Il se passe trop de choses dans la vie politique US pendant mes congès :)
Je vais tenter un petit tour d'horizon de différentes choses, je sens que ça va être trop long.
Sur le fond, Trump et Biden ont tous les deux tenté de ménager la chèvre et le chou sur 2 sujets potentiellement dangereux pour eux : l'avortement pour le républicain, l'immigration pour le démocrate.
Trump semble opter pour l'option "cela concerne les états". Position qui mécontente l'aile droite du GOP mais qui tente de rassurer les électrices et les modérés ? Sur cette question, il n'y a je pense aucune bonne solution pour le candidat républicain, mais il fait le pari que les anti avortements le soutiendront quand même faute d'alternative. Et puis il est de toute façon très clair que si une seconde administration Trump devait se mettre en place, elle pourrait tout de même mettre en places tout un tas de directives et de décrets exécutifs pour mettre un maximum d'obstacles à l'avortement, et que le grand chef ne s'y opposerait pas.
Biden tente lui aussi le grand écart sur l'immigration : il a validé quelques décrets exécutifs (face au blocage du Congrès) qui en gros mettent en place des procédures d'expulsion accélérées pour les clandestins (cela revient grosso modo aux mêmes politiques menées sous Trump), mais il a aussi mis en place un nouveau programme du style de celui pour les dreamers, mais pour les clandestins ayant épousé des citoyens US. L'aile gauche des démocrates rechigne, mais la très grande majorité des élus approuve. Quant à ceux qui disent que l'administration fait du trumpisme, Biden assume : il dit que la distinction entre clandestins récents et anciens demeure, et, surtout, il met en avant que contrairement à l'administration Trump, l'administration Biden ne sépare pas les parents des enfants et n'enferme personne dans des cages. Bref, Biden tente de vendre un traitement plus "humain" des clandestins tout en tentant la fermeté (face à l'inaction du Congrès et aux jeux partisans des républicains sur cette question).
Quant à savoir si tout cela peut amener des électeurs indécis à pencher vers un candidat ou l'autre, mystère. Je suis toujours pas convaincu que les électeurs américains se projettent complètement dans cette campagne (qui est déjà très atypique et hors norme) et dans les programmes.
https://www.washingtonpost.com/politics ... nt-states/https://apnews.com/article/immigration- ... 996f04dce0Venons en maintenant au débat. Il n'y a pas grand chose à en dire, si ce n'est que Biden a été catastrophique sur les 15 premières minutes. Il était nettement moins mauvais sur la suite, mais le mal était fait. Je crois surtout que Biden a trop tenté d’apparaître sur une ligne factuelle (pleine de chiffres et de dossiers), et que ça a été une catastrophe.
Je n'ai pas trouvé Trump bon pour autant : il n'a répondu à absolument aucune question posée, et le niveau de mensonges et de contre vérités était supérieur à sa moyenne. Mais le contraste avec Biden était totalement à son avantage.
Bilan de la chose : il y a désormais clairement un mouvement au sein d'une partie des démocrates qui appelle au retrait de Biden (sur le mode du "vous êtes un très bon président, mais vous être trop vieux pour un second mandat"). 19 représentants et 1 sénateur démocrates appellent officiellement à ce retrait, plusieurs stars d'Hollywood aussi, et quelques gros donateurs. Biden cédera t il à la pression ? J'en sais rien. Si Obama intervenait auprès de son ancien VP en ce sens, peut-être ? Dans le cas contraire, je pense que Biden se maintiendra ? Quant à savoir si les démocrates ont plus à gagner ou à perdre à changer de candidat, je reste très partagé sur cette question. Parce que cela dépendrait de trop d'éléments inconnus pour l'anticiper (qui serait choisi comme candidat de remplacement et comment notamment ?), et que Biden, malgré tous les défauts de candidature, a aussi quelques avantages (qu'un autre candidat que lui n'aurait pas forcément).
Par contre j'aimerais quand même m'arrêter sur 2 éléments qui m'interpellent de plus en plus, en m'appuyant sur les remarques précédentes de 2 contributeurs pour illustrer ces éléments.
Sylfaen a écrit:Je viens d'apprendre sur x que Biden aurait confondu Poutine et Zelensky.
Peut on déjà en conclure que le test est mal engagé ?
Ce lapsus a été commis avant la conférence de presse proprement dite. Des lapsus de ce style là , Biden en commet des centaines depuis plusieurs décennies. Pendant la conférence de presse qui a suivi, Biden a fait référence à la "VP Trump" en parlant de Harris. Dans les 2 cas, le lapsus est indéniable, mais à l'écoute il est très clair que Biden faisait référence à Zelensky et à Harris. Est-ce que ces lapsus sont des signes de sénilité ? J'en sais rien, je suis pas médecin. Est-ce que ces lapsus représentent une dégradation cognitive de Biden ? J'en sais rien, je suis pas médecin. Je constate juste que depuis que Biden est en politique (50 ans environ), ça a toujours été sa spécialité. Biden est-il trop vieux pour exercer un second mandat ? Pour moi, oui.
Mais je pense exactement la même chose de Trump. Qui lui aussi commet désormais de très nombreux lapsus du même style (je peux trouver sans me fouler des dizaines d'exemples lors des primaires, où il faisait très souvent référence à Haley en l'appelant Pelosi). L'immense différence entre les 2, c'est que Trump livre nettement moins d'interviews et de conférences de presse que Biden.
Cette grosse différence de traitement entre les 2 (alors qu'objectivement leurs errements dans leur expression orale me paraissent très semblables, et en déclin dans les 2 cas par rapport à leurs campagnes précédentes) matérialise une réalité implacable : l'âge n'est un sujet que pour Biden. Mais il peut remercier les républicains d'avoir renominé Trump : face à n'importe quel autre candidat il aurait déjà du jeter l'éponge.
Je reste sur mon opinion : il reste encore 15 jours maximum au mouvement interne d'appels au retrait de Biden pour réussir. D'ici fin juillet, début août, la fenêtre pour un éventuel retrait de Biden sera définitivement fermée.
Et si Biden reste, c'est qu'il aura fait 3 calculs :
1) le processus qui devrait désigner un nouveau candidat démocrate représente un trop gros risque de divisions pour le parti de l'âne
2) un autre candidat que lui apporterait des choses que lui n'apporte pas, mais n'apporterait pas certaines choses que lui apporte
3) cette élection sera avant tout un référendum sur Trump, peu importe le candidat démocrate
Je ne dis pas que je partage forcément complètement ces 3 points, mais c'est à mon avis le calcul de Biden.
Ce n'est pas là le moindre des paradoxes de cette campagne, mais c'est un fait : l'aile du parti démocrate qui soutient le plus mordicus la candidature de Biden c'est l'aile gauche. Tous les doutes, toutes les critiques des dernières semaines sont quasi exclusivement le fruit de l'aile centriste. Et oui, Biden est devenu à l'usage un président apprécié par les sandersiens du parti, et que ces derniers préfèrent Biden que quelqu'un d'autre. Quand on se souvient de la campagne des primaires de 2020, ça ne manque pas de sel. La politique a parfois ces évolutions pleines de saveur...
Venons en maintenant à la tentative d'assassinat. J'ai attendu un peu que la poussière retombe. Mais pour l'heure on est en plein dans les hypothèses et l'inconnu, tant au niveau de l'acte que de ses retombées.
Sur les faits : il est acquis que le tireur était un jeune homme (blanc et originaire de Pennsylvanie), qu'il a utilisé un AR 15 (une de ces armes dont le lobby pro gun et les républicains raffolent) appartenant à son père, qu'il était inscrit comme républicain sur les listes électorales. Ce qui émerge des premiers témoignages le concernant : un jeune assez effacé, plutôt tyrannisé par les autres lycéens, qui a essayé d'être intégré dans le club de tir de sa ville (située à quelques dizaines de kilomètres de sa tentative d'assassinat) sans succès. Bref, pour l'heure, et avec toutes les pincettes que cela implique, l'enquête semble plutôt s'orienter vers un loup solitaire qui aurait voulu faire un coup d'éclat pour montrer aux autres qu'il n'était pas celui qu'ils croyaient ? Evidemment tout cela doit encore être investigué et confirmé (ou démenti).
Par contre, je suis effaré qu'une telle tentative d'assassinat ait pu être perpétrée. Il y a clairement eu un immense raté de la part des services secrets assurant la sécurité de l'événement. Je ne m'explique pas comment un gars de 20 ans avec ce genre de profil a pu monter sur un toit à moins de 150 mètres du podium muni d'un AR 15, se positionner et tirer. Je suis d'autant plus estomaqué que j'ai participé à une meeting présidentiel de ce type en 2004 (par pure curiosité anthropologique à l'époque, où j'accompagnais un ami sympathisant républicain, absolument pas par soutien idéologique, puisque c'était un meeting de W.Bush). Tous les participants devaient montrer patte blanche (première fouille au corps et premier contrôle d'identité à une distance très éloignée du lieu du meeting, plusieurs autres contrôles ultérieurs plus on se rapprochait du podium). Alors je sais bien que c'était dans une Amérique encore choquée par le 11/09, mais je ne pense pas que les standards pour ce genre de meetings aient changé entre temps. Il y a clairement eu une faute lourde des services de sécurité pour en arriver à ça.
Quant aux conséquences politiques je serai extrêmement prudent. La base trumpiste is on fire comme jamais, Trump est désormais un Dieu vivant qui foule la Terre de son pas de héros invincible. Mais je pense que c'était déjà le cas avant. Cet événement garantit encore plus pour ceux qui en doutaient une excellente participation de la base trumpiste en novembre.
Est-ce que cet événement jouera un rôle dans la bascule des 10% à 20% des électeurs qui à l'heure actuelle refusent de choisir entre les 2 candidats ? Mystère. Les républicains disent que Dieu a sauvé son champion en déviant la balle, les démocrates disent qu'il faut plus que jamais limiter la vente d'armes.
Les théories du complot fleurissent bien évidemment, avec 2 lignes diamétralement opposées qui tiennent la corde :
1) c'est un coup monté par la campagne Trump pour auréoler le candidat républicain d'une aura de survivant et d'homme à abattre
2) c'est une tentative de Biden (enhardi par l'arrêt de la SCOTUS immunisant le président de toute poursuite en cas d'assassinat de son adversaire politique ?) de se débarrasser de Trump.
Ai je besoin de préciser que je ne crois pas une seconde à tout ça ? Outre qu'il n'y a pas le début du commencement d'une moindre preuve pour tout ça, je ne peux m'empêcher de constater les lacunes immenses de ces théories. Si c'est la 1), la campagne Trump aurait choisi un tireur avec un profil radicalement différent (un clandestin Mexicain et/ou un militant d'extrême gauche vegan, écolo, militant de BLM et de
defund the police auraient été plus indiqués). Si c'est la 2), Biden aurait fait appel à un Navy Seal ou un Black Ops qui aurait effectué son tir depuis une distance de 2 km, et Trump n'en aurait pas réchappé. Je m'en tiens donc au rasoir d'Ockham, je signale juste que les réseaux s'enflamment.
Venons en à la convention du parti trumpiste. J'insiste, pour moi le GOP n'est plus le parti républicain, mais le parti trumpiste. C'était déjà le cas avant la tentative d'assassinat, c'est encore plus vrai aujourd'hui. Je ne compte plus les interventions publiques de tout un tas d'élus pour donner désormais à Trump un statut messianique.
https://www.politico.com/news/2024/07/1 ... n-00168108Trump est le parti républicain, le parti républicain est Trump, la mue est achevée. Le choix de Vance comme VP ne fait que le confirmer : un candidat de l'ultra droite, qui ne fait que renforcer encore et toujours la stratégie du "tout pour ma base".
Un choix qui va contenter les électeurs MAGA. Les électeurs centristes et indécis, c'est moins sur.
Dans quelques semaines on saura si les démocrates rempilent ou non avec Biden. Dans quelques mois on saura qui du candidat messianique proto fasciste ou du vieillard sénile l'emportera (puisque c'est désormais ainsi que sont perçus les 2 candidats par beaucoup d'Américains que ça ne changera plus). Le choix dépendra des électeurs qui ne veulent d'aucun des 2 mais qui iront quand même se prononcer. Comme souvent, le résultat se jouera dans quelques comtés dans une poignée d'états ?
J'avais prévenu que ce post serait trop long :).