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Arguments contre les référendums

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Arguments contre les référendums

Messagede pba » Ven 3 Jan 2025 23:17

Il est couramment admis qu’il serait souhaitable d’organiser plus fréquemment des référendums nationaux et que ceux-ci signifieraient une plus grande prise en compte de l’opinion du peuple par ailleurs insuffisamment considérée par leurs élus .
Loin de ces vues idylliques, souvent édictées de bonne foi, il y a lieu de considérer, à la fois suite aux référendums décidés dans le passé et en considérations plus théoriques , que la balance ne penche pas d’une manière favorable à l’extension généralisée des référendums : il y a loin souvent du principe flatteur à la réalité.

1-Les référendums et plébiscites antérieurs à la 5ème république
(d’après : https://www.herodote.net/De_l_Appel_au_ ... e-2110.php )
-C’est pendant la Révolution française que se tient la première consultation populaire, désignée alors par l'expression « appel au peuple ». Il s’agit de soumettre au vote des citoyens la Constitution de l'An I, qui a été promulguée par la Convention le 24 juin 1793. C'est la première Constitution républicaine de la France.
Le résultat de cet « appel au peuple » est sans ambiguïté : une très large approbation de la Constitution (1 801 918 oui contre 11 610 non, 4 300 000 abstentions, soit une participation de 40% du corps électoral-fort réduit de l’époque). La forte abstention s’explique en grande partie par l’oralité du vote et la nécessité de se déplacer à pied au chef-lieu de canton.
-Bonaparte (Napoléon 1er) et après lui son neveu Louis-Napoléon (Napoléon III) détourneront quant à eux le référendum à des fins plébiscitaires. Après le coup d’état du 18 brumaire, une nouvelle constitution attribue des pouvoirs quasiment illimités au Premier, indéfiniment rééligible.
Promulguée le 13 décembre 1799, la Constitution de l’an VIII est plébiscitée en février 1800 par trois millions de voix contre 1562 opposants. Plébiscitée vraiment ? On peut en douter car ce référendum a été largement truqué et en réalité, il n’y aurait eu qu’un million et demi de « oui » exprimés.
-Le référendum connaît une longue éclipse sous la IIIe République, un régime parlementaire dans lequel les députés s'estiment suffisamment sûrs de leur légitimité pour n'avoir pas besoin de consulter les citoyens...
-Il ne resurgit que le 21 octobre 1945, lorsque le général de Gaulle, qui préside le gouvernement provisoire, l’exhume afin de redonner une légitimité démocratique à la refondation constitutionnelle du pays, créant la 4ème république.

2-Les référendums de la 5ème république
-Neuf référendums seront organisés sous la Ve République en un demi-siècle. Entre janvier 1961 et avril 1962, trois sont consacrés à la politique algérienne du chef de l’État ; ils sont tous trois largement approuvés, les Français se montrant désireux d’en finir avec cette interminable guerre d’Algérieet marquent leur attachement à la poursuite de l’action du général De gaulle.
En 1969, le référendum porte à la fois sur la refonte du Sénat et sur la régionalisation : 2 questions, une seule réponse. De plus, comme à chacun de ses référendums le général prévient de sa démission en cas de victoire du non .Les Français voulant tourner la page rejettent donc à la fois le texte et le général
https://www.senat.fr/connaitre-le-senat ... raits.html
Les référendums suivants ne lient pas les textes et celui qui décide de l’élection : ils portent sur des modifications constitutionnelles ou sur des sujets européens.
-En 2005, est soumis à référendum le projet de constitution européenne : ce texte est rejeté à 55% après une campagne intense
https://www.conseil-constitutionnel.fr/ ... r-l-europe
(dont le texte du traité lui-même comportant 192 pages )

3-Des procédures fort peu démocratiques
31-l’appel au vote conditionné par celui d’une approbation ou non de la personne qui pose la question : ceci confine à la procédure plébiscitaire
32-une réponse unique à une grand nombre de questions complexes.
Si on prend les deux exemples du référendum de 1969 et celui de 2005, on voit qu’il s’agit de textes volumineux de 51 articles ou 192 pages dont on comprend aisément que les électeurs dans leur immense majorité n’ont pu les lire entier , ni se faire un point de vue éclairé (moi le premier) .
On voit aussi dans le projet de loi de 1969 des renvois non explicités aux textes précédents.
33-une réponse éloignée de la question posée
L’exemple typique est celui du Brexit : où la réponse à la question "faut-il quitter l’Europe" a été, en fait, "non à l’immigration" !
33-d’inévitables méprises
Il est fait souvent encore, près de 20 ans après le référendum de 2005 à la question posée : contrairement à ce qui est très largement diffusé depuis, le référendum n’était pas sur l’appartenance ou non de la France à la communauté européenne .
On a oublié également que le référendum n’avait pas une valeur supérieure à l’élection législative (ni présidentielle ) comme le précise bien la constitution
« ARTICLE 3.
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
Il n’est donc pas exact que le peuple français n’aurait pas été entendu dans son refus lors du vote de 2005, un texte modifié ayant été approuvé par le président et les parlementaires .

A noter que les référendums se sont soldés par des choix binaires et non amendables, à la différence de la voie parlementaire.

4-Y-a-t-il d’autres types de consultations référendaires ?
-le référendum dit citoyen ou RIC souffre de la plupart des reproches précédents sur les sujets complexes .De même que poser plusieurs questions sur un même thème ne résoudra pas nécessairement les réponses contradictoires entre elles
Posée par référendum , la question des retraites ne peut être traitée que par certain paramètres et données financières et démographiques pas aisément réductibles à un seul oui ou non. .
-sans doute qu’une voie peut être explorée dans des consultations « simples » où un choix binaire est possible : on peut penser à des questions sociétales actuellement hors du champ de l’article 11( en son temps : pour ou contre le PACS) ou certaines interrogations sur des sujets sociaux (pour ou contre une journée de solidarité etc. ...) .
D’une manière générale, les sujets liés à la constitution se prêtent peu à référendum ; même si la question du passage au quinquennat présidentiel semblait aisée, elle éludait, à première vue, les questions connexes (exemple : le changement du rôle du président)
-j’évoquerai enfin ce que certains (dont LFI) appellent « le référendum révocatoire » qui consiste enfin à proposer l'interruption anticipée du mandat d'un élu.
Un tel référendum peut, suivant les pays, être convoqué au moyen d'une initiative populaire ou d'une majorité d'élus au parlement, certains pays requérant les deux.
Ce mécanisme-sauf un contrôle rigoureux à définir- s’avère dangereux pour la stabilité des élections et présente le risque d’instrumentalisation.

[b]Bibliographie complémentaire :
https://revue-pouvoirs.fr/wp-content/up ... rendum.pdf
https://www.lesechos.fr/idees-debats/ce ... e-r-240886
https://www.clubdesvigilants.com/alerte ... eferendums
pba
 
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Re: Arguments contre les référendums

Messagede Baudran V » Sam 11 Jan 2025 09:13

Ces arguments ne tiennent pas pour 4 raisons majeures :

1/ On dit que poser des questions techniques est trop compliqué pour le peuple qui vraiment est trop bête pour comprendre la question qu'on lui pose, les enjeux, les causes et les conséquences des sujets évoqués

Ceux qui disent cela ne se rendent pas compte que c'est le principe même de la démocratie qu'ils remettent en question ! Car si le peuple n'est pas capable de juger des questions qu'on lui pose, à plus forte raison est-il incapable de juger des programmes et de choisir ceux qui les appliqueront. Car un programme législatif ou même présidentiel, c'est 100 fois plus complexe que de poser une question sur un sujet ; c'est répondre à des centaines voire des milliers de question à la fois ! Le nombre de choix, d'enjeux, de dimensions techniques à prendre en compte pour choisir un programme politique est beaucoup plus important que pour choisir une réponse à une question unique. Voter pour un programme, c'est répondre simultanément à des centaines voire des milliers de référendums.

2/ Le problème mis en avant que le peuple ne répond pas à la question posée peut aussi se retourner contre le principe du choix d'un dirigeant ! En 1981, par exemple, les gens ont-ils voté pour un programme ou pour protester contre les diamants ou par lassitude de voir Giscard au pouvoir ? Honnêtement ? Le peuple répond-il toujours à la question posée ? Bien sûr que non !

3/ Le travers du référendum en France est qu'il est occasionnel et s'apparente à un plébiscite ou anti-plébiscite : en 1969,les Français ont voté contre De Gaulle plus que sur le sujet posé. Mais c'est précisément parce que les référendums sont rarissimes et que les dirigeants montrent qu'ils engagent leur responsabilité. Si les Français comme les Suisses répondaient chaque année à 10 référendum, il est sûr et certain que seuls les gens motivés par les questions posées viendraient voter. Le référendum perdrait son caractère plébiscitaire s'il était très fréquent.

4/ L'exemple de la Suisse, qui est un des pays les mieux gérés du monde, les plus pacifiques et calmes, les plus rationnels et raisonnables montre que tout ce que l'on dit sur le caractère démagogique et dangereux pour la démocratie pour la démocratie directe est non seulement un défi à la raison (non la démocratie n'est pas la dictature, de même que la paix n'est pas la guerre) mais surtout un discours de propagande de politiques qui n'ont pas trop envie de rendre des comptes aux citoyens et aux contribuables.
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Re: Arguments contre les référendums

Messagede pba » Lun 13 Jan 2025 18:31

@baudran V


Nous avons sans doute, vous et moi, de bons arguments .

Quant à moi, au risque de me répéter :
1-le référendum n'a pas de valeur supérieure aux élections législatives ou présidentielles (voir article 3 de notre constitution:
"La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

2-le référendum tel qu'il existe (constitutionnel: article 89 ou autre : article 11) consiste à approuver ou rejeter un projet de loi
https://www.conseil-constitutionnel.fr/ ... republique

*"Article 89 : « L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du Parlement.

Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n'est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n'est approuvé que s'il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l'Assemblée Nationale. »

*"Article 11 : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.

Il ne s'agit donc pas d'un texte général du type "politique migratoire "" passage à la 6ème république ", mais d'un texte complet à accepter ou rejeter .Ce texte comporte de l'odre de 100 pages ou plus

Lorsque le référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat.

Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.

3-de ce fait et, je n'ai pas écrit que "poser des questions techniques est trop compliqué pour le peuple qui vraiment est trop bête pour comprendre la question qu'on lui pose, les enjeux, les causes et les conséquences des sujets évoqués ",
les textes proposés sont obligatoirement compliqués et non amendables, de telle sorte qu'ils induisent des difficultés de compréhension, des inévitables choix cornéliens pour les électeurs que ne pourraient pas éviter , par ailleurs, des propositions à choix multiples, car rien n'empêcherait des résultats contradictoires entre les choix majoritaires .
Et , à cet égard, très souvent, les possibilités d'amendements offerts par les débats législatifs apportent de meilleures conclusions .
4-
Baudran V a écrit:3/ Le travers du référendum en France est qu'il est occasionnel et s'apparente à un plébiscite ou anti-plébiscite : en 1969,les Français ont voté contre De Gaulle plus que sur le sujet posé. Mais c'est précisément parce que les référendums sont rarissimes et que les dirigeants montrent qu'ils engagent leur responsabilité. Si les Français comme les Suisses répondaient chaque année à 10 référendum, il est sûr et certain que seuls les gens motivés par les questions posées viendraient voter. Le référendum perdrait son caractère plébiscitaire s'il était très fréquent.

4/ L'exemple de la Suisse, qui est un des pays les mieux gérés du monde, les plus pacifiques et calmes, les plus rationnels et raisonnables montre que tout ce que l'on dit sur le caractère démagogique et dangereux pour la démocratie pour la démocratie directe est non seulement un défi à la raison (non la démocratie n'est pas la dictature, de même que la paix n'est pas la guerre) mais surtout un discours de propagande de politiques qui n'ont pas trop envie de rendre des comptes aux citoyens et aux contribuables.


Ce n'est pas le caractère occasionnel du référendum qui pose le plus de problème en France : c'est à la fois que notre démocratie est essentiellement représentative et que les projets soumis sont trop lourds. Mais déplacer le corps électoral ne peut se faire que sur un sujet d'intérêt reconnu (ainsi le référendum sur le passage au quinquennat n'a eu que 30.19% de votants )Il en va souvent ainsi de la Suisse , d'où la question "un texte voté par un faible % de votants a-t-il une valeur autre que juridique ????

Je ne pense pas que la Suisse soit obligatoirement un exemple à suivre: il n'est , en général, utilisé que pour confirmer ou rejeter une loi ou texte voté par les instances fédérales, cantonales ou communales .
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Re: Arguments contre les référendums

Messagede Baudran V » Dim 19 Jan 2025 15:31

La Suisse a un niveau de prospérité, de sécurité, de calme, de qualité de gestion de ses finances, de propreté, de sens civique chez les citoyens qui me semblent difficilement contestables et meilleurs que ceux qu'on observe en France. La Suisse est plus propre parce que les gens sentent qu'ils sont responsables de leurs pays. Vous me direz que ce sont des considérations hors de notre propos, je ne le crois pas au contraire. Car on respecte ce qui vous appartient et les Suisses étant impliqués dans leur vie démocratique respectent plus leur pays que les Français ne respectent le leur. Il n'y a pas cette haine contre les dirigeants qu'on observe en France.

En France, les dirigeants sont haïs parce que les gens ne sentent pas représentés par eux.

Il existe plusieurs formes de démocratie, la Suisse et la Britannique étant les principales et je ne sais pourquoi les grandes nations n'ont copié que le RU. J'ai une hypothèse, c'est que les autres démocraties comme la GB et la France ont été forgés par des gens qui méprisaient le peuple, s'en méfiait beaucoup et ces élites n'ont pas eu trop envie de partager leurs prérogatives…

Quant à l'argument que les sujets sont trop complexes pour le peuple, censé être un peu stupide et inculte, les gens qui le mettent en avant ne se rendent pas compte que c'est le principe même de la démocratie et des élections qu'ils remettent en question.

Car s'il est difficile de se prononcer sur un unique sujet, alors se prononcer pour un programme législatif ou présidentiel et sur les hommes qui les incarnent est en comparaison beaucoup beaucoup plus complexe.
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