de vudeloin » Lun 12 Déc 2011 02:13
Comme ce sympathique département n'a pas encore fait l'objet de la moindre discussion, nous allons la lancer tranquillement avec une présentation de la situation.
Le Gers va, comme toujours depuis un certain temps, élire deux députés au Palais Bourbon en 2012, et devrait confirmer son ancrage à gauche, un ancrage particulièrement renforcé depuis une dizaine d'années.
La gauche gère en effet une bonne partie des communes importantes du département puisque Auch est PS, Fleurance PRG, Condom PS, l'Isle Jourdain également à gauche, Vic Fézensac également et seules, parmi les localités un tant soit peu importantes du département Eauze, capitale de l'Armagnac et Mirande, sous préfecture du Sud du département (Astarac) ont une gestion de droite.
Les positions électives de la gauche se sont également renforcées lors des plus récentes élections cantonales puisque la gauche dispose désormais de 26 des 31 cantons gersois, à savoir Gimont (canton d'élection du sénateur radical valoisien Aymeri de Montesquiou, probable descendant de Guillaume de Batz, dit d'Artagnan, châtelain et maire de Marsan et ancien député, à la suite d'ailleurs de son père et sans doute d'une autre partie de la lignée), Eauze, Vic Fézensac, Miradoux, petit canton en population situé tout au Nord du département, près du Lot et Garonne et enfin le canton de Lombez, dans le Savès, où, en 2011, les règlements de comptes internes à la gauche firent le bonheur de l'ex CPNT Guy Larée face au PRG Jean Loubon.
Les quatre premiers cantons figurent dans la seconde circonscription qui court de l'Isle Jourdain, devenue la troisième banlieue de Toulouse à Cazaubon, à l'autre bout du département (la cohérence géographique du siège est assez discutable) tandis que le canton de Lombez fait partie de la première circonscription, centrée autour d'Auch et Mirande.
En 2007, Philippe Martin, ancien Préfet et maire de Valence sur Baïse, a été réélu avec plus de 58 % des voix en obtenant 28 286 voix au second tour contre 19 746 voix à son adversaire UMP.
Dans la seconde circonscription, le candidat UMP Gérard Dubrac, pourtant arrivé en tête avec 38 % des voix au premier tour, fut battu au second par la candidate PS Gisèle Biémouret, élue avec 23 232 voix contre 22 690 au candidat UMP.
Les positions de la gauche se sont donc nettement renforcées dans la première circonscription, la droite ayant perdu des cantons comme Aignan (qui fut le terrain d'élection de l'ancien député et sénateur de droite Yves Rispat), Masseube (longtemps fief du communiste Joseph Lamothe avant d'être conquis par la droite), Riscle (où la droite a perdu la mairie et n'a même pas pu présenter de candidat solide aux cantonales de 2011).
La seconde circonscription n'a pas échappé au mouvement puisque la droite aura perdu depuis 2007 des positions comme le canton de Cologne, en Lomagne gersoise, secteur pourtant longtemps acquis à la droite, après la perte de la municipalité du chef lieu de canton ; Saint Clar, capitale de l'ail rose ; Cazaubon, fief ancien de Claude Sainrapt, l'un des leaders de la droite gersoise ; Montréal du Gers, avec la défaite surprise de Gérard Bezerra ; Fleurance, canton repris par le PRG après une parenthèse pour le mandat de Pierre Combedouzon, ancien maire de Brugnens ; ou encore le canton viticole de Jegun, le PCF ayant gagné la mairie du chef lieu en 2008 et le PS le canton en 2011.
Sur cette dynamique, une victoire des candidats de gauche semble donc assez nettement probable.
Quelques éléments toutefois, de plus.
Le Gers, dans ses bastides et ses vallons ( ses paysages sont parmi les plus agréables à l'oeil même si la fréquence du maïs, culture grande consommatrice d'eau dans un département qui peut souvent en manquer, peut apparaître comme un problème), a une forte tradition de dialogue, d'échanges politiques, et pour tout dire de démocratie.
Des chefs lieux comme Mauvezin, Marciac, Cologne, Plaisance, Riscle, Montréal, Saint Clar, Valence sur Baïse, Fleurance, ce sont des bastides, c'est à dire des villages souvent exemptés d'impôts qui ont en commun une place centrale, en général un quadrilatère plus ou moins équivalent d'un côté l'autre, qui a toujours servi autant de place du marché (il y a souvent une Halle destinée à cette activité) que d'agora publique où s'échangent les idées et les opinions.
Comme cela date du Moyen Äge et qu'il y a des bastides françaises et des bastides anglaises (on était à l'époque de la Guerre de Cent Ans sur la frontière entre les possessions anglaises et les françaises), on voit que la tradition est pour le moins ancienne...
De plus, certaines des bastides ont participé du mouvement communaliste du Moyen Age et ensuite, comme leur nom peut en témoigner, par référence à certaines grandes villes d'Europe (Barcelonne du Gers, Cologne, Plaisance ou Fleurance pour ne donner que quelques exemples).
Autre aspect : le Gers comprend un grand nombre de communes et, par voie de conséquence, d'élus municipaux.
Comptant en effet 463 localités différentes, le Gers, dont la population en relative hausse s'établit aujourd'hui aux alentours de 185 000 habitants, éli en effet près de 5 300 élus municipaux, c'est à dire près de 3 % de la population résidente.
Un cadre territorial du département m'avait fait remarquer un jour qu'il y avait, dans la structure intercommunale dont il s'occupait, un conseil municipal de 9 membres dans un village de 36 habitants recensés...
Sur le plan des localités importantes, le Gers ne compte finalement que 8 communes dépassant les 3 500 habitants avec Auch (PS), Condom (PS), L'Isle Jourdain (PS) en plein développement sous l'influence de Toulouse, Fleurance (PRG avec le sénateur maire Raymond Vall), Vic Fézensac (PS)
, Lectoure (ville natale du Maréchal Lannes, PS), Mirande (UMP) et Eauze (commune perdue par le PS en 2008 au profit de la droite).
Viennent ensuite Gimont (droite), et une série de chefs lieux compris entre 1 500 et 2 500 habitants, à savoir Mauvezin (mairie d'Union de la gauche à direction PS depuis 1965), Riscle (gagnée par le PS en 2008), Cazaubon (resté à droite), Nogaro (PS, connue pour son circuit automobile), Lombez (PRG), Samatan (PS), Masseube (PS) ou encore Pavie (PS), commune en développement économique relatif à la sortie d'Auch et qui accueille la zone commerciale de l'agglomération auscitaine.
Une situation politique globalement favorable à la gauche, même si le département est aujourd'hui traversé de courants divers et que des débats commencent à prendre corps, notamment sur l'environnement et la qualité de vie.
Ainsi, l'un des sujets critiques du moment concerne l'implantation d'élevages avicoles particulièrement importants (plusieurs milliers de poulets disons standard, c'est à dire abattus à 41 jours et destinés à la découpe pour l'alimentation industrielle) qui rompent quelque peu avec les traditions et l'image locales en la matière.
Demeurant marqué par les activités agricoles, le Gers s'est taillé une certaine réputation pour la qualité de ses productions qui donnent d'ailleurs un certain revenu aux paysans qui les pratiquent, qu'il s'agisse de la viticulture (depuis les vins de pays au très noble Armagnac, eau de vie de long vieillissement en passant par les cantons gersois compris dans l'aire du Madiran AOC, du Pacherenc ou encore sous l'appellation Côtes de Saint Mont, le compagnon idéal du magret, sans oublier le Tariquet), de l'ail rose de Lomagne ou encore des produits de la volaille, depuis les dindes fermières dont l'avenir semble assombri comme tous les ans en cette période de fêtes jusqu'aux nombreux producteurs de foie gras et de produits dérivés du canard et de l'oie.
La bonification de l'élevage du canard et notamment la valorisation de la viande (magrets entre autres) ont d'ailleurs amené à une transformation des élevages destinés à la production des volailles grasses où l'ancienne primauté de l'oie a été battue en brèche par celle de son cousin plus petit mais plus 'productif'.
Le problème est que le département, qui était aussi le domaine de la Blonde d'Aquitaine et de la Bazadaise, a connu des évolutions culturales profondes, notamment avec le développement de la culture du maïs (en général blanc dans le Gers, ce qui donne une couleur typique au foie gras local, alors que les Landes gavent les oies et canards au maïs jaune), fortement consommatrice d'eau, denrée assez rare dans la région, malgré les trois rivières du Gers, de la Save et de la Baïse, et surtout utilisatrice de nitrates...
Dans un même ordre d'idées, l'élevage bovin s'est aligné sur les standards français, avec l'implantation des vaches de race Holstein et Blanc Bleu, connues pour leur grande capacité de production laitière (et leur plus médiocre qualité gustative en viande, une fois que ces pauvres bêtes, rendant parfois plus de 30 litres de lait par jour, ont fini de 'servir'), mais pas du tout élevage propre à la région.
Une importante laiterie, située à Villecomtal sur Arros, propriété de Danone et employant près de 250 salariés, constitue d'ailleurs l'un des débouchés de cette agriculture d'élevage ainsi modifiée en collectant du lait, au prix Danone, si l'on peut dire, auprès de 850 producteurs.
C'est en ce lieu que sont emballées une bonne partie des briques de lait UHT vendues ensuite en métropole sous étiquette Vilcontal mais plus souvent sous marque de distributeur.
L'activité agricole, encore importante dans le département, est donc au coeur de nombre de débats, et la conversion bio, qui commence à toucher les producteurs, se heurte aussi aux évolutions les plus récentes, et notamment au pouvoir des semenciers vis à vis des planteurs de céréales et de protéagineux (les tournesols étant une autre marque des paysages gersois).
Les activités industrielles, en partie liées à la transformation des produits agricoles, ne sont pas d'un dynamisme spectaculaire et les activités de service sont évidemment de plus en plus actives, sous l'effet du développement touristique, largement porté par les initiatives locales, et du vieillissement d'une population dont la hausse doit plus à l'arrivée de retraités de France et d'ailleurs qu'à un solde naturel qui demeure négatif.
Nous sommes donc dans une France vieillissante, avec peu d'emplois industriels, une présence encore forte du monde paysan, et, cependant, orientée à gauche.
Comme quoi...