de vudeloin » Mer 22 Aoû 2012 16:26
Nous voici parvenus au terme de notre analyse des élections législatives du printemps 1936 en Auvergne avec l'examen du vote dans les huit circonscriptions du département du Puy de Dôme.
Fondé depuis 1928 sur le scrutin d'arrondissement, le scrutin puydômois de 1936 porte sur huit sièges ainsi répartis : trois élus pour Clermont Ferrand, deux pour Riom, et un pour chaque arrondissement d'Ambert, Issoire (villes bien appréciées par les copains du roman de l'altiligérien Jules Romains) et Thiers.
Le siège de Clermont Ferrand 1 comprend alors les cantons de Clermont Nord Ouest, Veyre Monton, Vertaizon, Billom, Vic le Comte et Saint Dier d'Auvergne.
Le deuxième siège de Clermont Ferrand est plus urbain, centré sur Clermont Est et Sud, et Pont du Château.
Quant au troisième, il regroupe Clermont Nord, Rochefort Montagne, Herment, Bourg Lastic et Saint Amand Tallende, ayant un air de ressemblance avec l'ex siège de la Giscardie...
Le premier siège de Riom réunit les deux cantons de la ville, ceux d'Ennezat, Combronde, Aigueperse et Randan.
Le second siège de Riom regroupe les cantons des Combrailles et des Ancizes comme Menat, Manzat, Pontgibaud, Pontaumur, Saint Gervais d'Auvergne, Pionsat et Montaigut.
Le siège de Thiers couvre, sans surprise, les cantons de Maringues, Lezoux, Thiers, Châteldon, Courpière et Saint Rémy sur Durolle.
Le siège d'Ambert recoupe le Livradois avec les cantons d'Olliergues, Cunlhat, Saint Amant Roche Savine, Saint Germain l'Herm, Ambert, Saint Anthème, Arlanc et Viverols.
Enfin, le siège d'Issoire est partagé entre les cantons d'Issoire, Champeix, Sauxillanges, Jumeaux, Saint Germain Lembron, Ardes sur Couze, Besse en Chandesse, La Tour d'Auvergne et Tauves.
En 1932, la SFIO a remporté les deuxième siège de Clermont Ferrand, la droite a gagné les deux sièges de Clermont 3 et d'Ambert, un socialiste indépendant a gagné le siège d'Issoire, un radical socialiste celui de Riom 1, un indépendant a gagné le siège de Thiers et Alexandre Varenne, le fondateur du Journal La Montagne, a été réélu député de Riom 2.
Quant à la première circonscription de Clermont Ferrand, son titulaire a changé en route, si l'on peut dire, puisque le Dr Marcombes, maintes fois Ministre (y compris pour assurer, tout à fait à la fin de sa vie, le mandat le plus court de Ministre de l'Education nationale qu'il y ait eu), Maire de Clermont Ferrand, avait été élu face au leader de la SFIO auvergnate Villedieu.
Après le décès prématuré du docteur Marcombes (déjà évoqué), la partielle conduira à l'élection du candidat socialiste.
Passons aux résultats de 1936
Clermont Ferrand 1
Inscrits 19 016
Votants 15 917 (83,7 %)
Exprimés 15 756
Villedieu (SFIO, sortant) 7 048 (44,73 %)
Pochet Lagaye (radical socialiste, maire de Clermont Ferrand) 6 776 (43,01 %)
Blot (droite) 882 (5,60 %)
Chevalier (PCF) 674 (4,28 %)
Venner (radical indépendant) 347 (2,20 %)
Divers 29
Clermont Ferrand 2
Inscrits 18 961
Votants 15 812 (83,39 %)
Exprimés 15 292
Paulin (SFIO, sortant) 8 059 (52,70 %) réélu
Abram (URD, droite) 4 536 (29,66 %)
Pacaud (PCF) 1 976 (12,92 %)
Millon (socialiste indépendant) 583 (3,81 %)
Pranchère (Union ouvrière et paysanne) 138 (0,90 %)
Clermont Ferrand 3
Inscrits 18 323
Votants 15 091 (82,36 %)
Exprimés 14 875
Thomas (républicain indépendant) 5 432 (36,52 %)
Mabrut (SFIO) 4 514 (30,35 %)
Gendraud (radical socialiste) 3 918 (26,34 %)
Tournaire (PCF) 981 (6,59 %)
Divers 30
Ambert
Inscrits 16 448
Votants 13 487 (82 %)
Exprimés 13 399
Lachal (républicain indépendant, sortant) 6 398 (47,75 %)
Dr Penel (radical socialiste) 4 143 (30,92 %)
Coulaudon (SFIO) 2 589 (19,32 %)
Guillaumaud (PCF) 269 (2,01 %)
Issoire
Inscrits 21 196
Votants 17 089 (80,62 %)
Exprimés 16 743
Andraud (socialiste indépendant, sortant) 7 833 (46,78 %)
Dousset (radical socialiste) 4 846 (28,94 %)
Lavelle (agrarien) 2 544 (15,19 %)
Froget (PCF) 1 520 (9,08 %)
Riom 1
Inscrits 15 018
Votants 12 948 (86,22 %)
Exprimés 12 867
Dixmier (Fédération républicaine) 5 117 (39,77 %)
Massé (radical socialiste, sortant) 2 410 (18,73 %)
Guillou (SFIO) 2 205 (17,14 %)
Levadoux (Union socialiste) 1 930 (15 %)
Favard (PCF) 1 205 (9,36 %)
Riom 2
Inscrits 20 957
Votants 17 232 (82,23 %)
Exprimés 16 981
Varenne (Union socialiste, sortant) 5 674 (33,41 %)
Diot (PCF) 4 239 (24,96 %)
Ratelade (agrarien) 4 432 (26,10 %)
Gallant (radical indépendant) 2 623 (15,45 %)
Divers 13
Thiers
Inscrits 20 764
Votants 17 554 (84,54 %)
Exprimés 17 208
Laroche (SFIO) 9 239 (53,69 %) élu
Bechon (socialiste indépendant) 6 479 (37,65 %)
Néron (PCF) 1 325 (7,70 %)
De Venel (républicain indépendant) 165 (0,96 %)
Comme on le voit, le premier tour est marqué par le succès de la SFIO qui emporte deux sièges dès le premier tour.
Sur 123 121 suffrages exprimés au premier tour, le parti socialiste recueille au total 33 654 voix (27,33 %).
Les candidats socialistes indépendants ont réuni 14 891 suffrages (12,09 %) et les candidats de l'Union socialiste 7 610 voix (6,18 %).
Le PCF, pour sa part, a rassemblé 12 189 voix (9,90 %).
De fait, au premier tour de 1936, les partis de Front Populaire se trouvent devant les autres.
Lors du scrutin de 1932, les candidats du PCF avaient recueilli 3 460 suffrages (le meilleur score relatif étant situé dans la deuxième circonscription de Riom, dont on rappellera qu'elle eût, en 1962, un député communiste, un peu par surprise) et les candidats de la mouvance socialiste avaient recueilli 49 514 votes, Alexandre Varenne et Andraud ayant alors encore l'étiquette de la SFIO.
Les radicaux socialistes (28 190 voix en 1932) passent pour leur part à 24 716 suffrages.
Le second tour est un véritable succès pour la mouvance du Front Populaire.
Dans la première circonscription de Clermont Ferrand, le SFIO Villedieu l'emporte avec 8 681 voix contre 3 651 au candidat de droite Herbilleau (absent au premier tour) ; dans la troisième circonscription, le candidat SFIO Mabrut, fils d'instituteur à Orcines, est élu avec 10 012 voix contre l'URD Thomas.
A noter que, dans la première circonscription, le radical indépendant Venner s'est maintenu au second tour, recueillant 2 266 suffrages, sans doute venus pour une bonne part de l'électorat de Pochet Lagaye qui s'était retiré.
Sur le siège d'Issoire, le socialiste indépendant Andraud, soutenu par l'ensemble de la gauche, l'emporte avec 9 842 suffrages contre 5 694 voix pour l'URD Lavelle.
Et le radical socialiste Massé, député de Riom, est élu avec le soutien de la gauche avec 6 489 voix contre l'URD Dixmier.
4 SFIO, 1 socialiste indépendant et 1 radical socialiste, voilà qui est plutôt bon.
Reste le cas du siège de Riom 2 où Alexandre Varenne est battu de 17 voix par le candidat de droite Ratelade par 8 369 voix contre 8 352.
Une situation pour le moins périlleuse qui conduira d'ailleurs le fondateur de la Montagne à déposer recours contre l'élection de son adversaire et à en obtenir l'annulation dès le mois de juin 1936.
L'élection partielle eut lieu le 6 septembre suivant, passé l'été des congés payés.
Alexandre Varenne passe cependant son tour et envoie à la bataille un jeune candidat SFIO, Aimé Coulaudon, déjà deux fois candidat du parti dans la circonscription d'Ambert.
Le jeune candidat SFIO sera élu face à Alfred Ratelade au second tour par 8 736 voix contre 8 431.
Le problème, c'est que le 6 septembre, jour de ce second tour d'élection partielle, la une de la presse est plutôt occupée par le discours de Léon Blum au Luna Park de Paris, expliquant par le menu devant plusieurs dizaines de milliers de personnes (on parle de 80 000 assistants), la position de non intervention en Espagne du Gouvernement de Front Populaire.
Ce fameux parc d'attractions, objet notamment d'une chanson d'Yves Montand, était situé Porte Maillot, fort près de l'endroit où se trouvent aujourd'hui le Palais des Congrès de la Porte Maillot et le Concorde Lafayette.
Par contre, le candidat de droite Raymond Lachal est élu sur le siège d'Ambert, en recueillant au total 7 019 voix contre 6 879 au docteur Penel, candidat radical socialiste de Front Populaire.
Au moment du déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, Raymond Lachal sera, de fait, le seul député de droite du département.
La principale évolution concerne évidemment le parti radical et radical socialiste, alors encore relativement dominant dans le département du point de vue des municipalités (à commencer par la mairie de Clermont Ferrand, alors aux mains de Pochet Lagaye, qui a succédé au docteur Marcombes) comme du conseil général.
Un parti radical qui, dans le département, est depuis quelques temps devenu le « faux nez « d'une droite qui peine à faire émerger des candidats issus de ses propres rangs pour concurrencer la poussée continue de la gauche, SFIO dans un premier temps mais également du PCF qui, bien que dépourvu d'élus à l'Assemblée, vient de faire en cette année 1936 irruption dans le paysage politique local en frisant les dix points.
Et qui a vu l'un de ses candidats approcher du quart des suffrages exprimés dans la deuxième circonscription de Riom.
Il n'y a plus qu'un seul député radical en 1936 dans tout le département, et encore doit il son élection au fait d'avoir été soutenu par les autres partis du Front Populaire dans une ville et un secteur (Riom) dont le caractère symbolique sera particulièrement fort pendant les années à venir.
Les cantonales de 1937 semblent marquer un répit dans le mouvement fatal du Puy de Dôme vers la gauche.
Le député SFIO Paulin est réélu au premier tour dans le canton de Clermont Ferrand Est, le républicain de gauche Pouyet est reconduit sur le canton d'Herment, le SFIO Aurel gagne le siège de Vertaizon, le radical socialiste Mavel est reconduit sur Arlanc, le docteur Chassaing, sénateur radical socialiste, est réélu à Saint Anthème, le docteur Penel, radical socialiste et candidat malheureux aux législatives, est réélu à Olliergues, le radical socialiste Bigot est reconduit dans le canton d'Ardes sur Couze, le docteur Pipet, radical socialiste, est réélu dans le canton de Besse (Pipet, un nom qui dit beaucoup de choses du côté de La Bourboule).
Les radicaux socialistes voient également la réélection de Dousset, ancien candidat aux législatives, sur le canton de Saint Germain Lembron, du docteur Grasset, dans le canton de Riom Ouest, de Guyot sur le canton de Menat.
La SFIO enregistre les réélections de Fabre, dans le canton de Jumeaux, du député Laroche, par ailleurs administrateur de La Montagne, dans le canton de Châteldon (dont il est d'ailleurs natif) et de Chauny sur le siège de Courpière.
Un élu de l'USR est reconduit à Ennezat et la droite, pour sa part, se retrouve avec des positions limitées.
Victoire de M. Lacour sur le canton d'Aigueperse et d'un certain Jaffeux dans le canton de Maringues.
Pour le reste, Alfred Ratelade est largement battu sur le canton de Pontaumur où il avait tenté sa chance.
Enfin, sur le siège de Pontgibaud, le député Andraud, élu socialiste indépendant en 1936, se présente comme radical socialiste aux cantonales, se retrouvant d'ailleurs en ballottage favorable.
Le second tour des cantonales de 1937 est un bon résultat pour le parti radical qui l'emporte à Tauves (Garenne), Saint Dier d'Auvergne (Besse), Viverols (Roiron), Pontaumur ( Labas), Pontgibaud (Andraud) et Lezoux (Moulin).
Le SFIO Terrasse l'emporte pour sa part à Champeix et le député Villedieu est réélu à Clermont Ferrand.
Les positions du parti radical socialiste sont donc encore assez fortes dans le département puisque la série renouvelée en 1934 lui a aussi donné les sièges de Saint Amant Roche Savine (élu : Archimbaud), Billom (Ladevie), Cunlhat (Pourrat, dont je suppose qu'il s'agit de Paul, frère de l'écrivain Henri Pourrat), Issoire (Buisson, en l'espèce Albert-Buisson dont nous avons déjà parlé pour les municipales de 1935), Pionsat (Mayat), Randan (Moinard), Riom Est (avec Clémentel en 1934, dont nous avons aussi parlé), Sauxillanges (Sauvadet), Veyre Monton (Page), Vic Le Comte (Boste).
A gauche, la SFIO garde le siège de Montaigut en Combrailles (avec un nommé Michel), celui de Bourg Lastic (réélu Moreau) et le siège de Saint Rémy sur Durolle (Barge réélu chez les ouvriers couteliers).
Notons aussi le premier succès de Hermille sur le canton d'Ennezat (il va quitter ensuite la SFIO), et celui d'un Néo socialiste, sortant et ancien combattant et décoré de la Première Guerre Mondiale, Pierre Félix Nénot sur le canton de Saint Gervais d'Auvergne.
Les positions de la droite sont faibles : Lachal est réélu à Ambert sous son étiquette de républicain de gauche, Fénolhac (autre républicain de gauche) est élu sur Combronde, l'URD Godonnèche est élu sur La Tour d'Auvergne (il sera député gaulliste en … 1958 ), l'URD Sardier est élu à Manzat, le républicain Besserve est élu à Pont du Château (commune dont il est maire).
Certains fins connaisseurs de la vie politique auvergnate pourront sans doute nous dire quels points communs, par delà les générations, existent entre certains candidats des années trente et des acteurs de la politique auvergnate actuelle...
Le second tour de 1934 fut aussi marqué par le succès d'Alexandre Varenne dans le canton de Clermont Ferrand Sud Ouest, la victoire du maire radical socialiste de la ville d'alors, le docteur Marcombes, dans le canton Nord, le succès d'un socialiste indépendant sur Thiers (Cotillon), le succès du SFIO Camus sur le canton de Saint Germain l'Herm et la victoire du radical socialiste Huguet dans le canton de Lezoux.
Canton dont nous avons vu qu'il avait aussi été concerné par le renouvellement de 1937, sans doute pour des raisons d'anticipation du renouvellement...
Je ne suis pas certain d'avoir cité tous les cantons puydômois mais cela n'a pas d'importance au regard de ce qui est recherché.
C'est à dire que nous avons, à compter de 1936, un département dominé au plan de la représentation nationale, par la SFIO, avec un nouveau personnel politique, et au plan local par des alliances entre les radicaux, les anciens socialistes repentis et la droite pour diriger mairies et, surtout, Conseil général.
Un regard sur la sociologie des élus donne des indications complémentaires de ce point de vue.
Aimé Coulaudon, qui deviendra député de Riom avec la partielle de 1936, est avocat, ayant connu un cursus honorum particulièrement réussi depuis ses études au Lycée Blaise Pascal jusqu'à devenir docteur en droit à vingt six ans (en 1932) à la Faculté de Poitiers.
Collaborateur du grand avocat Alexandre Zévaës, natif de l'Allier sous le nom de Bourson, et ancien militant de la cause dreyfusarde et député socialiste de l'Isère, Aimé Coulaudon est l'un des responsables des jeunes socialistes du Puy de Dôme dans les années trente quand il est envoyé au combat électoral sur le siège d'Ambert.
Un siège sans doute à l'époque considéré comme le plus difficile pour la gauche auvergnate (ce sera le dernier siège de droite en 1936) et qui n'est pas celui de son arrondissement d'origine puisque Coulaudon est natif de Pontgibaud.
Aimé Coulaudon va voter les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940 et ce sera sans doute là son seul errement puisqu'il participe très vite ensuite aux activités de la Résistance auvergnate dont le chef n'est autre que son frère Emile, dit colonel Gaspard.
(Un nom qui, par une ironie de l'Histoire, fait évidemment référence au personnage de Gaspard des Montagnes, héros du roman d'Henri Pourrat, écrivain ambertois dont les attachements politiques furent assez largement distanciés du socialisme...
On rappellera ici que Henri Pourrat, descendant d'un ancien élu du Livradois, sera un défenseur des traditions auvergnates les plus ancrées et s'illustrera notamment en relançant l'activité du Moulin à papier Richard De Bas, près d'Ambert, spécialisé en fabrication de papier chiffon, dont le premier exploitant avait précisément été son ancêtre élu à l'époque de la Restauration où le suffrage universel n'avait pas cours)
Il est, après la Libération, à sa manière, une illustration vivante de l'alliance des ouvriers et des intellectuels dans la gauche française.
Il participe en effet à de multiples sociétés savantes, exerce des fonctions consulaires pour des pays amis, termine une thèse de doctorat ès lettres en 1952, etc...
Adrien Mabrut, autre député SFIO, est cinq ans plus âgé qu'Aimé Coulaudon mais natif, lui aussi, de Pontgibaud.
Fils d'instituteur installé à Orcines, il fait, comme Aimé Coulaudon, des études de droit qui le conduisent à devenir avocat au barreau de Clermont Ferrand, spécialisé dans la défense des personnes les plus modestes.
Il se lance en politique à la demande de la SFIO parce que le docteur Moreau (sans doute le conseiller général de Bourg Lastic, vu la circonscription ) ne peut se représenter pour raisons de santé et se fait pourtant élire face au candidat de la droite, Thomas.
A noter que la campagne de 1936 conduit à l'effacement des radicaux qui disposaient, avec le docteur Roy, implanté à Rochefort Montagne, du mandat législatif en 1932.
Adrien Mabrut ne votera pas les pleins pouvoirs à Pétain et ce, pour une bonne raison.
C'est que, mobilisable et mobilisé, il a été fait prisonnier par les Allemands et ne pouvait donc se trouver à Vichy le 10 juillet 1940.
Rapatrié pour santé défaillante, Adrien Mabrut va cependant participer à la Résistance et reprendra son activité politique à la Libération, redevenant conseiller général, puis chef de file de la SFIO lors des premiers scrutins de 1945 et 1946.
Le mode de scrutin proportionnel lui permet de revenir au Palais Bourbon, où il est accompagné d'un autre élu socialiste, mais aussi de deux élus communistes, d'un élu radical socialiste ou plutôt RGR déjà connu de nous, le vieil Alexandre Varenne (qui finira membre de l'UDSR de François Mitterrand) et d'un élu de droite, Jacques Bardoux, dont le parcours, nourri d'un anticommunisme virulent, d'un passage au Conseil national de Vichy, ne fait que préparer l'ascension de son petit fils dont l'identité nous est fort connue.
(Un coup à boire pour celui qui répond le premier).
Quant à Adrien Mabrut, il sera même Président du conseil général du département dans les premières années de l'après guerre.
Antoine Villedieu, natif de Biollet, petit village des Combrailles (canton de Saint Gervais), est lui un ouvrier, correcteur d'imprimerie, c'est à dire appartenant, de fait, à une forme d'aristocratie ouvrière, faite de ces travailleurs manuels ayant sans doute passé avec succès le certificat d'études mais ayant du travailler tôt.
Défenseur des droits des salariés, Antoine Villedieu vote cependant la loi constitutionnelle de juillet 1940 et c'est probablement son âge relativement avancé (il a plus de cinquante ans au début de la guerre) qui le met en dehors du jeu politique de la Libération.
Même si les liens familiaux avec le socialisme demeurent puisque la fille d'Antoine Villedieu aura épousé Arsène Boulay, son secrétaire parlementaire et futur député socialiste du département...
Ernest Laroche, député de Thiers, est assez emblématique du recrutement socialiste dans le département.
Natif de Châteldon (comme un certain … Pierre Laval), c'est comme ouvrier verrier, dans la fameuse verrerie de Puy Guillaume, qu'il commence sa vie professionnelle avant d'être élu le maire de cette petite ville de tradition républicaine et de gauche dont le maire (de 1977 à 2010) est célèbre pour son franc parler, son anticléricalisme et ses bretelles, en l'espèce Michel Charasse...
Sa vie fut évidemment marquée par le douloureux stage de 14 – 18 dont il revint médaillé (la belle affaire, pourrait on dire), et il devint administrateur de coopérative avant d'être élu une première fois député en 1928 face au candidat ex socialiste et maire de Thiers, Cotillon Martin.
Administrateur de la Montagne, Ernest Laroche fut battu en 1932 par Claude Pradel, comme lui ancien combattant et ingénieur diplômé, qui tire alors parti de son origine de fils d'ouvrier coutelier.
La victoire électorale de 1936 est marquée, comme nous l'avons vu à l'image des résultats, par la quasi absence de la droite en termes de candidatures.
Il faut bien avouer que le pays thiernois n'a jamais été très ouvert aux idées conservatrices, au contraire du pays ambertois.
Ernest Laroche va voter les pleins pouvoirs à Pétain, lui aussi.
Il ne semble pas avoir joué un grand rôle après la Libération, d'autant que la mairie de Puy Guillaume va être occupée, de 1945 à 1965, par le sénateur SFIO Francis Dassaud, un temps député élu à l'Assemblée constituante suivant la Libération.
Détail significatif : Francis Dassaud, avant guerre, aura été secrétaire du syndicat des verriers de Puy Guillaume.
Albert Paulin, né dans le Sud du Berry, est âgé de 55 ans quand il est réélu député de Clermont Ferrand.
Ouvrier tailleur de profession, issu d'une famille d'agriculteurs, il est aussi secrétaire de l'Union des syndicats ouvriers du Puy de Dôme quand il se fait élire pour la première fois député de la deuxième circonscription de Clermont Ferrand, la plus urbaine des trois découpées dans l'arrondissement.
Albert Paulin, sur la durée de la XVIe législature, sera un des acteurs majeurs des réformes du Front Populaire, rapportant notamment le projet de loi sur les procédures de conciliation collectives.
Cette constante défense des intérêts du monde du travail ne va cependant pas empêcher Albert Paulin de voter en faveur des pleins pouvoirs à Pétain.
Son nom n'apparaissant pas dans la vie politique auvergnate après guerre, on peut penser qu'il n'a guère joué de rôle après la Libération.
Ceci dit, comme on le voit, les élus socialistes étaient, pour un grand nombre, issus de milieux modestes, ouvriers, dans un département où l'organisation des Jeunes socialistes s'est trouvée, dans les années trente, l'une des plus importantes et influentes de France.
L'autre aspect qui nous intéresse pour la suite, c'est que la SFIO puydômoise va participer de manière significative à la Résistance à l'occupant, faisant d'ailleurs du département l'un des bastions de la Résistance, singulièrement en termes d'effectifs mobilisés.
Pour ceux qui auraient l'occasion de voir ce film, revu récemment à la télévision mais rarement programmé, l'oeuvre de Marcel Ophuls « Le Chagrin et la Pitié » permet de se faire une idée du climat de l'époque d'autant que, parmi les témoignages recueillis par Marcel Ophuls et André Harris, figure entre autres celui d'Emile Coulaudon, le colonel Gaspard de la Résistance auvergnate.
Pour les autres députés du printemps 1936, nous n'avons pas les mêmes parcours.
Henri Andraud, d'abord socialiste SFIO puis tenté par l'aventure néo en 1932, siégera d'abord parmi les non inscrits, avant de faire un bout de chemin avec les radicaux socialistes qui va notamment le conduire à être quelque temps sous secrétaire d'Etat.
Mobilisé dans l'aviation pendant la Première Guerre Mondiale, Henri Andraud sera toujours sensible aux questions aéronautiques, allant même jusqu'à effectuer avec son collègue député radical Lucien Bossoutrot (député du Xe arrondissement parisien) la traversée de l'Atlantique Sud en janvier 1937.
Pour autant, sa carrière professionnelle le conduit à devenir rédacteur en chef de la Montagne en 1925, après y avoir fait pendant cinq ans des articles réputés pour leur clarté et leur franchise d'expression.
S'il vote les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, étant venu à Vichy dans le cadre d'une permission (il est alors Lieutenant de l'Armée de l'Air), Henri Andraud va cependant vite entrer en Résistance, d'autant (je ne sais pas si les choses sont tout à fait liées mais...) que le site de l'aérodrome d'Aulnat va constituer l'un des foyers les plus actifs de la lutte clandestine.
Après guerre, Henri Andraud ne reprend pas part à la vie politique, préférant se consacrer à une activité d'industriel, en créant le Groupement Industriel Métallurgique et Automobile (GIMA), à Chamalières, une société qui va produire, jusqu'en 1955, des motocyclettes sous la marque éponyme (GIMA), et notamment sous cylindrée 125cc ou encore 175cc.
Le décès prématuré, en 1949, d'Henri Andraud, empêchera probablement la marque de connaître son plein essor face à une concurrence nationale structurée autour de Peugeot (la grande usine du Pays de Montbéliard), Motobécane (créée à Pantin et qui aura une usine importante à Saint Quentin) et Monet Goyon, société mâconnaise comme son nom l'indique.
GIMA fera faillite en 1955.
Le fort temporaire élu agrarien de Riom, Alfred Ratelade, semble n'avoir rien fait d'autre (ou presque) que de rester coi dans son village natal de Fernoël.
Pour ce qui est d'Emile Massé, député de la première circonscription de Riom, avoué à la cour d'appel de Riom (qui, pour des raisons historiques, est la « ville de robe » de l'Auvergne après avoir été la capitale des ducs d'Auvergne), s'il vote lui aussi les pleins pouvoirs de Pétain, se retrouve cependant déchu de son mandat de conseiller municipal de Riom.
Déjà âgé, Emile Massé va mourir en décembre 1944, non sans avoir connu la Libération de sa ville, marquée par les fameux procès intentés par le pouvoir pétainiste à l'encontre des hommes politiques de l'époque du Front Populaire.
Reste le cas de Raymond Lachal.
Adjoint au maire d'Ambert et élu de la circonscription, Raymond Lachal aura marqué des positions claires durant l'exercice de son mandat.
Ainsi, il s'oppose au traité d'amitié franco soviétique, vote contre la déclaration de politique générale du premier gouvernement de Front Populaire en 1936 mais accorde par contre son soutien au gouvernement Daladier en 1938.
Et il finit le parcours en votant les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940.
Il est maintenu dans ses fonctions à Ambert et devient même, en juin 1942, président de la Légion française des Combattants, structure que le régime de Vichy a mis en place après la dissolution des anciennes associations d'anciens combattants de 14 – 18 (ARAC, UNC entre autres).
Une Légion française des combattants dont émergeront ensuite deux organisations particulièrement représentatives du vichysme : le SOL ou Service d'Ordre Légionnaire et surtout, la Milice, créée en 1943, et qui prêtera la main à maints combats contre la Résistance aux troupes allemandes, comme on le vit par exemple au Mont Mouchet.
Avec de tels états de service, on ne s'étonnera donc guère que, pendant les années 45 – 49, Raymond Lachal ait fait l'objet de poursuites, le rendant notamment interdit de séjour en Puy de Dôme et dans l'Allier.
Finalement acquitté grâce à des témoignages favorables de personnalités résistantes de la droite française (Robert Schuman, l'amiral Muselier) Raymond Lachal ne jouera plus de rôle politique après 1950.
(Sauf évidemment si d'autres contributeurs me parlent de son éventuelle élection sur Ambert ou Marsac en Livradois, dont il était originaire).
Voici donc pour les députés élus.
Je ne parlerai pas des sénateurs, d'autant que l'un des sénateurs était fort connu et se nommait Pierre Laval, venu se faire élire sur ses terres d'origine (il était élu d'Aubervilliers).
Mais on peut aussi noter quelques uns des candidats malheureux de l'élection de 1936 comme Joseph Dixmier, l'agrarien, paysan, élu de Varennes sur Morge, que l'on retrouvera après guerre comme élu indépendant et paysan sur la même ligne que Jacques Bardoux, qu'Emile Massé avait battu à Riom lors des législatives de 1928.
On peut citer Paul Pochet Lagaye, radical tendance Clémentel (ancien maire de Riom), confiseur de son état, maire de Clermont Ferrand après le décès du docteur Marcombes, qui va rester en fonctions jusqu'au 18 juillet 1944 où le comité local de Libération installe comme maire provisoire Gabriel Montpied, futur maire SFIO de la ville.
Le cas typique du notable radical socialiste ayant fini par tomber dans l'ornière d'une forme de « collaboration passive ».
Henri Diot, candidat communiste sur Riom Combrailles, secrétaire des métaux CGT, sera l'un des animateurs de la Résistance dans la département et notamment dans sa région d'origine et sera l'un des dirigeants communistes à la Libération dans le département.
En Combrailles, où sa popularité de syndicaliste l'avait conduit à obtenir un score remarquable, la période de la guerre sera marquée par le développement d'une activité résistante particulièrement intense, notamment dans ce que l'on finit par appeler « l'usine du maquis », la société Aubert et Duval, située aux Ancizes Comps dans le canton de Manzat.
Le docteur Claudius Penel sera l'un des rares radicaux à se retirer de la vie politique après guerre, puisqu'il sera installé maire d'Ambert, en lieu et place de l'honni Raymond Lachal, à la Libération.
Dans un autre genre, le docteur Pipet (conseiller général et maire de Besse) sera proche de Giscard d'Estaing après guerre...
Mais je laisse la parole à qui la veut pour tout complément d'information, en escomptant ne pas avoir tout à fait désolé le lecteur par la diversité et l'importance des informations transmises.