de Fabien » Jeu 29 Aoû 2024 13:11
Pour s'en affranchir, le RN devrait poursuivre sa stratégie de "normalisation", restée inaboutie. Mais les quelques exemples de formations d'extrême-droite qui l'ont fait, pour se transformer en partis de droite classiques, ont de quoi l'inciter à la prudence: Alliance Nationale en Italie, le Jobbik en Hongrie, et d'autres encore, ont purement et simplement disparu!
Et il faut tenir compte des effets du mode de scrutin.
Dans une logique de premier tour, il faut cliver, se différencier (le succès me paraît tenir au triptyque notoriété, singularité, popularité), paraître se banaliser ou aller sur un terrain déjà occupé est une grosse prise de risque.
Dans une logique de second tour, il faut, comme vous le rappelez, rassembler, à la présidentielle, 50% des voix plus une, donjc, si possible convaincre une majorité, ou à défaut ne pas la coaliser contre soi. Dans cette optique, un parti attrape-tout souverainiste modéré, populiste, un peu social, conservateur sans outrances sur les sujets de société, serait pratiquement assuré de gagner la prochaine présidentielle, là où une version française du trumpisme serait vouée à être écrasée (même en laissant de côté le quasi-octogénaire à tignasse orange, les français se disent avec un remarquable constance proches des démocrates suivant un rapport 80-20 environ*). Le RN se situe actuellement quelque part entre les deux, et peine visiblement à choisir.
En attendant de trancher (ou pas!) ce dilemme, on imagine que la formation lepéniste s'attachera à faire le ménage dans ses investitures, car la chronologie de la campagne montre que c'est surtout la révélation dans les médias d'une véritable armée de "brebis galeuses" parmi les candidats au moment décisif qui est à l'origine de sa défaite, même si les polémiques sur les binationaux et la suppression du droit du sol ont pu avant ébranler certains indécis... On regardera aussi si elle poursuivra, ou pas, la stratégie d'ouverture vers les forces libérales-conservatrices, euopéistes et atlantistes esquissée notamment aux européennes, et incarnée par Bardella, notoirement tenté par un "Mélonisme" à la française (qui, soit-dit en passant, n'a rien d'un effort de modération d'un point de vue idéologique!).
Calculatrice froide et pragmatique, Le Pen s'appuie aujourd'hui sur une coalition idéologique, sociologique, et géographique qui ressemble beaucoup à celle qui fit la victoire du NON en 2005. Mais elle sait qu'il y manque un élément décisif, les classes populaires des grandes villes, en partie issues de l'immigration, dont elle n'aura évidemment jamais les voix. Pas d'autre choix, donc, que de grignoter un morceau du camp d'en face, la France aisée, en misant sur les valeurs et en multipliant les concessions sur les (nombreux) sujets qui fâchent, Europe, politique extérieure, économie... Pour le moment, la partie "populaire-protestataire" de son électorat ne semble pas en être trop indisposée. L'ancien bassin minier du Pas-de-Calais a avalé l'alliance avec Ciotti, l'homme qui a fait passer la réforme des retraites (et dont les projets incluent d'autres "réjouissances" de même inspiration...). C'est une des grandes forces du RN: son électorat est très fidèle.
Il faut dire aussi que tant que Mélenchon est là pour imposer, mépris ouvert de l'électorat RN à la clé, sa stratégie "Terra Nova avec le ton du NPA", pour reprendre le mot fort juste de Ruffin, l'électorat populaire-protestataire du RN n'a de toute façon pas d'alternative convaincante à sa disposition...
* Grosso-modo, seraient démocrates l'ensemble de la gauche et des macronistes, ne seraient majoritairement républicains que les zemmouriens, LR et RN étant partagés. Le vote au parlement sur la constitutionnalisation du droit à l'IVG donne un aperçu de la ligne de fracture et du rapport de force... Et c'est assez cohérent avec les positions sur d'autres sujets comme le cilimato-scepticisme pur et dur, les discours anti-vacc, etc.