de vudeloin » Mer 26 Jan 2011 18:43
Voilà un beau sujet, même si nous allons sortir du débat sur les législatives à Paris, où je constate que la présence des femmes députées n’est pas forcément la meilleure ni la pire de France.
Il faut remettre les choses dans l’ordre.
Le scrutin majoritaire à deux tours, sans correction proportionnelle, est défendu par ses partisans au motif qu’il permet une juste représentation des territoires.
Une affirmation qui, tous les observateurs de découpage électoral en conviendront, ne supporte pas toujours l’épreuve des faits, notamment quand les ciseaux ministériels dessinent des lanières géographiques plus ou moins réussies en lieu et place de territoires plus compacts et cohérents.
Prenons un des exemples limite de ce type d’opération de représentation des territoires ( mais il y en a beaucoup ) : celui du canton du Bourget, qui recouvre la commune de Dugny, celle du Bourget et la partie Nord de celle de Drancy.
Eh bien ce magnifique canton, découpé par les ciseaux de Michel Poniatowski en 1976 a aujourd’hui trois députés différents, puisque les trois communes qui le composent sont partie d’une circonscription différente !
Au-delà de ces considérations, le scrutin majoritaire à deux tours présente une autre particularité.
Celle de favoriser, en termes de représentation politique, l’élection des personnes qui, à des titres divers, peuvent « compter « dans la vie locale.
Et, de fait, il suffit sans doute de faire la liste des notaires, médecins, avocats, chefs d’entreprise, exploitants agricoles, châtelains, propriétaires fonciers, et j’en passe qui, de tous temps, ont alimenté le personnel politique des partis conservateurs, légitimistes, orléanistes, de droite ou du centre, républicains de gauche ( c'est-à -dire de droite ), indépendants et paysans, républicains indépendants, etc, etc…pour être à peu près convaincu que le scrutin majoritaire est, bien souvent, le plus sûr moyen d’assurer la sur représentation de certaines catégories sociales au sein des Assemblées élues, quelles qu’elles soient.
La même observation vaut d’ailleurs en partie pour la gauche de l’échiquier politique qui a longtemps promu les instituteurs et plus généralement les enseignants, les ouvriers, les employés, les militants syndicaux ou associatifs parmi ses candidats et souvent ses élus.
Pour la symbolique, prenons un exemple encore récent et finalement plutôt rare.
Dans le Doubs, en 2008, la gauche a emporté deux sièges de sénateur sur les trois que compte le département,
L’un des sortants, UMP, maintes fois rapporteur de projets de loi, était Louis Souvet, ex Maire d’Exincourt puis de Montbéliard, mais surtout ancien directeur de l’usine ( ou du personnel, mais peu importe au fond ) de Peugeot Sochaux.
C'est-à -dire que la plus importante entreprise industrielle du département avait placé au Sénat l’un des ses cadres les plus essentiels.
Il ne se représenta pas en 2008 et fut remplacé par Martial Bourquin, PS, Maire de la commune d’Audincourt, dans l’agglomération de Montbéliard.
Martial Bourquin a eu un parcours politique particulier : adhérent du PCF dans les années 60 et 70, il devint même Secrétaire Fédéral de ce Parti dans le Doubs.
Entré en dissidence dans les années 83 – 84, il militera quelques années dans la Convention pour une Alternative Progressiste, avant que d’intégrer le PS à la fin des années 90 et de remplacer Serge Paganelli à la mairie d’Audincourt.
Le parcours professionnel de Martial Bourquin est intéressant : jeune apprenti puis ouvrier chez Peugeot Cycles, il sera licencié pour faits de grève avant de devenir permanent syndical CGT puis politique.
Il n’avait jamais été requalifié dans une autre position que celle d’OS et c’est donc un ancien OS qui a remplacé au Sénat l’ancien directeur du personnel de Peugeot.
Même si le personnel politique local tend désormais à estomper les différences de recrutement ( une bonne part des candidats présentés par l’un ou l’autre bord de l’échiquier politique venant souvent du sérail des élus en place ), le fait est que la sous représentation de la majorité de la population active ( ouvriers, employés, et même paysans ) est totalement liée au mode de scrutin qui favorise les positions sociales les plus élevées.
Un autre mot sur la parité et les efforts que doivent accomplir les partis politiques en ce sens.
En quoi la proportionnelle constitue t elle la meilleure garantie d’une représentation des femmes dans la vie publique ?
Je ne reviens pas sur le mode de scrutin majoritaire et ses effets en la matière, tout simplement parce que les positions sociales les plus élevées, et les pouvoirs dans la société sont assez largement, sinon exclusivement « virilisés « .
Mais prenons l’exemple du Sénat qui se pique aujourd’hui d’avoir plus de femmes sénatrices qu’il n’y a de femmes députées.
Sur les 341 membres actuels de cette Haute et respectable Assemblée, 80 ( c'est-à -dire 23,5 % sont des femmes ).
Mais, sur ces 80 sénatrices, 68 ont été élues par usage du mode de scrutin proportionnel.
C'est-à -dire qu’à défaut d’usage de ce mode de scrutin, leur nombre serait sans doute beaucoup plus faible que ce qui est aujourd’hui.
En effet, ces 68 sénatrices sont élues au sein d’un ensemble de 179 sièges tandis que les 12 restantes sont élues dans un bloc de 162 sièges.
Est il utile d’en ajouter plus ?