de vudeloin » Dim 29 Jan 2012 13:50
J'apprécie toujours autant la manière dont le Figaro, sous la bienveillante férule de Serge Dassault, l'ami du Président (qui lui sert de VRP de temps à autre pour essayer de placer quelques Rafale) et la direction de rédaction de ce journaliste indépendant qu'est Etienne Mougeotte, rend compte de l'actualité dans la dernière période.
Riche d'un budget publicitaire particulièrement important (qui doit correspondre à 70 ou 80 % de ses recettes), le quotidien de la bonne bourgeoisie française n'a pas besoin de l'aide publique aux quotidiens d'information générale porteurs d'opinion comme peuvent l'être l'Humanité , seul journal ou à peu près de l'information sociale, et la Croix, qui surprend souvent son lecteur, au delà de sa racine assomptionniste.
Et je dois dire que présenter les aventures politiques de Madame Merkel comme la perspective d'un succès, à partir du résultat d'un sondage lui donnant un pourcentage certes flatteur mais bien insuffisant pour gouverner, vu que son principal allié disparaitrait purement et simplement du Bundestag, comme il a du disparaître de quasiment tous les Landtage qui ont été renouvelés en 2010 et 2011, c'est juste tordre la réalité dans le sens qui vous intéresse.
Dans le sondage cité par le Figaro, la gauche allemande, au sens large du terme, est à 53 % et la droite à 39 %.
Transposé à la réalité française, je ne donnerais pas cher de l'UMP et de ses alliés, puisque cela doit être le rapport de forces qui a conduit, en 2010, à la victoire de la gauche dans toutes les régions françaises sauf l'Alsace, la Réunion (où la gauche s'est divisée) et la Guyane (où le maire de Cayenne a été débauché par l'UMP contre on ne sait quoi...).
Appliqué au mode de scrutin proportionnel allemand, c'est une victoire relative des Unions chrétiennes pour ce que l'on appelle les Direktmandate et c'est un large succès des forces d'opposition pour ce qui concerne les listes nationales, dont les élus sont désignés par référence à la seconde voix (Zweisstimme) qui risque fort de manquer au FDP pour habiller de jaune quelques bancs du Parlement...
Maintenant, revenons en à la manière dont les Allemands appréhendent le bilan d'activité de leur chancelière qui fut formée, rappelons le, par les bonnes écoles d'Allemagne de l'Est.
Comme quoi, l'enfer n'était pas si terrible que cela, et n'empêchait les gens d'y être formés correctement !
En fait, les Allemands ont une vision de l'Europe très … allemande.
Ne pas oublier, avant de parler de quoique ce soit à leur sujet, qu'ils ont, historiquement, l'expérience de moments de crise majeure, avec hyperinflation, chômage de masse et dérives autoritaires.
La crise des années 20, à l'époque où le Traité de Versailles imposait à l'Allemagne de payer des réparations de guerre, celle des années 30 ont conduit à ce que l'on sait et comme les années de l'après Seconde Guerre Mondiale ont fait de l'Allemagne le lieu privilégié de la confrontation entre deux systèmes politiques, le pays n'a sans doute guère envie de perdre le bénéfice d'une émancipation relative, qu'il avait matérialisé dans la solidité de sa monnaie et un certain modèle social, l'Etat social rhénan, qui expliquent l'attachement des Allemands à ce qu'ils sont devenus ou ce qu'ils souhaitent encore être.
Depuis 1990, l'Allemagne est évidemment revenue en grand dans le concert des nations.
L'annexion de la RDA, les poussées centrifuges dans nombre de pays de l'Est (division de la Tchécoslovaquie, explosion de la Yougoslavie) ont constitué quelques unes des marques de ce retour en force, au moins diplomatique dans un premier temps, d'un pays qui était devenu l'un des champions de l'économie moderne, en grande partie grâce au Plan Marshall (ne l'oublions jamais) et à la grande mansuétude des tribunaux alliés qui avaient fini par se dire que les « planches pourries « de l'industrie allemande d'avant guerre pouvaient encore servir après.
L'Allemagne d'Helmut Kohl a voulu la partition de la Tchécoslovaquie, parce que la Bohême Moravie l'intéressait au plus haut point par ses équipements industriels et la qualification élevée de ses salariés et techniciens comme elle a voulu la dissolution de la Fédération Yougoslave, cet impossible rêve titiste, parce qu'évidemment, si la Slovénie et la Croatie l'intéressaient au premier chef, elle n'avait pas envie de traîner le boulet des Kosovars ou de la Macédoine.
Pour Sofia ou Bucarest, il a bien fallu qu'elle fasse avec, même si la contrepartie de Budapest et de Varsovie a largement résolu le décalage éventuel.
Problème suivant : la mise en place de la monnaie unique.
Une fois transférée à l'ensemble de l'Union (au travers du calcul de la contribution annuelle par exemple) la charge de l'annexion de la RDA, l'Allemagne s'est trouvée au premier rang des partisans d'une monnaie unique disons sélective.
C'est à dire qu'il n'a jamais été question pour les Allemands, que le Ministre des Finances soit CDU, CSU ou SPD, que les pays d'Europe centrale et orientale adhèrent de suite à l'Euroland.
Un concept, soit dit en passant, qui fleure bon son germanisme.
Il ne fallait, au départ de la monnaie unique, que des économies fortes, solides et, bien entendu, volontaires...
Et comme le modèle de la Banque centrale européenne était celui de la Bundesbank, ma foi...
Alors, bien entendu, on a trouvé dans la monnaie unique le Bénélux, la France, l'Allemagne, l'Italie (ce dernier pays étant bien plus riche que l'image qu'on a tendance à véhiculer), l'Irlande, petit pays en plein essor économique (du moins le croyait on en 2001) et comme il fallait bien aller ailleurs, les pays méditerranéens comme le Portugal, l'Espagne ou la Grèce.
Passons sur la Finlande, portée par les ventes de téléphones mobiles et l'Autriche, paradis bancaire accueillant...
Sur le plan psychologique, si nous avons du commencer à compter en divisant tout par 6,55957, les Allemands étaient confrontés à une opération plus simple, la parité de la monnaie unique ayant été fixée, grosso modo, à 2 DM anciens.
Loin des Italiens divisant tous leurs prix et salaires par 2 000 ou peu s'en faut, les Grecs et les Portugais par 300 et les Espagnols par 200...
Mais, ayant tant fait pour avoir un DM solide, les Allemands ne peuvent évidemment pas comprendre que l'euro ne soit pas aussi fiable.
Quand je pense qu'on a inventé exprès pour eux le billet de 500 euros, parce qu'ils avaient l'habitude de payer en espèces des sommes équivalentes.
Alors, aujourd'hui, ils demandent aux autres de faire les mêmes efforts.
Alors que l'Europe n'a finalement pas été mauvaise fille pour la Germanie.
Notamment parce que c'est à partir et dans la zone euro que le commerce extérieur allemand se porte si bien.
Pas uniquement parce que les Allemands auraient accepté les « courageuses et nécessaires réformes », vocable techno pour masquer la renaissance d'un lumpen proletariat largement rempli de travailleurs d'origine turque, ou polonaise, par exemple, et, de manière générale, la mise en cause des droits sociaux, mais aussi parce que les grands groupes allemands ont pris l'habitude, de longue date, de faire réaliser une bonne part de leur production hors d'Allemagne et de la réimporter pour mieux l'assembler et la diffuser ensuite.
Notre commerce extérieur se dégrade au fur et à mesure de l'amélioration de celui de l'Allemagne, tout simplement parce que le mythe de la coopération franco allemande cache, fort mal, la réalité plus sauvage de la concurrence entre les économies.
Et que, dans cette affaire, avec notre patronat rivé sur la ligne bleue des Vosges de la rentabilité financière et obnubilé par le « coût du travail », nous avons déjà quelques coups de retard.
Que les Allemands aient fait le choix de la charité là où nous avons fait celui de la socialisation est finalement affaire de doctrine.
Sur la durée, je suis convaincu que la France a raison d'avoir une école maternelle et de socialiser (insuffisamment de mon point de vue) les activités sanitaires et sociales.
Je ne suis pas certain que la croissance allemande trouve son compte dans la généralisation des bas salaires et de la précarité du travail, qui pèsent de toute manière, à un moment donné, sur l'ensemble du corps social.
Comme en plus, il y aurait moins de chômage en Allemagne mais qu'il y a, aussi, moins de femmes en activité et une population active globalement moins nombreuse en valeur relative, je ne suis pas sûr que nous n'ayons, de ce point de vue, un peu d'avance...
Ce qui est sûr par contre, c'est que l'Allemagne entend bien disposer en Europe de la politique budgétaire et monétaire équivalant à celle qui avait cours à l'époque du DM.
N'oublions pas, ceci dit, que cela passait aussi par un impôt sur les sociétés et un impôt sur le revenu autrement plus élevés en termes de rendement, qu'en France...
Je ne suis pas sûr que les grands groupes français soient partisans d'un doublement ou d'un triplement de leur facture fiscale ?