de vudeloin » Jeu 13 Jan 2011 16:45
Nous l’aurions presque oublié, mais un petit territoire français va désigner son sénateur ( ou sa sénatrice ) au mois de septembre prochain.
Il s’agit en effet de la collectivité de Saint Pierre et Miquelon, ce petit bout de France situé à peu de distance de Terre Neuve et dont certains ont pu apprécier l’une des pages historiques il y a peu ( quoique légèrement romancée ) en regardant le film de Patrice Leconte, « la Veuve de Saint Pierre « .
Au Sénat, l’archipel est aujourd’hui représenté par Denis Detcheverry, nom typiquement Saint Pierrais pour tous ceux qui n’ignorent pas ( je suis sûr qu’il y en a beaucoup par ici ) que les Basques sont connus pour avoir, de longue date, pêché la morue dans les eaux froides baignées par le courant du Labrador.
Même s’ils ont aussi, pour un certain nombre, commencé par la pêche à la baleine.
Pour faire un point rapide de cet aspect de la question, les habitants de Saint Pierre et Miquelon, pour leur grande et écrasante majorité, proviennent de trois régions de France bien typées : la Bretagne, la Normandie et le Pays Basque et les noms de familles des élus locaux reflètent d’ailleurs assez nettement cette situation.
Ajoutez y une bonne pincée de Canadiens, y compris anglophones au départ, et vous avez une communauté d’environ 6 000 personnes réparties sur l’ensemble de l’archipel et sur deux communes.
D’une part, le chef lieu, Saint Pierre, comptant 5 500 habitants ou peu s’en faut, et d’autre part, Miquelon Langlade, comptant 600 habitants et constituant paradoxalement l’essentiel du territoire de l’archipel.
En effet, Saint Pierre se blottit sur un territoire de 26 km carrés environ ( ils ont quand même de la place, c’est le cas de la surface de Paris ) tandis que Miquelon Langlade se situe sur un territoire de plus de 200 km carrés, les deux ensembles de Miquelon et de Langlade étant reliés entre eux par le lido du Grand Barachois.
Politiquement parlant, Saint Pierre conserve un comportement parfois un peu déroutant.
En 1981, par exemple, l’archipel avait voté Giscard d’Estaing au second tour des présidentielles dans des proportions significatives mais élu, au mois de juin suivant, un député socialiste avec un pourcentage tout aussi élevé.
Sans aller si loin, un détour par l’état des forces aujourd’hui.
Le collège électoral de Saint Pierre et Miquelon est d’une grande simplicité et concerne moins de 40 électeurs.
Ce n’est pas le record de Wallis et Futuna ( 21 électeurs ) ou de Saint Barthélemy, mais cela est du au calcul suivant : 15 délégués du conseil municipal du chef lieu, 3 délégués du conseil municipal de Miquelon, 19 membres du conseil territorial et 1 parlementaire, en l’occurrence la députée.
Total 38 votes.
En 2004, surprise !
Le premier tour donne les résultats suivants :
Inscrits 38
Votants 38
Exprimés 38
Claireaux, PS, 13
Plantagenest, PS, 11
Cambray, PRG, 5
Abraham, divers, 3
Detcheverry, divers, 6
Au second tour, résultats
Inscrits 38
Votants 38
Exprimés 37
Claireaux, PS, 18
Detcheverry, divers, 19, Elu.
On n’ose imaginer l’ambiance au moment de la proclamation du résultat totalement inattendu et fruit manifeste de l’inimitié pouvant exister entre les candidats socialistes.
Denis Detcheverry se rattache dans un premier temps au groupe UMP, selon la formule du rattachement administratif et commence d’effectuer son mandat sous ces auspices.
Vient le texte sur l’Outre Mer du gouvernement Fillon où, comme l’ensemble de ses collègues ultramarins et par-dessus les clivages politiques apparents et les différences, il prend part au débat en formulant un certain nombre de propositions, justifiées de son point de vue et correspondant dans son esprit aux attentes des habitants de l’archipel.
Le temps passe et la loi Outre Mer ( un texte intéressant puisqu’il fut examiné au fond par la commission des Finances du Sénat qui présentait alors l’intéressante particularité de ne compter aucun sénateur issu de l’Outre Mer ) peine à entrer en application.
Bilan des courses : Denis Detcheverry quitte le groupe UMP et adhère au groupe RDSE, même si, sur certains textes de fond, il ne se distingue pas des positions de la majorité du Sénat.
Ceci dit, compte tenu des rapports de forces locaux et de l’état des lieux, il semble qu’il ne croit guère à une possibilité de se voir reconduit dans ses fonctions.
La députée de Saint Pierre et Miquelon est PRG, le conseil municipal de Saint Pierre est dominé par le PS et même si Denis Detcheverry est toujours maire de Miquelon, la droite, majoritaire au conseil territorial, est dans un tel état de division que la perspective la plus vraisemblable serait l’élection de Karine Claireaux, maire de Saint Pierre.
Si tel était le cas, ce petit territoire apporterait sa voix à une possible alternance au Sénat et présenterait une seconde particularité, celui d’être exclusivement représenté par des femmes au Parlement.
Vudeloin ( et pour cause :) )