François Hollande et l'élection présidentielle de 2012

[Jean-Philippe]

Voici le lien vers la tribune qu'il a écrite pour Libération aujourd'hui.

[vudeloin]

Une tribune qui en reste, faut il le dire, à l'affirmation de grands principes directeurs, plus que d'objectifs précis.
Ce qui me semble dominer est toutefois la tonalité générale, qui tente de ne produire aucune opposition entre catégories sociales ou couches de population. comme pour mieux marquer une différence, au moins éthique, avec un candidat sortant qui a longtemps joué des conflits d'intérêts entre les uns et les autres.
Le flou relatif sur le contenu des propositions, sauf la nécessité de redresser d'abord et avant tout les comptes publics, participe du reste de la démarche générale.
Ce n'est pas du pain et des roses, mais il semble bien que le pain est conçu pour être plus justement partagé !

[vudeloin]

Sur le fond, et compte tenu de la manière dont l'UMP a réagi à la publication de la lettre de François Hollande dans Libération, il convient de se demander si l'on n'est pas, quelque part, un peu à la croisée des chemins dans cette campagne présidentielle.

Sur l'élan de la primaire, le candidat du PS est toujours devant Sarkozy, même si une partie de son capital semble avoir été voir du côté de Bayrou (avec les limites de sondages qui, au lieu de donner des fourchettes intégrant la marge d'erreur, donnent des chiffres bruts plus sujets à caution).

Comme la situation économique et budgétaire n'est pas florissante (nous sommes en récession, malgré les 931 réformes menées depuis 2007, le chiffre étant tiré du livre de l'animateur Eric Brunet et les déficits et la dette publics cumulés n'ont jamais été aussi élevés en temps de paix), la question est de savoir si la priorité doit être le seul redressement des comptes, fut ce au prix d'une purge fiscale à peu près aussi sévère que celle de Juppé en 1995 - et qui faisait suite à deux ans de gestion des deniers publics par Balladur et Sarkozy, rappelons le - ou s'il faut considérer que la croissance peut revenir par une politique budgétaire plus audacieuse et expansionniste, sous certains aspects.

Hollande interpelle d'ailleurs désormais la question européenne, mettant en cause l'accord des 8 et 9 décembre derniers, et interpellant le rôle de la BCE.
D'ailleurs, l'ancien, Michel Rocard, vient de lancer un appel à la monétisation de la dette publique des pays de l'Euroland par la BCE...

Il nous faut suivre la mue, me semble t il, ne serait ce que pour voir si elle n'est que conjoncturelle et guidée par la nécessité de "rassembler l'électorat de gauche" qui pourrait critiquer une politique de "rigueur de gauche" qui aurait quelques points communs avec la "rigueur de droite" ou si elle participe de ce nécessaire aggiornamento politique qui veut que la pensée économique et la logique budgétaire s'affranchissent des postulats qui, depuis 1973, conduisent la France et une bonne partie de l'Europe vers une crise durable des finances publiques et de leurs sociétés en général.

[Jean-Philippe]

François Hollande a adressé aujourd'hui une "sévère mise au point" à son équipe de campagne lors d'une réunion de son conseil politique, après la critique de l'aile gauche du PS sur sa mesure phare relative aux 60.000 postes dans l'éducation.
La veille, Benoît Hamon, porte-parole du parti, Henri Emmanuelli et Marie-Noëlle Lienemann, s'étaient indignés dans un communiqué commun que cette mesure se réalise par "rédéploiement" et non par des créations nettes de postes.

http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/01/18/97001-20120118FILWWW00516-hollande-severe-mise-au-point.php

[vudeloin]

Le Figaro ne fera pas grand chose pour gêner Sarkozy, disait Etienne Mougeotte, ce qui n'empêche que la controverse sur l'affaire des 60 000 postes d'enseignants montre aussi les limites du "changement" version Hollande.
On est quand même dans la gestion de "centre gauche" si on se situe dans la perspective d'un redéploiement de moyens publics, et notamment d'emplois publics.
Plus d'enseignants et moins d'agents des impôts, avec l'adoption d'une réforme fiscale faisant la part belle à la retenue à la source, c'est à dire à la gestion administrative des rôles fiscaux par les entreprises ?
Hollande doit quand même éclaircir quelques points, d'autant qu'une partie de son électorat, assez fidèle aux et imprégné de valeurs de gauche, pourrait alors être tentée d'aller voir ailleurs...

[ligerien]

Il mène campagne au centre, ce qui, quand on voit les intentions de vote de Bayrou et Mélenchon, n'est pas dénué de sens.
On dit parfois que l'électeur préfère l'original à la copie, je ne sais pas si ça se vérifie. Bonne stratégie de 2ème tour, en revanche, je ne suis pas trop convaincu de cette stratégie pour le 1er tour.
Vudeloin, je te rejoins un peu sur le fait que les prises de position mi-chèvre mi-chou de François vont envoyer quelques points de vote de fonctionnaires vers Mélenchon. Si Hollande regagne des points au centre, ce sera tout bénéfice, sinon, on va se retrouver avec 4, voire 5 candidats entre 15 et 20 pts, et là, prenez votre ticket de Loto.
Je répète depuis pas mal de temps que toute l'élection se joue au 1er tour, qu'ensuite, dès le soir du 1er tour, on connaîtra le vainqueur, les duels n'étant pas équilibrés.

[pierrot]

Bonne stratégie de 2ème tour, en revanche, je ne suis pas trop convaincu de cette stratégie pour le 1er tour.

D'accord avec toi. Il est évident qu'il a choisi une posture très présidentielle : avancer à son rythme sans se faire dicter les thèmes et les séquences par les autres candidats et en particulier Nicolas Sarkozy, tenir une ligne modérée et rassembleuse ("au centre") plutôt que clivante, se placer dans le champ de la crédibilité plutôt que de la surenchère , éviter le procès en incompétence ...
Le souci pour sa campagne, c'est qu'à force d'essayer d'éviter les erreurs de S. Royal en 2007, il risque de reproduire celles de L. Jospin en 2002 en oubliant trop le 1er tour.

L'attitude qui consiste à vouloir gérer son avance en esquivant les coups plutôt qu'en en portant est éventuellement valable en toute fin de campagne ou entre les deux tours. Souvenons-nous du documentaire de Depardon et des propos saisissants de Giscard en 1974 :

[...] Donc, au fond, c'est une élection qui est pratiquement gagnée si on ne fait rien. L'ennui, si on fait quelque chose, c'est qu'on peut la perdre parce qu'on prend des positions, on énerve les gens, on se déplace dans un sens et dans l'autre. Donc il y a au fond une technique qui serait de ne rien faire, des beaux discours, etc. À laisser le courant passer, en se disant : "Ce type est rassurant, il est très convenable, il est gentil, il parle bien...", heu voilà. Première solution. Et faire une campagne de généralités généreuses et pas trop engageante. Et au fond on est élu dans ce cas-là [...]

J'ai le sentiment que certains conseillers de François Hollande ont la même approche aujourd'hui. La différence c'est qu'en 1974 la campagne était très courte (et pour cause) et qu'on se situait à ce moment-là entre les deux tours.
La même tactique est-elle tenable sur les cent jours ? J'en doute fortement.

[vudeloin]

Il y a aussi cette contradiction permanente entre un PS dont le candidat est tout de même bien parti pour l'emporter mais qui semble bel et bien avoir toujours autant de mal à définir ce qui, dans le contexte d'aujourd'hui, serait un programme de parti socialiste ou, au moins, social démocrate...

[Jean-Philippe]

Le discours du Bourget est reconnu, y compris à l'UMP, comme une réussite sur la forme. Sur le fond évidemment, les camps se séparent. La petite surprise, c'est le fait que Hollande ait dévoilé plusieurs propositions avant la journée de jeudi où le programme sera présenté de manière plus exhaustive.
Parmi les grands thèmmes développés, la finance mondiale, le logement, la relance de la politique européenne...
Voici un récapitulatif fait par le Monde

[vudeloin]

La volonté de Hollande de séparer les activités de dépôt et d'investissement dans les banques doit laisser amusés tous ceux qui ont connu le débat de la loi bancaire de 1984 (Delors Beregovoy) qui mettait en avant le concept de banque universelle.
De même, la volonté de créer une agence publique de notation européenne semble oublier que la Banque de France est parfaitement habilitée ( et elle le fait d'ailleurs) à produire des notations et évaluations de la dette des Etats, comme des entreprises.
Surtout que la question des critères de notation est essentielle : si c'est pour reproduire le schéma de pensée des agences existantes, je ne sais pas si le jeu en vaut la chandelle...