Jean-Philippe a écrit:
Sur les 9 Länder, voici les partis au gouvernement local (avec le nombre de sièges de chacun) :
Basse-Autriche (autour de Vienne) : ÖVP (30 sur 56), SPÖ (13) et Stronach (5) (je ne comprends pas pourquoi l'ÖVP ne gouverne pas seul)
Tout simplement parce que ce bastion de l'ÖVP voit traditionnellement sa vie politique articulée autour du principe du
Proporz, une notion de gouvernement consensuel où chaque parti est représenté au gouvernement, s'il le souhaite, a due proportion de ses voix ou de ses sièges (il y a parfois un minimum de sièges à obtenir pour pouvoir prétendre à cette représentation gouvernementale, soit par le biais d'une règle écrite ou d'une formule mathématique, soit de manière coutumière/circonstancielle).
C'est un principe qui a structuré la vie politique durant les vingt premières années de la République (avec des gouvernements de grande coalition ÖVP-SPÖ avec le KPÖ et le VdU/FPÖ comme semblant d'opposition), et beaucoup plus durablement l'économie, l'enseignement et la haute administration, où la plupart des postes ont longtemps été attribués en fonction de ce principe, faisant dériver celui-ci d'une doctrine de consensus à la pratique d'un népotisme/copinage politique à la fois institutionnalisé et camouflé sous des principes de bonne gouvernance.
C'était l'une des failles de la trop tranquille société autrichienne dans laquelle Jörg Haider a su s'engouffrer à la fin des années 80, cela d'autant plus facilement que son parti avait été très peu aux affaires et n'était concerné qu'à la marge par le principe du Proporz, tant gouvernemental qu'administratif.
De fait, la décrispation provoquée par l'irruption de Haider sur une scène politique empesée, puis la crispation qui s'ensuivit avec l'émergence de blocs aux positions beaucoup plus radicales, voire antagonistes que par le passé (même s'ils gouvernent toujours ensemble si les circonstances l'exigent) a contribué à remettre en cause le Proporz. Si, lenteur du renouvellement générationnel oblige, il tend à disparaitre (lentement mais pas totalement) de la haute administration, il subsiste parfois au niveau local dans le domaine politique, soit de manière traditionnelle (c'est en principe le cas en Basse et Haute-Autriche, en Carinthie, en Styrie et au Burgenland, mais ce n'est pas automatique dans ce dernier), soit en fonction du contexte.
Au demeurant, le gouvernement majoritaire monocolore est une denrée rare en Autriche, du moins au niveau des Länder: Proporz ou coalitions élargies lui sont presque toujours préférés. Pour autant, le principe du Proporz n'empêche pas la conclusion d'accords programmatiques de mandature entre plusieurs forces. C'est ainsi que contrairement à ce qu'indique Jean-Philippe, le gouvernement de Haute-Autriche comporte des membres de l'ÖVP, du SPÖ, du FPÖ et des Verts, conformément au principe proportionnel. En revanche, il y a effectivement un accord de majorité entre l'ÖVP et les Verts.
Au niveau national, l'ÖVP a mis fin au principe (incomplet, puisque le FPÖ et ses 5% restaient à la porte) en 1966, imitée par le SPÖ pendant les années de pouvoir de Bruno Kreisky (1970-83), avant que les résultats électoraux ne contraignent les deux grands partis à revenir à des accords de coalition plus classiques, au caractère plus politiques et couvrant un spectre politique moins large dans les Länder (1983-86: SPÖ/FPÖ, 1986-99: SPÖ/ÖVP, 2000-07: ÖVP/FPÖ, puis ÖVP/BZÖ, 2008-2013: SPÖ/ÖVP).
Enfin, notons une spécificité autrichienne qui vient s'ajouter aux Ampel, Jamaïka et Bahamas-Coalition du voisin allemand: la Kenia-Koalition, c'est à dire l'accord de majorité Noire (ÖVP)/Rouge (SPÖ)/Verts mis en place en Carinthie après la défaite relative du FPÖ orphelin de son leader et potentat local Jörg Haider... ce qui n'y a pas empêché le maintien du Proporz dans ses grandes lignes.