Dans la suite de notre tour d’horizon alto-séquanais … Je vous propose de nous arrêter sur la ville de
Colombes, située dans la 1ère circonscription des Hauts-de-Seine, comptant aujourd’hui près de
86 000 habitants et qui constitue l’un des espoirs de reconquête de la droite aux élections municipales des 23 et 30 mars prochains. Sociologiquement de gauche, cette ville a toutefois connu
trois maires de droite après 1945.
Voici la liste des maires qui se sont succédés depuis 1945 :
Pierre Boussugue (PCF) d’avril 1945 à octobre 1947.
Paul Bouchu (RPF – Rassemblement du Peuple Français) d’octobre 1947 à mars 1959.
Marcelle Devaud (PRL – Parti Républicain de la Liberté, puis gaulliste RPF, UNR) de mars 1959 à mars 1965. Elle fut également sénatrice de la Seine de 1946 à 1958 et vice-présidente du Conseil de la République, puis députée de la 36ème circonscription de la Seine (Colombes, Gennevilliers ; future 1ère des Hauts-de-Seine) de 1958 à 1962, avant d’être battue par Waldeck L’Huillier, maire PCF de Gennevilliers lequel conserve cette députation jusqu’en 1978. Marcelle Devaud perd la Mairie de Colombes en mars 1965, face au communiste Dominique Frelaut et siège ensuite au Conseil économique et social jusqu’en 1979.
Dominique Frélaut (PCF) de 1965 à 2001. Il fut député de la 3ème circonscription des Hauts-de-Seine de 1973 à 1986 (Bois-Colombes à l’époque), puis de la 1ère circonscription (redécoupée après 1988 : Colombes, Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne) d’octobre 2001 à juin 2002, en remplacement de Jacques Brunhes (successeur de W. L’Huillier à partir de 1978), nommé membre du Gouvernement Jospin.
Nicole Gouéta (RPR, puis DVD, puis UMP) de mars 2001 à mars 2008, dont nous reparlons plus loin.
Philippe Sarre (PS) depuis mars 2008, dont nous reparleront également.
En outre, il est à noter que
le premier Président du Conseil général des Hauts-de-Seine était originaire de Colombes. En effet,
Pierre Lagravère (Centre Démocrate, héritier du MRP), 1er adjoint de Marcelle Devaud à la Mairie de Colombes de 1959 à 1965, préside l’Assemblée départementale d’octobre 1967 à mars 1970. Il reste à ce jour, le seul centriste (et le seul président non issu de la mouvance gaulliste) à avoir exercé cette fonction.
Pour mars 2014 : Quelles sont les forces en présence à cinq mois du scrutin ? …
… Et penchons-nous sur le parcours « colombien » des 3 candidats déclarés à ce jour !
Philippe Sarre (
PS, 62 ans),
maire sortant de Colombes depuis mars 2008 (élu au 2nd tour avec 53,60 % des voix),
brigue un deuxième mandat.
Instituteur, puis directeur d’école de profession, il a longtemps milité à la CFDT avant d’endosser une carrière politique. Adhérent du PS à partir de 1991, il est élu pour la première fois au Conseil municipal de Colombes en juin 1995, sur la liste d’union de la gauche conduite par Dominique Frelaut et devient adjoint à l’enfance. En 2001, la ville bascule à droite au profit de Nicole Gouéta et Philippe Sarre se retrouve alors conseiller municipal d’opposition, avant de reprendre la mairie en mars 2008 à la tête d’une nouvelle liste d’union de la gauche. Entre temps, il avait été élu conseiller général du canton de Colombes-nord-Ouest en mars 2004 ; mandat dont il se démet en décembre 2008 pour se consacrer entièrement à sa fonction de maire. Bernard Lucas (PS) lui a succédé lors d’une élection cantonale partielle en mars 2009.
Nicole Gouéta (
UMP, 76 ans),
conseillère municipale d’opposition depuis 2008, ancien maire de Colombes (2001-2008),
conseillère générale du canton de Colombes-sud depuis 2001, repart au combat. Elle a été investie le 15 septembre dernier par l’UMP, dans le cadre d’une primaire ouverte (mais aussi fratricide) face à son ancien adjoint Lionel Rainfray avec lequel elle entretient de très mauvaises relations.
Nicole Gouéta a un long parcours politique derrière elle. Lancée en 1981 après l’élection de François Mitterrand, elle adhère au RPR et s’engage par ailleurs au sein de l’Association Femmes Libertés (AFL) fondée la même année pour promouvoir les femmes en politiques à droite. Entrée au Conseil municipal de Colombes lors des élections municipales de mars 1983, elle siège dans l’opposition pendant 18 ans.
Pour s’imposer dans le paysage politique des Hauts-de-Seine, Nicole Gouéta a dû batailler ferme. Lors des élections municipales de juin 1995, elle décide de conduire une liste dissidente face à celle investie par le RPR et l’UDF derrière Alain Aubert, conseiller général RPR du canton de Colombes-sud (depuis 1982) et éternel adversaire (depuis 1977) du communiste Dominique Frélaut. Indépendante, Gouéta préfère alors être exclue de son parti, plutôt que de perdre une fois encore avec celui qu'elle soutient depuis 12 ans. Forte des 16,65 % des voix obtenus par sa liste au 1er tour, son concurrent Alain Aubert, avec seulement 25,16 % des voix, se voit contraint d’accepter dans la douleur la fusion des deux listes. Mais la qualification au 2nd tour de la liste FN, conduite par Jean-Yves Le Gallou, qui remporte 10,09 % des voix, permet à Dominique Frélaut de rempiler pour un sixième mandat avec 45,78 % des voix contre 44,13 % pour le tandem Aubert-Gouéta. Entre-temps, Frelaut avait bénéficié pour le 2nd tour du ralliement de son adjoint Vert (et rebelle), Dominique Frager, qui avait conduit sa propre liste au 1er.
Six ans plus tard, lors des élections municipales de mars 2001, Nicole Gouéta, qui a entre-temps rejoint le RPF (Rassemblement pour la France ; scission du RPR après les élections européennes de 1999), remporte la Mairie de Colombes au 2nd tour avec 53,10 des voix, à la tête d’une liste de rassemblement RPF-RPR-UDF-DL et en battant celle de Dominique Frélaut (46,90 %) qui conduisait celle de la « Gauche Plurielle » PCF-PS-Verts-PRG-MDC. La nouvelle maire est également élue, le même jour, conseillère générale du canton sud de la ville, succédant à Alain Aubert, empêché de se représenter en raison de ses démêlés judiciaires. Mais cette victoire, bien que facilitée par l’élimination du FN dès le 1er tour, ne fut pas acquise sans difficultés. En effet, la droite était à nouveau partie divisée au 1er tour, Gouéta conduisant une liste RPF-DL qui obtint 20,79 % des voix, alors qu’Arnold Bauer (RPR) en menait une autre, unie avec l’UDF, et réalisait 19,80 % des suffrages. Après une fusion victorieuse des listes, Arnold Bauer devient 1er adjoint de la nouvelle maire Nicole Gouéta.
Battue aux élections municipales de 2008 par le socialiste Philippe Sarre, Nicole Gouéta conserve néanmoins son mandat au Conseil général. Elle est vice-présidente de l’Assemblée départementale de juin 2007 à mars 2011.
Laurent Trupin (
MoDem),
conseiller municipal d’opposition depuis mars 2008, conduira à nouveau une liste en mars prochain (MoDem ou société civile ?). En 2008, sa liste avait recueilli 8,60 % des voix et avait, sans succès, fusionné avec celle de Nicole Gouéta. Diplômé de l’ESCP et de l’IEP de Paris, énarque, il est Inspecteur des finances en 1989, puis Directeur des Relations Economiques Extérieures (DREE) en 1993. L’année suivante, il prend la tête des services d’expansion économique en Argentine, puis en 1999, il rejoint le Groupe Carrefour comme directeur de Carrefour Parinor (Aulnay-sous-Bois). En octobre 2004, il devient directeur général de l’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII) et depuis octobre 2007, il est consultant indépendant.
Source : son site de campagne
http://www.trupin2014.fr/ Dans quel « état d’esprit » se trouvent chacun des camps ? Le « passé » aura-t-il un impact sur le résultat en mars prochain ? L’impopularité du Gouvernement ne facilite guère une réélection de Philippe Sarre, dont le bilan et l’action comme maire semblent assez critiqués. En outre,
Philippe Sarre gère la ville avec une équipe en grande partie héritée des années Frelaut depuis les années 1990 : Maurice Lobry (PS), 1er adjoint ; Michèle Fritsch (PCF), 2ème adjointe et conseillère générale ; Dominique Frager (EELV), adjoint ; Michèle Etcheberry (PS), adjointe et conseillère régionale ; … et de nombreux conseillers municipaux.
Un net renouvellement s’impose.
Nicole Gouéta est présente dans le paysage politique colombien depuis plus de 30 ans. Comme Philippe Sarre, elle doit impérativement renouveler ses équipes et surtout rassembler son camp … ce qui n’est pas gagné.
1ère difficulté : la primaire ouverte, disputée avec son ancien adjoint, Lionel Rainfray, aujourd’hui conseiller d’opposition avec elle, a laissé d’énormes cicatrices. Sauf miracle, tous deux semblent pour l’heure irréconciliables. Qui sait si Rainfray ne cherchera pas à la faire perdre, pour mieux préparer l’avenir ?
2ème difficulté : ses relations avec son ex-premier adjoint Arnold Bauer, également élu avec elle dans l’opposition aujourd’hui et qui conserve encore de bons réseaux, n’ont jamais été au beau fixe. De tempérament très différents, elle est une femme de dossier, lui un homme de terrain. Leur tandem a laissé passer de nombreux couacs pendant la mandature 2001-2008. Arnold Bauer jouera-t-il loyalement la carte Gouéta ? A suivre …
3ème difficulté : la droite colombienne n’est pas assez implantée dans les quartiers nord de la ville. Les deux cantons nord (est et ouest) ont toujours élu un conseiller général de gauche. C’est la forte abstention dans ces quartiers, aux élections municipales de 2001, qui avait favorisé l’élection de Nicole Gouéta, alors qu’en 2008 leur mobilisation a fait pencher la balance du côté de Philippe Sarre.
4ème difficulté : elle a trop de soutiens encombrants ... Manuel Aeschlimann, Joëlle Ceccaldi Raynaud, Patrick Balkany, ... je m'arrêterai là car la liste est ... très longue ...
Laurent Trupin sera-t-il la surprise de cette élection municipale ? Il est trop pour le dire mais … Les Colombiens semblent lassés des duels classiques gauche/droite entre les mêmes personnalités depuis près de 20 ans. Venant davantage de la société civile, seul candidat ayant une réelle expérience en entreprise, Laurent Trupin peut incarner un nouvel élan sur la ville. Il peut bénéficier de l’essoufflement de l’équipe Sarre, qui a déçu les habitants des quartiers nord (et où Trupin se rend régulièrement) et de l’usure de Gouéta. En ce sens, la victoire de cette dernière sur Lionel Rainfray à la primaire UMP en septembre est un atout pour lui.
Autres inconnues :
On ne connait pas encore la tête de liste du FN. Y en aura-t-il une ? Depuis le retrait de Jean-Yves Le Gallou de la vie politique en 2003, le FN n’a pas trouvé de tête d’affiche charismatique.
Que fera le Front de Gauche ? Compte tenu de son opposition féroce au Gouvernement à l’échelle nationale, la logique voudrait qu’il présente une liste. Mais il a perdu la circonscription aux législatives de juin 2012. En effet, après avoir été devancé au 1er tour, le député sortant PCF Roland Muzeau (élu de Gennevilliers) a du se retirer au 2nd, en faveur d’Alexis Bachelay (PS), adjoint au maire de Colombes dans l’équipe de Philippe Sarre.
Par ailleurs, le PCF ne détient plus qu’un seul siège au Conseil Général : celui de Michèle Fritsch (61 ans) élue depuis … mars 1985 dans le canton de Colombes-nord-est et 2ème adjointe au maire dans l’équipe de Philippe Sarre.
Et EELV ? La réponse semble plus simple car Colombes n’est pas un bastion des Verts. Leur candidat a obtenu 2,09 % des voix sur la ville aux dernières législatives. En outre leur chef de file, Dominique Frager, toujours adjoint au maire, n’est plus très influent. Mais qui sait d’ici mars …
Ainsi pour mars 2014, les paris pronostiques restent plus que jamais ouverts … le sursaut Sarre ? Gouéta 2 le retour ? La surprise Trupin ? Un séisme ?