France-Soir : acte de décès

[Pullo]

C'est officiel : la liquidation judiciaire a été prononcée avant-hier, après l'échec des projets de reprise et relance du titre.
http://www.challenges.fr/media/20120723 ... oncee.html

France-Soir disparaît donc après 68 ans d'existence et un long déclin, entamé dès les années 1970, avec la mort (et selon certains avant) de son cofondateur et directeur Pierre Lazareff. La reprise du titre en 2009 par la famille Pougachev aura été au final de l'acharnement thérapeutique. Quant à l'échec de la version numérique, la rédaction accuse le jeune Alexandre Pougachev d'amateurisme. 75 millions d'€ brûlés en pure perte en trois ans !

Le développement de la télévision dans les années 1960 et 1970 avait pris de nombreux lecteurs à France-Soir. Si le quotidien s'était transformé à cet époque-là en tabloid à la manière de The Sun ou de Bild, il n'aurait peut-être pas rejoint le cimetière des journaux disparus. Le succès des Voici, Closer et autres Public montre qu'il y a un public pour ce genre de presse. Mais on ne peut pas revenir en arrière...

[vudeloin]

La disparition du quotidien constitue tout de même un événement assez triste pour la presse française, malgré les dernières années marquées par l'aventure Pugachev, et quelques années auparavant par le rachat du titre par Hersant qui avait imprimé la ligne tabloid, avec la fameuse fille dénudée en page 3 (évidemment...).
France Soir n'a jamais été le symbole de la presse de grande qualité littéraire, mais tout de même.

[Pullo]

En soi, la disparition d'un quotidien n'est jamais une bonne nouvelle, qu'on approuve ou pas la ligne éditoriale du journal en question. Mais dans le cas de France-Soir, elle n'est pas une surprise, ça fait au moins dix ans que l'arrêt de la publication était considérée comme une probabilité.

Mais force est de constater que France-Soir a fait les frais des décisions que la rédaction et les propriétaires n'ont pas pu ou voulu prendre (prendre clairement acte du développement de la télévision, s'adapter au lectorat et lui montrer en quoi France-Soir a une valeur ajoutée par rapport au petit écran), ou des choix qu'on a pas assumé jusqu'au bout. Je pense entre autres à la ligne tabloid dont tu parles. Il ne suffit pas de mettre une fille dénudée en page 3 ou de parler de faits divers bien glauques pour être au niveau du Sun ou de Bild. Cela inclut aussi les paparazzades et les révélations bien croustillantes sur les vedettes, voire les personnalités politiques, sur tout ce qui touche à l'argent et au sexe, avec une idéologie poujadiste.

Et adopter ce positionnement éditorial est un investissement lourd en argent et en personnel (paiement des photo-reporters et des informateurs entre autres). Combien de patrons de presse en France étaient prêts à mettre des dizaines de millions d'€ sur la table pour faire un tabloid à 3 ou 4 millions d'exemplaires vendus et 8 à 10 millions de lecteurs ? Robert Hersant ? Trop radin et pas assez patient. Alexandre Pougachev ? Il est arrivé trop tard. Un opérateur étranger, comme News Corp (proprio du Sun) ou Springer (celui de Bild) ? L'état du marché publicitaire et le système de diffusion de la presse française auraient pu être décourageants.

Bref, le naufrage de France-Soir ressemble à la chronique d'une mort annoncée...