Xavier Bertrand, ou comment détruire le premier parti de France Laureline Dupont - Marianne | Mercredi 20 Octobre 2010 à 05:01
Depuis qu'il est secrétaire général de l'UMP, l'ex chouchou de Sarkozy s'échine à réduire en miettes le joujou présidentiel. Comment a-t-il méthodiquement, en un an tout pile, transformé l'UMP en parti fantôme, vidé de sa substance et de ses adhérents? Alors que Nicolas Sarkozy rêve déjà de son prochain sacre, son ancien favori Xavier Bertrand espère juste ne pas être éjecté de son poste ingrat de secrétaire général de l'UMP lors du remaniement automnal. Car pendant que les arbres perdent leurs feuilles, Bertrand subit, lui, une chute de popularité. Concurrencé par le patron des députés UMP, Jean-François Copé, qui ne cache même plus qu'il brigue la tête du parti, le nouveau maire de Saint-Quentin ne sait plus à quel saint se vouer. En prenant les rênes de l'UMP en janvier 2009, il avait promis un grand chambardement : lancement d'un réseau social, croissance express du nombre d'adhérents d'ici 2012, déménagement du siège du parti, voilà pour le programme. Ambitieux. Sa réalisation en revanche se révèle plus modeste.
Le flirt UMP/PCC«L'UMP doit donner une autre image de la politique et s'ouvrir à toutes les bonnes idées.» Quand Xavier Bertrand a prononcé cette phrase devant le conseil national de l'UMP, les membres du parti présidentiel étaient loin d'imaginer à quelles «bonnes idées» leur nouveau secrétaire général allait les confronter. Quelques mois après son intronisation, le député de l'Aisne les mettait sur la voie en signant un protocole entre l'UMP et le Parti communiste chinois. Si dans l'esprit de Xavier Bertrand s'ouvrir à toutes les bonnes idées signifie se jumeler avec le plus grand parti totalitaire du monde, les élus UMP n'envisagent pas les choses sous cet angle. Pas du tout. Premier à dégainer: Lionnel Luca. Le député des Alpes-Maritimes adresse le 23 octobre 2009 un courrier au secrétaire général de l'UMP dans lequel il déclare «vouloir prendre congé de l'UMP pour son fonctionnement interne auquel il ne saura participer dans ces conditions», argumentant que «On n'a pas à s'afficher du côté des tyrans. Le PCC est un parti totalitaire avec la responsabilité de millions de victimes innocentes en Chine».
Devant la levée de boucliers dans les rangs des parlementaires UMP, Bertrand finit par organiser une réunion de rattrapage à l'Assemblée.
Buzz ratésDeuxième accroc à la renommée du parti majoritaire : les traces indélébiles qu'il laisse sur la Toile. Il y a d'abord eu le fameux lipdub mettant en scène ministres et militants poussant la chansonnette (en playback) main dans la main. Cet épisode pathétique a laissé un goût amer dans la bouche de certains ministres participants. Si la faute a été imputée à Benjamin Lancar, président des Jeunes populaires, il n'en reste pas moins que le secrétaire général de l'UMP avait donné son accord pour le tournage du clip le plus ridicule de l'année 2009.
Puis, en janvier 2010, à peine remise du lipdub, l'UMP doit faire face au lancement raté du tant attendu réseau social, Les créateurs de possible. Pourtant, Xavier Bertrand avait mis le paquet. 500 000 euros de budget, un an de préparation, ce qui devait être «le projet phare de la modernisation du parti», selon les mots du secrétaire général s'est soldé par un échec. Alors que Benoist Apparu, responsable du projet, affirmait dans les colonnes du Monde que le site comptait déjà 60 000 membres au bout d'une journée de mise en ligne, le site indiquait, lui, 1500 inscrits. Le secrétaire d'Etat au Logement avait confondu les pages vues et le nombre d'inscriptions. L'erreur est humaine. Aujourd'hui, le «réseau citoyen» regroupe 16 000 personnes, selon sa page d'accueil.
Fuite des adhérentsPeu importe le nombre d'inscrits sur Internet, Bertrand entend battre les records d'adhésions réelles et non virtuelles au parti. Pour ajouter un peu de défi à une tache déjà ardue, il profite de son passage début janvier sur le plateau de la Matinale de Canal+ pour fanfaronner : «Nous allons faire une opération transparence totale : le nombre d'adhérents dans chacun des départements. Et je dis à toutes les formations politiques de France : chiche, tout le monde joue carte sur tables». Le problème avec ce genre d'annonce, c'est qu'on risque gros pour une minute de gloire télévisuelle. Dans sa lancée, Bertrand brandit fièrement le chiffre de «250 000 adhérents» en janvier 2010. Le hic ? Ils étaient 270 000 en janvier 2009. La mémoire des chiffres, on l'a ou on ne l'a pas. Bertrand ne l'a pas. C'est peut-être pour cela qu'il garde le moral. Car au total, plus de 63 000 adhérents n'auraient pas repris leur carte entre 2009 et 2010.
Une hémorragie que d'aucuns expliquent par un manque de dynamisme du parti majoritaire. «Le rôle d'un parti c'est d'animer le débat et de faire des propositions qui lui soient propres, martèle un responsable politique de l'UMP. Sur les retraites, on aurait pu animer le débat, organiser une contre manif, faire des débats contradictoires avec les partenaires sociaux, avec le PS, au lieu de ça on se contente d'applaudir le gouvernement et Bertrand se borne à lyncher publiquement le PS et ses responsables.»
Copé propose, Bertrand attend Pendant que les critiques pleuvent sur le secrétaire général de l'UMP jugé trop «obéissant» par certains, d'autres au contraire fédèrent avec énergie. Jean-François Copé, qui entend bien décrocher le poste de secrétaire général lors du prochain remaniement, réunit son club Génération France à coup de forums et de débats. But de la manoeuvre: donner la parole aux élus et à la société civile pour se poser en force de proposition crédible. Le patron des députés l'a bien compris, le costume de simple soutien du gouvernement endossé par Xavier Bertrand agace de plus en plus la majorité.
Selon Bernard Reynès, député des Bouches-du-Rhône et soutien de Copé, «le parti n'est pas une simple caisse d'enregistrement, il doit aussi être l'expression des militants». C'est bien là le problème: les militants, justement, n'ont pas leur mot à dire dans «l'élection» du secrétaire général désigné par le président de la République et ensuite ratifiée par le bureau national. Or depuis quelques mois, Bertrand doit faire face à la montée au créneau de plusieurs personnalités politiques, comme Valérie Pécresse, qui militent en faveur d'une élection par la base du secrétaire général du parti. Une proposition que rejette le premier concerné. Au regard de son bilan après dix-huit mois passés à la tête du parti, difficile de croire que les militants UMP voteraient pour lui. Au moins, même dans l'adversité, Xavier Bertrand reste lucide.
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