Opacité et micropartis au cœur du financement politique
LEMONDE.FR | 30.12.10 | 15h08 • Mis à jour le 30.12.10 | 16h07
Comme chaque année, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a publié au Journal officiel son rapport sur le financement des partis. En 2009, ce sont pas moins de deux cent quatre-vingt-seize formations qui ont, comme la loi les y oblige, déposé leurs comptes auprès de la commission, et 92 % d'entre elles ont reçu son approbation sans restriction.
La Commission nationale a toutefois émis des réserves sur certains comptes, dont ceux du PS. En cause, la fédération du Morbihan, qui a touché de l'argent de la cession d'un local par l'association Cercle Jean-Jaurès. Or, en tant que personne morale, cette association n'avait pas le droit de financer la fédération, estime la commission.
Autre réserve, celle concernant le Mouvement national républicain (MNR) de Bruno Mégret, qui a bénéficié de très importants abandons de créances, pour plus d'un 1,8 million d'euros, sur lesquels la commission s'interroge.
La CNCCFP pointe également les relations financières entre MoDem et Alliance centriste, le premier ayant versé à la seconde pas moins de 130 000 euros. "Il s'est avéré que les fonds avaient transité sur le compte d'un tiers, à savoir celui du groupe Union centriste du Sénat [qui ne constitue pas un parti politique], avant la transformation de l'Alliance centriste en parti politique" déplore la commission, qui pointe également plusieurs autres petites formations qui n'ont tout simplement pas déposé leurs comptes.
71 MILLIONS D'EUROS DE FINANCEMENT D'ÉTAT
Le rapport (disponible ici en PDF http://www.wikipolitique.fr/fivipol/cnccfp2009.pdf) de la commission est riche d'enseignements. Les partis ont ainsi dépensé, au total, 181 404 321 euros, pour 198 568 775 euros de recettes, parmi lesquelles de 39 % d'aides de l'Etat, pour un total de 71 322 086 euros. Les chiffres sont en hausse par rapport en 2008, mais nettement moins élevés qu'en 2006 et 2007, années électorales.
Les grandes formations concentrent 90 % de ces sommes. Avec des différences structurelles importantes au niveau de leurs financements. Un peu mieux doté que l'UMP, avec 57 124 791 euros contre 54 019 008 euros pour le parti présidentiel, le PS tire ainsi une part importante de ses recettes (26,7 %) des cotisations qu'il impose à ses élus. Le record est celui du Parti communiste, qui tire 51,7 % de ses recettes de ses élus.
La plus grande source d'argent du PS, comme pour la plupart des partis, vient en fait du financement public (23 212 398 euros, soit 40,6 %). Les cotisations des adhérents sont également plus fortes au PS (9 762 941 euros) qu'à l'UMP (5 886 030 euros), sachant que cette dernière compte plus d'adhérents.
L'UMP est plus dépendante encore des aides de l'Etat, qui la financent à 61,9 % (soit 33 452 186 euros). Seuls le Mouvement démocrate et le Parti radical de gauche font mieux, avec 66,5 % et 71,3 %. Comme en 2008, l'UMP tire également une manne substantielle des dons de personnes physiques : 7 168 555 euros, soit 13,3 % du total de ses recettes. A titre de comparaison, ces dons ne représentent que 0,8 % des recettes du PS. Ils constituent en revanche 25,7 % de celles du FN ou 14,2 % de celles du PC.
LES MICROPARTIS TOUJOURS EN PLEINE FORME
Comme pour les années précédentes, les partis se sont livrés entre eux à des transferts de fonds correspondant à des meetings organisés en commun, mais aussi à un jeu de financement via les micropartis. Si la loi interdit en effet à un particulier de donner plus de 7 600 euros à une même formation politique, elle permet aux partis de se faire des dons entre eux sans limite, et à un même donateur de faire des dons à autant de partis qu'il le souhaite, avec la possibilité de déduire une partie de ces sommes de ses impôts.
Il suffit donc de multiplier les petites formations pour augmenter ses sources de financements. L'UMP, championne de la pratique des micropartis, comme l'avait montré notre enquête du mois d'août sur les comptes 2008, a ainsi touché 140 611 euros d'autres formations, le Parti socialiste, 14 080 euros. Et en parcourant le rapport de la CCNCFP, on découvre de multiples "associations de soutien à l'action" de tel ou tel ministre ou député, dont l'essentiel des recettes provient de dons de personnes physiques.
Pour ne prendre qu'un exemple, l'association de soutien à l'action d'Eric Woerth, dont il fut beaucoup question en marge de l'affaire Bettencourt, a ainsi touché, pour 2009, 21 649 euros de dons de personnes physiques et 6 750 euros de dons "d'autres formations politiques" (on peut supposer qu'il s'agit de l'UMP, dont Eric Woerth était alors trésorier), qui constituent ses deux seules sources de recettes. Il y a plus goumand : GénérationFrance.fr, le "club" de Jean-François Copé, a touché pas moins de 238 591 euros de dons de personnes physiques. C'est plus que ce qu'a obtenu le MoDem (232 463 euros).
Fin décembre, les députés ont repoussé "l'amendement Bettencourt" présenté par le parlementaire socialiste René Dosière, qui visait à interdire les dons à de multiples partis.
Le Monde.fr reviendra de manière plus exhaustive sur ce rapport dans la première semaine de janvier 2011.
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/12/30/opacite-et-micropartis-au-coeur-du-financement-politique_1459057_823448.html
Le Parti radical (PR) de Jean-Louis Borloo est-il capable de s'émanciper de l'UMP ? Quelques heures après avoir pris la porte du gouvernement, l'ex-ministre marquait ses distances avec Nicolas Sarkozy, en assurant qu'il retrouvait sa "liberté de parole et de proposition". Pour le porte-parole des radicaux, Laurent Hénart, le temps était venu de "s'émanciper de l'UMP".
Mais couper le cordon avec le parti présidentiel ne sera pas une mince affaire. Selon le dernier rapport de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), le Parti radical – associé à l'UMP depuis 2002 – reste sous perfusion financière de l'UMP. En 2009, date des derniers comptes publiés, le parti de Jean-Louis Borloo a reçu un million d'euros de l'UMP. Une somme considérable pour ce parti, dont le budget global est de 1,3 million d'euros. Le PR est donc sous perfusion financière de l'UMP à hauteur de 77 %.
UNE RÉTROCESSION FINANCIÈRE DES VOIX RADICALES
"Nous serons dans la même configuration en 2010, précise -t-on au Parti radical. Notre accord signé en 2007 avec l'UMP porte sur l'ensemble de la mandature, il correspond à une rétrocession des voix apportées par notre parti à la majorité." En cas de rupture de la "convention" passée avec le parti présidentiel, les mesures de rétorsion financières sont "possibles", reconnait-on chez les radicaux. Il n'est donc pas question, pour le Parti radical, de rompre cet accord, malgré l'hypothèse d'une candidature de Jean-Louis Borloo en 2012.
Comme le Parti radical, les autres formations associées à l'UMP dépendent très largement des subsides qu'ils reçoivent du parti présidentiel. Ainsi, l'UMP injecte 33 % (150 000 euros) des revenus nécessaires au fonctionnement du Parti chrétien-démocrate (PCD) de Christine Boutin. La Gauche moderne de Jean-Marie Bockel a reçu la même somme du parti présidentiel, ce qui représente plus de 38 % de son budget.
LE NOUVEAU CENTRE SE FINANCE À TAHITI
Depuis 2009, le Nouveau centre est le seul parti de la majorité à ne plus recevoir d'argent. Le parti d'Hervé Morin doit toutefois son financement à un montage biscornu qui lui permet d'obtenir un financement public indirect. En 2007, le Nouveau centre a échoué à dépasser le seuil de 1 % des voix dans au moins cinquante circonscriptions, condition pour avoir droit à une dotation de l'Etat. Mais dans les territoires d'outre-mer le règlement est différent : une association du Nouveau centre avec petit parti tahitien, Fetia Api, permet aux deux partis de recevoir de l'argent public.
Un dispositif particulièrement rentable pour les associés : il leur a assuré en 2008 un total de 1 024 181 euros, dont 994 060 ont été transférés au Nouveau centre. Selon le dernier rapport de la CNCCFP, le parti d'Hervé Morin a reçu près de 1,4 million d'euros de la part du parti polynésien, via les aides publiques que ce dernier a reçues. Un montage légal qui contourne l'esprit de la loi
http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/01/19/le-parti-de-borloo-reste-financierement-dependant-de-l-ump_1467359_823448.html
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