de vudeloin » Mar 17 Jan 2012 18:40
Après la dynastie de droite, celle des Abbatucci – Rocca Serra et leurs parents et alliés, un petit tour par les dynasties de gauche de la vie politique corse, notamment celle des Giacobbi, des Alfonsi et des Zuccarelli.
Prenons le premier cas, celui des Giacobbi de Venaco, chef lieu de canton de l’intérieur de la Corse, dont une partie culmine aux alentours de 2 600 mètres, au Monte Redondo.
Un canton qui fut représenté au Conseil général de Corse puis à celui de la Haute Corse par un Giacobbi de 1945 à 1951 et de 1966 à décembre 2010, Paul Giacobbi devant renoncer à son mandat pour cause de cumul des mandats.
Le premier Giacobbi élu député fut Marius, né le 14 septembre 1846, qui se limita, dans un premier temps, aux mandats locaux, avant de se présenter en 1898 aux élections législatives où il est élu face à un autre candidat républicain, Luce de Casabianca.
Sa première élection comme conseiller général date de 1870, en qualité de républicain (son père Joseph Marie Giacobbi a eu une longue carrière de magistrat Outre Mer et a toujours développé des idées libérales et républicaines), puis de 1886 à 1900, toujours républicain dans le canton de Venaco.
Son frère, Formose Giacobbi, avoué au barreau de Bastia, fut maire de Venaco de 1879 à 1919 et occupa, de 1904 à 1907, la fonction de conseiller général de Vezzani.
Elu en mai 1898, Marius Giacobbi est réélu député en avril 1902, avant de se laisser tenter par le Luxembourg et une victoire aux sénatoriales de janvier 1903.
Victoire d’ailleurs claire et nette, avec 643 voix sur 774.
Marius Giacobbi va rester Sénateur jusqu’en janvier 1912, où il est battu.
Et va retrouver un mandat électif lors des élections de 1914 où il est réélu, à près de 68 ans, député de Corse ; siégeant au sein du groupe radical et radical socialiste.
Le second Giacobbi élu fut Paul Giacobbi I, né à Venaco en mars 1896, fils de Marius, avocat à la Cour à Bastia et qui commença sa carrière politique par l’élection à la mairie de Venaco en 1922, prenant de peu la suite de son père, décédé en décembre 1919.
Ce qui fera de lui le plus jeune maire de France à l’époque.
Il sera élu ensuite conseiller général de Vezzani et connaîtra une carrière d’élu local avant de se faire élire au Sénat en 1938, lors des élections d’octobre, où il bat de huit voix seulement le candidat qui lui était opposé, l’ancien député Landry.
Destitué par le régime de Pétain (il a fait partie des 80), Paul Giacobbi I sera Résistant, maquisard et sera réinstallé dans ses fonctions après la Libération de la Corse en septembre 1943, puisqu’il convient de rappeler que l’Ile de Beauté s’est libérée avant le reste du pays de l’occupant, tirant notamment parti de la débandade du fascisme italien, les troupes de Mussolini ayant eu mission d’occuper ce territoire.
L’été et l’automne 1943 voient la Corse connaître de rudes combats entre troupes de la France libre et Résistants d’un côté, face aux Italiens et aux renforts allemands de l’autre.
Paul Giacobbi I sera député de chaque Assemblée de la Libération à sa mort prématurée en avril 1951, tout en occupant à plusieurs reprises plusieurs fonctions ministérielles et en montrant une certaine activité dans les débats, singulièrement sur les questions électorales.
Il aura ainsi démissionné, peu de temps avant son décès, de ses fonctions Ministérielles en désaccord avec le Gouvernement d’alors, présidé par René Pleven, sur le projet de réforme électorale introduisant le fumeux système des apparentements.
Le troisième Giacobbi, ce sera François, fils de Paul I et petit fils de Marius, né en juillet 1919, peu de temps avant le décès de son grand père.
François sera d’abord journaliste, notamment dans la revue des automobile – clubs de France, l’Action, ou encore à Paris Match.
Sa première campagne électorale lui vaut d’être élu conseiller général de Vezzani, prenant donc la suite de son père dans cette fonction, mais confine à l’échec pour la députation où, malgré l’apparentement entre la liste du parti radical, menée par le maire de Bastia, Jacques Faggianelli, auquel il appartient et les Républicains indépendants de Jacques Gavini, il ne peut être élu député.
Ce n’est qu’aux élections de janvier 1956 que François Giacobbi deviendra député de Corse, l’apparentement des listes radicale, CNIP et républicains sociaux lui permettant d’être élu, en compagnie du maire de Bastia et de Pascal Arrighi (pour aller vite, le vrai nom étant Arrighi de Casanova) au sein de l’Assemblée Nationale.
Son mandat sera bref et interrompu par la naissance de la Cinquième République, qui lui vaudra une défaite électorale.
Mais François Giacobbi tente alors l’aventure de l’élection au Luxembourg, exercice dans lequel il va exceller puisqu’il sera Sénateur de Corse, sans interruption, de 1962 à son décès en 1997, c'est-à -dire pendant près de trente cinq années.
Notable radical local, il sera évidemment maire de Venaco, à son tour, conseiller général de Corse et, surtout, Président du conseil général de la Corse de 1959 à 1976 puis, après la partition de l’Ile de Beauté, Président du Conseil général de Haute Corse de 1976 à 1992.
Un mandat qu’il cumulera, de 74 à 79, avec la présidence de l’Assemblée régionale de Corse.
Après François Giacobbi, nous avons Paul Giacobbi II.
Paul Giacobbi, qui fut un temps pressenti comme Ministre d’ouverture (il serait le premier des trois derniers Giacobbi à ne pas avoir été Ministre au moins une fois), a commencé par la mairie de Venaco, le village berceau de la famille, qu’il a dirigé de 1983 à 2001.
De 1997 à 2010, Paul Giacobbi a également siégé au conseil général de Haute Corse, en exerçant la présidence de 1998 à 2010, pour représenter le canton de Venaco à la suite de ses ancêtres.
De 1986 à 2004, il a également siégé au sein de l’Assemblée de Corse, avant de prendre la Présidence de la Corse à l’issue des régionales de 2010, la Présidence de l’Assemblée étant dévolue au communiste Dominique Bucchini.
Et, depuis 2002, il est député de Haute Corse.
Passons aux Alfonsi, maintenant.
Ces Alfonsi là , si l’on peut dire, ce sont ceux de Piana, l’un des plus beaux villages de Corse Sud, dominé par ce que l’on appelle les calanche de Piana, et qui compta, parmi ses enfants, la Résistante Danielle Casanova.
Jean Alfonsi est le premier maire de Piana connu après la Libération, et il gère les affaires de la commune jusqu’en 1962 où il est remplacé par Nicolas, son fils, qui va avoir une carrière bien remplie et d’ailleurs toujours pas achevée.
Il sera en effet député de 1973 à 1978, puis de 1981 à 1988, avant de se diriger vers le Sénat où il sera élu en 2001, meublant donc son absence au Parlement par des mandats locaux (maire de 1962 à mars 2001, conseiller général depuis 1962).
Nicolas Alfonsi, sénateur de Corse du Sud, est encore premier adjoint de Piana.
Passons aux Zuccarelli de Bastia.
Le premier des élus, dans cette famille, ne s’appelle pas Zuccarelli, d’autant que les Zuccarelli viennent précisément d’un petit lieu dit, dans le village de Santa Lucia di Mercurio, dans le canton de Bustanico.
C’est d’ailleurs dans le canton de Sermano (Sermanu) que Jean Zuccarelli est élu conseiller général de 1945 à 1973, année de la fusion du canton dans l’actuel canton de Bustanico.
En l’espèce, il ne fit d’ailleurs que prendre la suite de son oncle Jean François, conseiller de Sermano pendant vingt ans et maire de Santa Lucia di Mercurio pendant cinquante années.
Jean Zuccarelli sera aussi maire de Santa Lucia de 1935 à 1945, nonobstant le fait qu’il ait été destitué par Vichy pendant la guerre, ayant été Résistant.
Son frère Charles, pour sa part, ne suivra pas le fil radical de la famille et sera gaulliste, participant à la création du RPF dans l’île et à l’insurrection du 13 mai en Corse.
Mais avant Jean Zuccarelli, nous avons eu la filiation de son beau père, Emile Sari.
Un Docteur Emile Sari que l’on retrouve, dès 1906, au conseil municipal de Bastia (où il assiste son oncle, alors maire de la ville) et 1912 au conseil général de Corse.
En 1919, Emile Sari est maire de Bastia (il a alors un peu plus de quarante ans) et deviendra sénateur de Corse en 1921 en compagnie de deux colistiers : François Gallini, alors maire adjoint de Sousse (comme quoi, les lieux d’élection différents, cela ne date pas d’hier) et un certain Paul Doumer, qui sera en 1931 Président de la République.
François Gallini est affilié à la famille Pozzo di Borgo (un autre nom important de l’histoire de la Corse) et les trois élus écartent du Sénat le parfumeur François Coty, qu’on retrouvera, dans les années 20 et 30, pour financer des mouvements et journaux d’extrême droite.
Un François Coty dont il faut d’ailleurs rappeler qu’après avoir fait fortune dans la parfumerie, il finit par être élu maire d’Ajaccio en 1931 au point d’avoir laissé son nom au stade actuellement utilisé par l’AC Ajaccio, le club de football professionnel de la ville.
Emile Sari sera maire et sénateur de Bastia jusqu’à son décès en 1937, en plein mandat donc.
Jean Zuccarelli, après avoir fait ses armes dans le maquis de Sermano (Sermanu), se fait élire conseiller municipal de Bastia entre 1947 et 1959, sur la liste du radical Jacques Faggianelli.
Puis, après le retournement de veste de l’intéressé, devenu gaulliste après le 13 mai 1958, Jean Zuccarelli sera son adversaire le plus déterminé, emportant le siège de député au suffrage uninominal en 1962 et de retrouver son mandat en avril 1968, après l’annulation du scrutin de 1967 qui avait donné la victoire à son rival.
Une des habitudes locales, sans doute, que ces scrutins mis en cause et annulés, comme ce fut le cas pour les deux premières élections de Jean Paul de Rocca Serra en 1962 et 1967.
Jean Zuccarelli retrouvera son mandat de député en 1973, avec le soutien de l’alliance du Programme commun de la gauche, une fois reprise, en 1968 également, la mairie de Bastia à l’occasion d’une partielle.
Le mandat de maire de Bastia durera, dans le cas précis, de 1968 à 1989, avant le passage de témoin en direction d’Emile, le fils porteur du prénom de son grand père.
Celui de député de Haute Corse durera dix ans entre 1973 et 1978 puis de 1981 à 1986.
Celui de conseiller général du département, enfin, de 1973 à 1996 pour un des cantons bastiais, après donc les vingt huit années passées à représenter le canton de Sermano.
Nous avons donc, désormais, Emile Zuccarelli en qualité de maire de Bastia, fonction qu’il occupe sans autre interruption que ses fonctions ministérielles entre 1997 et 2000, depuis le retrait de son père de ce mandat.
Fonction qu’il a cumulée avec celle de député de 1986 à 2007, sans autre interruption que celles déjà évoquées.
Ce qui fait que nous avons donc quarante quatre ans ou presque de mairie Zuccarelli, faisant suite à dix huit années de mandat Sari durant l’entre deux guerres, sur 93 ans de mandat de maire de Bastia.