de Corondar » Dim 5 Juil 2015 23:56
C'est pas la question qui est tordue. Elle, elle était assez claire : après 5 ans de vaches maigres, êtes-vous prêts à resigner pour encore plus de sacrifices ? Franchement, je suis assez estomaqué que le oui dépasse les 35%.
Ce qui est tordue par contre (mais tordue, dans le sens florentin du terme, parce que tactiquement c'est brillant) c'est la manoeuvre de Tsipras. Le gars s'est fait élire sur un programme économique et social rendant rouge de jalousie Mélenchon. Programme dont les Grecs n'ont pour l'heure toujours pas vu l'ombre d'un commencement du grand soir (y a vraiment bien que des contributeurs du forum pour croire que les riches armateurs grecs, qui se livrent, comme une immense majorité des Grecs à la fraude fiscale et à l'économie souterraine, ont peur de Tsipras : le gars n'a rien fait qui s'apparente même de loin à un mouvement sur la réforme fiscale, même Hollande a au moins un bilan à présenter en la matière, c'est dire).
Et pourtant, malgré ce programme très rouge, Tsipras continue, tout comme les gouvernements qui l'ont précédé, à réclamer des fonds à la Troïka. Pourquoi, si cette dernière est vraiment la seule et unique cause de tous les maux grecs, pourquoi diable ce bon Tsipras continue-t-il à se rendre à Bruxelles pour réclamer des sous ? Et bien parce que, comme je l'ai rappelé, il n'y a plus en Grèce d'autres sources de revenus. Et, pour l'heure, il n'y a pas non plus d'autres bonnes poires prêtes à continuer à jeter l'argent par les fenêtres, tout ça parce que la Troika craint par dessus tout l'effet domino. Continuons à donner aux Grecs pour éviter que l'Euro, et qui sait peut-être même l'Europe, ne se casse la gueule. Mais comme il faut pas que ça se voit trop que tout cela est un jeu de dupes, il faut bien continuer à exiger des Grecs des sacrifices économiques et sociaux (sinon pourquoi les Espagnols ou les Italiens ne joueraient-ils pas eux-aussi à ce jeu : donnez-nous des sous, sinon on fait tout péter !).
Et là Tsipras est bien embêté : le voilà qui tente de trouver des compromis avec la très méchante Troika, qu'il en est réduit à leur dire qu'il va appliquer des coupes budgétaires qui n’apparaissaient nul part dans son programme. Et là , il a un coup de génie : le référendum ! Posons une question rhétorique aux Grecs : voulez-vous continuer à galérer ? Comme les Grecs sont réellement persuadés que tous leurs malheurs viennent de l'Europe (il est tellement facile d'oublier qu'à tout moment tous les gouvernements grecs des 5 dernières années pouvaient dire on arrête, on ne prend plus l'argent et on dit non aux coupes exigées en contrepartie), ils se disent qu'ils n'ont plus rien à perdre.
Mais il reste un problème je pense : Tsipras a surestimé la peur de l'effet domino de la Troïka.Cette dernière se rend compte que la situation ne peut plus durer comme cela. Tsipras se dit qu'avec son Non, il va pouvoir retourner à Bruxelles, obtenir des coupes 2 ou 3 fois moins importantes que la semaine dernière, et qu'en rentrant à Athènes il sera fêté comme un héros (ses électeurs oublieront même que des baisses de 25% au lieu de 50% c'est toujours 25 points de plus que ce qui était inscrit dans le programme de Syriza). Et la Troika se dit que le Grexit n'est peut-être plus si terrible que ça (en tout cas pas plus que de continuer à financer le bateau ivre).
A mon avis, Tsipras s'est planté : il a essayé d'avoir le beurre et l'argent du beurre. Il est arrivé trop tard. Je pense que cette stratégie aurait pu fonctionner il y a 5 ans, quand la zone euro, encore traumatisé par le krach bancaire de 2008, aurait certainement cédé dans ce genre de situation. Aujourd'hui, je pense qu'elle va prendre le risque.
Quelles seront les conséquences à long terme pour la Grèce et la zone euro, alors là , je donne ma langue au chat. Surtout pour la seconde cela dit, pour la première, je crains que la messe ne soit déjà dite.