de vudeloin » Dim 2 Sep 2012 21:28
Résultat contrasté dans cet arrondissement, où la gauche, de par la concurrence entre PCF et ex membres de la SFIO (les élus et candidats socialistes de France sont les dissidents du parti socialiste qualifiés parfois de « néos »), laisse la droite prendre des positions dont elle ne disposait pas à l'issue du scrutin de 1929.
A l'époque, les quatre quartiers du XVIIIe ont élu des conseillers de gauche : deux socialistes SFIO sur Grandes Carrières et Clignancourt, deux communistes sur La Chapelle et la Goutte d'Or.
Dans la tourmente des années 30, les deux élus communistes (Charles Joly et Louis Sellier) ont quitté le parti et participent désormais aux listes du Bloc Ouvrier et Paysan avec d'autres élus dont nous avons déjà parlé (Garchery dans le XIIe, Louis Gélis dans le XIIIe par exemple).
Et les élus SFIO ont suivi le même chemin, conduisant au résultat constaté en 1935.
Pour ce qui est de la suite, les élus de ce printemps 1935 prendront des destinées fort diverses.
La même remarque vaut pour les candidats.
Armand Pillot, âgé de quarante deux ans au moment du scrutin municipal, va devenir député de Paris l'année suivante.
Ce militant syndicaliste de la métallurgie, venu de Nantes pour travailler à Paris, conseiller prud'homme, a acquis une certaine influence dans les milieux ouvriers du Paris populaire, d'autant qu'il s'est présenté, sans succès, pendant plus de dix ans dans le même arrondissement parisien.
Il sera donc député durant la seizième législature et quittera le Parti communiste peu de temps après le pacte germano soviétique.
Reniant ses engagements antérieurs, Armand Pillot n'est pas déchu de son mandat et c'est ès qualités de parlementaires qu'il vote les pleins pouvoirs à Pétain.
Il va participer à l'aventure hasardeuse du Parti ouvrier et paysan français, parti créé par Marcel Giroux (dit Gitton), le député de Pantin – Bagnolet, l'un des secrétaires du PCF au moment du Front Populaire.
Une aventure qui se termine fort mal pour Marcel Gitton qui sera abattu par un résistant communiste en 1941, et moins mal pour Pillot qui, même s'il survit à la guerre, se retrouvera évidemment hors jeu de la politique de l'après guerre.
Louis Sellier, l'élu de la Goutte d'Or, au premier tour, est aussi l'un des députés du XVIIIe arrondissement en 1936.
Elu du Parti d'unité prolétarienne (PUP), sa personnalité fait alors unanimité ou presque à gauche.
Agé d'environ cinquante ans en 1935, Louis Sellier est déjà un élu municipal relativement ancien du quartier de la Goutte d'Or.
Agent des PTT et syndicaliste, son premier mandat local date de 1914 et il est ensuite régulièrement reconduit, passant du parti socialiste au Parti communiste (il est élu sous cette étiquette en mai 1925 et en mai 1929 au conseil municipal de Paris et se retrouve même un temps, Secrétaire général du PCF temporaire, après le départ de Ludovic Frossard), puis quittant ce Parti en 1929 (époque où le PCF – SFIC est contrôlé par deux dirigeants issus de la JC, Barbé et Célor, qui conduisent au « raidissement » idéologique du Parti, dont la traduction électorale sera l'échec relatif des élections de 1932).
Il a acquis dans ces mandats une certaine expérience, notamment sur les questions sociales touchant la population modeste de son quartier d'élection ou sur les problèmes de logement.
En 1935, Louis Sellier est ainsi à l'origine d'un concours d'architecture destiné à la réalisation de programmes d'habitations à bon marché.
Le vainqueur de ce concours est l'architecte Marc Solotareff, issu de l'immigration russe d'après 1917, qui participera, après guerre, à de nombreux programmes de construction de logements sociaux.
Associé à André Lurçat, architecte dont le frère n'était autre que le grand peintre et dessinateur de cartons de tapisserie Jean Lurçat, Marc Solotareff réalisera des opérations significatives de l'urbanisme social de l'après Seconde Guerre Mondiale comme le groupe HBM du 95 boulevard Jourdan (dans le XIVe arrondissement) mais aussi un ensemble important de groupes locatifs réalisés à Saint Denis par le cabinet Lurçat dont il sera l'un des chargés d'opération.
Ainsi en est il des cités Auguste Delaune, Paul Eluard ou encore Paul Langevin, tous programmes dont la ligne est reconnaissable entre toutes (pour ainsi dire) pour qui connaît un peu le logement social, programmes où les espaces de vie sont fondés, notamment, sur une densification mesurée de l'emprise foncière du groupe réalisé, la présence d'espaces collectifs, engazonnés et arborés, intégrant salles de réunions et souvent, locaux associatifs, de réunion et/commerciaux.
Louis Sellier, élu contre Marcel Cachin en 1932 dans le XVIIIe arrondissement (circonscription entre La Chapelle et Goutte d'Or), sera élu par l'ensemble de la gauche en 1936.
Il rejoint la SFIO dès 1937, comme d'ailleurs l'essentiel des membres de son parti, élus nationaux ou parisiens.
En 1940, Louis Sellier vote en faveur des pleins pouvoirs à Pétain et reste installé au sein du conseil municipal de Paris, même lorsque le régime vichyste modifie, par la loi du 16 octobre 1941, le fonctionnement du conseil général de la Seine et celui du conseil municipal de Paris.
En 1943, alors que les membres du conseil de Paris sont cooptés par le régime, il est même vice Président du conseil municipal de la ville.
Bien entendu, avec de tels états de service, Louis Sellier se retrouve mis hors jeu de la politique après la Libération, et n'aura plus, comme solution, que de participer aux activités du Parti socialiste démocratique de Paul Faure, structure de rassemblement des exclus de la SFIO d'après guerre dont nous avons déjà parlé.
Charles Joly, l'élu de la Chapelle, ex communiste devenu lui aussi BOP (c'est à dire membre du même parti que Louis Sellier) présente les mêmes caractéristiques que Louis Sellier et connaîtra d'ailleurs un parcours proche, se retrouvant totalement privé de tout rôle politique après la Libération.
Lui aussi a continué à siéger au Conseil de Paris pendant la guerre, malgré tout ce qui pouvait être et le fait que nombre de leurs collègues élus en 1935 avaient été relevés arbitrairement de leurs fonctions.
René Colin, candidat communiste battu sur le siège de la seconde circonscription des Grandes Carrières, fut lui aussi, à trente trois ans, élu député de Paris XVIIIe, un peu à la surprise générale, en mai 1936.
Ce jeune employé de commerce fut, comme les autres députés communistes élus en 1936, déchu de son mandat au terme de la procédure engagée après la mise hors la loi du PCF, suite au pacte germano soviétique et au déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale.
René Colin ne va cependant pas participer à la moindre activité politique pendant la Résistance, se repliant en province (il était originaire du Jura, et plus précisément du pays lédonien).
Aucune manifestation de collaboration avec l'ennemi n'ayant cependant été relevée à son encontre, René Colin ne reprendra cependant pas la moindre activité politique jusqu'à sa retraite et son décès en 1993.
Pour Gaston Auguet, nous ne sommes pas le moins du monde dépourvus d'éléments.
Le jeune fonctionnaire (il travaille aux contributions indirectes, service fiscal constituant l'un des bastions syndicaux de l'avant guerre) d'origine Berrichonne est en effet l'un des éléments les plus actifs du PCF dans le XVIIIe arrondissement, où il fait partie des organisateurs du Parti, tout en étant élu de son quartier.
Gaston Auguet sera invalidé de son mandat de Clignancourt Nord (son siège, comme nous l'avons dit, part de la rue Ordener et court jusqu'aux limites de Paris) et brillamment réélu le 1er décembre 1935, dès le premier tour de l'élection partielle.
Les résultats sont clairs.
Gaston Auguet obtint en effet ce jour là 4 139 voix sur 7 040 exprimés, devançant le candidat de l'Alliance Démocratique Charpentier, pourvu de 2 698 voix et le franciste (extrême droite) Dupire, 79 suffrages.
L'absence de candidat socialiste a permis le rassemblement des votes de gauche, nettement majoritaires sur le siège (58,8 % dans ce qui sera, bien plus tard, tout ou partie du siège de Claude Estier, Roger Chinaud ou encore Françoise de Panafieu).
Le même jour, d'ailleurs, Jacques Grésa, dont nous reparlerons sur le XIXe arrondissement et Raymond Bossus, élu du XX e, également invalidés, seront eux aussi réélus.
Le premier avec 1 835 voix sur 3 033 exprimés dans le quartier du Pont de Flandres, soit 60,5 % des votes et là encore de par le rassemblement des partis de Front Populaire dès le premier tour (le hasard voulant que Jacques Grésa venait de la même administration que Gaston Auguet) et le second avec 2 660 voix sur 4 867 exprimés (soit 54,6 %) sur la seconde circonscription de Charonne, malgré la présence d'un candidat du Parti socialiste de France au premier tour, qui obtint 1 797 suffrages (36,9 %).
Gaston Auguet devient l'un des dirigeants parisiens du PCF, étant même élu membre suppléant du Comité central du Parti lors du congrès d'Arles (25-29 décembre 1937).
Un Congrès assez essentiel, un an et demi après le succès politique du Front Populaire, dans la démarche du PCF pour s'immerger toujours plus dans la société française, notamment par la présence de nombreux intellectuels invités et la « reconnaissance » du fait régional dans le cadre de la Nation française.
Mobilisable et mobilisé, Gaston Auguet fait évidemment partie des élus communistes déchus de leur mandat en janvier 1940.
Il rentre rapidement dans la clandestinité et dans l'action résistante, participant notamment à l'activité des Francs Tireurs et Partisans dont il sera l'un des officiers à la fin de la guerre.
En août 1944, avec ses collègues comme Léon Mauvais, Raymond Bossus, Lucien Monjauvis ou Emmanuel Fleury, il est l'un des signataires de l'appel à l'insurrection de Paris daté du 18 et qui se traduira notamment par la prise de la Préfecture de Police par les policiers parisiens eux mêmes et la construction de multiples barricades dans l'ensemble des quartiers populaires comme du Quartier Latin gênant d'autant le déplacement des troupes allemandes dans la capitale.
Membre de l'Assemblée provisoire du Conseil de Paris, Gaston Auguet sera élu membre titulaire du Comité central en 1945 puis, après avoir été élu au sein du Conseil de Paris en 1945, sera également député de la Seine de 1946 à 1951.
Ce sera d'ailleurs son seul mandat de parlementaire, puisqu'il ne figurera pas, par la suite, en position facilement éligible sur les listes communistes des élections de 1951 et 1956.
Parmi les candidats communistes dans ce très populaire XVIIIe arrondissement (qui demeure aujourd'hui, malgré quelques secteurs bourgeois et, pour certains, quasiment villageois, sur le haut de la Butte Montmartre, l'un des trois plus pauvres de Paris pour ce qui est du revenu de la population résidente), figuraient aussi Emile Dutilleul et Auguste Delaune.
Emile Dutilleul, candidat communiste déjà expérimenté, est venu du Nord dès les années 1910 pour demeurer dans l'arrondissement.
Né à Lourches, près de Douai (l'une des villes de France dont la population est la plus modeste), ce fils d'une famille nombreuse commence à travailler à l'âge de onze ans comme verrier, adhère aux idées guesdistes à quinze, puis se laisse tenter par les thèses libertaires quand il arrive à Paris.
Il épouse la fille d'un militant anarchiste de l'époque et sa fille, Mounette, née sur la Butte Montmartre, va d'ailleurs grandir dans le climat si particulier d'uné époque marquée par l'odyssée de la bande à Bonnot, dont les premiers exploits (notamment le fameux attentat de la rue Ordener) ont pour cadre l'arrondissement.
Après la Première Guerre Mondiale, que son métier de typographe lui fait passer dans les services de l'administration d'Etat, Emile Dutilleul va se rapprocher des communistes, et vite devenir, dès le début des années 20, l'un des acteurs essentiels du mouvement communistes, jouant un rôle particulier, celui d'administrateur de l'Humanité mais aussi de trésorier du Parti, en gardant des fonctions au sein de la Banque ouvrière et paysanne.
Emile Dutilleul est donc une sorte de « cheville ouvrière « du Parti, à une époque où celui ci n'est pas forcément un parti roulant vraiment sur l'or...
Régulièrement candidat dans le XVIIIe, il ne sera toutefois élu qu'en 1936 au poste de député de la cinquième circonscription de la Seine banlieue, constituée autour d'Asnières et Gennevilliers.
Déchu de ses mandats au début de la Seconde Guerre Mondiale, Emile Dutilleul entre dans la clandestinité avant d'être arrêté en octobre 1941.
Son âge déjà relativement avancé (il a plus de cinquante cinq ans) et l'entremise de son neveu Pierre, passé du côté de Doriot au PPF, font qu'il est maintenu en prison par le régime de Vichy et ce, jusqu'à la Libération de la prison de la Santé, en août 1944.
Emile Dutilleul, bien qu'affaibli par les épreuves de la guerre, sera encore député de la Seine en 1945 – 1946.
Il meurt en 1948, frappé par une grave maladie.
Auguste Delaune, candidat dans le quartier de Clignancourt (sur le siège dont les électeurs habitaient, en gros, entre la mairie et le Sacré Coeur), est un autre personnage important du mouvement communiste d'avant guerre.
Né en 1908, Delaune est donc un jeune dirigeant communiste quand il se retrouve candidat en 1935 dans ce quartier.
Soudeur, militant syndical de la CGTU, Auguste Delaune est surtout connu pour avoir été le principal animateur de la Fédération Sportive du Travail, future Fédération Sportive et Gymnique du Travail, organisation proche du mouvement syndical et communiste, visant notamment à faire échapper la pratique sportive de l'influence de l'Eglise comme du patronat paternaliste dans bien des activités sportives à l'époque.
Les objectifs de la FST étaient simples : permettre une large pratique de masse du sport, sous toutes ses formes (l'Humanité sera ainsi le support d'un Grand Prix cycliste annuel et de moult manifestations sportives avant guerre, comme d'ailleurs après guerre) ; constituer des clubs sportifs libérés des Eglises comme de l'influence patronale, dirigés par les adhérents et leurs mandants eux mêmes, dans le cadre associatif hérité de la loi de 1901.
(il conviendra, un de ces jours, de faire quelques articles sur les rapports entre politique et sport, qui sont aussi producteurs et expressions de rapports de forces politiques et sociaux).
Auguste Delaune ne sera donc pas élu, assumant avec celles de dirigeant sportif, des fonctions de responsable de la Jeunesse communiste.
Quand Léo Lagrange devient sous secrétaire d'Etat aux Sports et aux Loisirs, il nomme Auguste Delaune au sein du Conseil supérieur de l'Education Physique et des Sports, un organisme qui va accompagner une politique sportive du Front Populaire dont nous connaissons encore nombre des effets.
De multiples installations sportives, allant du stade complet au simple terrain de jeux, sont réalisées, tandis qu'on allonge la scolarité, qu'on introduit la pratique sportive dans le programme des écoles, qu'on tente les premières expériences de classes sport avec l'expérience Dezarnaulds, qu'on crée le Brevet Sportif Populaire, création de l'Office du sport scolaire et universitaire, etc...
Le tout allant avec un renforcement des effectifs des fédérations sportives spécialisées ou omnisports (la FST devenue FSGT quadruple ses effectifs sur la décennie), le développement du mouvement des Auberges de Jeunesse ou l'invention du billet Congés Payés qui va faciliter à la fois l'accès aux loisirs et celui aux sports.
Mobilisable et donc mobilisé, Auguste Delaune se retrouve, au tournant de mai juin 1940, avec les troupes françaises coincées dans la poche de Dunkerque.
Son comportement au combat a été exemplaire, il est décoré de la Médaille militaire mais son passé de militant le rattrape, si l'on peut dire, et la police de Vichy le met sous les verrous en décembre 1940.
Il s'évade à l'automne 1941 et entre en Résistance, animant l'action des groupes de Résistants communistes en Picardie, puis dans la grande région Bretagne (qui couvre, de fait, l'actuelle région administrative de Bretagne, mais aussi la Sarthe, l'Orne, la Loire Inférieure et la Mayenne).
C'est dans ce cadre qu'il est arrêté au Mans, le 27 juillet 1943, dans un guet apens mis en place par la police française à l'encontre de Résistants sarthois devant se rencontrer ce jour là .
Il est livré à la Gestapo mais ne cède aucun nom ni aucun renseignement à ceux qui l'interrogent.
Auguste Delaune, sous une fausse identité (il n'a jamais donné son propre nom), meurt le 12 septembre 1943, des suites des tortures subies.
Je n'ai pas souvenir que la moindre rue ou place du XVIIIe arrondissement ait pris le nom de cet ancien habitant mais le fait est que le nom d'Auguste Delaune fut donné à plusieurs lieux en France et notamment à Saint Denis, où son père fut, à la Libération, conseiller municipal.
Ainsi, la cité dionysienne lui donne le nom d'une rue, du stade municipal (dont la capacité est d'une douzaine de milliers de places et qui sert encore aujourd'hui pour de multiples activités sportives) et d'une cité de logements HLM.
Le nom d'Auguste Delaune a également été donné au stade de Reims, abritant dans les années 50 les exploits de la fameuse bande à Kopa, Fontaine et Piantoni, sous la direction bienveillante et humaniste d'Albert Batteux.
Un Stade, jadis pourvu d'une piste cycliste, qui a été totalement rénové ces dernières années (il date tout de même de ...1934), dont la capacité a été renouvelée et qui a accueilli un match amical de l'Equipe de France cette année quelques jours avant le peu concluant championnat d'Europe des Nations.
Pour Berthier et Torchaussé, les deux élus de droite du quartier des Grandes Carrières, pas grand chose à dire, sinon que l'un comme l'autre ont été suspendus de leurs fonctions à la Libération, ayant assez fortement résisté à leur envie de résister.
Il faut dire que leurs conceptions de l'humanité peuvent parfois surprendre.
En 1938, Henri Torchaussé interpelle le Préfet de la Seine au sujet des « charges écrasantes supportées par les contribuables parisiens du fait des étrangers ».
A l'appui de son interpellation, il fait un subtil distinguo, indiquant que les « étrangers « visés sont les « Juifs » (de plus en plus nombreux à arriver en France à la fin des années 30 du fait des délires antisémites constatés dans l'Allemagne nazie mais aussi dans d'autres pays d'Europe), population qu'il partage d'ailleurs lui même en trois catégories : « les Israélites », qu'il considère comme intégrés (il faut bien le reconnaître, vu qu'il y a des Juifs en France depuis l'époque gallo romaine...), « Les Sémites » dont il condamne l'appât du gain et la cupidité, et les « Juifs errants » (vieux mythe de l'antisémitisme européen), pauvres Juifs venant instaurer en France une concurrence déloyale à l'encontre des travailleurs français.
Un discours qui a une prétention scientifique (Torchaussé est médecin) et qui a un air de déjà vu et, hélas, un air qu'on entend encore parfois...
On se doute que, maintenu en fonctions en décembre 1941, cet individu n'ait pas trouvé grâce et place dans le Conseil de Paris de la Libération.
Auguste Sabatier, par contre, va connaître un autre parcours.
Fils de paysans de la Haute Loire, Auguste Sabatier va s'installer à Paris comme négociant, s'impliquant particulièrement dans le petit commerce de bouche et les activités de restauration.
Médaillé et sorti capitaine de la Première guerre Mondiale, Auguste Sabatier anime le syndicat des limonadiers à l'exposition des arts décoratifs, figure au jury du Concours général agricole, s'occupe du Syndicat de la Boucherie et anime moult sociétés de bienfaisance, à vocation culturelle ou intéressées par la préparation militaire.
Son attachement à la droite lui vaut d'être proche des Jeunesses patriotes et des Croix de Feu et s'il est élu député de Paris XVIIIe en 1928, il ne retrouvera plus de mandat sinon celui de conseiller municipal en 1935.
Et il échouera en 1936, d'un peu plus de 180 voix, face au communiste Armand Pillot, dans la deuxième circonscription de l'arrondissement.
Auguste Sabatier ne fait pas partie des conseillers municipaux maintenus par Vichy en 1941 (il est alors au Maroc) mais se retrouve nommé en 1944 , le 10 juin.
Mais son action ne doit pas correspondre tout à fait à ce qu'attendaient les Allemands et Vichy puisqu'il est déporté et meurt à Buchenwald en août 1944.
Pour Georges Thomas, dans le quartier des Grandes Carrières, j'ai quelques indications également.
Il s'agissait d'un militant socialiste originaire de la Vienne, tailleur de pierres de métier, âgé d'une bonne cinquantaine d'années en 1935, venu au socialisme, avant la guerre de 14 – 18, par le mouvement coopératif, et notamment les deux sociétés « La Montmartroise » et « la Prolétarienne du XVIIIe » dont il sera membre et dont il assurera de fait la fusion.
Dans les années 20, il devient permanent de la Fédération nationale des coopératives, avant de commencer une carrière d'élu du XVIIIe à l'occasion d'une élection partielle organisée en 1927, suite au décès du candidat socialiste sortant.
Sa défaite en 1935, sous l'étiquette de socialiste de France, témoigne du fait qu'il a été sensible, quelques temps auparavant, à la scission dite des « néos socialistes », notamment animée par des élus comme le député du XX e arrondissement, Marcel Déat.
Tous les membres du courant « néo », notamment organisés dans l'USR après les élections de 1936, ne vont pas connaître le même mouvement que Marcel Déat.
Thomas ne fera pas partie de ceux là mais sa vie politique s'arrête manifestement avec son échec de 1935.
Indications disponibles aussi pour Victor Constant, élu de Clignancourt.
Né en Haute Loire d'un père négociant en vins, Victor Constant, qui avait commencé des études de droit, fut contraint, de par le décès prématuré de son géniteur, de reprendre l'affaire familiale.
Une activité publique par excellence qui lui permit, très vite, sous une étiquette de républicain plutôt modéré, d'exercer quelques mandats locaux : conseiller général du Puy comme l'avait été son père et maire de Saint Germain Laprade ensuite.
En 1919, Victor Constant fut élu député de la Haute Loire, sur une liste républicaine de droite qui décrocha trois sièges sur quatre.
De par sa profession, il intervint à moult reprises pour défendre les intérêts des petits commerçants, dans une orientation assez proche de ce que l'on connaîtra plus tard avec le poujadisme et certains syndicats proches de la droite extrême en la matière.
Par contre, il ne parvint pas à se faire réélire en 1924 et fut battu en 1928 par M. Jules Boyer, dans la première circonscription du Puy, ce qui lui donna envie de changer de terrain électoral.
Et c'est ainsi que Victor Constant se retrouva à Paris où il fut élu conseiller municipal en 1929 et réélu en 1935, comme nous l'avons vu plus haut.
Il fut vice Président du conseil en 1930 et participa, comme d'autres conseillers de droite de la « majorité » parisienne, à la manifestation du 6 février 1934 aux côtés des ligues et des Croix de Feu.
En 1938, Constant va se faire élire au Sénat suite au décès de Charles Auray, le maire de Pantin.
Il bat à cette occasion le communiste Georges Marrane au dernier tour de scrutin.
Tout un symbole ou presque dans cette victoire d'un futur collaborateur (il sera Président du conseil de Paris pendant une partie de la guerre et membre du Conseil national) et l'un des responsables futurs de la Libération de la capitale.