Relique a écrit:Je pense qu'on peut résumer la situation des démocrates assez simplement:
Depuis des années, leurs candidats sont très modérés sur les questions économiques et sociales, mais de plus en plus "progressistes" sur les questions sociétales et morales.
Il leur faudrait simplement inverser cette stratégie pour regagner les classes populaires. A l'exception de la question de l'avortement qui est aujourd'hui beaucoup plus consensuelle aux Etats-Unis que du temps de Clinton par exemple. Mais toutes les questions sociétales n'ont pas suivi cette évolution. Et au final ces nouvelles questions sociétales ont emporter dans leur tombe politique l'avortement...
Je me permets de rebondir là dessus dans le topic de la vie politique américaine plutôt que sur celui de la présidentielle 2024, ça me parait plus indiqué.
Si j'entends tout à fait qu'on puisse émettre cette hypothèse là , j'avoue que je ne la partage absolument pas, notamment ça :
Depuis des années, leurs candidats sont très modérés sur les questions économiques et sociales
Au début des années 2000, le parti démocrate était globalement très modéré sur les questions économiques et sociales, avec une aile fiscalement conservatrice puissante.
Au cours des 20 dernières années, le parti démocrate s'est au contraire fortement décalé vers la gauche, aussi bien dans sa plateforme que dans son action lorsqu'il est au pouvoir :
1) instauration d'une couverture santé partiellement étatique (l'obamacare pour ne pas la nommer) permettant à plusieurs dizaines de millions d'Américains (les plus pauvres) de disposer d'une mutuelle santé dont ils étaient jusque là dépourvus. Le débat actuel chez les démocrates est de savoir si oui ou non il faut généraliser cette couverture partielle
2) désormais tous les démocrates assument pleinement une redistribution fiscale (impôts supérieurs des sociétés et des plus riches afin d'aider à la redistribution des ressources). Là aussi, le débat qui agite les démocrates est de savoir où placer le curseur de cette redistribution (mais l'aile fiscalement conservatrice a quasiment complètement disparu)
Et si on se contente de regarder les actions de l'administration Biden :
1) les démocrates ont tenté d'augmenter très fortement le salaire minimum. Ils l'ont voté à la Chambre, cela a été filibusté par les républicains au Sénat. Résultat Biden ne l'a fait que là où il le pouvait, au sein des personnes employées par l'état central, et cela a été étendu aux personnes travaillant pour des fournisseurs auprès de l'état central.
https://www.dol.gov/agencies/whd/govern ... ts/eo140262) Les démocrates ont tenté de supprimer partiellement ou totalement les prêts étudiants pour plusieurs dizaines de millions d'Américains (là aussi issus des couches pauvres ou de la classe moyenne). Là c'est la SCOTUS qui a torpillé le projet, Biden devant se contenter d'opérer par décrets présidentiels plutôt que via le législatif. Bilan tout de même : plusieurs millions de personnes (les plus pauvres et celles ayant opté pour le travail dans l'enseignement publique) ont vu des dettes s'élevant à plusieurs milliards de dollars être effacés.
https://www.cbsnews.com/news/biden-canc ... dent-debt/3) l'administration Biden a sécurisé les financements de l'obamacare (qui atteint actuellement un nombre record de souscripteurs) et des pensions dans le cadre de Medicare et medicaid pour plusieurs années via des prélèvements supplémentaires auprès des plus riches.
https://www.hhs.gov/about/news/2024/03/ ... erage.htmlLà aussi, les démocrates ont tenté une réforme de fonds plus ambitieuse pour essayer de pérenniser les financements sur une période plus longue, là aussi ça a été torpillé par les républicains via le filibuster.
4) les démocrates ont réussi à négocier et à imposer auprès des lobbies pharmaceutiques une baisse sans précédent du coût de nombreux médicaments (notamment l'insuline).
https://www.cms.gov/newsroom/press-rele ... n-drug-law5) l'administration Biden a fait voter le plan de financement et de rénovation des infrastructures le plus ambitieux depuis les années 1980
6) l'administration Biden a fait voter une loi favorisant la réindustrialisation de pans entiers de l'économie US
https://www.usinenouvelle.com/editorial ... s.N22201967) Enfin l'administration Biden a fait voter tout un tas de lois favorisant le rôle et le poids des syndicats dans les négociations avec le patronat. Biden et Harris sont les premiers président et VP dans toute l'histoire US à être venus soutenir des grévistes lors d'un mouvement de gréve.
https://www.americanprogressaction.org/ ... ng-unions/Même en Europe, j'aurais énormément de mal à trouver un seul parti social-démocrate au pouvoir ces dernières années ayant eu des actions économiques et sociales aussi à gauche que ça ?
Mais ce qui compte le plus c'est comment tout ça est perçu par les électeurs Américains. Et là , il n'y a aucun doute : le parti démocrate est bien perçu comme glissant très à gauche sur ces questions là . On l'a déjà souligné et je le resouligne : Bernie Sanders et AOC (les 2 portes drapeaux les plus en vue de la gauche de la gauche US) sont d'accord pour dire que l'administration Biden est très certainement l'administration démocrate ayant eu l'agenda économique et social le plus à gauche depuis celle de LBJ dans les années 1960. Et il est très clair que pour les républicains aussi le parti démocrate est désormais dangereusement très à gauche : toute la communication républicaine se résume à dire que les démocrates sont communistes. Et si l'on en croit les exit polls (qui indiquent que 50% des électeurs de mardi dernier considèrent le programme et la candidate démocrate comme trop extrêmes) et le glissement vers les républicains de plus en plus de Latinos (qui pour beaucoup ont fuit Maduro, Chavez et Castro) sur cette thématique là , il semble que de plus en plus d'Américains ne partagent pas l'idée que les démocrates seraient très modérés en matière économique et sociale.
Ensuite, j'avoue sincèrement que je ne comprends absolument pas qu'on puisse considérer la question de l'avortement comme un item uniquement sociétal, surtout aux USA. C'est au contraire une question éminemment économique et sociale. La conséquence de tout ça est limpide : ce sont les femmes pauvres qui vont payer le plus lourd tribut dans tout ça. Toutes ces lois anti avortement que les républicains sont en train de faire passer vont pénaliser essentiellement les femmes les plus pauvres, obligeant des centaines de milliers d'entre elles à porter à terme des grossesses non désirées, sans avoir les moyens économiques et sociaux de les assumer (car le projet républicain ne s'accompagne aucunement d'une hausse des budgets alloués ni aux aides sociales, ni à financer les établissements scolaires ou les garderies pour aider les familles pauvres, il lutte même activement pour réduire la prise en charge des repas gratuits pour les enfants, contrairement aux démocrates).
https://theintercept.com/2024/03/21/hou ... l-lunches/Et évidemment je ne parle même pas de l'autre conséquence déjà perceptible : une hausse de la mortalité des femmes qui à cause de ces législations anti avortement n'ont même plus accès à des procédures avant une dégradation grave de leur état de santé.
https://sph.tulane.edu/study-finds-high ... strictionsBref, dire que l'enjeu de l'avortement serait avant tout sociétal plutôt qu'économique et social, j'avoue c'est là un argument qui m'échappe complètement.
Enfin, venons en au volet questions sociétales justement. Là pour le coup, ce train là à quitté la gare de la politique US il y a déjà au moins 30 bonnes années ? La classification politique US se fait désormais avant tout et quasi exclusivement sur la guerre culturelle (terme que j'emploierai plus que sociétal personnellement ?). C'est ainsi. Pour savoir si vous êtes démocrate ou républicain, ce sont ces questions culturelles et sociétales qui le déterminent, pas les questions économiques et sociales. Votre rapport à la religion, aux armes à feu et aux libertés individuelles sera beaucoup plus déterminant que votre rapport à la fiscalité et aux aides sociales. Et il n'y aura aucun retour en arrière là dessus.
Mais là aussi, sur cet élément là , je trouve que ce sont beaucoup plus souvent les républicains que les démocrates qui mettent le paquet sur les questions de société. Qui met en avant inlassablement la question des transexuels pour en faire un argument de campagne ? Qui met en place actuellement des politiques bannissant certains livres dans les écoles ?
https://rollcall.com/2023/11/09/house-g ... und-issue/https://eu.usatoday.com/story/news/inve ... 922213007/Autant je peux sans peine vous trouver tout un tas d'exemples concrets pour pointer des politiques économiques et sociales très à gauche de la part de l'administration Biden, autant je suis incapable de trouver ne serait ce qu'une seule véritable tentative de réforme culturelle majeure ? En tout cas, sur la question des transexuels, ce qui transpire le plus côté démocrate c'est beaucoup d'embarras et une très forte envie d'esquiver la thématique ?
https://www.teenvogue.com/story/why-won ... ights-opedA titre personnel, si je devais vraiment souligner une différence culturelle entre démocrates et républicains, c'est sur le respect du verdict démocratique. Toute la journée de mardi, Trump a tweeté toute la journée pour alerter sur des fraudes massives en cours dans l'état de Pennsylvanie. Toute cette prose a disparu comme par magie une fois que les résultats se sont dessinés. Pas besoin de rappeler je pense l'attitude de Trump face à sa défaite il y a 4 ans ? Accusations bidon et sans fondement, tentative pro active d'altérer les résultats (avec un schéma démontré depuis de remplacer les certificats officiels des grands électeurs par des faux, pression sur tout un tas d'officiels pour tenter de modifier les résultats), refus de débloquer dans les temps les fonds et les bâtiments permettant à la nouvelle administration de démarrer la transition, actions ayant culminé par un assaut violent et mortel contre le Capitole dans l'espoir d'empêcher la validation du résultat électoral. Trump allant jusqu'à déclarer publiquement la semaine dernière qu'il n'aurait jamais du accepter de quitter la Maison Blanche le 20 janvier 2021.
Depuis mardi, Harris a déjà appelé Trump pour concéder sa défaite, elle l'a aussi concédé publiquement. Et Biden a déjà confirmé que son administration débloquerait les fonds de la transition le plus tôt possible que son Cabinet ferait tout son possible pour que cette transition soit la plus optimale possible.
https://www.newsweek.com/joe-biden-vows ... 20-1982173C'est là une question sociétale fondamentale qui me semble opposer démocrates et républicains ?