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Elections municipales de 1935

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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Mar 28 Aoû 2012 01:53

Pour que chacun ne soit pas tout à fait perdu dans la géographie électorale parisienne, quelques éclaircissements, toujours nécessaires, sur le découpage électoral de la capitale tel qu'il existait en mai 1935.

A noter que la plus récente modification de ce découpage provenait de la stricte application de la loi du 10 avril 1935 (autant dire qu'à l'époque, malgré la moindre qualité des modes de communication, on ne semblait pas s'embarrasser des contraintes de temps entre le moment où l'on fixait les règles de l'élection et le moment où elles venaient à s'appliquer), et qu'elle prenait notamment en compte l'ajout de dix nouveaux sièges au sein du conseil municipal.

Ce qui, bien entendu, avait quelque importance puisque l'ensemble des membres du conseil de Paris étaient également membres du conseil général de la Seine, avec cinquante élus issus des communes de banlieue, au sein des arrondissements de Saint Denis et Sceaux, les deux autres du département.

La loi d'avril 1935 prévoyait d'ailleurs d'autres mesures, notamment que le nombre de membres du conseil général de la Seine soit d'une part fixé à 140, et que, d'autre part, l'évolution démographique des différentes villes du département (à commencer par Paris et ses arrondissements) devait conditionner la répartition ultérieure des élus entre Paris et banlieue.

Le dernier alinéa de l'article 6 de cette loi précisait cependant que les arrondissements parisiens ne pouvaient être représentés par moins de deux élus et la ville de Paris par moins de quatre vingts conseillers généraux.

Je n'insiste pas sur le fait que le nombre des élus parisiens, dans le détail des résultats dont il a été fait état jusqu'ici, était, dès 1935, assez nettement éloigné d'une juste représentation de la population résidente.

Le candidat URD Béquet fut réélu dans le quartier Vivienne (II e arrondissement) avec 664 voix, quand le candidat sortant du Bloc ouvrier et paysan Taillard, réélu à Picpus (XIIe arrondissement) eût besoin de 6 868 voix (soit dix fois plus) pour cela...

Bon, un détour sur la question du découpage de Paris (et de la banlieue en prime), selon la loi d'avril 1935.

Je vous fais évidemment grâce des arrondissements où aucun découpage nouveau n'intervint (en l'espèce, les dix premiers mais aussi les douzième, treizième et dix neuvième arrondissements), et où ce furent les quatre quartiers administratifs du découpage Haussmann qui servirent de base, comme nous l'avons vu, à la fixation des secteurs électoraux.

Dans le onzième arrondissement, le quartier de la Roquette fut divisé en deux circonscriptions.

La limite en était fort simple : l'axe Nord Ouest/Sud Est de la rue de la Roquette, délimitant deux sièges peuplés officiellement de 31 460 et 41 803 habitants.
La distinction se faisait évidemment entre la partie du quartier située au Nord et comprenant, entre autres, les locaux de la mairie d'arrondissement (actuelle place Léon Blum) et le square de la Roquette d'une part, et d'autre part, de la partie du quartier où résidait une importante communauté juive (avenue Ledru Rollin) et celle plus proche de la place de la Bastille, dans un quartier assez « canaille «  de la capitale, comprenant notamment la rue de Lappe.

Le découpage du quartier Plaisance dans le quatorzième arrondissement se fit tout aussi simplement : le premier siège se déterminait au Nord de la rue d'Alésia et le second au Sud de la même voie, définissant deux circonscriptions peuplées de 49 430 et 38 360 habitants, respectivement.

Le Nord de la rue d'Alésia, pour Plaisance, définit en fait surtout le secteur du quartier proche de la Gare Montparnasse, tandis que le Sud, limité par le boulevard Brune, recouvre notamment les emprises des hôpitaux Saint Joseph et Broussais.

Dans le quinzième arrondissement, le quartier Saint Lambert fut ainsi partagé :

Première circonscription située à l'Ouest de la rue de Vaugirard, au Sud de la rue de la Convention, à l'Ouest de la rue Olivier de Serres et de l'avenue de la Porte de la Plaine, soit 47 913 résidents.

La seconde circonscription, à la surprise générale (non ?!) se situait à l'Est de la rue de Vaugirard, au Nord de la rue de la Convention, à l'Est de la rue Olivier de Serres et de l'avenue de la Porte de la Plaine, soit 39 520 résidents.

En fait, la première circonscription courait jusqu'à la Porte de Versailles et au Palais des Sports construit en 1923, tandis que la deuxième était, de fait, centrée autour des abattoirs de Vaugirard, dont l'emplacement est aujourd'hui occupé par le parc Georges Brassens.

On notera que le quartier Saint Lambert, le plus peuplé actuellement des quartiers parisiens, correspondait, de fait, avant l'annexion, au territoire de l'ancien village de Vaugirard.

A tel point qu'Adolphe Chérioux, l'un des élus historiques du Conseil de Paris et du quartier (nous en reparlerons peut être) était déclaré né à Vaugirard en 1854...

Le quartier Necker, pour sa part, fut ainsi partagé :

Première circonscription : partie située au Nord Ouest de la rue de Vaugirard, du boulevard Pasteur et de l'avenue de Suffren, soit 28 921 résidents.

Ce qui correspond, pour aller vite, d'une part au secteur situé au coeur de l'arrondissement et proche de l'Ecole Militaire, comprise en gros dans le triangle des métros Cambronne, Vaugirard et Pasteur.

La seconde circonscription se situait évidemment au Sud Est de cette ligne, et comptait 31 384 résidents.

Cette circonscription comprenait l'emprise des voies ferrées et de la gare Montparnasse ainsi que celle de l'Institut Pasteur et de l'hôpital Necker Enfants Malades.

Dans le seizième arrondissement, le quartier d'Auteuil fut partagé de la sorte

Première circonscription : partie située au Sud des rues de l'Amiral Cloué, Mirabeau, Molitor et de la Porte Molitor, soit 31 547 résidents.

La seconde circonscription consistait évidemment dans la partie Nord du quartier d'Auteuil, soit 34 315 résidents.

Le partage se fit donc entre l'Auteuil du secteur du Parc des Princes et celui compris entre l'Hippodrome éponyme et l'actuelle Maison de Radio France, plus bourgeois puisque comprenant notamment le secteur de la porte Suchet, et accueillant aussi les locaux de l'Institution des Orphelins d'Auteuil.

Dans le dix septième arrondissement, c'est le populeux quartier des Epinettes qui fut partagé en deux.

La première circonscription fut définie au Nord de l'axe constitué par la rue Cardinet, de l'avenue de Clichy et de la rue Balagny, soit 43 430 résidents.

La seconde circonscription est située au Sud de cet axe, et comptait alors 22 549 résidents.

A noter que la rue Balagny, nom qui lui fut donné en hommage au premier maire du XVIIe arrondissement, a changé de nom puisqu'elle s'appelle désormais rue Guy Môquet.

La différence se fait évidemment entre la partie du quartier comprise entre l'axe et les limites de Paris (porte de Clichy et Porte de Saint Ouen) et la partie située au Sud de l'axe de partage, plus proches de la place Clichy.

Dans le dix huitième arrondissement, le découpage fut plus important, l'arrondissement étant l'un des plus peuplés de Paris, à l'instar du quinzième.

Les deux arrondissements comptaient, en 1931, près de 290 000 habitants l'un et l'autre.

Le quartier Grandes Carrières (dont je rappelle que le nom provient des carrières de gypse qui y furent exploitées et qui ont du servir à construire une bonne partie des immeubles parisiens, au point de faire de la Butte Montmartre un véritable gruyère, parfois fragile, comme le montrèrent quelques incidents comme la fameuse affaire de la rue Tourlaque le 31 octobre 1909) fut partagé en deux.

La première circonscription fut définie par un axe fixé à l'Ouest des rues Lepic, De Maistre (« écrivain contre révolutionnaire » précise la plaque fixée au mur du cimetière Montmartre face au célèbre Terrass'Hôtel), Damrémont, du Poteau et de l'avenue de la Porte Montmartre, soit 49 595 résidents, dans l'improbable mélange entre les quartiers populeux de la Porte de Saint Ouen et les quartiers plus résidentiels situés près du cimetière Montmartre.

La seconde circonscription était définie par l'Est du quartier au regard de l'axe ainsi défini, et comptait 57 431 résidents.
Ce secteur correspond, pour une bonne partie, à la partie la plus bourgeoise de la Butte Montmartre mais incluait aussi le quartier populeux dit de la Moskowa, près du boulevard Ney.

Le quartier Clignancourt, pour sa part, fut carrément découpé en trois éléments.

La première circonscription fut définie par la partie du quartier située au Nord de la rue Ordener, soit 41 911 résidents, ce qui correspondait, pour aller vite, à la partie située entre la Place Jules Joffrin (mairie du XVIIIe) et la Porte de Clignancourt.

La deuxième circonscription fut définie par la partie du quartier située au Sud de la rue Ordener, et au Sud de l'axe des rues Caulaincourt et Custine et du Boulevard Barbès, soit 33 590 résidents, dans le secteur Lamarck Caulaincourt, au Nord du Sacré Coeur.

Enfin, la troisième circonscription, fut définie par l'axe précédemment défini et les Boulevards séparant l'arrondissement du neuvième, soit 40 208 résidents.
Pour aller à l'essentiel, ce siège était dominé par la Basilique saint sulpicienne, la Meringue de Paris, autrement appelé le Sacré Coeur.

Elle comptait 40 208 résidents.

Pour donner une idée de l'entassement de population de l'époque, cela signifie que le quartier de Clignancourt comptait rien moins que 115 719 habitants, alors qu'il y en a aujourd'hui 65 et 70 000.

De même, le quartier Grandes Carrières comptait 107 026 habitants, alors qu'il en a aujourd'hui un nombre proche de celui de Clignancourt.

Reste donc le vingtième arrondissement où le quartier de Charonne, ancien village annexé, fut partagé en deux circonscriptions selon l'axe défini par l'Ouest de la rue des Pyrénées et le Sud de la rue de Bagnolet puis un petit morceau des abords du cimetière du Père Lachaise.

En gros, le premier siège était orienté entre la place de la Nation et le cimetière du Père Lachaise, tandis que le second procédait en fait plutôt de s boulevards extérieurs, entre Porte de Bagnolet et Porte de Vincennes, c'est à dire le boulevard Davout.

Dans le premier cas, 38 968 résidents et dans l'autre, 34 629.
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Mar 28 Aoû 2012 01:53

Pour la banlieue, le découpage fut le suivant.

Le canton d'Aubervilliers fut partagé en trois avec un siège orienté vers la Villette comptant 47 180 habitants, un siège avec la partie Nord de la ville plus La Courneuve comptant 24 080 résidents, et un troisième regroupant les communes du Bourget, de Dugny et de Stains et comptant 24 634 habitants.

Le canton comptait donc, officiellement, 95 894 habitants, là où Aubervilliers en compte aujourd'hui plus de 70 000, La Courneuve près de 40 000, et Stains plus ou moins 35 000...

Le canton de Colombes fut partagé entre une partie Nord, comptant 50 098 résidents, une partie Sud jointe à La Garenne Colombes et comptant 30 060 habitants et un troisième élément correspondant à la commune de Bois Colombes, comptant 25 847 habitants.

Le canton d'Ivry sur Seine fut partagé en trois parties : la première circonscription correspondait à Ivry (46 640 résidents), la deuxième à Choisy le Roi, Thiais et Orly (39 408 résidents) et la troisième à Vitry sur Seine (40 743 résidents).

Le canton de Montreuil fut divisé en deux parties, Nord et Sud, l'axe étant délimité par les rues de Paris, le boulevard Rouget de l'Isle, le boulevard Jean Jaurès, la rue Walwein et la rue de Rosny.

J'ai laissé ces noms qui correspondent encore aujourd'hui aux mêmes voies.

D'un côté, 32 405 résidents et de l'autre, 37 960.

Le canton de Nogent sur Marne fut également partagé en deux.

La première circonscription recouvrait les deux communes de Bry sur Marne et Champigny sur Marne, soit 32 245 résidents.
La seconde circonscription les communes de Nogent et du Perreux, soit 44 527 résidents.

Le canton de Noisy le Sec, pour sa part, fut réparti en quatre circonscriptions.

La première couvrait les communes de Noisy le Sec, Rosny sous Bois et Villemomble (population résidente 52 570 habitants), la deuxième les communes de Bondy et Pavillons sous Bois (population de 33 761 habitants), la troisième les communes de Bobigny et Romainville (population de 35 503 habitants) et la quatrième celle de Drancy (population de 51 058 habitants).

Le canton de Puteaux fut partagé en trois circonscriptions.

La première consistait en la commune de Puteaux (population 39 063 habitants), la deuxième celle de Nanterre (population 38 509 habitants) et la troisième celle de Suresnes (population 26 685 habitants).

Le canton de Vanves fut réparti en trois circonscriptions, lui aussi.

La première recouvrait les communes de Châtillon sous Bagneux et Clamart (population 39 446 habitants), la deuxième les communes de Malakoff et Vanves (population 46 178 habitants) et la troisième la seule commune d'Issy les Moulineaux (population 37 287 habitants).

Enfin, le canton de Vincennes fut également divisé en trois.

La première circonscription recouvrait la commune de Saint Mandé et la partie Ouest de Vincennes, soit 34 155 habitants.

La seconde l'autre partie de la commune de Vincennes, soit 32 463 habitants et la troisième, la commune de Fontenay sous Bois, soit 29 165 habitants à l'époque.

Furent donc maintenus en l'état vingt quatre autres circonscriptions, issues des autres cantons.

En l'espèce, le canton d'Asnières partagé en deux sièges, l'un recouvrant la ville d'Asnières elle même et le second celles de Gennevilliers et de Villeneuve la Garenne.

En 1931, le recensement donne 63 654 habitants à Asnières sur Seine, 27 250 à Gennevilliers et 3 954 pour Villeneuve la Garenne.

Eu égard aux populations concernées, possible qu'une partie d'Asnières (peut être le secteur de la Place Voltaire) ait été comprise dans la circonscription incluant Gennevilliers.

Il y avait ensuite le canton de Boulogne partagé en deux sièges, lui aussi, le second couvrant manifestement Billancourt.

La ville compte 86 234 habitants en 1931 et son maire est alors André Morizet, aïeul de Nathalie Kosciuszko Morizet.

On trouvait ensuite le siège de Clichy, couvrant la ville éponyme.

Clichy compte 55 692 habitants, soit quasiment la même population qu'aujourd'hui.

Courbevoie et Neuilly présentaient la même caractéristique et Levallois Perret élisait deux conseillers généraux.

Courbevoie compte alors 54 185 habitants, Neuilly sur Seine 53 491 et Levallois Perret 71 181 habitants.

Pantin était partagé en trois circonscriptions, l'une couvrant la ville chef lieu, la seconde les communes des Lilas et du Pré Saint Gervais, la troisième la commune de Bagnolet.

Pantin compte en 1931 37 260 habitants, les Lilas 19 500 habitants et Le Pré Saint Gervais 13 302.

Bagnolet, pour sa part, comptait 28 112 habitants.

Le canton de Saint Denis était réparti en deux circonscriptions, l'une couvrant les communes de Pierrefitte et Villetaneuse et la partie Nord de Saint Denis et la seconde la partie Sud de la ville et la Plaine Saint Denis.

Saint Denis est alors une ville industrielle de 82 412 habitants (elle en perdra quelque peu dans les années suivantes, de par les effets de la crise économique ), tandis que Pierrefitte sur Seine comptait 11 645 habitants et Villetaneuse, qui n'était pas encore une ville universitaire, 3 213 habitants.

L'évident décalage de population entre les trois communes motive évidemment que le découpage électoral partageait Saint Denis, selon un axe dont on peut penser que la limite Sud devait être l'actuelle rue de la République, ex rue Compoise au XIXe siècle (je précise cela pour les lecteurs de La Semaine Sainte d'Aragon qui parle du Saint Denis de 1815), voie partant du portail de la Basilique des Rois et allant en ligne droite ou presque jusqu'à la gare principale de la ville.

Le canton de Saint Ouen, pour sa part, était partagé en deux éléments, la première circonscription étant constituée par la ville de Saint Ouen et la seconde par les communes de l'Ile Saint Denis et d'Epinay sur Seine.

Saint Ouen, déjà grande ville industrielle, compte en 1931 53 146 habitants, tandis que l'Ile Saint Denis n'est qu'une petite commune de 3 606 habitants, et Epinay sur Seine, déjà consacrée ville du cinéma, 14 505 habitants.

Le décalage évident de population semble motiver que la première circonscription n'ait recouvert qu'une partie de Saint Ouen (en clair la partie de la ville allant de la Mairie et du parc Abel Mézières jusqu'à Paris) tandis que le quartier du Landy était réuni avec Epinay et L'Ile Saint Denis.

Le canton de Charenton fut partagé en deux circonscriptions, la première couvrant les communes de Charenton le Pont et Alfortville et la seconde celle de Maisons Alfort et Saint Maurice.

Maisons Alfort, où l'on commence à construire le quartier du Vert de Maisons et l'on a réalisé le bâtiment de l'Ecole Vétérinaire, compte en 1931 31 012 habitants et Saint Maurice 11 045.

Charenton compte en 1931 21 098 habitants et Alfortville 29 473.

Outre l'usine à gaz, Alfortville devait déjà, en 1931 et dans les années 30, une partie de son développement urbain à l'implantation d'une importante communauté arménienne, composée des rescapés du génocide.

Le canton de Saint Maur fut coupé en deux circonscriptions, l'une couvrant la commune de Saint Maur, associée à Joinville le Pont (détachée dans le passé de la cité ) et l'autre celles de Créteil et Bonneuil sur Marne.

En 1931, Joinville le Pont compte 13 425 habitants et se positionne déjà comme l'un des grands centres du cinéma français (studios de Joinville) tandis que Saint Maur des Fossés compte 57 164 habitants et voit se lotir petit à petit la Varenne Saint Hilaire et le quartier d'Adamville.

Créteil, pour sa part, n'est encore qu'une petite ville de 11 596 habitants et Bonneuil sur Marne, un village de 2 084 habitants.

Une différence de population qui laisse présumer que Saint Maur devait être partagé sur les deux sièges.

Le canton de Sceaux fut également coupé en deux circonscriptions, l'une couvrant Sceaux, Montrouge et Bagneux, et la seconde couvrait Bourg La Reine, Châtenay Malabry, Fontenay aux Roses, Antony et le Plessis Robinson.

En 1931, Sceaux comptait 7 840 habitants, Montrouge 30 343 et Bagneux 8 398 résidents.
Bourg la Reine est alors une petite ville de 8 946 habitants, Châtenay Malabry de 3 682 résidents, Fontenay aux Roses 6 870 habitants, Antony de 17 645 habitants et Le Plessis Robinson de 4 713 habitants.

Le canton de Villejuif fut également réparti en deux circonscriptions, l'une groupant au Nord Arcueil, Cachan et Gentilly, l'autre réunissant au Sud les communes de Villejuif, Le Kremlin Bicêtre, l'Hay les Roses, Fresnes, Rungis et Chevilly Larue.

Arcueil qui n'est pas encore le terminus pour la torture des examens administratifs et les concours d'entrée dans les grandes écoles, compte en 1931 16 200 habitants et se trouve fréquenté par quelques musiciens audacieux comme Erik Satie...
Cachan compte pour sa part 12 790 habitants, après avoir été créée par scission d'Arcueil en 1923. En 1935, son maire s'appelle Léon Eyrolles et il s'agit tout simplement du fondateur de l'Ecole supérieure des travaux publics.
Gentilly, qui fut amputée par Paris du quartier du Parc Montsouris et en 1896, du Kremlin Bicêtre, 15 623.

Pour Villejuif, la ville compte alors 25 192 habitants, Le Kremlin Bicêtre, compte alors 17 453 habitants, L'Haÿ les Roses 6 369, Fresnes 5 239, tandis que Chevilly Larue ne compte encore que 2 840 habitants et Rungis est alors un petit village de 420 habitants.

Comme on le voit, cependant, la population des cinquante cantons de la Seine banlieue est, en moyenne, largement plus peuplée que celle des quartiers parisiens.

Si Paris élit 90 conseillers municipaux dotés aussi du statut de membres du conseil général de la Seine pour 2 891 020 habitants en 1931, la Seine banlieue est autorisée à élire 50 conseillers généraux pour 2 021 472.

Ce qui signifiait alors un élu pour environ 32 100 habitants à Paris, avec les inégalités de représentation que nous avons déjà pointé, et un élu pour plus de 40 400 habitants pour la banlieue.

Une juste représentation démographique aurait placé à 35 090 environ la population moyenne d'un canton.

Et donc, en respectant la lettre de la loi du 10 avril 1935, nous aurions du avoir 82 élus parisiens intra muros et 58 pour la banlieue.

Une telle option aurait évidemment eu, entre autres conséquences, de réduire la représentation des arrondissements les plus favorables à la droite parisienne, constitués par les quartiers peu peuplés figurant notamment dans les neuf premiers arrondissements.

Pour ceux qui pensent que les astuces du découpage électoral bien conçu seraient une nouveauté, voilà qui montre que l'on savait déjà y faire dans les années trente...
vudeloin
 
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Ven 31 Aoû 2012 21:54

Bon, ce n'est pas tout cela, mais il nous reste quand même quelques arrondissements à regarder d'un peu plus près pour le scrutin de ballottage de ces élections municipales de 1935 à Paris.

Passons donc au populeux quinzième arrondissement, qui présente à cette époque un caractère à la fois relativement bourgeois (près du Champ de Mars) et très ouvrier, de par la présence des usines Citroën et des abattoirs de Vaugirard.

On se souviendra que les deux ont aujourd'hui disparu, les unes remplacées notamment par le Parc André Citroën et une bonne partie des immeubles de bureaux qui l'encadrent et l'autre par le parc Georges Brassens.

Quant à l'arrondissement, il a connu un relatif développement urbain dans les années 50 et 60 qui l'ont pourvu de logements sociaux (entre Porte de Vanves et Porte de Versailles notamment) ou d'ensembles plus résidentiels (Beaugrenelle).

Retour à 1935, en attendant.

Saint Lambert (première circonscription)

Inscrits 10 393
Votants 8 243
Exprimés 8 071

Vergeot (radical socialiste, Front Populaire) 4 156, élu
Espiau (droite) 3 778
Nivoit 119

Saint Lambert (seconde circonscription)


Inscrits 8 927
Votants 7 192
Exprimés 7 062

Leroux (SFIO) 3 020, élu
Sauvan d'Aramon (député, droite) 2 327
Chérioux (radical socialiste) 1 710
Fourrier (PCF, non candidat au second tour) 3
Mallet (droite, non candidat au second tour) 2

Necker (première circonscription)


Inscrits 6 485
Votants 5 177
Exprimés 5 056

Rigaud (fédération républicaine) 2 507, élu
Cordier (PCF) 2 189
Aubriot (républicain socialiste) 360

Javel


Inscrits 9 913
Votants 7 899
Exprimés 7 754

Duteil (sortant, Bloc Ouvrier et Paysan) 5 089
Labbé (fédération républicaine) 2 652
Divers 13

Comme on le voit, de manière générale, la gauche s'en tire plutôt bien dans l'arrondissement en remportant trois des quatre ballottages, avec des élus sous trois étiquettes différentes, mais tous soutenus par les partis de Front Populaire.

Le maintien du candidat républicain socialiste sur le quartier Necker a sans doute coûté la victoire au candidat communiste qui aurait, ainsi, permis à la gauche de faire pencher l'arrondissement en sa faveur.

Le quinzième se retrouve, au terme de ces municipales, avec trois élus de gauche et trois de droite, même s'il y a un radical dans chaque camp dans ce qui fut l'un des points forts du radicalisme à Paris.

Sur le devenir des élus, que peut on dire ?

Le Chérioux battu sur Saint Lambert est sans doute le fils d'Adolphe, ancien Président du conseil de Paris et promoteur, entre autres, de l'orphelinat départemental, qui deviendra, bien plus tard, le parc Chérioux à Vitry sur Seine.
Mais étant le fils d'Adolphe, il est aussi le fils de Jean, qui sera élu pour la première fois au conseil de Paris en 1965, après avoir fait deux mandats au conseil municipal de la petite commune tourangelle de Saint Antoine du Rocher, dans le canton de Neuillé Pont Pierre.

La famille Chérioux est une famille très anciennement implantée dans l'arrondissement, et encore aujourd'hui, au sein du conseil d'arrondissement, trouve t on la fille de Jean Chérioux, Joëlle Chérioux, élue UMP.

Pour deux des élus de gauche, le SFIO Armand Leroux et le BOP Louis Duteil, la suite de leur mandat et leur attitude pendant la guerre ne furent pas exceptionnelles.

Dans le grand tourment de 1940, ils choisirent de renier leurs options initiales et finirent tous les deux inéligibles à la Libération.

La même observation est valable pour le radical Vergeot qui, avec le soutien des autres candidats Front Populaire, avait conservé le mandat d'Adolphe Chérioux et évité une perte d'influence au parti radical socialiste parisien.

Collaborateur pendant la guerre, il ne pourra, comme bien d'autres, que constater la chute libre de l'influence radicale après la Libération.

Pour le député de droite Bertrand Sauvan d'Aramon, adversaire conservateur de la gauche dans toutes ses acceptions durant la IIIe République (né en 1876, le premier mandat de Bertrand d'Aramon commença en 1910), le vote des pleins pouvoirs à Pétain et le maintien au sein de l'Assemblée municipale pendant la guerre étaient plus en conformité avec ses positions de principe, notamment son soutien avéré aux manifestations du 6 février 1934.

Cette attitude valut évidemment à l'intéressé la même inéligibilité à la Libération que ses deux collègues et il finit sa vie dans son hôtel particulier de la rue Barbet de Jouy (près du conseil régional d'Ile de France et de la résidence de l'Archevêque de Paris) en 1949.

Pour les autres candidats et élus, peu d'informations à notre disposition sinon de pointer le cas du jeune Bernard Lafay, candidat de droite républicaine sur Javel, médecin, futur Résistant et qui sera l'un des acteurs de la vie politique parisienne tant sous la Quatrième que la Cinquième République.

Bernard Lafay, finalement élu du XVIIe, sera député de la circonscription comprenant le quartier des Ternes et du Parc Monceau et sera le dernier Président du conseil de Paris avant le retour à l'élection du maire de Paris par le conseil, suite aux élections de 1977.

Seizième arrondissement

Auteuil (première circonscription)


Inscrits 6 081
Votants 4 584
Exprimés 4 481

Trochu (Front national, droite) 2 258, élu
Terrier (centre droit) 1 408
David (union nationale) 732
Lerouge 77
Divers 6

Auteuil (seconde circonscription)

Inscrits 5 642
Votants 3 948
Exprimés 3 854

Romazzotti (URD) 2 177, élu
Gaborit (ancien député, droite) 828
Drevelle (PCF) 580
Baudot (républicain indépendant) 234
Fayolle du Moustier 32

Porte Dauphine

Inscrits 5 406
Votants 3 879
Exprimés 3 812

Gaillard (sortant, républicain de gauche) 2 173, élu
De La Tour du Pin (fédération républicaine) 1 463
Petitbon (PCF) 170
Pincemin 5
Besançon (centre national) 1

Sans surprise, les trois sièges en ballottage sont facilement tombés dans l'escarcelle de la droite parisienne de l'époque.

La participation, relativement faible, va de pair, sans doute, avec un choix de candidature assez limité.

Charles Trochu, industriel et architecte, est l'une des figures de proue de la droite parisienne alors.
Secrétaire du Front national, mouvement tentant de regrouper l'ensemble des mouvements d'extrême droite impliqués dans la manifestation du 6 février 1934, il avait par conséquent des relations directes avec des mouvements comme les Camelots du Roi, ou encore la fameuse Cagoule.
Charles Trochu, fasciné par ce qui se passait en Italie et en Allemagne pendant la même période, sera bien entendu maintenu dans ses fonctions pendant la guerre et sera même appelé à témoigner à décharge lors du procès Pétain.

Charles Trochu, malgré le soutien avéré des ligues, des Croix de Feu et des monarchistes de l'époque (tendance Action Française) sera même Vice Président du Conseil de Paris puis Président en ...1941.
C'est en vertu de sa fonction de Vice Président qu'il eut l'honneur de remettre son épée d'académicien à Charles Maurras.

Gilbert Gaillard et Jacques Romazzotti, pour leur part, ont également puissamment résisté à leur envie de résister et, anciens combattants de 14 – 18, sont restés fidèles au vainqueur de Verdun et à ses errements des années 40.
Tous les deux secrétaires du conseil de Paris en 1935 (comme Edouard Frédéric Dupont, ce qui signifie tout de même que la majorité de droite de l'institution allait plutôt chercher ses tenants du côté des arrondissements bourgeois), ils continueront de siéger au conseil pendant la guerre.

Jacques Romazzotti aura même, en décembre 1941, au moment où le Conseil de Paris est « modifié », la double fonction de syndic du conseil municipal comme du conseil général de la Seine.

Il participera à la vie du Paris de l'Occupation, faisant par exemple d'intéressantes communications sur la réorganisation industrielle et commerciale de Paris animées par Pierre Taittinger (nous en avons déjà parlé) ou encore Jean Bichelonne, un personnage dont nous n'avons pas trace dans les archives électorales mais plutôt historiques.

Jeune technocrate, à la fois diplômé de Polytechnique et issu du corps des Mines (il sortit major dans les deux cas de sa promotion, obtenant la plus haute note moyenne jamais atteinte à l'X depuis François Arago en 1803 !) et chef de cabinet du Ministre de l'Armement Raoul Dautry (quasiment le père de la SNCF en 1937 et l'un des acteurs clé de l'émergence de la filière nucléaire française), Jean Bichelonne va être prisonnier des Allemands dans un premier temps.

Puis, ayant été libéré, ses qualités et ses compétences sont repérés par Vichy et il gravit les échelons de la technocratie de l'époque, jusqu'à devenir, quasiment, Ministre de la Production industrielle.

C'est à ce titre qu'on peut envisager Jean Bichelonne comme le père du Service du Travail Obligatoire, fruit de sa « coopération » avec Albert Speer, le Ministre de l'Industrie du Reich.

Jean Bichelonne devient, à l'automne 1943, le Ministre du Travail du gouvernement de plus en plus factuel de Vichy.

Le début de la Libération de la France pousse Jean Bichelonne à mettre quelque peu de distance entre lui et son pays d'origine, et on le retrouve fin 44 du côté de Sigmaringen (Céline en parle t il dans son elliptique «  D'un château l'autre « ?) puis dans une clinique de la SS, suite à un accident de voiture qui l'a gravement blessé.

Une thèse réfutée d'ailleurs par la suite par Albert Speer qui penche pour une forme de règlement de comptes ayant conduit, en décembre 1944, à la mort subite de Jean Bichelonne dans la clinique SS, au demeurant pas tout à fait réputée pour la qualité de ses prestations.

Nul doute que sa mort prématurée en Allemagne a privé l'intéressé d'être poursuivi, condamné et châtié en France.

Il fut jugé (pour la forme, peut être ?) par la Haute Cour et condamné le 5 septembre 1945.

Gilbert Gaillard, comme Jacques Romazzotti, fit le mauvais choix de la collaboration pendant la guerre...(il convient évidemment de ne pas confondre Gilbert Gaillard de Paris XVIe avec son exact homonyme, ancien maire de Clermont Ferrand)

De fait, dans le seizième arrondissement, un seul conseiller municipal, celui de Chaillot, Maurice de Fontenay ne versa pas dans la collaboration.

Maurice Bourdeau de Fontenay fut l'un des membres fondateurs du Comité parisien de Libération avec Jean de Voguë, mais aussi les communistes André Tollet, André Carrel et Albert Rigal (député du IV e arrondissement en 1936), ou le socialiste Roger Deniau, structure clandestine de la Résistance parisienne intra muros, où il représentait le mouvement Ceux de la Résistance, mouvement rassemblant, de manière générale, des hommes plutôt issus de la droite d'avant guerre.

Maurice Bourdeau de Fontenay avait un frère prénommé Henri, dont la Libération fit le commissaire de la République à Rouen puis le premier directeur de l'ENA.

Le mouvement CDLR connut aussi entre autres membres Jean de Voguë, déjà nommé, qui dirigera le COMAC (Comité d'action combattante) au sein du Conseil National de la Résistance, avec l'appui des communistes Pierre Ginsburger dit Villon et Maurice Kriegel Valrimont ; Michel Debré (qu'on ne présente plus) ; Gilbert Grandval, futur fondateur de l'Union Démocratique du Travail (mouvement travailliste proche du gaullisme) ; Léo Hamon (né Lev Goldenberg) qui sera député et Ministre de l'époque gaulliste ou encore Raymond Triboulet, qui sera député et Ministre sous les débuts de la Cinquième République.

Léo Hamon comme Raymond Triboulet évolueront d'ailleurs à la fin de leurs vies respectives, Léo Hamon soutenant François Mitterrand en 1988 puis s'opposant au Traité de Maastricht en 1992 tandis que Raymond Triboulet fera partie des soutiens de Jean Pierre Chevènement en 2002.

Maurice Bourdeau de Fontenay, ancien combattant de 14 – 18, fut élu de Paris dès 1919 et le resta après la guerre.

Rapporteur du budget de l'Assistance Publique, il fut aussi président de l'Office public d'habitations à loyer modéré de Paris.

Ce qui ne peut qu'expliquer, outre que le douzième arrondissement disposer d'une place Maurice de Fontenay, qu'une des voies du grand ensemble de la Courneuve (les « 4 000 »), livré en 1963 sur des terrains appartenant à la Ville de Paris, ait été appelée de son nom.

Il y fut en bonne compagnie, avec Auguste Renoir, Alfred de Musset ou Maurice Ravel, avant que les défauts de construction des barres et les évolutions du temps ne finissent par rendre difficile l'existence des familles résidentes.

Maurice Bourdeau de Fontenay était également l'oncle de la philosophe et essayiste Elisabeth de Fontenay, dont on sait qu'elle a beaucoup travaillé sur la relation entre les hommes et les animaux, et qu'elle est aujourd'hui une militante de la cause animale.

Pour lever toute ambigüité, il n'a évidemment aucun rapport avec Geneviève de Fontenay, animatrice du comité Miss France, dont le nom procède d'une décision l'autorisant à ajouter « de Fontenay » à son nom de femme mariée « Poirot » puisque son défunt époux avait pris, pendant la guerre, ce pseudonyme dans la Résistance.

Le Gaborit dont il était question au premier tour sur Auteuil est probablement Félix Gaborit, ancien député radical plutôt de droite de Seine et Marne, journaliste de profession dans le journal « Candide « , dont l'orientation d'extrême droite était connue.

Ce journal s'attachait notamment les services de Pierre Gaxotte, Dominique Sordet, Lucien Rebatet ou Robert Brasillach.

Je ne reviens pas plus sur la famille de La Tour du Pin de Chambly de Charcé (abrégé en La Tour du Pin) dont l'un des membres fut candidat de la Fédération Républicaine face à Gilbert Gaillard.

Etait ce le frère ou le cousin du poète catholique Patrice de la Tour du Pin ?

Il se situait en tout état de cause dans la filiation de François de la Tour du Pin, l'un des parrains du « catholicisme social » version Albert de Mun, décédé en 1924.

Pour les autres candidats, pas d'éléments complémentaires d'information.
vudeloin
 
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Ven 31 Aoû 2012 21:54

Passons au dix septième arrondissement.

Ternes


Inscrits 9 514
Votants 7 083
Exprimés 6 945

Darquier de Pellepoix (républicain national) 2 803
Lemoine (URN) 2 505
Liote (alliance démocratique) 870
Lesmond (PCF) 764
Divers 3

Epinettes (première circonscription)

Inscrits 9 004
Votants 7 221
Exprimés 7 112

Copigneaux (sortant, socialiste français) 2 410, réélu
Chouraqui, dit Reynier (PCF) 2 337
Becuwe (alliance démocratique) 1 363
Louis Fourès (droite) 2

Epinettes (deuxième circonscription)

Inscrits 5 851
Votants 4 570
Exprimés 4 463

Fourès (député, alliance démocratique) 2 335, élu
Bellugue (PCF) 1 801
Riben Latimier (républicain) 259
Garin (socialiste « jauressien ») 63
Solinhac (socialiste français) 2
Moatti (radical socialiste) 2
Cerf (indépendant) 2

Résultat plus ou moins complexe dans cet arrondissement où, dans l'un des quartiers aisés (Les Ternes) la droite se divise sur plusieurs candidats, la personnalité de l'élu, Louis Darquier de Pellepoix, semblant ambivalente dès le printemps 1935 pour une partie de la droite locale, issue de la modérée bourgeoisie catholique.

C'est que Louis Darquier de Pellepoix, âgé de trente sept ans lors de son élection au Conseil de Paris, a déjà des antécédents intéressants...

Né dans le Lot, Louis Darquier (la particule a été en quelque sorte ajoutée sans motif tout à fait valable) est le fils du maire radical de Cahors, le docteur Pierre Darquier, avec qui il entre d'ailleurs en conflit pendant sa scolarité.

Malgré un « piston «  de son père et des élus radicaux du Lot (dont Anatole de Monzie) pour travailler dans le négoce de grains (notamment dans le groupe Vilgrain, c'est à dire les propriétaires de ce que l'on appelait les Grands Moulins de Paris, implantés notamment à Pantin, mais aussi chez Louis Dreyfus), Darquier n'arrive pas à « faire son trou » d'autant qu'il se rend responsable d'une opération de « carambouille » tendant à détourner à son profit une partie des transactions de son entreprise.

Il va vivre aux crochets de sa famille, son père et l'un de ses frères étant révulsés par son évolution antisémite tandis que son autre frère et sa mère s'avèrent plus indulgents.

Car, après un retour en France en 1932 (il avait été se cacher en Angleterre et même en Australie avec sa femme, actrice d'origine australienne), Louis adhère à l'Action Française et se trouve au premier rang de la manifestation du 6 février 1934, alors même qu'il n'a été qu'un combattant des dernières classes de la Première guerre mondiale.

Une présence au premier rang qui lui vaut d'être blessé par ball pendant les incidents ayant suivi la manifestation.

Son père refusera d'ailleurs de lui rendre visite à l'hôpital.

C'est donc une sorte de « fils de famille » raté qui va devenir conseiller municipal de Paris.

Il se distingue très vite au sein de cette Assemblée par des propositions pour le moins stupéfiantes.

Animant en même temps une Association des victimes et blessés du 6 février 1934, Darquier se complait en invectives à l'encontre de ses collègues de gauche, notamment le socialiste Georges Hirsch (avec qui il finira par mener une sorte de match de boxe dans les couloirs de l'Hôtel de Ville), comme le prouve cet échange de la séance du 14 décembre 1935.

Hirsch : Je dis donc que lorsque nous aurons fait disparaître le capitalisme...
Darquier de Pellepoix : L'argent passera dans les poches des commissaires du peuple (Rires). Le problème est si grave que, pour essayer de le résoudre, je propose une séance de nuit (Hilarité)...
Hirsch : Le problème est en effet très grave et s'il suffisait d'une séance de nuit pour le mettre au point, nous n'hésiterions pas à la tenir ! (Applaudissements à gauche).

Le 4 juin 1936, un mois après les élections ayant conduit au succès des partis du Front Populaire, il dépose, au Conseil général de la Seine, dont il est membre ès qualités de membre du Conseil de Paris, un ordre du jour ainsi rédigé
« Proposition d'annulation des naturalisations effectuées depuis le 11 novembre 1918 et à la promulgation d'un statut particulier réglementant pour les Juifs le droit de vote, l'éligibilité et l'accession aux fonctions publiques « .

Il présente sa proposition comme un projet de délibération « contre la tyrannie juive et l'invasion étrangère ».

Il faut dire que quelques jours avant, dans un restaurant parisien, il s'est pris de bec avec trois jeunes gens se félicitant de la victoire du Front Populaire en leur disant, notamment (les minutes de l'affaire sont connues)

« Je suis Monsieur Darquier de Pellepoix, conseiller municipal. Si je veux, 10 000 hommes demain descendront dans la rue et tueront 100 000 Juifs. Je peux faire assassiner Léon Blum ; Hitler avait raison de les chasser d'Allemagne ! » (rapport de la police municipale du huitième arrondissement).

En 1937, Darquier crée le Rassemblement antijuif de France.

En 1939, Darquier fait un stage en prison pour trois mois, condamné pour incitation à la haine raciale dans son journal « La France enchaînée ».

Mobilisé en 1940, il sera fait prisonnier par les Allemands et rapidement libéré.

Son action pendant la guerre est tristement connue.

Le 6 mai 1942, alors même que les Nazis viennent de tenir la conférence de Wannsee où a été définie la politique de « solution finale » du « problème juif », Louis Darquier de Pellepoix est installé Commissaire général aux affaires juives à la place de l'ancien combattant, député de l'Ardèche, Xavier Vallat, considéré comme trop « modéré ».

Ironie de l'histoire, le Commissariat est hébergé 1-3 place des Petits Pères, dans un immeuble haussmannien bien connu de Darquier.

Et pour cause, puisqu'il s'agit tout simplement de l'ancien siège social du groupe Louis-Dreyfus, pour lequel il a travaillé un temps !

Darquier sera d'une redoutable efficacité dans ses nouvelles fonctions, étant l'un des organisateurs (avec René Bousquet...) de la tristement célèbre rafle du Vel'd'Hiv, les 16 et 17 juillet 1942, où la police française arrête des milliers de Juifs, a priori uniquement les Juifs « étrangers », en pratique tout ce qui avait le malheur de l'être.

Sur les 13 152 Juifs raflés à cette occasion, seuls 811 reviendront des camps.

On sait que les Juifs ainsi raflés furent ensuite convoyés vers Auschwitz en passant par les étapes du martyre juif de France que sont les camps de Beaune La Rolande, de Compiègne – Royallieu (le camp militaire) et celui de Drancy (qui sera en fait installé au coeur de la Cité de la Muette, l'un des premiers grands ensembles français conçu par les architectes Marcel Lods et Eugène Beaudouin. L'ensemble n'est d'ailleurs pas achevé au début de la guerre et c'est donc dans un chantier en cours que l'on parque ainsi les familles juives).

Darquier sera relevé de ses fonctions de Commissaire général pour le caractère excessif de ses positions (il recommande à plusieurs reprises à Pétain d'aller plus vite et plus loin dans la persécution des Juifs) mais aussi pour des malversations commises quant aux biens requis (il suffit d'imaginer ce qu'il pouvait en être, comme cela fut le cas pour la bande de Lafont et Bonny qui anima la Gestapo française rue Lauriston).

Son successeur au Commissariat général sera un certain Charles Du Paty de Clam, dont la seule qualité aura été d'être le fils de l'accusateur du capitaine Alfred Dreyfus dans l'affaire du même nom...

Darquier de Pellepoix va fuir la France à la Libération.

Plutôt que les châteaux Wurtembergeois, il va cependant préférer le soleil espagnol où il va enseigner le français, devenir ensuite traducteur et profiter de l'absence d'une convention d'extradition entre la France, qui l'a condamné, et l'Espagne.

Il échappera donc au châtiment qu'il aurait du subir, se contentant, en 1978, de se rappeler au « bon souvenir » de tous, en déclarant dans l'Express, qui avait retrouvé sa trace «  A Auschwitz, on n'a gazé que les poux ! » (titre de l'entrevue).

Pour les autres élus et candidats, quelques indications.

Louis Fourès, élu des Epinettes, sera l'adversaire de Prosper Môquet, le père de Guy, lors des législatives de 1936.

Avocat à la Cour, il aura dans un premier temps été élu député des Epinettes en 1932 face à Copigneaux, en le devançant de 131 voix sur le siège.
Le maintien du candidat communiste Mons (on est alors dans la tactique « Classe contre classe ») permet d'ailleurs le succès de Louis Fourès dans ce quartier plutôt populaire du XVIIe arrondissement.

Copigneaux, l'autre élu, son adversaire malheureux de 1932, n'est pas n'importe qui, si l'on peut dire.

Georges Copigneaux est en effet le fils de Maurice Copigneaux, ancien Secrétaire général de la CGT (1899 – 1900) et ancien responsable syndical au sein des personnels de la Ville de Paris.

Il est lui même élu depuis quelque temps mais il vient de quitter la SFIO en 1932, et c'est donc sous l'étiquette du Parti socialiste de France qu'il sera réélu en 1935.

Si Louis Fourès ne verra pas la fin de la guerre (il meurt en effet le 20 juillet 1940), Georges Copigneaux sera résistant et sera d'ailleurs maintenu dans ses fonctions de conseiller municipal dans l'Assemblée provisoire de la Libération.

Pierre Bellugue, le candidat communiste contre Louis Fourès, sera lui victime de la déportation.

Secrétaire de syndicat CGT, Pierre Bellugue, né en 1897 à San Sebastian, au Pays Basque espagnol, sera interné par la police française, passant du sanatorium d'Aincourt, réquisitionné pour ce faire, à Fontevrault, puis dans la centrale de Clairvaux, le camp de Chateaubriant en mai 1941, puis celui de Voves (Eure et Loir) et enfin, le fort de Romainville en octobre 1943.
C'est de là que Pierre Bellugue est livré aux Allemands, et qu'il arrive à Mauthausen, le camp politique ouvert en Autriche par les Nazis dans les années 40, centre d'un hallucinant complexe de camps de travail où le régime hitlérien faisait travailler ses opposants politiques et un grand nombre de prisonniers de guerre russes et polonais.

Mauthausen est l'un des camps de travail les plus mortifères de la guerre, avec un taux global de mortalité compris entre 70 et 75 %, et l'exemple achevé de la complicité entre le régime nazi et les plus grandes entreprises allemandes.

Bayer (chimie), Heinkel et Messerschmitt (aéronautique, la seconde marque existant encore sous le nom MBB, pour Messerschmitt Bolkow Blohm, créée en 1969 et aujourd'hui discrètement intégrée dans le groupe Eurocopter pour la production de ces aéronefs), Puch (société autrichienne de fabrication de motos aujourd'hui reprise par Piaggio) furent parmi les commanditaires de la production effectuée dans le complexe.

Mais Mauthausen est surtout connu pour la carrière, dans laquelle des milliers de prisonniers ont laissé leurs forces et leur vie tout au long des années de déportation.

Leurs efforts, sous la férule des gardes du camp, fournirent les matériaux de construction dont devaient avoir besoin l'Allemagne durant cette période.

Mauthausen, situé en Autriche, est la démonstration que l'histoire de ce pays est aussi marquée par ces événements de la guerre, sans que cela soit aujourd'hui tout à fait assumé.

Pierre Bellugue, en tout cas, mourut gazé à Hartheim le 29 septembre 1944, alors que les Epinettes étaient libres depuis un mois...

Je n'ai pas pour l'heure, trouvé plus d'indications sur les autres candidats.

A bien y regarder, les candidats et élus de cette partie Ouest de Paris nous apprennent, quelque part, quelque chose sur aujourd'hui.

Le fait qu'une certaine droite extrême, parfois monarchiste ou proche du fascisme, ait pu trouver quelque écho dans cette partie de Paris, singulièrement dans les quartiers bourgeois du XVIe et du XVIIe arrondissements, s'est traduite, après la guerre, par l'audience qu'ont pu y recueillir les indépendants de Paris, créés à l'instigation de Pierre Taittinger, et, de manière générale, les forces politiques de la droite non gaulliste.

Et notons la différence avec le quinzième arrondissement où le ralliement au gaullisme des mêmes catégories sociales (petite bourgeoisie commerçante par exemple ou fonctionnaires) qui soutenaient précédemment les radicaux, influents avant guerre, a donné par contre une autre coloration politique à cette partie de la rive gauche de la Seine.

Un ralliement qui concerna aussi les élus eux mêmes, comme le montre la filiation Chérioux.

Nous appréhenderons dans un prochain message les trois arrondissements populaires du Nord Est.
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Dim 2 Sep 2012 21:28

Qu'on en finisse !
Enfin presque, puisque nous serons maintenant entre Butte Montmartre et Buttes Chaumont, jusqu'à la Butte du Chapeau Rouge et la Porte des Lilas, entre XVIIIe et XX e arrondissements.

Commençons par le dix huitième arrondissement, le plus peuplé de Paris a l'époque (près de 290 000 habitants) avec le quinzième.

Grandes Carrières (première circonscription)


Inscrits 10 924
Votants 8 656
Exprimés 8 534

Berthier (union républicaine) 3 085, élu
Georges Thomas (socialiste de France) 3 024
Dutilleul (PCF) 2 420
Divers 5

Grandes Carrières (seconde circonscription)

Inscrits 11 767
Votants 9 224
Exprimés 9 097

Torchaussé (URD) 3 482, élu
Thomas (socialiste de France) 2 891
Colin (PCF) 2 645
Bils 63
Sautin 14
Divers 2

Clignancourt (première circonscription)

Inscrits 9 564
Votants 7 687
Exprimés 7 598

Auguet (PCF) 3 121, élu
Charpentier (alliance démocratique) 2 375
Leslin Jouard (socialiste français) 2 101
Divers 1

Clignancourt (deuxième circonscription)


Inscrits 8 057
Votants 6 468
Exprimés 6 357

Sabatier (URD, ancien député) 2 588, élu
Michaud (socialiste français) 2 051
Delaune (PCF) 1 716

Clignancourt (troisième circonscription)


Inscrits 8 937
Votants 6 953
Exprimés 6 798

Victor Constant (sortant, URD) 2 887, réélu
Pillot (PCF) 2 636
Ardely (URD) 1 147
Constant 123

La Chapelle

Inscrits 5 816
Votants 4 365
Exprimés 3 991

Charles Joly (sortant, BOP) 3 055, réélu
Aget (droite) 929
Roux (PCF) 7
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Dim 2 Sep 2012 21:28

Résultat contrasté dans cet arrondissement, où la gauche, de par la concurrence entre PCF et ex membres de la SFIO (les élus et candidats socialistes de France sont les dissidents du parti socialiste qualifiés parfois de « néos »), laisse la droite prendre des positions dont elle ne disposait pas à l'issue du scrutin de 1929.

A l'époque, les quatre quartiers du XVIIIe ont élu des conseillers de gauche : deux socialistes SFIO sur Grandes Carrières et Clignancourt, deux communistes sur La Chapelle et la Goutte d'Or.

Dans la tourmente des années 30, les deux élus communistes (Charles Joly et Louis Sellier) ont quitté le parti et participent désormais aux listes du Bloc Ouvrier et Paysan avec d'autres élus dont nous avons déjà parlé (Garchery dans le XIIe, Louis Gélis dans le XIIIe par exemple).

Et les élus SFIO ont suivi le même chemin, conduisant au résultat constaté en 1935.

Pour ce qui est de la suite, les élus de ce printemps 1935 prendront des destinées fort diverses.

La même remarque vaut pour les candidats.

Armand Pillot, âgé de quarante deux ans au moment du scrutin municipal, va devenir député de Paris l'année suivante.

Ce militant syndicaliste de la métallurgie, venu de Nantes pour travailler à Paris, conseiller prud'homme, a acquis une certaine influence dans les milieux ouvriers du Paris populaire, d'autant qu'il s'est présenté, sans succès, pendant plus de dix ans dans le même arrondissement parisien.

Il sera donc député durant la seizième législature et quittera le Parti communiste peu de temps après le pacte germano soviétique.

Reniant ses engagements antérieurs, Armand Pillot n'est pas déchu de son mandat et c'est ès qualités de parlementaires qu'il vote les pleins pouvoirs à Pétain.

Il va participer à l'aventure hasardeuse du Parti ouvrier et paysan français, parti créé par Marcel Giroux (dit Gitton), le député de Pantin – Bagnolet, l'un des secrétaires du PCF au moment du Front Populaire.

Une aventure qui se termine fort mal pour Marcel Gitton qui sera abattu par un résistant communiste en 1941, et moins mal pour Pillot qui, même s'il survit à la guerre, se retrouvera évidemment hors jeu de la politique de l'après guerre.

Louis Sellier, l'élu de la Goutte d'Or, au premier tour, est aussi l'un des députés du XVIIIe arrondissement en 1936.

Elu du Parti d'unité prolétarienne (PUP), sa personnalité fait alors unanimité ou presque à gauche.

Agé d'environ cinquante ans en 1935, Louis Sellier est déjà un élu municipal relativement ancien du quartier de la Goutte d'Or.

Agent des PTT et syndicaliste, son premier mandat local date de 1914 et il est ensuite régulièrement reconduit, passant du parti socialiste au Parti communiste (il est élu sous cette étiquette en mai 1925 et en mai 1929 au conseil municipal de Paris et se retrouve même un temps, Secrétaire général du PCF temporaire, après le départ de Ludovic Frossard), puis quittant ce Parti en 1929 (époque où le PCF – SFIC est contrôlé par deux dirigeants issus de la JC, Barbé et Célor, qui conduisent au « raidissement » idéologique du Parti, dont la traduction électorale sera l'échec relatif des élections de 1932).

Il a acquis dans ces mandats une certaine expérience, notamment sur les questions sociales touchant la population modeste de son quartier d'élection ou sur les problèmes de logement.

En 1935, Louis Sellier est ainsi à l'origine d'un concours d'architecture destiné à la réalisation de programmes d'habitations à bon marché.

Le vainqueur de ce concours est l'architecte Marc Solotareff, issu de l'immigration russe d'après 1917, qui participera, après guerre, à de nombreux programmes de construction de logements sociaux.

Associé à André Lurçat, architecte dont le frère n'était autre que le grand peintre et dessinateur de cartons de tapisserie Jean Lurçat, Marc Solotareff réalisera des opérations significatives de l'urbanisme social de l'après Seconde Guerre Mondiale comme le groupe HBM du 95 boulevard Jourdan (dans le XIVe arrondissement) mais aussi un ensemble important de groupes locatifs réalisés à Saint Denis par le cabinet Lurçat dont il sera l'un des chargés d'opération.

Ainsi en est il des cités Auguste Delaune, Paul Eluard ou encore Paul Langevin, tous programmes dont la ligne est reconnaissable entre toutes (pour ainsi dire) pour qui connaît un peu le logement social, programmes où les espaces de vie sont fondés, notamment, sur une densification mesurée de l'emprise foncière du groupe réalisé, la présence d'espaces collectifs, engazonnés et arborés, intégrant salles de réunions et souvent, locaux associatifs, de réunion et/commerciaux.

Louis Sellier, élu contre Marcel Cachin en 1932 dans le XVIIIe arrondissement (circonscription entre La Chapelle et Goutte d'Or), sera élu par l'ensemble de la gauche en 1936.

Il rejoint la SFIO dès 1937, comme d'ailleurs l'essentiel des membres de son parti, élus nationaux ou parisiens.

En 1940, Louis Sellier vote en faveur des pleins pouvoirs à Pétain et reste installé au sein du conseil municipal de Paris, même lorsque le régime vichyste modifie, par la loi du 16 octobre 1941, le fonctionnement du conseil général de la Seine et celui du conseil municipal de Paris.

En 1943, alors que les membres du conseil de Paris sont cooptés par le régime, il est même vice Président du conseil municipal de la ville.

Bien entendu, avec de tels états de service, Louis Sellier se retrouve mis hors jeu de la politique après la Libération, et n'aura plus, comme solution, que de participer aux activités du Parti socialiste démocratique de Paul Faure, structure de rassemblement des exclus de la SFIO d'après guerre dont nous avons déjà parlé.

Charles Joly, l'élu de la Chapelle, ex communiste devenu lui aussi BOP (c'est à dire membre du même parti que Louis Sellier) présente les mêmes caractéristiques que Louis Sellier et connaîtra d'ailleurs un parcours proche, se retrouvant totalement privé de tout rôle politique après la Libération.

Lui aussi a continué à siéger au Conseil de Paris pendant la guerre, malgré tout ce qui pouvait être et le fait que nombre de leurs collègues élus en 1935 avaient été relevés arbitrairement de leurs fonctions.

René Colin, candidat communiste battu sur le siège de la seconde circonscription des Grandes Carrières, fut lui aussi, à trente trois ans, élu député de Paris XVIIIe, un peu à la surprise générale, en mai 1936.

Ce jeune employé de commerce fut, comme les autres députés communistes élus en 1936, déchu de son mandat au terme de la procédure engagée après la mise hors la loi du PCF, suite au pacte germano soviétique et au déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale.

René Colin ne va cependant pas participer à la moindre activité politique pendant la Résistance, se repliant en province (il était originaire du Jura, et plus précisément du pays lédonien).

Aucune manifestation de collaboration avec l'ennemi n'ayant cependant été relevée à son encontre, René Colin ne reprendra cependant pas la moindre activité politique jusqu'à sa retraite et son décès en 1993.

Pour Gaston Auguet, nous ne sommes pas le moins du monde dépourvus d'éléments.

Le jeune fonctionnaire (il travaille aux contributions indirectes, service fiscal constituant l'un des bastions syndicaux de l'avant guerre) d'origine Berrichonne est en effet l'un des éléments les plus actifs du PCF dans le XVIIIe arrondissement, où il fait partie des organisateurs du Parti, tout en étant élu de son quartier.

Gaston Auguet sera invalidé de son mandat de Clignancourt Nord (son siège, comme nous l'avons dit, part de la rue Ordener et court jusqu'aux limites de Paris) et brillamment réélu le 1er décembre 1935, dès le premier tour de l'élection partielle.

Les résultats sont clairs.

Gaston Auguet obtint en effet ce jour là 4 139 voix sur 7 040 exprimés, devançant le candidat de l'Alliance Démocratique Charpentier, pourvu de 2 698 voix et le franciste (extrême droite) Dupire, 79 suffrages.
L'absence de candidat socialiste a permis le rassemblement des votes de gauche, nettement majoritaires sur le siège (58,8 % dans ce qui sera, bien plus tard, tout ou partie du siège de Claude Estier, Roger Chinaud ou encore Françoise de Panafieu).

Le même jour, d'ailleurs, Jacques Grésa, dont nous reparlerons sur le XIXe arrondissement et Raymond Bossus, élu du XX e, également invalidés, seront eux aussi réélus.

Le premier avec 1 835 voix sur 3 033 exprimés dans le quartier du Pont de Flandres, soit 60,5 % des votes et là encore de par le rassemblement des partis de Front Populaire dès le premier tour (le hasard voulant que Jacques Grésa venait de la même administration que Gaston Auguet) et le second avec 2 660 voix sur 4 867 exprimés (soit 54,6 %) sur la seconde circonscription de Charonne, malgré la présence d'un candidat du Parti socialiste de France au premier tour, qui obtint 1 797 suffrages (36,9 %).

Gaston Auguet devient l'un des dirigeants parisiens du PCF, étant même élu membre suppléant du Comité central du Parti lors du congrès d'Arles (25-29 décembre 1937).

Un Congrès assez essentiel, un an et demi après le succès politique du Front Populaire, dans la démarche du PCF pour s'immerger toujours plus dans la société française, notamment par la présence de nombreux intellectuels invités et la « reconnaissance » du fait régional dans le cadre de la Nation française.

Mobilisable et mobilisé, Gaston Auguet fait évidemment partie des élus communistes déchus de leur mandat en janvier 1940.

Il rentre rapidement dans la clandestinité et dans l'action résistante, participant notamment à l'activité des Francs Tireurs et Partisans dont il sera l'un des officiers à la fin de la guerre.

En août 1944, avec ses collègues comme Léon Mauvais, Raymond Bossus, Lucien Monjauvis ou Emmanuel Fleury, il est l'un des signataires de l'appel à l'insurrection de Paris daté du 18 et qui se traduira notamment par la prise de la Préfecture de Police par les policiers parisiens eux mêmes et la construction de multiples barricades dans l'ensemble des quartiers populaires comme du Quartier Latin gênant d'autant le déplacement des troupes allemandes dans la capitale.

Membre de l'Assemblée provisoire du Conseil de Paris, Gaston Auguet sera élu membre titulaire du Comité central en 1945 puis, après avoir été élu au sein du Conseil de Paris en 1945, sera également député de la Seine de 1946 à 1951.

Ce sera d'ailleurs son seul mandat de parlementaire, puisqu'il ne figurera pas, par la suite, en position facilement éligible sur les listes communistes des élections de 1951 et 1956.

Parmi les candidats communistes dans ce très populaire XVIIIe arrondissement (qui demeure aujourd'hui, malgré quelques secteurs bourgeois et, pour certains, quasiment villageois, sur le haut de la Butte Montmartre, l'un des trois plus pauvres de Paris pour ce qui est du revenu de la population résidente), figuraient aussi Emile Dutilleul et Auguste Delaune.

Emile Dutilleul, candidat communiste déjà expérimenté, est venu du Nord dès les années 1910 pour demeurer dans l'arrondissement.

Né à Lourches, près de Douai (l'une des villes de France dont la population est la plus modeste), ce fils d'une famille nombreuse commence à travailler à l'âge de onze ans comme verrier, adhère aux idées guesdistes à quinze, puis se laisse tenter par les thèses libertaires quand il arrive à Paris.

Il épouse la fille d'un militant anarchiste de l'époque et sa fille, Mounette, née sur la Butte Montmartre, va d'ailleurs grandir dans le climat si particulier d'uné époque marquée par l'odyssée de la bande à Bonnot, dont les premiers exploits (notamment le fameux attentat de la rue Ordener) ont pour cadre l'arrondissement.

Après la Première Guerre Mondiale, que son métier de typographe lui fait passer dans les services de l'administration d'Etat, Emile Dutilleul va se rapprocher des communistes, et vite devenir, dès le début des années 20, l'un des acteurs essentiels du mouvement communistes, jouant un rôle particulier, celui d'administrateur de l'Humanité mais aussi de trésorier du Parti, en gardant des fonctions au sein de la Banque ouvrière et paysanne.
Emile Dutilleul est donc une sorte de « cheville ouvrière «  du Parti, à une époque où celui ci n'est pas forcément un parti roulant vraiment sur l'or...

Régulièrement candidat dans le XVIIIe, il ne sera toutefois élu qu'en 1936 au poste de député de la cinquième circonscription de la Seine banlieue, constituée autour d'Asnières et Gennevilliers.

Déchu de ses mandats au début de la Seconde Guerre Mondiale, Emile Dutilleul entre dans la clandestinité avant d'être arrêté en octobre 1941.

Son âge déjà relativement avancé (il a plus de cinquante cinq ans) et l'entremise de son neveu Pierre, passé du côté de Doriot au PPF, font qu'il est maintenu en prison par le régime de Vichy et ce, jusqu'à la Libération de la prison de la Santé, en août 1944.

Emile Dutilleul, bien qu'affaibli par les épreuves de la guerre, sera encore député de la Seine en 1945 – 1946.

Il meurt en 1948, frappé par une grave maladie.

Auguste Delaune, candidat dans le quartier de Clignancourt (sur le siège dont les électeurs habitaient, en gros, entre la mairie et le Sacré Coeur), est un autre personnage important du mouvement communiste d'avant guerre.

Né en 1908, Delaune est donc un jeune dirigeant communiste quand il se retrouve candidat en 1935 dans ce quartier.

Soudeur, militant syndical de la CGTU, Auguste Delaune est surtout connu pour avoir été le principal animateur de la Fédération Sportive du Travail, future Fédération Sportive et Gymnique du Travail, organisation proche du mouvement syndical et communiste, visant notamment à faire échapper la pratique sportive de l'influence de l'Eglise comme du patronat paternaliste dans bien des activités sportives à l'époque.

Les objectifs de la FST étaient simples : permettre une large pratique de masse du sport, sous toutes ses formes (l'Humanité sera ainsi le support d'un Grand Prix cycliste annuel et de moult manifestations sportives avant guerre, comme d'ailleurs après guerre) ; constituer des clubs sportifs libérés des Eglises comme de l'influence patronale, dirigés par les adhérents et leurs mandants eux mêmes, dans le cadre associatif hérité de la loi de 1901.

(il conviendra, un de ces jours, de faire quelques articles sur les rapports entre politique et sport, qui sont aussi producteurs et expressions de rapports de forces politiques et sociaux).

Auguste Delaune ne sera donc pas élu, assumant avec celles de dirigeant sportif, des fonctions de responsable de la Jeunesse communiste.

Quand Léo Lagrange devient sous secrétaire d'Etat aux Sports et aux Loisirs, il nomme Auguste Delaune au sein du Conseil supérieur de l'Education Physique et des Sports, un organisme qui va accompagner une politique sportive du Front Populaire dont nous connaissons encore nombre des effets.

De multiples installations sportives, allant du stade complet au simple terrain de jeux, sont réalisées, tandis qu'on allonge la scolarité, qu'on introduit la pratique sportive dans le programme des écoles, qu'on tente les premières expériences de classes sport avec l'expérience Dezarnaulds, qu'on crée le Brevet Sportif Populaire, création de l'Office du sport scolaire et universitaire, etc...

Le tout allant avec un renforcement des effectifs des fédérations sportives spécialisées ou omnisports (la FST devenue FSGT quadruple ses effectifs sur la décennie), le développement du mouvement des Auberges de Jeunesse ou l'invention du billet Congés Payés qui va faciliter à la fois l'accès aux loisirs et celui aux sports.

Mobilisable et donc mobilisé, Auguste Delaune se retrouve, au tournant de mai juin 1940, avec les troupes françaises coincées dans la poche de Dunkerque.

Son comportement au combat a été exemplaire, il est décoré de la Médaille militaire mais son passé de militant le rattrape, si l'on peut dire, et la police de Vichy le met sous les verrous en décembre 1940.

Il s'évade à l'automne 1941 et entre en Résistance, animant l'action des groupes de Résistants communistes en Picardie, puis dans la grande région Bretagne (qui couvre, de fait, l'actuelle région administrative de Bretagne, mais aussi la Sarthe, l'Orne, la Loire Inférieure et la Mayenne).

C'est dans ce cadre qu'il est arrêté au Mans, le 27 juillet 1943, dans un guet apens mis en place par la police française à l'encontre de Résistants sarthois devant se rencontrer ce jour là.

Il est livré à la Gestapo mais ne cède aucun nom ni aucun renseignement à ceux qui l'interrogent.

Auguste Delaune, sous une fausse identité (il n'a jamais donné son propre nom), meurt le 12 septembre 1943, des suites des tortures subies.

Je n'ai pas souvenir que la moindre rue ou place du XVIIIe arrondissement ait pris le nom de cet ancien habitant mais le fait est que le nom d'Auguste Delaune fut donné à plusieurs lieux en France et notamment à Saint Denis, où son père fut, à la Libération, conseiller municipal.

Ainsi, la cité dionysienne lui donne le nom d'une rue, du stade municipal (dont la capacité est d'une douzaine de milliers de places et qui sert encore aujourd'hui pour de multiples activités sportives) et d'une cité de logements HLM.

Le nom d'Auguste Delaune a également été donné au stade de Reims, abritant dans les années 50 les exploits de la fameuse bande à Kopa, Fontaine et Piantoni, sous la direction bienveillante et humaniste d'Albert Batteux.

Un Stade, jadis pourvu d'une piste cycliste, qui a été totalement rénové ces dernières années (il date tout de même de ...1934), dont la capacité a été renouvelée et qui a accueilli un match amical de l'Equipe de France cette année quelques jours avant le peu concluant championnat d'Europe des Nations.

Pour Berthier et Torchaussé, les deux élus de droite du quartier des Grandes Carrières, pas grand chose à dire, sinon que l'un comme l'autre ont été suspendus de leurs fonctions à la Libération, ayant assez fortement résisté à leur envie de résister.

Il faut dire que leurs conceptions de l'humanité peuvent parfois surprendre.

En 1938, Henri Torchaussé interpelle le Préfet de la Seine au sujet des « charges écrasantes supportées par les contribuables parisiens du fait des étrangers ».

A l'appui de son interpellation, il fait un subtil distinguo, indiquant que les « étrangers «  visés sont les « Juifs » (de plus en plus nombreux à arriver en France à la fin des années 30 du fait des délires antisémites constatés dans l'Allemagne nazie mais aussi dans d'autres pays d'Europe), population qu'il partage d'ailleurs lui même en trois catégories : « les Israélites », qu'il considère comme intégrés (il faut bien le reconnaître, vu qu'il y a des Juifs en France depuis l'époque gallo romaine...), « Les Sémites » dont il condamne l'appât du gain et la cupidité, et les « Juifs errants » (vieux mythe de l'antisémitisme européen), pauvres Juifs venant instaurer en France une concurrence déloyale à l'encontre des travailleurs français.

Un discours qui a une prétention scientifique (Torchaussé est médecin) et qui a un air de déjà vu et, hélas, un air qu'on entend encore parfois...

On se doute que, maintenu en fonctions en décembre 1941, cet individu n'ait pas trouvé grâce et place dans le Conseil de Paris de la Libération.

Auguste Sabatier, par contre, va connaître un autre parcours.

Fils de paysans de la Haute Loire, Auguste Sabatier va s'installer à Paris comme négociant, s'impliquant particulièrement dans le petit commerce de bouche et les activités de restauration.

Médaillé et sorti capitaine de la Première guerre Mondiale, Auguste Sabatier anime le syndicat des limonadiers à l'exposition des arts décoratifs, figure au jury du Concours général agricole, s'occupe du Syndicat de la Boucherie et anime moult sociétés de bienfaisance, à vocation culturelle ou intéressées par la préparation militaire.

Son attachement à la droite lui vaut d'être proche des Jeunesses patriotes et des Croix de Feu et s'il est élu député de Paris XVIIIe en 1928, il ne retrouvera plus de mandat sinon celui de conseiller municipal en 1935.

Et il échouera en 1936, d'un peu plus de 180 voix, face au communiste Armand Pillot, dans la deuxième circonscription de l'arrondissement.

Auguste Sabatier ne fait pas partie des conseillers municipaux maintenus par Vichy en 1941 (il est alors au Maroc) mais se retrouve nommé en 1944 , le 10 juin.

Mais son action ne doit pas correspondre tout à fait à ce qu'attendaient les Allemands et Vichy puisqu'il est déporté et meurt à Buchenwald en août 1944.

Pour Georges Thomas, dans le quartier des Grandes Carrières, j'ai quelques indications également.

Il s'agissait d'un militant socialiste originaire de la Vienne, tailleur de pierres de métier, âgé d'une bonne cinquantaine d'années en 1935, venu au socialisme, avant la guerre de 14 – 18, par le mouvement coopératif, et notamment les deux sociétés « La Montmartroise » et « la Prolétarienne du XVIIIe » dont il sera membre et dont il assurera de fait la fusion.

Dans les années 20, il devient permanent de la Fédération nationale des coopératives, avant de commencer une carrière d'élu du XVIIIe à l'occasion d'une élection partielle organisée en 1927, suite au décès du candidat socialiste sortant.

Sa défaite en 1935, sous l'étiquette de socialiste de France, témoigne du fait qu'il a été sensible, quelques temps auparavant, à la scission dite des « néos socialistes », notamment animée par des élus comme le député du XX e arrondissement, Marcel Déat.

Tous les membres du courant « néo », notamment organisés dans l'USR après les élections de 1936, ne vont pas connaître le même mouvement que Marcel Déat.

Thomas ne fera pas partie de ceux là mais sa vie politique s'arrête manifestement avec son échec de 1935.

Indications disponibles aussi pour Victor Constant, élu de Clignancourt.

Né en Haute Loire d'un père négociant en vins, Victor Constant, qui avait commencé des études de droit, fut contraint, de par le décès prématuré de son géniteur, de reprendre l'affaire familiale.

Une activité publique par excellence qui lui permit, très vite, sous une étiquette de républicain plutôt modéré, d'exercer quelques mandats locaux : conseiller général du Puy comme l'avait été son père et maire de Saint Germain Laprade ensuite.

En 1919, Victor Constant fut élu député de la Haute Loire, sur une liste républicaine de droite qui décrocha trois sièges sur quatre.

De par sa profession, il intervint à moult reprises pour défendre les intérêts des petits commerçants, dans une orientation assez proche de ce que l'on connaîtra plus tard avec le poujadisme et certains syndicats proches de la droite extrême en la matière.

Par contre, il ne parvint pas à se faire réélire en 1924 et fut battu en 1928 par M. Jules Boyer, dans la première circonscription du Puy, ce qui lui donna envie de changer de terrain électoral.

Et c'est ainsi que Victor Constant se retrouva à Paris où il fut élu conseiller municipal en 1929 et réélu en 1935, comme nous l'avons vu plus haut.

Il fut vice Président du conseil en 1930 et participa, comme d'autres conseillers de droite de la « majorité » parisienne, à la manifestation du 6 février 1934 aux côtés des ligues et des Croix de Feu.

En 1938, Constant va se faire élire au Sénat suite au décès de Charles Auray, le maire de Pantin.

Il bat à cette occasion le communiste Georges Marrane au dernier tour de scrutin.

Tout un symbole ou presque dans cette victoire d'un futur collaborateur (il sera Président du conseil de Paris pendant une partie de la guerre et membre du Conseil national) et l'un des responsables futurs de la Libération de la capitale.
vudeloin
 
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Dim 2 Sep 2012 21:28


Passons au dix neuvième arrondissement.


La Villette


Inscrits 10 402
Votants 7 897
Exprimés 7 683

Beaufumé (SFIO) 5 179, élu
Lefaux (radical socialiste) 2 485

Pont de Flandre

Inscrits 3 965
Votants 3 323
Exprimés 3 245

Grésa (PCF) 1 668, élu
Martinaud Déplat (député, radical socialiste) 1 371
Saulnier 106
Rozier (socialiste indépendant) 52
Lagard 32
Heibling (indépendant) 12

Combat


Inscrits 10 833
Votants 8 778
Exprimés 8 611

Fiancette (sortant, socialiste indépendant) 5 076, réélu
Touchard (PCF) 3 525
Divers 10

Un arrondissement où clairement, la gauche s'explique entre ses différetes forces et qui voit la droite arbitrer, avec ses électeurs, la confrontation entre socialistes anticommunistes, radicaux et communistes au second tour...

Lors du scrutin législatif de 1936, Jacques Grésa et Auguste Touchard vont gagner les deux sièges de l'arrondissement

Grésa, renforcé par son succès lors de la partielle de décembre déjà évoquée, battra de nouveau Léon Martinaud Déplat lors du scrutin de mai 1935.

Jacques Grésa, fonctionnaire des Contributions indirectes, militant syndical, obtiendra en effet 7 512 voix sur 14 585 exprimés (soit 51,5 %), contre 7 067 (48,4 %) contre son adversaire, président de l'Union des Jeunes avocats et l'une des étoiles montantes, alors, du Parti radical et radical socialiste.

Auguste Touchard, pour sa part, s'imposera plus nettement, en obtenant 11 075 voix sur 19 754 exprimés (soit 56,1 %) face à un candidat républicain socialiste et un divers gauche.

Nos deux élus communistes connaîtront les affres de la guerre, Auguste Touchard faisant notamment partie de ces députés communistes déchus de leur mandat qui effectueront un très long stage en détention à la prison de Maison Carrée (aujourd'hui El Harrach) en Algérie, avant d'être libéré par le débarquement allié en Afrique du Nord (opération Torch) en novembre 1942.

Auguste Touchard participera aux émissions des Français Libres sur la BBC et créera à la Libération l'Union Française des Anciens Combattants et Victimes de Guerre (UFAC – VG), tout en participant à l'activité de l'ARAC.

Auguste Touchard était en effet un ancien de 14 – 18, ayant reçu à ce titre la Médaille militaire et la Croix de Guerre.

Il redeviendra élu municipal de Paris et sera député de la Seine pour la première Assemblée Constituante puis de 1946 à 1951.

Dirigeant politique des communistes de son arrondissement de naissance et d'élection (c'était un pur produit du quartier), Auguste Touchard sera aussi longtemps impliqué dans le monde combattant, tant au plan associatif qu'au niveau institutionnel, au sein de l'Office National.

Jacques Grésa effectue, si l'on peut dire, le même stage à Maison Carrée qu'Auguste Touchard.

Ceci dit, après la libération des députés et élus communistes détenus en Algérie, il est embauché par Fernand Grenier, nommé commissaire à l'Air du Gouvernement provisoire et devient son directeur de cabinet.

Les qualités de l'ancien fonctionnaire des contributions indirectes à mettre en place les choses sont telles qu'il va poursuivre cette mission, dans les mêmes conditions, lorsque Charles Tillon devient Ministre de l'Air.

A l'occasion des premières consultations électorales de la Libération, Jacques Grésa fait partie de ces élus parisiens (quand bien même lui même est d'origine catalane, puisque né au Canet) que la direction du PCF envoie en province pour capitaliser l'acquis de la Résistance au plan politique.

Il est donc élu, à trois reprises (aux deux Assemblées constituantes et en 1946) député de Haute Garonne sans pouvoir toutefois faire de ce département jadis radical socialiste et devenu SFIO une place forte pour le PCF.

Le score de la liste de Jacques Grésa (27 % en octobre 46) est tout à fait estimable mais celui de la liste SFIO est plus élevé.

Il sera dès lors, pendant cinq ans, l'un des bons orateurs du PCF au Palais Bourbon, intervenant sur les questions de droit syndical, mais aussi sur les problèmes budgétaires et financiers comme sur les questions liées à l'industrie aéronautique et au transport aérien.

Enfin, sur un plan associatif, il s'engage évidemment dans les associations de soutien à la République espagnole et aux réfugiés de la retirada de l'hiver 39.

Pour les autres candidats, on se doute bien que l'une des personnalités les plus intéressantes est celle de Léon Martinaud Déplat.

Jeune député de Paris en 1932 (il est né en 1899), Martinaud Déplat, avocat déjà réputé sur la place de Paris est l'une des étoiles montantes du parti radical quand il est battu par Jacques Grésa lors du scrutin de mai 1936.

D'une certaine manière, d'ailleurs, son échec électoral illustre à la fois la perte d'influence des radicaux socialistes dans Paris (ils n'obtiendront qu'un seul député sur toute la capitale en mai 1936, l'aviateur Bossoutrot) mais aussi le mouvement qui les réduit au sein de la gauche au profit des deux forces montantes que sont un PCF devenu aussi « communiste » que « français » et une SFIO qui aura réussi à résoudre le problème de la scission des « néos ».

Les radicaux socialistes ont d'ailleurs une certaine méfiance pour Paris, que l'on peut fort bien comprendre, le mode de scrutin municipal par quartiers ayant tendance à surreprésenter les arrondissements bourgeois relativement peu peuplés au détriment des populaires et populeux faubourgs ouvriers, notamment ceux émergeant de l'annexion de 1860 et de la suppression progressive des « fortifs » et de la « zone ».

Le parti radical s'est d'ailleurs toujours opposé, dans les dernières années de la Troisième République, à l'instauration de l'élection d'un Maire élu dans la capitale.

Privé de mandat, local comme national, Martinaud Déplat, qui avait commencé sa carrière politique en portant les couleurs radicales dans le quartier du Bel Air aux municipales de 1925 (815 voix sur 5 039, soit 16,2 %), ne va cependant pas rester inactif.

Réformé militaire, il se retrouve en effet directeur de la presse et de la censure pendant la « drôle de guerre », ce qui n'est pas un mince sujet au moment où, par exemple, la presse d'obédience communiste prend le même chemin que le Parti et ses élus, c'est à dire celui de la clandestinité...

Mais ce n'est pas là la seule victime, si l'on peut dire, des ciseaux de la censure puisque Martinaud Déplat interdit également le journal satirique « Le Crapouillot », issu des tranchées de 14 – 18, dont nombre de collaborateurs sont pourtant illustres et connus dans la vie intellectuelle de l'époque et qui n'est pas encore la feuille d'extrême droite qu'il fut à sa disparition.

Pendant la guerre, Léon Martinaud Déplat ne joue aucun rôle politique, ni dans la Résistance, ni dans la collaboration.

Seulement voilà, membre du comité exécutif du parti radical dès avant la guerre, Martinaud Déplat va reprendre du service après la guerre.

Féru d'organisation, il est l'un des acteurs décisifs de la « reconstruction » du parti radical socialiste, aux côtés de la figure tutélaire d'Edouard Herriot, pour assurer la transition entre la grande masse des notables et élus radicaux condamnés pour faits de collaboration avec l'Occupant et l'émergence de nouveaux cadres, issus de la lutte clandestine.

De fait, Martinaud Déplat a du pain sur la planche, au moment de reconstruire un parti dont bien des figures ont mal passé l'épreuve de la guerre...

Il repère ainsi, au sein des forces montantes du parti, de jeunes et nouveaux élus, notamment un certain Jacques Delmas, dit Chaban depuis ses années de Résistance, dont il va faire le candidat radical sur Bordeaux.

Assisté par un ancien député, Michard Pellissier, avocat comme Martinaud Déplat, élu des Hautes Alpes finalement déménagé en Gironde (il finira par y être élu maire de Soulac dans les années 60), Chaban va parvenir à conquérir les positions que l'on sait à la mairie de Bordeaux comme au Palais Bourbon en respectant à la lettre les principes de son mentor, à savoir constituer une majorité de « troisième force », excluant les communistes...

La suite des opérations, chacun la connaît puisque Chaban Delmas tout comme un certain Michel Debré finiront par quitter le Parti radical pour le mouvement gaulliste.

Toujours est il que le nouveau credo de Martinaud Déplat, après la guerre, est la lutte, par tous les moyens, contre l'influence communiste.

C'est ainsi qu'il promeut la constitution de listes de Rassemblement des Gauches Républicaines, où les radicaux côtoient bien souvent des hommes de droite, certains marqués par la collaboration avec l'ennemi, ou des exclus de la SFIO ayant fait le mauvais choix pendant les années noires.

Martinaud Déplat soutient ainsi les initiatives du maire de Mantes Gassicourt Jean Paul David, dont l'association Paix et Liberté se fixe comme tâche « d'apporter l'information » nécessaire pour contrebalancer la propagande communiste.

Un Jean Paul David qui restera, rappelons le, maire de Mantes Gassicourt devenue Mantes la Jolie avec la construction de l'ensemble du Val Fourré, jusqu'en 1977 et la victoire du socialiste Paul Picart.

Son inclination à lutter contre les communistes le fait, entre autres, lancer l'inculpation de Jacques Duclos et d'autres dirigeants communistes dans la célèbre affaire dite « complot des pigeons », survenue à l'issue des manifestations, pour le moins agitées, ayant accompagné la visite à Paris du général américain Ridgway, connu en son temps pour avoir prôné le recours à la guerre bactériologique en Corée.

Garde des Sceaux, il ne manque pas de recommander aux procureurs généraux de faire preuve de la plus grande sévérité face aux activités politiques du PCF et de toute organisation s'en rapprochant.

Devenu responsable principal du Parti, Martinaud Déplat fait du parti radical l'élément moteur des gouvernements de troisième force qui succèdent de 1947 à 1958 et plus encore après 1951 et la loi sur les apparentements.

Redevenu député des Bouches du Rhône sur une liste RGR en 1951 (avec 13,4 % des voix dans la seconde circonscription du département), il redevient également Ministre, étant Garde des Sceaux de janvier 1952 à juin 1953 puis Ministre de l'Intérieur jusqu'en juin 1954.

(encore une illustration que la fameuse instabilité ministérielle de la Quatrième République fut somme toute relative, les mêmes hommes pouvant fort bien avoir des carrières ministérielles continues).

Durant toute la période, Martinaud Déplat sera le défenseur de la tragique aventure coloniale en Indochine et rencontrera, au sein du Parti radical, l'opposition des anciens « Jeunes Turcs » comme Pierre Mendès France, partisans de la négociation.

La ligne Martinaud Déplat, en matière de présence française dans ce qui est encore l'empire colonial, est connue : c'est celle de la préservation de la mainmise française et le rejet de l'autodétermination et de l'indépendance.

Ainsi, en 1945, a t il rejeté par avance toute discussion avec le Viet Minh en affirmant « On ne traite pas avec des assassins et des rebelles ».

Les interventions de Martinaud Déplat tendent la situation au Maroc, en Tunisie et en Algérie où il prend le parti des colons contre toute évolution de la situation.

Ainsi, en 1953, est il directement concerné par la tentative de déposition du sultan du Maroc Mohammed Ben Youssef, futur Mohammed V et père de Hassan II, qui va conduire, comme chacun le sait, à la déconfiture de la France, contrainte finalement de réinstaller sur le trône l'intéressé, après avoir tenté d'y placer Mohammed ben Arafa.

Même si la suite des événements n'a jamais fait de Mohammed V un révolutionnaire acharné ni un progressiste comme purent l'être Ben Bella en Algérie ou Bourguiba, pendant les années Ben Salah, en Tunisie, force est de constater que Léon Martinaud Déplat avait fait, là encore, un mauvais choix.

Il est de fait, de mon point de vue, l'un des responsables de la seconde mort du parti radical, après le coup de bambou pris à l'occasion de la Seconde Guerre Mondiale.

Le parti qu'il a relancé après guerre n'a pas su garder ses forces vives et ses dirigeants prometteurs (sauf quelques uns qui deviendront les responsables du MRG et doivent beaucoup à la pérennité de la Dépêche du Midi) et il s'est fourvoyé dans des options politiques d'alliance au centre droit qui ont ouvert la place à la fois à une SFIO plus influente dans les milieux jusqu'ici gagnés au radicalisme mais aussi au gaullisme sur la fin des années 50.

Et si Martinaud Déplat finit par être battu, lors du congrès de la salle Wagram de juin 1955 par les radicaux de la tendance Mendès France, il laisse derrière lui un parti dont les forces centrifuges vont bientôt conduire à l'émergence du courant moricien, ancrant à droite les héritiers du parti valoisien.

Exclu du parti, Martinaud Déplat n'est pas réélu député en janvier 1956, sa liste n'ayant pas assez de voix pour cela, et se contente, jusqu'à son décès en 1969, de demeurer maire de la petite commune de Saint Antonin sur Bayon, en pays d'Aix.

Pour Eugène Fiancette, élu socialiste indépendant du quartier du Combat (ledit quartier devant son nom, selon une origine peut être douteuse, au fait que s'y déroulaient, dans le passé, des combats d'animaux avec paris, situation plausible puisqu'on était dans les faubourgs de la ville), le parcours politique est celui de la fin de course.

Elu au conseil de Paris dès 1913, Eugène Fiancette a, derrière lui, une carrière de cocher de fiacre et de militant syndical dans le milieu des chauffeurs de taxi et de fiacre (je ne sais s'il connaissait la célèbre chanson sur les cochers), dont ont peut se demander s'il n'a pas participé à la fameuse grève des taxis racontée par Aragon dans son étonnant roman « Les Cloches de Bâle ».

Il est, au départ, élu SFIO et va, peu à peu, quitter le parti pour se retrouver nanti de l'étiquette socialiste indépendant, donc, dans les années 30.

Le Creusois d'origine est élu député de la première circonscription de l'arrondissement dès le premier tour en 1928 et en 1932.

S'éloignant de la SFIO, il se retrouve, fin 1935, après nos municipales du printemps, candidat sur la liste Sénatoriale de Pierre Laval et se retrouve élu sénateur de la Seine le 20 octobre, optant pour la tranquillité du Luxembourg au lieu de l'agitation du Palais Bourbon en démissionnant de la Chambre fin janvier 1936.

Il se distingue au Sénat en intervenant lors de la discussion du projet de loi de déchéance des élus communistes en 1940.

Tels que rapportés par la presse de l'époque, les propos d'Eugène Fiancette indiquent notamment que « lorsque l'existence d'un peuple est menacée, peu importe les considérations juridiques, puisque le salut de la patrie importe sur tout ».

Il appelle de ses voeux un élargissement du projet à l'ensemble des élus communistes en indiquant «  Je suis certain que le projet actuel devra être bientôt complété. La Nation française va t elle être asservie par 20 000 asservis à Moscou ? » (fin de citation)

On observera une fois encore qu'à l'époque, du côté de l'excès verbal, on n'était pas en reste par rapport à aujourd'hui...

Eugène Fiancette votera les pleins pouvoirs à Pétain, ce qui lui coûtera évidemment de se retrouver inéligible à la Libération, malgré une première expérience lors des municipales du printemps 1945. où il participe à une liste des exclus de la SFIO avec trois autres élus que nous connaissons déjà, à savoir Jean Garchery, Louis Castellaz et Louis Taillard.

Pour Georges Beaufumé, élu socialiste du quartier de la Villette, quelques éléments également.

Employé municipal et secrétaire de la section SFIO du XIXe arrondissement, Georges Beaufumé est élu du quartier de La Villette depuis 1925.

Il a devancé au premier tour Corentin Cariou et chacun aura en mémoire que si le second a donné son nom à une rue du quartier, l'autre n'a pas eu cet honneur.

Et c'est ma foi fort logique puisque Georges Beaufumé n'a pas pas se faire délivrer de brevet de Résistance à la Libération.

Georges Beaufumé ne fut en effet pas déchu du moindre mandat et fut maintenu en fonctions dans le conseil de Paris tel que défini par la loi du 16 octobre 1941.

Il sera même vice Président du conseil municipal...

Autant dire qu'il n'aura pas de carrière politique après 1945...

Corentin Cariou, le battu de 1935, sera élu en 1938 (le 27 mars en pratique) dans le quartier Pont de Flandre, où il prendra la place de Jacques Grésa qui a démissionné pour mieux se consacrer à son travail de député.

Au premier tour, Corentin Cariou obtient 1 553 voix sur 3 134 (soit 49,55 % des suffrages) et l'emporte au second avec 1 838 suffrages sur 2 989 (soit 61,5 %).
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Dim 2 Sep 2012 21:28


Passons au vingtième arrondissement.


Belleville

Inscrits 11 552
Votants 9 458
Exprimés 9 236

Schnitzer (sortant, socialiste de France) 4 701, élu
Brout (PCF) 4 525
Luquet (fils, SFIO) 6
Arianer (URD) 3
Barré 1

Père Lachaise


Inscrits 12 831
Votants 10 147
Exprimés 9 860

Loyau (sortant, socialiste de France) 5 980, réélu
Ferrat (PCF) 3 874
Joffre (union nationale) 5
Chabrier (SFIO) 1

Charonne (première circonscription)

Inscrits 7 489
Votants 6 238
Exprimés 6 130

Levillain (sortant, socialiste de France) 3 371, réélu
Chaintron (PCF) 2 759

Charonne (seconde circonscription)


Inscrits 6 257
Votants 5 187
Exprimés 5 078

Bossus (PCF) 2 557, élu
Laurent (socialiste de France) 2 521
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Dim 2 Sep 2012 21:28

Comme on peut le voir, le vingtième arrondissement se retrouve, au second tour, être le théâtre d'une confrontation particulièrement féroce entre Parti socialiste de France et Parti communiste.

Au premier tour, dans les cinq circonscriptions de l'arrondissement, on avait relevé 37 425 suffrages exprimés.

Seul le docteur Besson, père de la prophylaxie et des campagnes de vaccination de masse, avait été élu au premier tour dans le quartier Saint Fargeau, sous l'étiquette républicain socialiste.

Pour le reste, le PsdF avait recueilli 13 104 voix (35 % des votes), le PCF 11 232 (30 %) et la SFIO 6 144 (16,4 %).
Comme les votes du docteur Besson pèsent pour 3 901 suffrages (10,4 %), on mesure aisément qu'il reste dans cette affaire assez peu d'influence pour les candidats d'une autre étiquette, qu'il s'agisse de candidats de droite comme de candidats radicaux.

L'observation principale, évidemment, c'est que le vingtième arrondissement apparaît clairement en mai 1935 comme une sérieuse épine dans le pied de la SFIO parisienne, car le vote des différents quartiers confirme, de fait, la prééminence temporaire de la scission des « néos «  sur la SFIO « officielle ».

Il faut dire qu'à l'époque, les deux députés du XX e arrondissement sont le socialiste SFIO Robert Jardel, élu à l'occasion d'une partielle député de la première circonscription (une partielle où il battit un certain ...Maurice Thorez) et le néo, l'un des initiateurs de la scission avec Adrien Marquet, maire de Bordeaux et Barthélemy Montagnon, Marcel Déat.

On ne dira jamais assez comment les articles écrits dans l'Oeuvre par le distingué normalien qu'était Marcel Déat ont contribué, peu à peu, à faire glisser une partie de la gauche non communiste vers une forme de pacifisme mélangé d'admiration à l'égard des régimes nazi et fasciste.

Autant dire, tout de même que Marcel Déat, élu en 1932 face à Jacques Duclos, autre dirigeant communiste (qui sera élu en mai 1936 de l'autre
côté des boulevards extérieurs à Montreuil), est un socialiste très anticommuniste qui, de manière disons mécanique, peut fort bien attirer sur lui le vote d'électeurs de droite dès lors qu'il s'agit de départager des candidats en ballottage.

Ce qui ne manque évidemment pas de se produire dans le cas de nos municipales de mai 1935.

Sur Charonne, Levillain et le candidat de droite ont réuni 3 262 voix au premier tour et les deux candidats PCF et SFIO 2 860.

Au second, Levillain l'emporte avec 3 371 voix et le candidat PCF en recueille 2 759.

Sur le deuxième siège de Charonne, Laurent pourrait a priori compter sur 2 580 votes et Bossus sur 2 561.
Le tout s'achève, comme on l'a vu, avec 2 557 voix pour Bossus et 2 521 pour Laurent.

Bien évidemment, je ne vais pas faire ici de trop longs développements sur la dérive qui va conduire Marcel Déat à la collaboration avec l'ennemi, au travers de la création de son mouvement, le Rassemblement National Populaire, ni au fait qu'une bonne part de ceux qui sont candidats dans cet arrondissement parisien (Levillain notamment) au nom du PsdF vont le suivre.

Intéressantes sont les trajectoires d'autres candidats.

Marcel Brout, le candidat communiste de Belleville, alors âgé de quarante huit ans, est ouvrier cimentier de profession.

Son échec aux municipales, condamné par L'Humanité qui lance une campagne contre le vainqueur Schnitzer, mettant en cause les conditions de déroulement du scrutin (les urnes auraient été « arrangées ») ne doit pas faire oublier qu'il sera élu député l'année suivante en battant le SFIO Jardel, qui se sera maintenu malgré le mot d'ordre de désistement du Front Populaire.

En 1940, embarqué dans le Massilia, Marcel Brout ne sera donc pas présent au vote du 10 juillet 1940, étant resté parlementaire pour avoir quitté le parti, en désaccord avec le pacte germano soviétique.

Apparemment embarqué dans l'affaire du Parti Ouvrier et Paysan français de Clamamus et Gitton, Marcel Brout évitera cependant de s'impliquer de nouveau dans la vie politique.

Dans un autre ordre d'idées, le cas d'Emmanuel Fleury, le candidat communiste battu sur Saint Fargeau qui va l'emporter finalement en 1936.

En effet, le docteur Besson, élu depuis quelque temps tout de même, va aller préférer exercer de nouveau son métier de médecin en dirigeant les services sanitaires de la ville de Paris.

Il démissionne de son mandat de conseiller municipal et une élection partielle est organisée le 7 juin 1936.

Ce qui n'est pas tout à fait n'importe quel jour de cette fameuse année...

Car le premier tour se déroule, un mois après le second tour des législatives, au moment même où les organisations syndicales et patronales discutent à l'Hôtel Matignon de ce qui va devenir (précisément dans la nuit du 7 au 8 juin) les accords Matignon, contenant nombre de dispositions historiques en matière de droits des travailleurs.

Autant dire que la candidature d'Emmanuel Fleury a le vent en poupe et qu'il arrive donc en tête avec 2 437 voix sur 5 937, soit 41 % des voix.

Il devance le candidat de droite Danse, 2 223 voix (37,4 %), le SFIO Spinetta, 814 voix (13,7 %) et le néo socialiste Crémieux 463 voix (7,8 %).

Emmanuel Fleury avait obtenu 1 524 voix en mai 1935 et le candidat SFIO 848.

Au second tour, il obtient 3 227 voix contre 2 774 pour le candidat de droite, soit un rapport 53,8/46,2 qui ne laisse aucune équivoque et montre que les électeurs des néo socialistes sont assez enclins à voter à droite ensuite...

Ceci posé, celui qui sera l'un des onze élus communiste invalidés en vertu de la loi du 21 janvier 1940, mérite tout de même qu'on s'intéresse un peu à lui.

Jeune élu (il est né en 1900), Emmanuel Fleury commence très jeune à travailler comme postier au bureau de poste principal du vingtième arrondissement.

Militant de la SFIO en 1919, optant pour le PCF dès le Congrès de Tours, Emmanuel Fleury va aussi acquérir une expérience syndicale dans son administration où il devient responsable du syndicat des facteurs CGTU, animateur de luttes sociales et, d'ailleurs, révoqué à ce titre en 1929.

Il ne sera d'ailleurs réintégré qu'en 1936, année de son élection mais aussi année où il se met à exercer les fonctions de secrétaire du syndicat des agents de son rang au sein de la CGT PTT réunifiée.

Par la suite, il est déchu de son mandat, privé de ses responsabilités syndicales puis entre dans la clandestinité, où il structure la Résistance dans sa profession.

Il faut dire que l'un des principaux dirigeants de la CGT des PTT, René Belin, est devenu l'un des plus sûrs soutiens du régime de Vichy et qu'il y sera même Ministre du Travail et que la fédération a constitué l'un des bastions de la tendance, plutôt anticommuniste, qu'il animait au sein de la CGT réunifiée.

En 1944, avec Fernand Piccot, futur Secrétaire général de la CGT après la Libération, Emmanuel Fleury sera l'un des animateurs de la grève des postiers parisiens des mois de juillet et août, qui vont préparer l'insurrection victorieuse de la fin août.

C'est ès qualités d'ancien membre du conseil municipal qu'il est donc co signataire de l'appel du 18 août à l'insurrection du peuple de Paris.

Après guerre, Emmanuel Fleury redeviendra conseiller municipal de la capitale et le sera encore pendant vingt ans, tout en devenant en 1961 Président de la Fédération des travailleurs des PTT.

Alphonse Loyau, élu du Père Lachaise, est un ouvrier mécanicien de profession, originaire de Montluçon (il y est né en 1877) et est l'un des plus anciens élus socialistes de Paris puisqu'il se fait remettre en 1939 une médaille spéciale marquant ses vingt cinq années de mandat ininterrompu.

Il sera l'un des rares élus socialistes ou socialisants de Paris à ne pas verser dans les errements de la collaboration même si son âge déjà significatif ne lui permettra guère de jouer un grand rôle après guerre (il meurt en 1951).

André Ferrat, battu par Alphonse Loyau, est une des fortes personnalités du PCF à l'époque.

Intellectuel, critique vis à vis de certaines positions adoptées par les communistes au niveau de l'Internationale, André Ferrat est l'un de ceux qui professent assez vite quelque réticence à l'égard des orientations staliniennes, tout en se positionnant en faveur de la décolonisation.

Il est en effet chargé, un temps, de la mission d'examiner la situation de nos colonies et noue notamment des contacts avec le Mouvement national algérien.

Il est, de 1932 à 1934, rédacteur en chef de l'Humanité, avant de se voir remplacé.

En 1935, il est encore candidat du PCF dans l'arrondissement mais ses divergences d'appréciation avec la ligne de la direction le font notamment se distinguer lors du mouvement revendicatif du printemps 1936, suivant les élections d'avril mai, en se positionnant en faveur de la poursuite du mouvement au delà de la signature des accords Matignon.

Une position « extrémiste » qui vaut à André Ferrat d'être exclu du Parti dès juillet 1936.

Le groupe de communistes qu'il a animé, intitulé Que Faire (référence explicite à l'un des plus fameux textes léninistes), rejoint finalement la SFIO en 1937.

Mobilisé en 1939 (il a trente sept ans), André Ferrat (André Morel à l'origine) va être blessé pendant les opérations de 1940.

Ce qui ne l'empêchera pas de rejoindre la Résistance en 1942, puis d'être l'un des rédacteurs de Franc Tireur, journal issu du mouvement de Résistance du même nom.

Membre de la SFIO après guerre, André Ferrat s'en détachera sur la question algérienne, attaché qu'il est à la défense de la cause de la décolonisation.

Ainsi se termine, pour le moment, cette relation des élections municipales de 1935 à Paris.
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Re: Elections municipales de 1935

Messagede vudeloin » Mer 5 Sep 2012 23:05

Pour bien comprendre les effets du mode de scrutin en vigueur à Paris en 1935, un simple rappel des voix du second tour.

L'accroissement du nombre des élus, un accroissement mesuré (dix sièges de plus) n'a pas changé la donne.
Ce sont, comme chacun a pu s'en rendre compte, les partis de droite et de centre droit qui dominent au sein du Conseil de Paris, avec un total de 56 élus sur les 90 le composant, à ce stade du renouvellement des édiles.

Comme chacun s'en rendu compte à la lecture, deux sièges iront aux communistes, lors de partielles menées dans les 11e et 19e arrondissements, mais cela ne change pas grand chose au film.

Le Figaro daté du 13 mai 1935 nous indique la répartition (selon le journal) des élus

A droite, quatre indépendants, vingt quatre républicains, vingt quatre républicains de gauche et quatre radicaux indépendants, soit cinquante six sièges.

A gauche, quatre radicaux socialistes, sept socialistes indépendants et républicains socialistes, trois socialistes de France, six socialistes unifiés (comprendre SFIO) et quatorze communistes (dont 6 pupistes), soit trente quatre sièges.

Au premier tour, comme nous l'avons vu, les partis de droite et du centre droit ont remporté vingt huit sièges et la gauche cinq.
Au second tour, la gauche emporte vingt neuf ballottages et la droite vingt huit.

Un seul siège d'écart au second tour ? Certes...
Mais les voix, donc ?

Eh bien, au second tour, nous avons les chiffres suivants

Droite 122 771 voix (40,52 %)
Gauche 179 258 voix (59,15 %)
Divers 1 008 (0,33 %)

Je n'ai pas fait les comptes du premier tour mais je n'ai pas de doute sur la tendance globale. La gauche était majoritaire en voix le 5 mai lors du premier tour des municipales parisiennes.

Joli, non ?
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