de Relique » Mer 2 Avr 2014 08:54
Ce qui me dérange avec tout ce débat sur Valls, c'est que j'ai l'impression d'avoir un vrai décalage sur le jugement du bonhomme.
Pour moi, il est plus (+) possible d'avoir un changement d'orientation (au niveau économique, social et international) avec Valls à Matignon plutôt qu'avec Ayrault, Sapin, Moscovici (évidemment), Le Drian, Fabius et même Aubry.
Les deux derniers ont une "image" de gauche dure. Pour moi elle a été façonnée par ces personnes, avec la connivence des médias. Mais Martine Aubry est très loin de la "gauche dure". Elle est social-démocrate (voire social-libérale), une enfant politique (et, pour le coup, également naturelle) de Jacques Delors, comme Hollande.
Laurent Fabius fut le 1er ministre qui suivit Pierre Mauroy. Si Mauroy a dû assumer un tournant libéral après 2 ans de gouvernance socialiste, c'est Laurent Fabius qui a ancré le Parti Socialiste dans une gouvernance libérale. C'est lui le 1er ministre qui prit part à la fuite en avant européenne.
Pour moi, Valls a deux qualités: sa jeunesse et son ambition. Parce qu'il est jeune, il n'a jamais été ministre auparavant. Il n'a pas de bilan ministériel qu'il serait obligé d'assumer jusqu'au bout. Martine Aubry a participé au gouvernement Jospin, qui fit tant de privatisations. Certes il fut un collaborateur de nombreux hommes politiques du passé, mais c'est plus anecdotique qu'un vrai bilan de ministre.
Ensuite il est ambitieux. Il ne veut pas être "cramé" par son passage à Matignon. Cet instinct de survie politique je crois est le plus à même de lui faire prendre un vrai virage si, au pied du mur, il se rend compte que la direction n'est pas la bonne. Ayrault 'n'était pas ambitieux. Il se fichait d'être "cramé" par Matignon. C'était un bon soldat. Valls a été un mini-rocardien. Il ne veut pas être cramé comme l'a été Rocard. Ou Jospin.
De plus, il y a un long papier (du Monde je crois) qui me donne un peu d'espoir. Après, il s'agit d'un papier de journal, donc il est possible que ce soit tout à fait exagéré. C'était un papier parlant du rapprochement de trois ministres: Valls, Montebourg, Hamon. Un trio que beaucoup jugeraient incompatibles (c'est la "gauche" et "la droite" du PS). Mais pour moi, qui suis un "chevènementiste" (je ne m'en cache pas, et c'est visible vues les infos que je peux recueillir et mes interventions dans certains débats du forum), je peux très bien imaginer une politique de "protection" qui vise à protéger les français au niveau économique (Montebourg protectionniste), au niveau social (Hamon et les grandes mesures de gauche sur les retraites, le chômage etc...), et au niveau 'individuel', 'sécuritaire' (Valls et le républicain légaliste qui ose parler de sécurité). Ce sont trois facettes qu'on retrouve dans une partie de la gauche dite "républicain". Il s'agit d'un alliage particulier, certes, mais existant, et (ça c'est une opinion très personnelle) qui a je pense un certain écho chez les français.
Cette idée de rapprochement a été un peu confirmée dans les faits par le soutien immédiat de Montebourg et le silence d'Hamon alors que ses (anciennes ?) troupes parlent beaucoup. C'est maigre comme confirmation, je l'admets volontiers.
C'est pourquoi je pense aujourd'hui qu'il y a plus (+) de possibilité que Valls soit un Premier ministre qui, arrivé à un certain point, conseille au président un changement de cap radical. Avec la mise en place d'un rapport de force en Europe. Il est capable, je pense, de s'allier avec Matteo Renzi, par exemple. Ils sont de la même génération, viennent tous deux de la "droite" de leur parti, et sont ambitieux. Ils sont surtout tous les deux des pragmatiques.
Après, personnellement, j'aurais préféré qu'Hollande prononce un discours disant qu'il fallait créer un rapport de force en UE pour sauver l'industre française et "euro-méditérannéenne", et nomme Montebourg à Matignon. Mais on ne peut pas tout avoir non plus.
Et il est fort possible que, comme Rocard, comme Jospin, Valls soit cramé par Matignon, qu'il suive la direction social-libérale de Hollande, que ce rapprochement ne visait qu'à être installé à Matignon et qu'ensuite, il mènera la politique qu'il souhaite mener depuis des années... En politique, rien est certain.