vudeloin a écrit:Emeric a écrit:La raison profonde de ce que vous décrivez n'est peut etre simplement que le résultat du déplacement des électeurs des zones urbaines vers les zones péri-urbaines. J'entendais encore hier Maître Lévy dans l'émission Ce soir ou Jamais sur France 3 expliquer qu'il n'y avait aucun lien entre vote FN et insécurité car la où le vote FN est fort il n'y a pas d'insécurité. Je suis persuadé qu'il fait une erreur d'analyse. Les citadins fuient de plus en plus les zones urbaines pour les zones péri-urbaine pour de multiples raisons dont entre autre l'insécurité grandissante en zone urbaine. Et ils votent FN pour ne pas voir se reproduire dans leur nouvel environnement ce qu'ils ont vécu en zone urbaine.
Je me demande même pourquoi j'ai fait le chemin inverse, personnellement...
Comme je vis très bien au milieu des voyous, des ivrognes et des mauvais garçons (sans oublier les filles de joie), et que le fameux sentiment d'insécurité m'est finalement assez étranger, deux trois bricoles.
Un, ce qui fait partir un certain nombre de ménages salariés des centres villes ou de la proche banlieue parisienne par exemple,
c'est bien plus la spéculation immobilière qu'autre chose.
On va habiter à trente, quarante, cinquante kilomètres de là où l'on bosse, parce que ce n'est qu'à cette distance que le compte en banque peut supporter le prix de l'achat du pavillon "industrialisé" constituant le fin du fin du "home sweet home" rêvé.
Ensuite, viennent bien entendu les contraintes de ce choix un peu contraint et forcé qui permet à Martin Bouygues d'habiter, lui, dans la même villa que Carla Bruni Sarkozy...
C'est à dire le crédit de la baraque (sujette à malfaçons assez souvent et dont la valeur marchande, en cas de cession, risque fort de mal supporter l'épreuve du temps), celui des deux bagnoles, rendues nécessaires par absence de transports en commun performants, et toutes les petites contrariétés de la vie quotidienne qui font, qu'en général, le bout de pelouse ou de jardin autour de la maison, faut attendre les ponts de mai pour en profiter un peu...
Perso, je suis pour un vrai exercice du droit à la ville pour tous ceux qui y vivent, quelque soient leurs revenus, et un mode de vie un peu plus respectueux des attentes des habitants de nos villages devenus petites villes pavillonnaires...
Ce qui demande temps, efforts et volonté politique.
Mais exige surtout de bazarder le repli sur soi et la peur de l'autre !
C'est vrai aussi dans le Pas de Calais où quelques villages hier miniers sont devenus les bases arrières de l'économie lilloise...
Ce sont les déçus de la « France de propriétaires » concept cher à notre ancien Président, et ânonné pendant cinq ans par ses ministres du logement (surtout le dernier, Benoist aujourd’hui Disparu)
Rappelez-vous, le « retard » de la France en la matière qui scandalisait Sarkozy (54% seulement de propriétaires de leur résidence principale)
Retard par rapport à l’Espagne, d’abord citée en exemple (84%) mais exemple devenant de plus en plus difficile à mettre en exergue
Donc on a évoqué la moyenne européenne (66%) pour dénoncer le retard français en la matière. En oubliant d’indiquer quels pays faisaient augmenter ou baisser cette moyenne :
Pays de propriétaire par excellence, avec 98% : l’Albanie. Suivent dans un mouchoir (96%) Bulgarie, Roumanie et Moldavie
Les pays du sud suivent autour des 80% : Grèce, Espagne, Portugal (+ l’Irlande)
A l’autre bout, pays de locataires n°1 : la Suisse (33% de propriétaires seulement), suivi par les pays scandinaves (Suède, Danemark, Norvège), puis l’Autriche, les Pays-Bas, la France, l’Allemagne…
Presque le classement inversé du PIB par habitant
La France de propriétaires (le terme est un peu plus bas de gamme que le « rendre les Français propriétaires de la France » de Giscard, mais quand on passe de l’aristo à l’épicier du Sentier…) est donc un vrai modèle de sous-développement
A tous ceux qui y ont cru et se sont précipités pour s’endetter sur 25 ou 30 ans dans une période de forte surévaluation des prix de l’immobilier, on a oublié de préciser que tant que l’on n’a pas fini de payer, on n’est jamais que locataire de son banquier (ou propriétaire de ses dettes)
Achat dans des zones péri urbaines, sans transports en commun, en déficit de services publics, près de l’école primaire mais loin du collège et du lycée futurs, la bagnole pour tous les déplacements alors que le prix du carburant flambe, et en plus l’opprobre jetée par les bobos préconisant la taxe carbone pour frapper le salaud de pauvre qui n’a pu habiter ailleurs qu’à 50 km de son lieu de travail (à l’inverse, on remettra un chèque de bonne conduite au patron de la boite de com. qui prend un vélib pour aller de sa résidence du 6ème arrondissement à son lieu de travail du 8ème)
De quoi alimenter toutes les frustrations,et effectivement un vote FN, qui flambe aujourd’hui dans le péri urbain, refuge de ceux qui ont fui leur ZUP dès qu’ils avaient les 3 francs 6 sous leur permettant de s’installer ailleurs, et dont la crainte principale est d’être rejoints là où ils sont par les populations (immigrées ) qu’ils ne voulaient plus côtoyer.
De fait aujourd’hui, les centre villes (des grandes métropoles, ce n’est pas vrai par exemple à Carpentras avec la « Médina ») sont réappropriés par les couches plus aisées de la population.
Et le statut de locataire qui va avec : Neuilly est une ville de locataires, les Hauts-de-Seine dans leur ensemble ne sont qu’à 36% de propriétaires.
Comme quoi les riches sont locataires (les très très riches vivent à l’hôtel, ils ont leur suite à l’année au Crillon)
Maintenant il ne faut pas nier les problèmes non plus, et perdre de vue que la motivation n° 1 de l’installation dans un quartier est la qualité (terme qui peut recouvrir beaucoup de choses) des établissements scolaires.
Je dois reconnaître que l’on peut plus facilement mettre ses pratiques en accord avec ses convictions personnelles, en s’affichant fièrement comme un farouche et intransigeant défenseur de l’école publique, lorsque (comme moi) on habite une ville de « bourges » (un peu par hasard à l’origine mais le hasard heureux facilite la posture républicaine lorsque l’on entre dans le statut, de longue durée, de parent d’élève)
Cela n’excuse pas le vote FN qui, comme le disait Desproges, est le fait de gens qui se trompent de colère…