ploumploum a écrit:Ma remarque était un avis sur les nombreux motifs du naufrage Harris, donc c'était bien placé.
Certes. Mais si on peut consacrer le topic de la présidentielle à l'analyse des données brutes et opter pour le topic sur la vie politique pour les échanges à fort potentiel de hors sujet par rapport au scrutin de 2024 c'est toujours préférable.
ploumploum a écrit:Disons que brandir l'avortement toutes les 5 minutes, cela n'aboutit à rien et ne sert à rien...
Là aussi, je ne suis pas certain que vous soyez conscient que le sujet de l'avortement est tout autant brandi en boucle par la droite religieuse US depuis les 50 dernières années ?
Pour un pan entier de la galaxie républicaine l'avortement n'est pas un sujet, c'est "le" sujet. Tout comme les armes à feu, ces thématiques là mobilisent ce qu'on appelle les
one issue voters (les électeurs mono sujet, qui ne se décident pour un candidat uniquement en fonction d'une seule thématique de sa plate forme et qui se contrefichent de tout le reste).
Trump aussi dans ses discours et ses meetings aiment à rappeler qu'il est le président qui a permis le renversement de Roe vs Wade (ce qui est perçu par les électeurs Américains les plus religieux), et de nombreux clips de campagne républicains le rappelaient aussi. Bref, dire que seuls les démocrates parleraient d'avortement ça ne correspond guère à la réalité du paysage politique US.
Enfin, j'insiste, mais pointer avec l'avortement un "délire sociétal" comme vous le faites, là aussi, ça me semble passer complètement à côté des enjeux. L'avortement est un sujet éminemment économique et social : forcer des centaines de milliers de femmes pauvres à assumer des grossesses non désirées dans un pays souffrant d'autant d'inégalités économiques et sociales ça me parait dépasser largement le seul élément sociétal (l'angle philosophique de où commence la vie ou du droit de la femme à disposer de son corps) du problème.
De plus, il faut tout de même rappeler que derrière, le projet républicain n'est pas uniquement d'interdire l'avortement là où ils le peuvent, mais bien de criminaliser les femmes qui y ont recours, ainsi que les personnes qui les aideraient dans cet acte. Et on parle d'une criminalisation pro active, pas juste d'une vue de l'esprit théorique. Si on ajoute à ça le volet sanitaire du sujet (hausse de la mortalité pour les femmes à qui on dénie l'accès à des soins vitaux dans certains cas) et religieux (car oui, dans le cas US, le projet d'interdire l'avortement se fonde dans un projet de revenir sur la séparation entre l'état et la religion, puisque ce combat de la droite US se fond complètement dans l'idée que la religion doit pouvoir imposer ses choix au politique) dans l'équation, je comprends vraiment pas comment on peut limiter la question de l'avortement comme vous le faites à un simple "délire sociétal".
Ensuite, parler d'avortement a plutôt merveilleusement réussi aux démocrates sur les midterms 2022, à partir de là ils avaient peut-être une raison valable de continuer à exploiter le filon ? C'était peut-être pas si aberrant que ça ?
Enfin, vous pointez le fait que la campagne Harris aurait eu tort de parler d'avortement et de mettre en avant ce que vous appelez le "délire sociétal" comme cause de son échec. Mais vous semblez totalement ignorer que les républicains font exactement la même chose avec la thématique des transexuels, sur une question qui est pourtant nettement moins impactante pour les électeurs (les transexuels c'est 0.2% ou 0.3% de la population totale, les athlètes transexuels c'est encore moins que ça, et les prisonniers transexuels encore encore moins que ça). Et je peux vous assurer que Trump et ses clips de campagne parlaient au moins autant (si ce n'est plus ?) des transexuels que les démocrates de l'avortement.
A mon avis, vous avez une vision très biaisée de ce qu'est la guerre culturelle dans la politique US, et vous semblez passer complètement à côté du fait que ce que vous dénoncez (votre fameux "délire sociétal") est tout autant l'apanage des républicains. Et à titre personnel je pense même que les républicains sont beaucoup plus doués et efficaces que les démocrates sur ce volet là .
ploumploum a écrit:un bilan qui a bénéficié du bon bilan de Trump au passage...
Qui lui même bénéficiait du bon bilan de Obama au passage :).
ploumploum a écrit:Peut-être que les démocrates auraient pu faire une meilleure campagne la dessus ? Des sympathisants et bénévoles de la campagne Harris interrogés le soir même des résultats par TF1 soulignaient tous la même chose : "on aurait du faire moins de tapage médiatique su l'avortement et plus sur l'économie..."
Mais les démocrates ont fait campagne sur leur bilan économique :). Des clips de campagne et des discours de Harris sur les actions concrètes de l'administration Biden (la hausse du salaire minimum, le plan de financement des infrastructures, la baisse du prix des médicaments, la réindustrialisation des emplois, la sécurisation des financements de l'Obamacare, de Medicare et de Medicaid, la suppression des prêts étudiants, le renforcement du poids des syndicats...) je peux vous assurer que j'en ai vus et entendus beaucoup. Mais le problème majeur reste que le seul élément économique que les électeurs retiennent des années Biden c'est l'inflation. Et ça, il n'y a rien que les démocrates pouvaient faire pour le faire oublier aux électeurs.
Et c'est assez ironique d'ailleurs : la crise du COVID a largement contribué à la défaite de Trump en 2020. Les conséquences inflationnistes post COVID ont largement contribué au retour de Trump en 2024.
ploumploum a écrit:Quant à la volonté de D.Trump de squeezer le Sénat (en tant que sympathisant gaulliste, je ne me prononce pas sur le caractère autocratique ou non de la procédure sachant que les institutions états-uniennes, c'est foklorique de mon point de vue), il me semble que Obama avait un temps tenté de faire la même chose (à un degré moindre) mais que la Cour Suprême avait rejeté la manœuvre...
Alors oui, Obama avait tenté l'entourloupe, mais dans un cadre en effet radicalement différent, et avec une portée bien différente. Après les élections de midterms 2014, Obama avait perdu le Sénat. Et la nouvelle majorité républicaine faisait de l'obstruction systématique (en bafouant tous les usages précédents) à toutes les nominations présidentielles (au point même de soustraire un siège de la Cour Suprême au choix du Président, en enfreignant clairement la constitution). Obama a tenté d'utiliser ce vide juridique de la constitution, en nommant certains candidats à des postes pendant les périodes de vacances de la session sénatoriale. Et la SCOTUS a confirmé que ce n''était pas au Président de statuer quand le Sénat était en session ou non, mais bien au Sénat lui même. Depuis cet arrêt, le Sénat a pris l'habitude de laisser traîner en permanence dans ses couloirs un ou deux sénateur(s) de garde et quelques personnels administratifs histoire d'être toujours plus ou moins considérés comme en session (même si il n'y a aucun examen de texte de loi en cours).
Ce que propose Trump aujourd'hui n'a absolument rien à voir quant au fonctionnement institutionnel. Déjà , il le propose alors que son parti est majoritaire au Sénat :). En théorie, il ne devrait même pas y avoir de confrontation politique à résoudre dans tout ça puisque le Président et le Sénat sont de la même couleur politique. Ensuite, il demande à ce que le Sénat se mette d'office en vacance (pour combien de temps ?) afin qu'il puisse nommer la totalité de son Cabinet, non seulement sans passer par la case ratification, mais sans même passer par la case étude des candidats par les commissions sénatoriales. Si le Sénat devait consentir un truc aussi hallucinant, ce serait un abandon pure et simple du contrôle de l'exécutif par le législatif (qui lui est bien écrit noir sur blanc dans la constitution et n'est absolument pas "folklorique").
En plus, il y aurait dans tout ça un autre effet pervers potentiel énorme : il existe un débat entre constitutionnalistes US (jamais tranché par la SCOTUS à l'heure actuelle) sur le statut réel des membres du Cabinet présidentiel non formellement ratifié par le Sénat (situation qui se produit généralement lors d'intérims assurés par des subalternes du ministère en cas de démission ou de renvoi du ministre). Pour certains constitutionnalistes, ces ministres intérims ne disposeraient pas de la plénitude des membres du Cabinet ratifiés par le Sénat. Outre qu'ils ne disposeraient pas forcément d'autant d'autorités juridiques, il pourrait également ne pas être aptes à participer à la destitution du Président via le 25e amendement.
Bref, de mon point de vue, la manoeuvre proposée par Trump ici laisse peu de places au doute : oui, c'est bien une tentative très autoritaire qui a pour but de retirer au Sénat son pouvoir de contrôle, tout en lui permettant peut-être (il faudrait que la SCOTUS se prononce) d'être totalement immunisé à la procédure du 25e amendement.
Et comme cette tentative est initiée par la même personne qui a déjà lancé un assaut violent et mortel contre le pouvoir législatif il y a près de 4 ans pour empêcher ce dernier de reconnaître sa défaite de l'époque, contrairement à vous, j'hésite pas du tout à me prononcer :).