vudeloin a écrit:Mais c'est aussi une région où les traditions politiques et de gestion sont marquées par un clientélisme assez puissant, une sorte de système qui peut présenter de temps en temps quelques signes de faiblesse.
Je pense d'ailleurs que c'est ce système qui est en difficulté et qui a volé en éclats à Hénin Beaumont ou à Béthune ces dernières années.
Ensuite, sur le cas de Marine Le Pen, même si elle dispose d'une certaine influence dans l'ex bassin minier, elle le doit aussi à la grande faiblesse organisationnelle de l'UMP et il n'est pas certain qu'elle ait les mêmes possibilités ailleurs.
Ca commence à faire rengaine, mais je partage cette analyse en retour et je la complète ;)
Il est clair que tout, je dis bien tout car on a atteint de sacrées proportions, a été fait pour que Marine Le Pen et le FN dépassent les 44% à Hénin Beaumont à chaque élection ou presque désormais : la gestion de la ville a été catastrophique, et ça remontait à la période antérieure à Dalongeville (n'oublions pas qu'en 2001, Gérard Dalongeville était MRC et se positionnait contre la gestion de son prédécesseur PS Darchicourt - liste PS qui s'est pris une raclée face à la liste Dalongeville : 57.4% pour cette dernière contre 23.8% au PS et 19.5% à Steve Briois, qui ne l'oublions pas, était à l'époque au MNR de Mégret).
Tout a été pur calcul politique chez Marine Le Pen : elle a d'abord essayé de tout miser sur Lens, ville plus symbolique nationalement et plus médiatique (n'oublions pas qu'avant les déboires de la gauche et la médiatisation qui a suivi, personne en dehors du NPDC ou presque ne savait qu'Hénin existait...) mais elle a été largement battue aux législatives de 2002 par le sortant socialiste Jean-Claude Bois : elle faisait dans cette circonscription un score d'environ 32% au second tour, c'est-à -dire un score certes élevé pour le FN mais pas du style à casser la baraque pour percer médiatiquement face à ceux qui voyaient d'un mauvais oeil sa potentielle percée médiatique et son leadership au sein du FN : en 2002, beaucoup d'autres candidats faisaient ailleurs des scores du même acabit en duel face à la gauche ou à l'UMP : dans le Pas-de-Calais, Steve Briois déjà revenu au FN (la présidentielle passant par là et laminant Mégret) faisait 32.1% dans la circonscription d'Henin et son mari Eric Iorio, dont elle est aujourd'hui divorcée, faisait 31% sur celle de Cambrin-Carvin...
Elle a vite compris qu'elle en avait pour 20 ans à espérer faire des scores remarqués en restant sur Lens...Sur la ville même de Lens, elle n'obtenait que 21% au premier (alors que le sortant PS faisait déjà 52.2%) et à peine 27.8% au second tour...Hors de portée, la ville est gérée par une main de maitre par Guy Delcourt, qui sait déjà que Jean-Claude Bois lui laissera quasi-certainement le siège en 2007 : pas de scandale, une population qui soutient son maire donc pas de terreau pour la nouvelle égérie du FN...Seule ville où sa performance a été remarquée : celle d'Harnes, où elle obtient le bon score de 39.7%...Mais dans cette ville, c'est juste un problème de mécontentement partiel vis-à -vis du maire PC qu'une adhésion pure aux valeurs du FN (la ville changera de mains du PC au PS en 2008) et puis Harnes, ça fait 15000 habitants, c'est totalement inconnu...
D'autres hésitations l'ont fait également s'intéresser, elle et ses proches, un temps à la ville de Wingles (en même temps qu'Harnes) : son mari Eric Iorio avait réalisé 27% puis surtout 39.5% des voix en 2002...Surtout, le FN-MNR n'en était pas à son coup d'essai : il avait réalisé avec Freddy Baudrin (lui aussi repassé au FN) 35% aux municipales...Mais Wingles, là encore, c'est 10000 habitants et surtout la force du FN n'était pas due à un scandale mais à un problème plus conjoncturel : non seulement, la ville avait fait l'objet d'une réflexion sur l'implantation d'une mosquée mais en plus, Marcel Cabbidu, le député-maire de la ville, était très malade et lui était donc devenu difficile d'affronter les problèmes criants de ses administrés (fermetures d'usines...).
Problème : le précédent Marie-Caroline était dans toutes les têtes et il ne fallait pas oublier que le phénomène Marine n'était donc pas inédit du fait de la médiatisation qu'avait connue sa soeur ainée sur Mantes-la-Jolie en 1997 : il fallait donc faire mieux que Marie-Caroline et surtout dissiper les a priori négatifs au FN vis-à -vis de la montée en puissance des filles du leader : Marie-Caroline avait franchi le rubicond avec son mari et rejoint en 1999 le félon Mégret...Pas facile pour Marine de prétendre dès lors succéder au père...
Un autre inconvénient a retardé son implantation dans le 62 : le leadership régional de Carl Lang : à l'époque, Marine n'était pas vraiment soutenue par son père, était encore beaucoup moins connue que lui, et avait déjà tous les principaux cadres et historiques du parti contre elle : elle devait naturellement s'incliner devant Carl Lang localement pour les régionales mais elle était de facto en mauvaise posture pour les européennes (sans compter, comme je l'ai dit, que, sans municipales prévues, elle n'avait pas d'implantation locale dans le bassin minier) : elle aspirait à autre chose qu'à une place de numéro 2 aux régionales et surtout, avec Lang et Le Rachinel en candidats naturels pour les européennes, c'était grillé pour le mandat européen : d'où le passage en 2004 par l'Ile de France...
Mais bon, l'Ile-de-France, ce n'est pas le bassin minier, et, en dehors de la Seine-Saint-Denis (et encore, pas tout le département) et quelques villes ça et là , rien à espérer niveau scores : et puis, ses scores des régionales et des européennes n'ont pas été extraordinaires...
Donc retour à la case départ, avec un Steve Briois qui a entretemps préparé le terrain et décelé la ville au potentiel : Hénin-Beaumont, ville sinistrée financièrement, institutionnellement (le préfet et la CRC intervenant mais impuissants...), économiquement et socialement : un bon cocktail pour le "tous pourris", surtout quand la gauche se déchire, ne trouve rien de mieux à faire que de soutenir le maire sortant, de lui envoyer une ancienne secrétaire d'Etat et députée européenne adepte du nomadisme électoral, de se rendre compte un peu tard que le maire a de beaux trophées (et surtout une belle cassette avec une coquette somme en liquide à l'intérieur dans son bureau...), de le lâcher et de se déchirer...Et, en ajoutant en plus de la malchance (le nouveau maire DVG élu de peu face au FN qui fait un AVC quelques mois après...), la situation idéale...
Avec cette base médiatique et ses impressionnants scores, il lui est ensuite très facile de tisser sa toile dans les communes environnantes lors des régionales 2010 : 31.6% à Harnes, 31.2% à Wingles, 27.4% à Carvin...en devançant à chaque fois de 12 à 20 points la liste de la droite parlementaire...
La droite n'a pas vraiment de stratégie dans le Nord-Pas-de-Calais, elle préfère s'entretuer en interne (rivalités Daubresse/Lazaro/Vernier pour le Nord, Flasquelle/Flajolet pour le 62) à la recherche de l'homme providentiel qui ne viendra plus ou qui s'est lassé depuis déjà bien longtemps (Borloo). Dans les quelques conseillers régionaux qu'il reste à la droite, on remarquera les profils : la seule élue du bassin minier est une jeune candidate d'ouverture dont le seul fait d'armes est d'avoir dirigé le MJS d'Hénin-Beaumont (c'est clair que c'est ça qui va rapporter des voix...), Flajolet a réussi à placer une jeune proche mais issue de son secteur...sans compter que l'arrageois Philippe Rappeneau, président du groupe UMP au conseil régional, a peut être des talents et des compétences mais il n'a pas le charisme pour rivaliser une seule seconde au conseil régional face à Marine Le Pen ou même Steve Briois...
Il suffit de voir les retransmissions ou d'assister aux séances du conseil régional pour voir à quel point il semble n'y avoir personne entre le président Percheron et son équipe et le FN...
La droite classique n'a jamais véritablement investi le bassin minier et ses seuls élus dans ce secteur sont de rares SE-DVD (Auchel, Noyelles-Godault...).
En plus, si la stratégie nordiste de l'UMP ne passe que par Lambersart ou Marcq-en-Baroeul, et que celle des centristes est de s'enfermer dans une tour d'ivoire valenciennoise, il est clair que Marine Le Pen a malheureusement tout pour prendre l'ascendant...en espérant à partir de ce moment là que la coalition PS-EELV-PC ne fasse pas de conneries...