Un rapprochement UMP-FN est-il possible ?

[lacara]

Les données sont assez simples : Marine le Pen souhaite gouverner. Elle ne peut, en tout cas pour l'instant, et même pour un bon moment à mon avis, le faire seule.
Une telle alliance ne se ferait que si l'UMP et ses alliés traditionnels subissaient des défaites successives aux scrutins majoritaires. Le hic, c'est que les centristes auraient beaucoup de mal à l'accepter à mon avis. Un bloc "UMP"-FN ne serait alors pas certain d'otbtenir la majorité aux scrutins majoritaires sans les centristes.

En définitive, une telle alliance ne pourra se faire qu'après complète dédiabolisation du FN (avec notamment l'option de changement de nom) et que si l' "UMP" est sûre de son coup. Ca fait beaucoup de si tout ça...

Mon pronostic est qu'il est probable qu'une telle alliance ait lieu dans une dizaine d'années, notamment si l'UMP perdait les élections de 2012 et 2017. L'alliance n'est pas à exclure pour 2017, si les sondages annonçaient une défaite programmée de la droite...

[Stéphane]

Les données sont assez simples : Marine le Pen souhaite gouverner.

Est-ce bien certain ? Qu'est-ce qui permet d'être aussi affirmatif ?

[lacara]

On peut toujours tout remettre en cause, mais c'est ce qu'il me semble. Le FN n'est plus dans le tout contestation. Le FN fait émerger un nombre assez important de personnalités, alors que du temps de JMLP, on ne voyait que lui. La recrue d'un énarque qu'est Florian Philippot est un indice parmi tant d'autre que le FN souhaite être un parti de gouvernement est plus seulement un parti contestataire.
Cette analyse est celle de la plupart des observateurs il me semble. C'est ce qu'ils appellent la normalisation du FN. Il faudrait vérifier mais il me semble que Marine Le Pen a déclaré publiquement son souhait de gouverner.

Pour ce qui est de mon raisonnement global, c'est une hypothèse parmi d'autres, rien de plus. En ce qui me concerne, je trouve son degré de probabilité non négligeable si les conditions précitées sont remplies.

[Pullo]

Plutôt qu'une alliance en bonne et due forme entre UMP et FN, à la façon de l'Union de la Gauche des années 1970, je vois bien un éclatement de l'UMP à la suite d'une nette défaite de Sarkozy, qui permettrait au FN de récuperer des élus compatibles avec ses idées. Les scissions intervenues dans les années 1990 et 2000 ont privé le parti d'idéologues capables de concevoir des programmes cohérents à défaut d'être efficaces (cf. Mégret), et de militants dévoués et agguerris capables de démarcher les élus pour les parrainages présidentiels (cf. Lang).

La Droite Populaire, malgré les déclarations de Lionnel Luca sur l'incompatibilité UMP/FN, pourrait bien servir à aspirer les cadres et élus lepéno-compatibles de l'UMP...

[Pullo]

Sur son blog, Chevènement explique pourquoi selon lui le rapprochement UMP-FN se fera :

Le Front national n’a évidemment pas changé. Le véritable carburant de l’extrême droite, c’est la crise économique, sociale et politique qui est devant nous. Le « pacte de compétitivité » Merkel-Sarkozy porte en lui la menace d’une terrible régression sociale. Si le PS ne rompt pas avec la politique de supplétif qui a été la sienne quand il a voté le traité de Lisbonne, son candidat pourra bien l’emporter en 2012, mais il offrira un boulevard à la conjonction dès aujourd’hui probable du Front national et d’une droite rejetée dans l’opposition, et cela dès les élections municipales, régionales et départementales de 2014. En s’emparant des leviers de l’action locale, l’extrême droite s’approcherait alors du pouvoir de l’Etat. La France, pour le coup, en sortirait défigurée !

Pour déjouer ce piège infernal, est-il envisageable de faire surgir d’ici à 2012 un candidat qui offre une alternative politique réelle à l’accrochage suicidaire de la France au pacte de Mme Merkel ? Et à défaut qu’aucun candidat socialiste à ce jour n’ait laissé paraître qu’il était capable d’opérer ce virage stratégique, un autre candidat pourra-t-il occuper l’espace allant de Mélenchon à Villepin afin d’offrir à notre pays une perspective crédible de refondation républicaine ? Bref, d’opposer à Marine Le Pen la République, la vraie ?

[pierrot]

D'après les premiers résultats, les 7 millions de voix de Marine Le Pen rendent probable la tentation du rapprochement pour certains élus de droite qui regardent déjà 2014. Une lourde défaite de Nicolas Sarkozy le 6 mai ne ferait que renforcer cette hypothèse.

[Zimmer]

Sur son blog, Chevènement explique pourquoi selon lui le rapprochement UMP-FN se fera

On peut préciser qu'il s'agit d'une tribune publiée dans Marianne en mars 2011.

[Pullo]

Les évènements qui se sont déroulés entre les deux tours de la présidentielle me poussent à penser que la question du rapprochement UMP-FN ne se pose pas en termes de probabilité, mais tout simplement en termes de forme. Je m'explique.

Le rapprochement entre l'UMP et le FN était inscrit dans la façon dont Sarkozy s'est fait élire en 2007. Sarkozy a fait sauter les digues en reprenant le discours du FN pour l'assécher electoralement. Sur certains points, comme le fameux (ironie) ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, il était même plus à droite que Le Pen père (souvenez-vous de sa réaction aux propos de NS sur le caractère génétique du suicide et de l'homosexualité, il était choqué :o ). En faisant ça, il a donc validé les thèses les plus "modérées" du FN... Durant son quinquennat, NS a continué dans cette voie. Les polémiques sur les musulmans, les Rroms, l'assistanat, et la création de la Droite Populaire ne doivent rien au hasard. Elles faisaient partie d'une stratégie claire : asphyxier le FN pour maintenir le leadership de l'UMP sur la droite.

Mais le bilan calamiteux de NS a fait de ce qui était une stratégie gagnante en 2007 un piège mortel pour l'UMP en 2012. En rapprochant idéologiquement UMP et FN par son positionnement électoral, NS a mis l'UMP, via la Droite Populaire, dans la position de filiale de fait du FN. Et du même coup la question est de savoir comment le FN va profiter de cette situation. En faisant une alliance officielle façon Programme commun de la Gauche ? En se servant de la Droite Populaire comme d'un sas ou d'un aspirateur pour récupérer les cadres et les élus dont il a besoin ?

[alamo]

cela passe aussi par une autre question : que va devenir l'UMP?
Au vu du nombre de personnalités de droite modérée (parlementaires centristes, ancies ministres gaullistes des gouvernements Raffarin et Villepin, etc) qui ont coupé les ponts avec le sarkozysme au point de rallier le camp des électeurs de Hollande, on peut penser qu'ils ne pourront plus cohabiter après les Présidentielles avec des Luca et des Sciotti.
D'autant qu'ils le font réellement par sursaut moral et non par opportunisme pour un bol de soupe (aux truffes) come ne manqueront pas d l'insinuer les derniers fidèles de NS.

On devrait voir se reformer une nouvelle alliance centriste modèle UDF, avec le MODEM de Bayrou, le Parti Radical et quelques autres.

Débarrassés de ces "mous", les sarkozystes n'auront plus vraiment de frein à aller s'allier avec le FN, qui changera à l'occasion de nom pour éviter l'effet repoussoir (encore un peu) auprès de certains d'entre eux. Idéologiquement, ils pouvaient même apparaître comme plus à droite (car restant inféodés aux puissances d'argent en tant que soutiensdu "Président des riches") que M. Le Pen lorsqu'elle tenait un discours social.
Depuis qu'elle a abandonné celui-ci pour revenir aux sources du FN des années 80, les différences sont suffisamment minimes pour que puisse se créer un front commun contre l'ennemi "socialo-communiste" (les "marxistes" comme le dirait L. Luca; en espagnol ça sonnait encore mieux en Amérique latine dans les années 70)

L'apparition de cette nouvelle formation poussera par ricochet un certain nombre de personnalités de l'UMP (Juppé, Raffarin, etc) vers l'alliance avec les centristes

Finalement on va revenir à la "bande des quatre" (RPR, UDF, PS, PCF) des années 70, avec quelques changements de nom et un edifférence notable : la composante gaulliste héritée de la guerre et de la Résistance aura été remplacée par une coalition de droite extrème plutôt inspirée par l'autre camp...

donc je suis assez d'accord globalement avec Pullo ... et Chevènement

[Pullo]

A la fin des années 1970, les quatre grands partis avaient un poids équivalent, entre 20 et 25% chacun. Aujourd'hui, on a à gauche une nette domination du PS. A droite, c'est encore flou, mieux vaut attendre les législatives pour se faire une idée, et savoir ce que pèse réellement la mouvance lepéno-compatible. En tout cas, une chose est sûre : l'idée d'un parti (quasi) unique rassemblant toutes les tendances de la droite, du centre-droit à l'extrême-droite, à l'image du PP en Espagne, va être enterrée pour longtemps...