La mort annoncée du réseau social de l'UMPLEMONDE.FR | 28.12.10 | 16h11 • Mis à jour le 28.12.10 | 16h19
"Les créateurs de possibles", le réseau social lancé par l'UMP en janvier 2010, aura disparu fin janvier 2011, selon Le Parisien. Annoncée depuis plusieurs semaines, cette mort programmée, non confirmée par l'UMP pour l'heure, ferait suite à l'audit désastreux lancé par Jean-François Copé, le nouveau patron du parti présidentiel, à son arrivée à la tête du parti.
Inspiré par la campagne Obama de 2008, "les créateurs de possibles" devaient fédérer les militants et sympathisants du parti présidentiel en leur permettant de faire remonter leurs propositions. Pensé par les publicitaires proches de l'UMP Christophe Lambert et Yves Meulien, le site a été conçu par l'agence Isobar, propriété du groupe Aegis, en charge de la communication en ligne du gouvernement. Pour un coût total de 250 000 euros (665 000 euros en incluant la refonte du site de l'UMP), le réseau devait être le pendant de celui du PS, la CooPol, lancé au même moment. Le parti visait le million d'inscrits à moyen terme.
UN MILLION D'EUROS, 15 000 INSCRITS
C'est raté. En ajoutant les coûts d'animation et de fonctionnement (300 000 euros), la plateforme aurait coûté, en un an, plus d'un million d'euros, pour à peine 15 000 membres inscrits, dont une immense majorité n'a aucune activité sur le site. "Le rapport coût/efficacité est discutable", reconnaissait début décembre le nouveau trésorier de l'UMP, Dominique Dord, en pleine recherche d'économies pour ramener les comptes du parti à l'équilibre.
Les dernières initiatives déposées sur le site n'attirent pas les foules : qu'il s'agisse de "démocratiser les formations de secourisme", de "mettre fin à l'hémorragie des divorces" ou de "rétablir le service national", moins d'une dizaine de personnes se sont inscrites. Même le "groupe de soutien à Nicolas Sarkozy", en ligne depuis le lancement, peine à réunir 488 personnes. Quant aux propositions locales, il n'y en a aucune sur la carte qu'affiche le site.
L'un des promoteurs des "créateurs", Benoist Apparu, le reconnaît sur Rue89 : "L'ambition n'a pas a été atteinte. Nous avions une intuition : faire un outil pour que les gens s'engagent en politique par Internet. Est-ce que c'est l'analyse qui était fausse ? Les outils ? Je ne sais pas. Mais quand une initiative ne marche pas, il faut savoir en tirer les conséquences."
UN "PROJET PHARE" POUR L'UMP
Reste à comprendre les raisons de cet échec, d'autant plus retentissant que l'UMP avait mis beaucoup de moyens dans ce réseau, piloté en partie par Nathalie Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d'Etat au numérique, et Benoist Apparu, chargé du numérique dans le parti. En janvier, quelques jours avant le lancement, l'UMP invitait quelques acteurs reconnus du web pour en dévoiler les ambitions, élevées. Il s'agissait alors de construire le volet citoyen de la présence en ligne du parti majoritaire, autour de l'idée que chacun pouvait proposer une initiative et s'organiser pour la mettre en place. D'où le choix, assumé, de ne pas doter les "créateurs de possibles" des outils classiques du réseau social, comme une page "profil" personnelle pour chaque membre.
Là où le PS mettait en place, avec sa CooPol, un outil destiné avant tout à ses militants, l'UMP cherchait à construire un outil de dialogue direct avec l'opinion, distinct du parti, dont le logo n'apparaissait d'ailleurs pas sur le site. "Nous sommes allés beaucoup plus loin que Barack Obama. Ce que nous proposons aux Français, c'est qu'ils soient acteurs des changements dans leur ville, leur région, leur pays", expliquait Benoist Apparu en septembre 2009. Il insistait sur l'audace du "projet phare de la stratégie de modernisation du mouvement populaire", comme l'avait décrit Xavier Bertrand, qui devait constituer le point d'entrée de l'UMP sur Internet pour 2012.
A l'époque, la principale crainte était celle d'un parasitage du site par des opposants qui y déposeraient des initiatives farfelues. Une crainte justifiée, mais qui n'était rien par rapport au peu d'enthousiasme des supporters du parti présidentiel pour le site. A peine un mois après son lancement, l'UMP revendique seulement 7 000 inscrits. Et, comme le révèle Le Parisien, des consignes sont données pour faire monter les chiffres. Benjamin Lancar, le président des Jeunes Populaires du parti, envoie ainsi un mail à tous ses responsables départementaux, les sommant de s'inscrire aux "créateurs", sous peine d'être "démis de leurs fonctions". Une consigne venue, selon lui, de Xavier Bertrand.
UNE QUESTION DE "SOCIOLOGIE" ?
Rien n'y fait. Les militants et sympathisants UMP boudent toujours le site, malgré les améliorations apportées au fil des semaines et les relances du parti. Même avec l'échéance électorale des régionales, l'audience stagne. En juin, le site n'a enregistré que 139 000 visiteurs uniques depuis son lancement . Au point que l'UMP et l'Elysée envisagent sa suppression.
Les "créateurs" obtiennent un répit alors que l'UMP se réorganise en "web agency" interne. Benoist Apparu pointe alors la nécessité de mieux animer le réseau social. D'autres, comme Arnaud Dassier, co-organisateur de la e-campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, estiment que le concept même des "créateurs" est mauvais. Au-delà , c'est toute la stratégie de communication mise en place par le patron de l'UMP d'alors, Xavier Bertrand, qui est dans le collimateur de Jean-François Copé.
Lorsqu'il obtient sa place, le député-maire de Meaux ne fait plus mystère de ses intentions de supprimer les "créateurs", "un échec retentissant" selon lui. Une volonté qui correspond à celle de l'Elysée : inquiet de l'hostilité qu'il suscite sur Internet, Nicolas Sarkozy semble décidé à changer d'approche. L'UMP mise désormais sur la mobilisation de ses militants, incités à aller défendre leur parti sur les réseaux sociaux existant, Facebook, Twitter... Le chef de l'Etat reçoit, début décembre à l'Elysée, une brochette de "blogueurs influents" et d'entrepreneurs du web, pour enterrer la hache de guerre.
Côté stratégie web, une réflexion va être entreprise dès janvier 2011. Jean-François Copé compte sur son ami le "communiquant" Bastien Millot, pour réorganiser les choses. Interrogé par le Jdd.fr, celui-ci explique que "la sociologie des militants UMP n'est pas la même" que celle de leurs adversaires socialistes. Moins habitués aux débats internes, sans doute moins nombreux à être actifs sur le web, les sympathisants et militants du parti présidentiel n'auraient pas vu d'intérêt à un site de propositions. Le parti devrait désormais revenir à un outil interne à destination de ses cadres, et se contenter de son site officiel et des réseaux sociaux existants.
PS : succès mitigé pour la "CooPol"
Adversaire des "créateurs de possibles", la Coopol du PS, lancée quelque jours après le réseau de l'UMP, s'en sort un peu mieux, sans connaître de succès fracassant : la plateforme, ouverte à tous mais destinée aux sympathisants et militants du parti avant tout, elle revendique plus de 30 000 membres et 2 200 groupes. Mardi 28 décembre, la page dédiée aux initiatives locales en recense plus de 30.
Pour autant, le nombre de 30 000 membres, sur 178 000 militants PS et plusieurs millions de sympathisants socialistes, ne constitue pas non plus un franc succès d'audience. Le PS rétorque que là n'est pas son objectif et que la CooPol est avant tout une boîte à outils destinée à aider ses militants à s'organiser d'ici à 2012.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/12/28/la-mort-annoncee-du-reseau-social-de-l-ump_1458360_823448.html#ens_id=1458547