de vudeloin » Ven 9 Mar 2012 11:32
Comme il faut tout de même que l'on se rappelle de la grande époque, comme dirait l'autre, un petit rappel sur 1974 et cette élection anticipée faisant suite au décès, à son domicile du quai de Béthune, de Georges Pompidou, cet étonnant administrateur de banque et fin lettré (il avait conçu un Dictionnaire de la Poésie Française avec un choix de poètes et de textes de grande qualité), ancien Premier Ministre de De Gaulle, esprit plus ouvert qu'il n'y paraissait (bien plus que Raymond Marcellin, son Ministre de l'Intérieur) et qui avait un goût pour la création contemporaine, y compris architecturale, comme le montra bientôt, de façon discutée, l'aménagement de la Côte languedocienne.
A ce stade, je me permets quand même de rappeler les résultats du premier tour, tenu le 5 mai 1974.
On notera d’ailleurs que c’est du fait du décès prématuré du Président Pompidou en avril 1974 que nous nous retrouvons depuis, tous les sept ou cinq ans, en avril mai pour élire notre Président de la République.
Bref les scores.
A gauche et à l’extrême gauche, nous avons eu les résultats suivants ;
Arlette Laguiller (Lutte Ouvrière) 595 247 voix, soit 2,33 %
Alain Krivine (Ligue Communiste Révolutionnaire) 93 990 voix, soit 0,37 %
François Mitterrand (Parti socialiste, soutenu par le Parti Communiste Français et le Mouvement des Radicaux de Gauche) 11 044 373 voix, soit 43,25 %
TOTAL GAUCHE 11 733 610 voix, soit 45,95 %
A droite et à l’extrême droite, nous avions
Jacques Chaban Delmas (UDR, maire de Bordeaux) 3 857 728 voix, soit 15,11 %
Valéry Giscard d’Estaing (RI, soutenu par les centristes et une quarantaine de députés UDR dont Jacques Chirac) 8 326 774 voix, soit 32,60 %
Jean Royer (DVD, maire de Tours) 810 540 voix, soit 3,17 %
Emile Muller (MDSF, maire de Mulhouse) 176 279 voix, soit 0,69 %
Jean Marie Le Pen (FN ) 190 921 voix, soit 0,75 %.
TOTAL DROITE 13 362 242 voix, soit 52,32 %.
Enfin, quelques candidats divers.
René Dumont (Ecologiste, chercheur et agronome, spécialiste, notamment, de l’agriculture dans les pays en voie de développement) 337 800 voix, soit 1,32 %
Bertrand Renouvin (Nouvelle action royaliste) 43 722 voix, soit 0,17 %
Jean Claude Sebag (Mouvement fédéraliste européen, professeur de droit et science politique), 42 007 voix, soit 0,16 %
Guy Héraud (Fédéraliste européen), 19 255 voix, soit 0,08 %.
TOTAL DIVERS 442 784 voix, soit 1,73 %.
C'est-à -dire que la droite était majoritaire en voix (elle le fut encore en 1981, je le rappelle) et que la gauche, dans toutes ses acceptions, était très proche de 46 %.
Au second tour, Mitterrand progresse de plus d’un million de voix sur le total du premier tour et Giscard ne progresse que d’un peu plus de 30 000 voix sur le total de droite et d’extrême droite ici pointé, pour un mouvement de second tour qui va finalement devenir assez traditionnel dans l’élection présidentielle française.
Question pour 2012 : qu’est ce qui commet ce décalage entre les intentions de vote du premier et du second tour et notamment le fait que la gauche, écolos compris, se situerait entre 40 et 45 % et que François Hollande serait élu avec un score situé entre 55 et 60 % ?
Eh bien, nous dirons qu’il y a deux raisons à cela.
La première c’est que la gauche est, de manière générale, en apparence, un peu plus faible que dans les années 70, même si le score réuni de Hollande et Mélenchon dans certaines enquêtes soit déjà autour ou très proche de 40 %.
En même temps, la situation a beaucoup changé, si l’on examine la question des rapports de forces par catégories sociales, sexe ou âge.
Dans la France de 1974, Mitterrand n’est majoritaire que chez les ouvriers (33 % des ouvriers votent Giscard au second tour, ceci dit), les employés et cadres moyens (d’assez peu avec 52 %), les jeunes de moins de 35 ans et les hommes.
Dans celle de 2012, Hollande se positionne pour l’heure en tête dans toutes les tranches d’âge sauf les plus de 65 ans, chez les femmes comme chez les hommes (et peut être plus encore chez les femmes), et dans toutes les catégories sociales, sauf les agriculteurs, devenus très minoritaires, et les commerçants, artisans, patrons de l’industrie et du commerce.
Second aspect essentiel : la droite classique, même en ajoutant la totalité du vote Bayrou au vote Sarkozy (ce qui serait d’ailleurs à mon avis une erreur), s’est beaucoup étiolée et son influence réduite.
Sarkozy est le candidat d’un parti, l’UMP, qui s’incarnait en 1974 autant dans la candidature Chaban Delmas que dans la candidature VGE et son score, dans les sondages, est, pour l’heure, plus faible que celui de Giscard d’Estaing le 5 mai 1974.
Alors, ensuite, la dynamique est difficile à mettre en place, c’est évident.
Et le résultat du second tour peut s’expliquer, d’autant que la performance finale de Sarkozy sera, passez moi l’expression, très « LePeno dépendante ».