de alamo » Mer 9 Avr 2014 18:48
Même si l'AKP a remporté les élections municipales, la coupure est devenue forte au sein d'un pays dont la situation ressemble de plus en plus à celle de l'Egypte, avec un parti islamiste apparenté aux Frères Musulmans encore relativement majoritaire bien qu'en baisse, confronté à une opposition laïque de plus en plus virulente.
Les affaires de corruption qui minent le régime sont connues, notamment depuis la publication fin février d'enregistrements illégaux dans lesquels on entendait le Premier ministre Erdogan conseiller à son fils de planquer 30 millions d’euros en liquide avant que la police ne vienne perquisitionner son domicile (genre mafieux sicilien), ce qui avait pulvérisé son image d’homme pieux et respectueux des lois.
Beaucoup moins médiatisées chez nous (et pour cause), de nouveaux enregistrements un mois plus tard où cette fois on entend le le ministre des Affaires étrangères, son adjoint, le chef-d’état-major adjoint et le chef des services secrets discuter d’une opération secrète qui serait réalisée par des agents syriens et serait attribuée à Daech (État islamique d’Irak et du Levant) pour justifier une invasion turque.
Discussions sans équivoque préparant les modalités d'un bombardement bidon que l'on pourrait attribuer à l'armée syrienne.
C'est à la suite de ces divulgations que le gouvernement turc, à la fois paniqué et furieux, a bloqué les accès à YouTube (s'attirant une certaine désapprobation internationale), menacé le chef de l’opposition, K. Kılıçdaroğlu, qui avait évoqué le complot à la télévision avant qu’il ne soit révélé, et a fait arrêter pour les mêmes raisons Aytaç, un intellectuel proche de l'islamiste Fethullah Gülen (ancien allié du régime entré en dissidence)
L'implication de l’armée turque dans la guerre en Syrie était connu, elle a encore introduit plusieurs centaines de jihadistes, il y a une semaine, à Kassab, et descendu un appareil syrien qui les pilonnait en prétendant qu'il violait l'espace aérien turc (l'été dernier, la Turquie avait déjà envoyé un de ses avions survoler la Syrie pour qu'il se fasse abattre; bien évidemment le pilote était un syrien émigré et non un Turc)
Surtout, dernièrement, de nouvelles révélations donnent à l'action turque en Syrie un aspect encore plus abject.
Un rapport de la DIA (Defense Intelligence Agency, les services de renseignement de l’armée américaine), s'appuyant sur ses propres analyses et celles des services secrets britanniques, met directement en cause les services secrets turcs dans l'attaque chimique de la Ghouta en août dernier.
Que celle-ci ait été perpétrée par les islamistes (Al-Nosra en l'occurrence, très lié au pouvoir turc), on pouvait s'en douter, mais les services américains ont vu assez tôt, semble-t-il, que la provocation criminelle avait été planifiée par la Turquie, d'où d'ailleurs le revirement subit d'Obama annonçant la consultation d'un Congrès qu'il savait majoritairement hostile au frappes, sur recommandation de son état-major.
[Ouf ! déjà , ce ne sont pas les services secrets français, c'est toujours ça...]
D'où aussi la haine croissante, envers le pouvoir, de l'opposition laïque en Turquie, qui accuse clairement Erdoğan de financer aux frais des contribuables turcs les milices d'Al-Qaïda en Syrie (il a visiblement reçu plusieurs fois le banquier de l'organisation islamiste, pourtant objet d'un mandat de recherche par l'ONU), et agitent le spectre d'un repli de tous ces mercenaires et takfiristes fanatisés en Turquie lorsqu'ils auront perdu la guerre civile.
La situation politique en Turquie est en fait beaucoup plus explosive que ne pourraient le laisser penser les résultats de dernières élections locales.