Se pose maintenant la question de qui va le remplacer:
Comme on le sait sans doute, le président allemand est élu par la Bundesversammlug, une Assemblée qui se réunit uniquement à cet effet, et qui est composée pour moitié des membres du Bundestag et pour moitié des délégués des Länder.
http://www.wahlrecht.de/lexikon/bundesversammlung.htmlOr, comme le montre ce lien (en allemand), qui développe plus attentivement les répartitions par région, voilà ce qui se passe: si la coalition CDU-FDP est majoritaire au sein du Bundestag, pour ce qui est des délégués des régions, ceux-ci seront majoritairement issus de la gauche, du fait notamment de ses victoires au sein du Superwahljahr.
En tout donc, et en considérant le graphique constitué par l'excellent site Wahlrecht.de (lien précédent), on voit que les blocs de droite et de gauche seraient (presque) à égalité au sein de la Bundesversammlug. Il est bien évident qu'en cas d'élection "bloc contre bloc", la droite aurait un avantage malgré tout certain: les délégués de Die Linke ne voteront en réalité jamais pour le candidat Rot-Grün (soutenu par SPD et Verts): on l'a bien vu aux élections présidentielles de 2010, où, au troisième tour se scrutin, lorsque leur candidat ses retiré, les délégués de Die Linke ont préféré l'abstentionnisme au vote pour J. Gauck. Ce constat doit pourtant être tempéré par un autre: aux élections de 2010, alors même qu'il disposait théoriquement d'un large avantage, Wulff, candidat malgré tout assez contesté, avait perdu une partie des voix de droite "théoriques" (une quarantaine), qui s'étaient reportées sur Gauck. Par là , les délégués avaient aussi voulu montrer leur désaccord avec la politique de Merkel qui les entraînait dans son impopularité. Maintenant la droite allemande a certes repris de la vigueur, mais contrairement à ce qui a été annoncé dans les médias français et par des contributeurs au débat public peu précautionneux, Merkel reste devancée dans les sondages par la coalition Rot-Grün. De même, elle va probablement perdre cette année les deux Länder (Sarre et Schleswig-Holstein) mis en jeu cette année (thème qui sera probablement discuté plus en détail au sein de la discussion correspondant aux élections dans les Länders allemands).
Aussi Merkel répugne-t-elle à une élection "bloc contre bloc", qui, aussi en cas de défaite (peu probable, mais on peut l'imaginer), lui apporterait une contestation de sa base (elle avait déjà été largement critiquée lors de l'élection au troisième tour de Wulff). Aussi elle l'a affirmé, et vous en avez sans doute entendu parler, vouloir choisir un candidat de consensus avec la gauche, ce qui je crois n'était encore jamais arrivé dans l'histoire de la République fédérale.
http://www.welt.de/print/wams/politik/a ... levue.htmlCet article, particulièrement bon et exhaustif, de Die Welt (malheureusement en Allemand, pour ceux qui ne savent pas lire la langue de Goethe), passe en revue les stratégies merkéliennes, et les différents candidats possibles.
Le premier candidat en lice était K. Töpfer, qui dispose de précédents internationaux (il fut pendant 8 ans l'Allemand occupant les plus hautes fonctions à l'ONU), mais dont le grand avantage est qu'il plaît aux Verts, il fut ministre de l'Environnement, qui a été le premier à fermer une centrale nucléaire (dans l'ex-RDA), etc, etc...Le problème, c'est que cela ne plaît pas du tout aux libéraux (FDP), et à leur chef, P. Rösler, qui y verraient la porte ouverte à une coalition Noire-Verte (donc à leur marginalisation, alors que le pouvoir au niveau fédéral, c'est un peu tout ce qu'il leur reste vu leur très mauvaise santé électorale et sondagière), et qui se sont opposés à lui sur la question de la croissance verte.
Alors nos libéraux ont soutenu un autre candidat "gauchisant", il s'agit de Gauck, pasteur évangélique de 72 ans, déjà candidat en 2010 pour la gauche, qui s'était montré capable de rassembler au-delà de son camp, et qui est malgré le fait qu'on le rattache à la gauche un "sans parti", pour que la Droite n'aie pas l'impression de livrer au camp opposé un poste qui leur revient (de peu, ils ont quand même la majorité à la Bundesversammlung).
Mais tout va vite: désormais, ce sont deux autres candidats qui ont (ou ont eu) le vent en poupe:
-d'abord Andreas Vosskuhe, président de la fameuse Cour Constitutionnelle allemande, basée à Karlsruhe. Il incarne la légalité absolue, face aux déboires judiciaires du président sortant. Pour sa vie privée, il est marié aussi avec une juge et n'a pas d'enfants: pas trop de problèmes possibles. Politiquement aussi, il est idéal: nommé par le SPD (donc par les socialistes) à ce poste, il s'y est montré pourtant (l'article le dit) "libéral", dans un sens qu'il faut aussi et surtout prendre "économiquement". Problème: il a refusé.
-ensuite: Norbert Lammert, président du Bundestag, politicien donc de la CDU, mais avec des sympathies de gauche, du fait de sa gestion qui a semblé juste et impartiale, et a défendu avec rigueur les droits de la Cour. Même si le gouvernement se méfie de lui, il est populaire au sein de la CDU. Il a donc un certain nombre d'avantages pour lui.
Encore un candidat éventuel: Thomas de Maizière, ministre de la Défense, même si la gauche a déclaré qu'elle n'accepterait pas comme candidat de coalition un ministre. Quant à la gauche, la balle est dans son camp, et les dissensions se font sentir. Elle met en avant tout du moins le fait qu'aucune femme n'ait encore été présentée. Les Verts pourraient aussi soutenir la Vice-Présidente du Bundestag, de leur parti, Katrin Göring-Eckhardt, ou les socialistes Christine Hohmann-Dennhardt, ancienne juge de la cour constitutionnelle.
Donc encore du suspense en perspective!