de vudeloin » Lun 12 Mar 2012 20:30
Pas de règle d'or, surtout...
Cela fait des années que le Japon, les Etats Unis et bien d'autres s'en passent et qu'ils ont raison...
Qui a décidé un beau jour que l'absence de déficit structurel, ou un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB, une dette publique inférieure à 60 % du même PIB, un taux d'inflation contenu et des taux d'intérêt de long terme équivalents étaient les vertus qu'il fallait, en tous temps et en tous points, respecter ?
Poser la question est déjà y répondre : qui, sinon quelques économistes à la moi l'noeud qui ont conçu un modèle mathématique et macro économique qui ne tient pas debout cinq minutes, au premier souffle de crise économique qui puisse survenir...
Sur bien des aspects, la fameuse « règle d’or » européenne me fait d’ailleurs de plus en plus penser aux règles de management d’entreprises où les objectifs demandés aux cadres et aux salariés en général sont d’un tel niveau qu’ils ne les atteignent jamais…
Mais entrons un peu dans le fond du débat.
S’entendre sur le principe d’une règle d’or nécessiterait, dans un premier temps, que l’appareil statistique requis pour la mesurer (parce que mesurer un PIB, cela nécessite quelques statisticiens et économistes !) soit parfaitement fiable.
Soyons clairs, je crois que ce n’est pas le cas et l’exemple de la Grèce qui, par la grâce de son ancien Ministre des Finances (de droite, membre du Parti Populaire Européen comme les élus de l’UMP) et les conseils éclairés de Goldman Sachs, montre assez qu’il n’en faut pas beaucoup pour abuser la Commission européenne…
Et il n’y a pas que la Grèce puisque, pour donner un exemple précis, en Italie, le chiffre d’affaires des exploitants agricoles est évalué à partir des seules ventes déclarées…
Nonobstant ces considérations (qui sont loin d’être secondaires), allons au fond sur quelques autres détails.
Poser le principe de la règle d’or, y compris du régime de sanctions applicable (un grand démocrate comme Jean Arthuis, soutien de François Bayrou, préconise ainsi deux types de sanctions : soit la suspension du versement des aides communautaires éventuelles, soit la privation temporaire du droit de vote ; toutes mesures qui seraient applicables et prises sans la moindre consultation du Parlement européen par exemple, sans parler de celle des populations concernées), il convient tout de même de se souvenir de quelques petites choses.
Et notamment du fait que ni la récession ni la croissance ne sont linéaires, c'est-à -dire que, dans la vie économique d’un pays, il peut y avoir des moments de croissance, où la production augmente, le chômage diminue, les difficultés budgétaires s’atténuent et des moments de ralentissement de l’activité, voir de récession, pendant lesquels la plupart des paramètres virent peu à peu du vert au rouge et où il faut disposer de nouveaux moyens d’intervention pour tenter d’inverser la tendance.
Telle qu’elle est conçue et telle qu’elle est d’ailleurs appliquée, notamment en Grèce où neuf plans successifs d’austérité ont simplement conduit au désastre constaté aujourd’hui (20 % de chômage, augmentation de la pauvreté, récession de 5 %), la règle d’or pourrait exactement priver les Etats de l’Union européenne de l’instrument budgétaire comme élément de relance de l’activité et la dépense publique judicieuse comme facteur d’inversion de la tendance récessive.
Il ne faut en effet en aucun cas s’illusionner : la croissance prévue en France, sous le régime actuel de gestion des affaires publiques (largement inspiré des dogmes européens d’équilibre budgétaire), c’est 0,4 ou 0,5 % cette année, c'est-à -dire encore moins qu’en 2011 où ce ne fut déjà pas folichon.
C’est que, dans notre pays, sans une croissance d’au moins 2 %, on ne crée pas suffisamment d’emplois pour éviter la progression du chômage.
Je mets d’ailleurs au défi tous les partisans de la réduction drastique de la dépense publique, tous les fanatiques (car cela procède du fanatisme à bien des égards) de l’équilibre budgétaire coûte que coûte de me prouver, par A plus B, que la France, une fois appliquée la purge fiscale promise par Sarkozy et/ou par l’Europe à la sauce Merkel, va retrouver un taux de croissance de plus de 2 %.
Au demeurant, je me permets de rappeler que les Etats-Unis, dont le niveau d’endettement public est autrement plus élevé que celui de la France, où les ménages vivent à crédit, bénéficient, de manière générale, nonobstant l’intervention de la Federal Reserve Bank, d’un taux d’intérêt plus faible sur leurs « junk bonds « que n’importe quel Etat européen sur les siens propres !
Il y a une vraie question qui est posée dans les messages précédents : pourquoi devrions nous nous hâter de rembourser nos créanciers ? (des créanciers qui, au demeurant, sont parfois les Français eux-mêmes… Mais je ne vais pas relancer là -dessus).
Prenons par exemple la dette obligataire de la France, et notamment les Obligations Assimilables au Trésor, le principal « produit » de cette dette.
Nous en avons distribué sur les marchés pour 897,1 milliards d’euros à la date de fin janvier 2012.
La durée de vie moyenne de cette dette est de 9 ans et 318 jours.
A échéance de cinq ans, nous devrons en avoir amorti environ 292 milliards.
A échéance de dix ans, nous aurons rajouté 332,6 milliards de plus.
Et nous avons donc des titres de dette pour près de 144 milliards d’euros d’une maturité de 10 à 20 ans, et même, d’ores et déjà , pour près de 130 milliards d’euros de titres dont la maturité est supérieure à vingt ans…
Que les choses soient donc claires : comme nous sommes d’ores et déjà endettés avec des titres dont la maturité est l’année 2060, autant laisser les choses venir à l’heure…
Alors, évidemment, vous allez me dire, mais comment fait on pour rembourser dans les cinq ans 292 milliards d’euros, ce qui doit représenter l’équivalent d’une année budgétaire ?
Vous savez, Kerxizor ?
Oui, vous le savez, en émettant de nouveaux titres de dette qui vont amortir les titres précédents et dont les intérêts courus viendront alimenter, comme toujours, le chapitre budgétaire des « engagements financiers de l’Etat ».
Attention, cette dette de l’Etat n’est pas perdue pour tout le monde.
Parce que les comptables, comme chacun sait, savent très bien que le moins dans une colonne est toujours le plus dans une autre.
Grâce soit rendue à la dette publique (rien que pour cela, il faut qu’elle existe !) parce qu’elle assure la rentabilité de l’épargne, et parfois sa liquidité, d’ailleurs.
Sans dette publique, pas d’assurance vie, pas de plan épargne retraite, pas de revenus financiers pour compléter l’erratique progression, voire la stagnation des salaires !
Ensuite, il y a les contreparties.
Question à cent sous : vous ne logez nulle part, vous avez vingt cinq ou trente ans, il commence à vous peser de « mariner chez vos harengs », enfin d’habiter chez vos parents, parce que votre petit ami ou votre petite amie voudrait bien s’installer dans un nid d’amour douillet avec vous…
Vous voulez acheter et vous n’avez guère le sou et vos parents n’ont que la garantie de leurs revenus à proposer sans vous faire plus d’avance…
Vous attendez que la fièvre de l’amour retombe ou vous décidez de vous endetter pour acquérir le petit appartement qui abritera vos jeux interdits au regard des trop curieux ?
Eh bien, de temps en temps, en tout cas ce fut le cas assez longtemps, l’Etat a fonctionné comme cela.
Il s’endettait pour mettre en œuvre tel programme d’urbanisme, tel projet de construction d’une centrale électrique, d’un barrage, d’une route, d’une voie ferrée à grande circulation, etc, etc…
Et l’endettement était d’ailleurs contrebattu par deux phénomènes : le premier, c’était l’inflation qui écrasait les taux d’intérêt réels (vive l’inflation, des fois !), et le second, c’est que le choix d’investir, notamment en infrastructures, permettait de générer de l’activité, donc de nouvelles recettes.
Pour ceux qui l’auraient oublié, les milliards de francs que l’Etat, via le budget des PTT, a investi dans la construction du réseau téléphonique français comme dans l’équipement du territoire et de la population en la matière, ont généré beaucoup, beaucoup plus de recettes fiscales et d’activité économique que n’en ont jamais coûté les emprunts souscrits pour ce faire.
Je constate d’ailleurs que l’ouverture à la concurrence de la téléphonie, fondée d’abord et avant tout sur la stupide course aux tarifs les plus bas, se fait de plus en plus au détriment de la qualité de service, singulièrement en matière de connexion haut débit ou de couverture par les réseaux mobiles.
Revenons aux causes de l’endettement…
Il y a donc les bonnes causes, celles qui motivent les investissements publics, eux-mêmes générateurs (en tout cas, on l’espère) d’activité économique nouvelle, et puis les moins bonnes.
Comme il est temps de dire les choses comme elles sont, nous avons trop donné, dans ce beau pays qu’est la France, au titre du moins disant fiscal.
Cela fait des années que se cumulent, s’accumulent, se sur accumulent les mesures d’allégement des impôts (en général toujours les mêmes ) qui creusent chaque année un peu plus les déficits publics et sont générateurs de dette.
178 milliards d’euros, c’est l’estimation des cadeaux fiscaux les plus divers, portant sur l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur la fortune, l’impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés, les impositions locales des entreprises qui grèvent chaque année le budget de l’Etat, une estimation produite par les économistes d’ATTAC mais qui est largement corroborée par les rapports de la Cour des Comptes comme du Conseil des prélèvements obligatoires.
Et cette somme de 178 milliards d’euros est annuelle !
Et je vous invite donc à la comparer avec le déficit public sauce Sarkozy 2007 – 2011 qui aura connu l’évolution suivante : 34,7 milliards de déficit budgétaire en 2007 ; 56,3 milliards d’euros en 2008 (cela avait donc déjà dérapé), 129,9 milliards d’euros en 2009 ; 148,8 milliards d’euros en 2010 et 95,3 milliards attendus pour 2011.
Bilan des courses : 465 milliards d’euros de déficit budgétaire cumulé, et une moyenne supérieure à 90 milliards d’euros.
Tout cela pour quels résultats économiques ?
Une récession en 2008 et 2009, une croissance apoplectique en 2010 et, sans véritable embellie en 2011, une prévision de croissance d’un demi point en 2012.
La moyenne 2007 – 2011, c’est 0,5 % de croissance, autant dire rien du tout ou presque, rien en tout cas qui nous permette d’éviter le chômage de masse et sa persistance, rien qui ne prouve, en tout état de cause, la validité des choix d’allégements fiscaux qui ont été faits de longue date et prolongés depuis 2007.
On a renforcé le crédit d’impôt recherche, accru un temps le bouclier fiscal, allégé l’ISF, supprimé la taxe professionnelle, mis un terme à l’impôt de bourse, supprimer l’imposition forfaitaire annuelle des entreprises, réduit les droits sur donations (surtout) et successions (pour faire croire que), inventé la niche Copé, persévéré dans les allégements de cotisations sociales, mis en place cette imbécillité des heures sup’ défiscalisées, et tout cela pour quoi ?
Une moyenne de hausse du PIB en volume de 10 milliards d’euros, bien moins que la progression et la persistance des cadeaux fiscaux…
Un seul mot vient à l’esprit : gaspillage !
Personnellement, en plus, j’ai tendance à penser que la facture est encore plus élevée, puisque les chiffres précédents ne retracent que les opérations visibles et chiffrables, et pas les autres.
Par exemple, le coût induit par l’ouverture des trappes à bas salaires que constituent le RSA ou les heures sup’ défiscalisées, ou les allégements généraux de cotisations sociales.
Il y a du grain à moudre à procéder à une mise en cause de ces mesures fiscales diverses et variées dont l’impact économique est au mieux nul, au pire contre productif, comme à transformer les sommes considérables qui y sont consacrées en dépenses publiques utiles et nécessaires.
La réduction des déficits, l’interruption du cycle infernal de la dette publique n’exigent qu’une voie : celle d’une dépense publique nouvelle, volontaire, efficace !
Foin de ces gaspillages de ressources et de recettes fiscales depuis trop longtemps pratiqués !