de vudeloin » Sam 18 Fév 2012 15:29
Chers ubil et ploumploum, comme il faut bien donner quelques petites explications sur la situation grecque, rappel de quelques éléments.
D'abord l'Histoire de ce pays, assez nettement méconnue pour ce qui est de l'histoire contemporaine (ce n'est pas pareil pour le Siècle de Périclès), et notamment deux trois bricoles.
La crise des années 30 et la dévaluation de la note de la dette publique de la Grèce par Moody's (je dis bien les années 30) ont amené, dans le contexte monarchique du pays (la Grèce fut une monarchie jusqu'en 1967, ne l'oublions pas), à l'installation au pouvoir d'un régime dictatorial, celui du général Metaxas, qui n'a pas la même place dans le Panthéon des Héros nationaux que d'autres comme Botzaris, le héros de Missolonghi...
Bien qu'ouvertement fasciste, le gouvernement Metaxas fut attaqué, lors de la Seconde Guerre Mondiale, par les Allemands et les Italiens et, d'ailleurs, il fallut plutôt l'intervention des Allemands pour que les forces de l'Axe puissent emporter l'affaire.
Mais, pour le coup, les occupants furent confrontés, dès le début, à une Résistance intérieure d'une force rarement égalée (sauf peut être dans la Yougoslavie de Tito), largement animée par les communistes grecs, déjà pourchassés, bien entendu, par le régime précédent.
La Grèce résistante a d'ailleurs payé un lourd tribut à l'occupation allemande, avec plus de 600 000 victimes, ce qui représentait le dixième de la population du pays, mais elle s'est libérée quasiment de ses propres forces, puisque l'Armée Populaire de Libération Nationale, ELAS en grec, organisée par le Parti communiste grec (le KKE) parvint même à installer une gestion autonome et indépendante des régions libérées de l'occupant.
Problème, qui est à la base de l'existence de deux partis communistes en Grèce, c'est que, dans les fameux accords de Yalta, et de partage des zones d'influence en Europe, la Grande Bretagne et l'URSS, en tout cas Churchill et Staline, la Grèce ne devait pas passer dans la zone d'influence soviétique.
S'ensuivit une guerre civile sans nom, durant jusqu'en 1949, qui mit aux prises les troupes monarchistes (il s'agissait tout de même de rétablir le roi sur son trône) et troupes communistes.
Certains voient dans cette affaire, et notamment le fait que l'URSS n'a jamais soutenu les troupes de la Résistance communiste, la source de la division, effective en 1968, entre KKE de l'intérieur, opposé à l'alignement sur l'URSS, et KKE dit de l'extérieur, resté partisan du dialogue et des liens avec l'URSS.
Tout ceci fit cependant que le KKE fut interdit durant toute la période monarchiste de démocratie disons limitée qui vit le jour entre 1949 et 1967 et ne put, sur toute la période, que se présenter dans le cadre d'une alliance nommée « gauche unie démocratique » (EDA en grec).
Une période où commença la fameuse histoire des familles dynastiques de la vie politique grecque, d'un côté les Papandréou (leaders du Centre, car il ne faut pas oublier que le PASOK actuel est la fusion du parti centriste et du parti socialiste) et les Caramanlis à droite.
Le tout s'acheva, temporairement, en 1967, par le fameux coup d'Etat des colonels qui se livra à l'instauration d'un régime dictatorial, stupidement anti culturel (les colonels interdirent la représentation des pièces de la plupart des grands auteurs de la Grèce antique), et qui sombra, de manière lamentable, sur l'affaire de Chypre, en 1974, et la partition de l'île voisine, restée, elle, une démocratie assez particulière, groupant dans un même gouvernement religieux orthodoxes et communistes, dans la plus pure tradition de la Résistance antinazie.
Le retour de la démocratie a amené le retour de Constantin Caramanlis qui fut plébiscité en 1974, obtenant 220 élus sur 300 à la Vouli tin Ellinon.
L'élection de 1977 fut marquée par un premier recul à 171 sièges de la Nouvelle Démocratie de Caramanlis et le succès relatif du PASOK, constitué autour d'Andréas Papandreou, ancien leader du centre, avec 93 élus.
Et ce, avant la victoire de 1981.
Pour ce qui est du mouvement communiste, il a évidemment continué de connaître les soubresauts habituels au pays, avec des moments de rapprochement et des moments d'éloignement.
Le KKE dit de l'intérieur s'est ainsi positionné sur le courant eurocommuniste, et a fait le choix d'alliances de gauche ouvertes aux courants écologistes, antilibéraux, marquant notamment une certaine influence dans les couches moyennes ou intellectuelles de la société hellénique.
Le KKE dit de l'extérieur, lui, a toujours été plus influent, de par, notamment, son influence dans le mouvement syndical (il anime aujourd'hui le syndicat PAME, ou Mouvement du Premier Mai).
En 1977, 480 000 Grecs votèrent pour le KKE et moins de 140 000 pour l'alliance constituée autour du KKE de l'intérieur.
Le KKE s'est durablement installé comme la troisième force politique du pays, et la situation est encore vraie en 2009 où le parti obtient plus de 517 000 voix (7,5 %) et Syriza, ex Synapismos, environ 316 000 voix (4,6 %).
Si les deux mouvements ont évidemment des options différentes sur nombre de questions ( et la manière dont les uns ou les autres ont pris position quant aux différents plans européens le montre), il est évident que la situation actuelle les met en situation de réfléchir à constituer une nouvelle forme de coalition politique.
Est ce que cela est impossible ?
Les deux partis participent, faut il le rappeler, au Groupe Unitaire de la Gauche Européenne au Parlement européen.
Quant à la gauche démocratique, issue de Synapismos et dont la fortune sondagière actuelle doit beaucoup à l'effondrement du PASOK, elle se situe plus près d'un centre gauche disons « acceptable ».
Posons maintenant la question du mode de scrutin.
La Constitution grecque prévoit que le parti ou la coalition arrivée en tête lors du scrutin obtient 40 sièges sur 300 au Parlement grec.
Une telle prime n'aurait évidemment, si aucune autre coalition que Nouvelle Démocratie n'arrive en tête, pas le caractère de la condition suffisante pour assurer une majorité de sièges aux partis en présence.
27,5 %, même avec une prime de quarante sièges, cela ne donnerait que quelque chose comme cent à cent dix élus à la Nouvelle Démocratie...
Si, par contre, (on ne sait jamais et les circonstances ont un caractère assez particulier, me semble t il), la gauche se rassemble sur une seule coalition, elle peut disposer de la majorité absolue au Parlement grec, réduisant de fait le PASOK à une vingtaine d'élus, et la Nouvelle Démocratie à un groupe de soixante ou soixante dix sièges.
Ceci dit, pour bien comprendre le mode de scrutin grec, je vous rappelle quand même que le pays vote par circonscriptions comptant un nombre en général assez faible d'élus, ce qui est assez propice à la bipolarisation politique.
Et, pour ne pas simplifier les choses, outre la prime, le scrutin comporte aussi une part de vote préférentiel qui fait, entre autres, que les partis peuvent avoir des élus là où l'on ne s'y attend pas toujours...
Mais je crois pouvoir vous inviter à aller regarder tout cela sur un autre fil de discussion.
Plus concrètement, ceci dit, j'ai tout de même l'impression que les Grecs, dans les sondages, manifestent une forme de ras le bol d'une classe politique qui a partagé le pouvoir depuis 1974, c'est à dire que le doublet Papandreou Caramanlis, parents et alliés de chaque côté, cela commence à faire...
Que cela s'exprime par une poussée des partis de gauche n'est finalement pas forcément si mal que cela, surtout quand le LAOS se casse plus ou moins la figure..
Rappelons tout de même les rapports de forces antérieurs à l'élection à venir.
Le PASOK dispose pour l'heure de 131 députés, la ND de 62, le KKE de 21, le LAOS de 14, la SYRIZA de 9 et DIMAR de 4.
Au regard du scrutin 2009, le PASOK a donc exclu 29 députés, la ND 29 également, le LAOS a perdu un de ses élus.
Quant à DIMAR, elle ne dispose pour l'heure que de quatre ralliés.
Un peu de grec pour finir
KKE : Kommounistiko Komma Elladas
SYRIZA : Synapismos Rizopastikis Aristeras (traduction : coalition de la gauche radicale)
DIMAR : Dimokratiki Aristera (Gauche démocratique)
PASOK : Panhellino Socialistiki Kinima (Mouvement socialiste panhellénique)
ND : Nea Dimokratia (Nouvelle Démocratie, parti de centre droit et droite)
LAOS : Laikos Orthodoxos Synagermos (Rassemblement populaire orthodoxe, droite populiste et religieuse). On notera que le mot LAOS, en grec, signifie « Peuple « et que l'homophonie entre le nom du parti et le concept est évidemment l'effet recherché.