un foyer de contestation populaire et de réceptacle aux idées neuves.
La forte présence, dans la population originelle, de protestants français exilés après la révocation de l’Edit de Nantes expliquerait elle cette situation ?
A l’occasion, je retrouverais quelques vieux papiers que je dois avoir quelque part sur les votes par circonscriptions en Allemagne mais je pense tout de même qu’on peut assimiler le vote des Allemands d’aujourd’hui à celui des Etats Uniens ou des Anglais : les villes sont plutôt orientées à gauche, y compris leurs banlieues, et les campagnes plus portées à droite.
Mais comme campagnes ne veut plus trop dire paysans, chacun peut mesurer les choses comme il l’entend.
Enfin, sur le Bundesrat, rappelons quelques points.
1 Ses membres sont désignés par chacun des Landtagen à concurrence de la population respective de chaque Land : on compte 6 élus pour les quatre plus grands Lânder ( Nordrhein Westfalen, Bayern, Niedersachsen et Baden Wurtemberg ), 4 pour tous les autres sauf 3 pour les deux villes hanséatiques de Bremen et Hamburg, et les deux Lânder de Saarland et de Mecklenburg Vorpommern.
2 Il s’agit donc d’une sorte d’Assemblée des Etats, finalement composée de 69 membres, qui ont mandat lié à la nature de la coalition gouvernementale au pouvoir dans le pays et dans leur Landtag.
Voilà, d’autres peuvent évidemment apporter un éclairage complémentaire.