@ Jean Talu
Je ne sais pas si Mélenchon est une « construction médiatique », tout simplement parce que les media, mine de rien, font partie de la campagne électorale, au même titre que les sondages, soit dit en passant…
Toujours est il, cher Jean Talu, que les passages télévisés du candidat du Front de Gauche ont été, pendant la période précédant l’ouverture de la campagne officielle, plutôt regardés, dépassant assez nettement les émissions invitant Eva Joly, François Bayrou, et même François Hollande dans la dernière période.
Pour tout dire, je crois que l’intérêt sur la candidature de l’ancien Sénateur de l’Essonne (il fut alors le benjamin du Luxembourg) est peut être né de la fameuse confrontation qu’il a eu avec Marine Le Pen, dans l’émission « Des paroles et des actes » où celle-ci, refusant ostensiblement de répondre au candidat du Front de Gauche, sous des motifs qui laissent aujourd’hui un peu rêveur (« Jean Luc Mélenchon n’est pas un candidat à ma hauteur » entre autres), s’est en fait assez gravement déconsidérée aux yeux d’une bonne partie de l’opinion et des très nombreux téléspectateurs (plus de 6 millions) qui regardaient l’émission…
Mais l’autre aspect, sans doute oublié par beaucoup, est que cela faisait déjà quelque temps que le candidat battait la campagne (il a tenu son meeting de lancement de campagne place Stalingrad en juin 2011 et il a prononcé un discours important lors de la traditionnelle Fête de l’Humanité en septembre).
Par ailleurs, le fait est que le sillage de la campagne du Front de Gauche entraîne pour l’heure des forces pour certaines endormies, pour d’autres disparates ou dans l’expectative.
Je connais quelques militants du PCF et je dois dire que j’ai l’impression, notamment pour les plus anciens, qu’ils semblent avoir retrouvé une nouvelle jeunesse et une énergie renouvelée à mener campagne.
On aurait presque l’impression que le « cadavre », maintes fois enterré du Parti Communiste bouge encore…
Que le PCF dispose encore de quelques capacités de mobilisation est un fait et la marche sur la Bastille le montre suffisamment.
Je n’ai pourtant pas l’impression que l’évènement ait bénéficié d’une couverture médiatique spectaculaire, de la même manière que les chiffres du CSA sont suffisamment explicites (ils figurent dans le fil de discussion sur la couverture audiovisuelle de la campagne) pour montrer que ce n’est pas la candidature du Front de Gauche qui est la « plus couverte » par les media de cette nature.
Mais l’autre aspect, me semble t il, est que la candidature Mélenchon, comme le souligne notamment notre ami SALVAT, va au-delà du seul contingent des électeurs communistes ou des militants et sympathisants communistes.
Elle fédère et catalyse des forces syndicales, associatives, politiques très différentes, allant des anciens des comités antilibéraux qui avaient soutenu José Bové (je constatais par exemple que le député maire de Saint Denis, Patrick Braouezec, qui, en 2007, a parrainé la candidature du paysan de l’Aveyron et fait partie de son équipe de campagne figurait en bonne place à la tribune de la Bastille ce dimanche) à des écologistes déçus de la campagne d’Eva Joly, en passant par d’anciens chevènementistes ou de nombreux socialistes qui sont, de plus en plus, questionnés par leur choix du premier tour.
Régis Debray, par exemple, vient d’affirmer qu’il se retrouve dans la campagne de Jean Luc Mélenchon (en tout cas pour l’heure) mais il est loin d’être le seul puisque, pour donner un exemple finalement assez amusant, cinquante auteurs de polar ont lancé un appel à voter en sa faveur.
Dire jusqu’où cela ira, je ne le sais pas.
Disons qu’il y a un large cercle de sympathie autour de la candidature du Front de Gauche, entourant un cercle plus restreint de personnes se posant la question de voter pour lui, lequel cercle en tient un troisième en lui-même, celui des électeurs qui feront ce choix là le 22 avril.
En ayant pesé chacun des éléments, comme le danger éventuel de Le Pen (qui me semble quelque peu éloigné au vu des sondages de premier tour actuels, vu que la fille du Chef se situe entre dix et douze points derrière), le risque de réduire le score du candidat PS par rapport à celui de Sarkozy, je ne sais trop quoi encore.
Alors, « construction médiatique » parce que, selon certains, la droite « pousserait « Mélenchon pour tailler des croupières à Hollande et le faire baisser, favorisant par là même les sombres desseins de Nicolas Sarkozy ?
Je serais des responsables de l’UMP et de leurs canaux de transmission (comme le Figaro), je ne me garderais ceci dit de « pousser « Mélenchon.
Parce qu’il est probable que la campagne du Front de Gauche ne finisse par toucher des électeurs dubitatifs, notamment ceux qui, pour le moment, sont plutôt tentés par l’abstention…
A croire que la présentation médiatique actuelle (ou jusqu’alors proposée) de la campagne n’a pas suffisamment « intéressé « les électeurs pour qu’ils soient décidés à aller voter.
L’abstention, pour l’heure, c’est plutôt les couches populaires, les jeunes, etc...
Ne nous trompons pas : précisément l’électorat qui fera la différence au final et celui que cherche à « travailler » le Front de Gauche.
En tout cas, doit y avoir du « mou dans la corde à nœuds » du côté du soutien massif des plus modestes au Front National…
Ah oui, détail qui n’est pas sans importance, non plus, cher Jean Talu.
La campagne du Front de Gauche recueille un certain écho et même un écho certain dans le monde associatif et syndical.
Son grand oral devant la FCPE, par exemple, a été fort apprécié par les participants comme l’avait été son intervention devant les associations féministes le 8 mars.
De la même manière, de nombreux syndicalistes (il suffit pour cela d’aller sur le site de campagne
www.placeaupeuple2012.fr et de consulter la « liste d’appuis » pour s’en rendre compte) d’organisations diverses (pas seulement de la CGT pour tout dire) se positionnent en faveur du candidat du Front de Gauche.
Media pour media, les syndicalistes, dans leur proximité avec leurs collègues de travail, dans les contacts qu’ils peuvent entretenir avec une large part du monde salarié, sont un vecteur d’opinion au moins aussi pertinent et efficace que les belles phrases de Claire Chazal ou les messages de David Pujadas.
Alors, on peut être d’accord ou non avec Mélenchon (ce n’est pas l’objet de ce message), mais il faut effectivement s’interroger sur les ressorts qui le font pour le moment apparaître comme le candidat faisant la meilleure campagne de tous ceux qui sont en lice cette année.
Je me posais la question et l’ai posée à un parlementaire écologiste que j’ai eu l’occasion de croiser en lui demandant « Pourquoi cet effet Mélenchon ? ».
Sa réponse fut simple et claire (je ne suis pas certain que ce parlementaire vote pour quelqu’un d’autre qu’Eva Joly, bien entendu) « C’est le seul qui donne envie ».