de vudeloin » Dim 26 Fév 2012 20:37
Il y a une autre hypothèse, Jean Philippe, qui est tout à fait envisageable et que je vais tâcher de développer ici.
Il y a tout de même une manière de traiter la démocratie dans les sondages qui ne peut qu'éveiller l'esprit critique.
Soyons précis.
Il y a une sorte de clause de style, fondée on ne sait trop sur quelle hypothèse, qui voudrait qu'en gros, les gens peu diplômés, les ouvriers, les couches populaires ou moyennes seraient gagnées à l'idée de voter sans trop de difficulté et de manière massive pour le Front National.
Il y a d'ailleurs, à mon avis, une certaine forme de confort intellectuel, dans certains milieux, à laisser penser que, dès lors qu'on a un peu d'éducation, qu'on exerce une profession plus enrichissante et glorifiante que celle d'ouvrier de maintenance ou de nettoyeur, on comprend toutes les raisons de ne pas voter FN et que l'inculture et la bêtise crasse des milieux populaires sont tels qu'ils se laisseraient avoir à voter Le Pen.
C'est là , me semble t il, aller un peu vite en besogne, d'autant qu'assez peu d'éléments permettent, sur le fond, de corroborer cette analyse.
Ne serait ce que parce que l'abstention est suffisamment forte dans bien des endroits pour que, rapportés au nombre des électeurs, le nombre des suffrages FN y soit, finalement, souvent assez faible.
Habitant moi même dans une ville populaire de banlieue, j'ai, lors des élections cantonales de mars 2011, vu le FN parvenir à un score à un niveau de 5 % des électeurs inscrits, alors même qu'aux présidentielles de 2007 (loin d'être le meilleur résultat de Le Pen dans son histoire), ils étaient encore 8,3 %...
Cette sorte de snobisme sondagier, qui sent son dédain envers les milieux et couches populaires, est quelque part, de fait, une clause de style.
Car la réalité, c'est que la droite, dans toutes ses acceptions, a toujours eu une certaine influence au sein des couches populaires, notamment à l'époque gaulliste où entre 25 et 35 % des ouvriers pouvaient voter pour le parti au pouvoir ou ses alliés sans beaucoup de problèmes.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire mais si une telle réalité n'avait pas de corps, nous aurions depuis longtemps commencé en France d'établir une société socialiste...
Ensuite, la question du véhicule politique qui capte cet électorat est évidemment posée.
Longtemps, l'UDR ou le RPR furent les partis idoines, ne serait ce que parce qu'une partie de la « classe ouvrière » participait, tout simplement, aux mouvements concernés, le parti gaulliste disposant de relais, notamment dans la hiérarchie intermédiaire (agents de maîtrise, ouvriers qualifiés) ou dans le mouvement syndical (FO et la CFTC comptaient un certain nombre de militants qui avaient d'évidentes sympathies gaullistes).
L'UMP, sur le fond, n'a pas le moyen de reproduire ce schéma et, de fait, la captation du vote ouvrier de droite par le FN devient tout à fait possible.
La nature a horreur du vide, ne l'oublions jamais...
Comme en plus, l'UMP a échoué sur les questions de délocalisation, entre autres, et que l'expérience de la loi TEPA, et des heures sup' est tout sauf concluante, on voit le problème.
Je constate cependant dans le sondage une autre donnée intéressante : celle qui place clairement les deux principaux candidats de gauche au plus haut dans le classement, ce qui me semble devoir augurer d'un large succès dans cette catégorie sociale les 22 avril et 6 mai.
Ensuite, l'autre hypothèse sur le vote FN est qu'il n'est pas aussi important que cela dans les milieux ouvriers (bien loin en tout cas de ce qu'annonce elle même Marine Le Pen) et qu'il ne s'agit pas vraiment d'un vote d'adhésion, montrant par conséquent une évidente fragilité susceptible de causer une réduction de l'influence de la candidate d'extrême droite dans une campagne qui prendrait un tour nouveau, plus axé, comme cela semble être le cas depuis quelques jours, sur les questions d'emploi, d'industrie, de pouvoir d'achat.
Ce sondage me semble donc porter en filigrane à la fois la volatilité du vote FN tel qu'attendu lors de la présidentielle et, in fine, le risque de voir les candidats lepénistes souffrir de scores plus faibles lors des législatives.