Michel29 a écrit:Dans le Vermont, c'est une primaire ouverte ?
Oui, c'est une primaire ouverte. Après, il faut rester prudent avec la propagande trumpiste qui voudrait que tous les électeurs de Haley soient des démocrates s'adonnant au
ratfucking dans les primaires républicaines.
Oui, dans quelques primaires on a des électeurs démocrates qui viennent voter pour Haley, oui c'est le cas au Vermont, et dans ce cas précis il est fort probable que cela lui ait permis de l'emporter. Mais j'aurais quelques éléments à relever pour mettre ce résultat en perspective :
1) en 2016, les primaires républicaines dans cet état (sans doute le plus libéral de l'Union) avaient attiré environ 62 000 votants. Cette année on devrait tourner aux alentours des 70 000. On n'a pas d'exit polls pour cet état, mais si afflux d'électeurs démocrates il y a, il ne devait pas être sensiblement supérieur à celui de 2016
2) en 2016, malgré le côté ultra libéral de l'état et le
ratfucking de quelques électeurs démocrates cela n'avait pas empêché Trump de virer en tête (de très peu) dans cet état devant le très centriste Kasich. Cette année, Haley a réussi à le faire, dont acte. Mais à mon avis, si Haley y parvient c'est surtout parce que au Vermont même les électeurs républicains sont très libéraux (en tout cas nettement plus que la moyenne des électeurs républicains lambda), et que Trump n'est tout simplement peut-être pas leur tasse de thé ? Et pour s'en convaincre, il suffit de constater que le Vermont sera un des rares états ayant organisé des primaires où Trump dépassera à peine sur 2024 son total de 2020 (et là l'action de quelques électeurs démocrates n'y est pour rien)
Précisons qu'avec cette victoire, Haley devient la première femme dans l'histoire des primaires républicaines à gagner un état.
Quant à la répartition des 17 délégués de cet état, cela se fait à la proportionnelle, sauf si un candidat dépasse les 50%, dans ce cas il empoche toute la délégation. A 97% du dépouillement, Haley est à 50.1%. Si elle reste au dessus de cette marge elle empoche les 17 délégués, si elle tombe en dessous elle en empoche 9 et Trump 8.
On a par contre un autre état aux primaires ouvertes où on a des exit polls : la Virginie.
Sur les 700 000 votants, on a 77 000 démocrates (qui votent à 85% pour Haley), 210 000 indépendants (qui se répartissent à 50/50 entre les 2 candidats) et 420 000 républicains (qui votent à 80/20 en faveur de Trump).
Sur les 245 000 voix de Haley dans cet état, environ 24% sont des démocrates, 42% des indépendants et 34% des républicains. Là aussi, certains voudraient nous faire croire que tous les indépendants qui participeraient aux primaires ouvertes seraient des démocrates déguisés. Là je n'achète pas du tout : pour être un électeur indépendant il faut s'enregistrer comme tel, plusieurs mois avant le scrutin. Imaginer que près de 100 000 électeurs démocrates auraient fait ça il y a des mois juste pour voter contre Trump, c'est un effort d'imagination que je n'ai pas. Bien sur que dans le lot il y a des indépendants de centre gauche, mais il y en a aussi beaucoup de centre droit.
Surtout, ce qui me fait halluciner, c'est qu'il y a encore 20 ans, un candidat d'un parti qui était capable d'attirer sur son nom lors de primaires ouvertes des voix d'électeurs indépendants et/ou du camp d'en face, c'était perçu comme un gros plus pour ce candidat dans la perspective de la générale (c'est ainsi que Reagan puis Clinton et même W.Bush se sont vendus pour assurer leur destin présidentiel). On constatera désormais que dans le GOP c'est considéré comme pêché mortel.
L'autre élément que je constate dans ces primaires c'est que les opposants internes à Biden se font surtout sur une ligne plus à gauche que lui (notamment les jeunes et les libéraux sur une ligne pro palestinienne, manifestée par les votes
uncommitted dans certains états). Pour ces gens là , en novembre le choix se fera entre un candidat de leur parti certes plus à droite qu'eux, mais opposé à un candidat du parti d'en face encore plus à droite qu'eux. Là où pour Trump, l'opposition interne à Trump se fait autour d'une candidate sur sa gauche qui vend une ligne plus centriste. Pour cet électorat là en novembre, il sera positionné entre les 2 principaux candidats. Ils auront le choix entre le candidat de leur parti plus à droite qu'eux, ou le candidat du parti d'en face plus à gauche qu'eux.
En terme de dynamique et de choix c'est radicalement différent je trouve.
Quant aux résultats généraux des scrutins de la nuit dernière, quelques remarques et analyses :
1) côté républicains, c'est toujours la même chanson. Trump connait un déficit dans les comtés urbains et péri-urbains, Haley surperforme nettement plus chez les indépendants et les diplômés. Leurs primaires connaissent des taux de participation inférieurs à 2016 globalement, Trump domine largement la course, mais avec des marges assez différentes selon les états (en gros entre 50% et 80%)
2) côté démocrates, Biden obtient globalement les scores attendus pour un président sortant sans opposant de poids (entre 80 et 90%). Seuls 2 états montrent un score vraiment plus faible avec la thématique des
uncommitted dans le contexte de la politique israélienne à Gaza et de l'attitude de l'administration Biden (le Michigan et le Minnesota).
Par contre de ce côté là , je comprends pas ce que Phillips attend pour se retirer : dans la plupart des états il arrive même à être derrière Williamson qui elle a déjà abandonné. Au moins Haley a réussi à assurer son statut de challenger, Phillips même pas...
Surtout, moi ce qui me marque le plus, c'est que les sondages continuent à surestimer Trump et à sous-estimer Biden :
1) pour les états où on avait des sondages Trump obtient les marges attendues dans 4 d'entre eux (Alabama, Californie, Maine et Texas). Le seul état où il fait mieux que les sondages c'est la Caroline du Nord (de l'ordre de 5 points). Dans 5 autres états (Massachussetts, Minnesota, Oklahoma, Tennessee et Vermont) il fait nettement moins qu'attendu, avec des marges 7 à 15 points de moins qu'attendu. Et dans le lot il n'y a pas que des primaires ouvertes, loin s'en faut.
2) côté démocrates c'est un peu plus à prendre avec des pincettes, parce qu'on a nettement moins de sondages que côté républicains. Mais là on constate très nettement que Biden fait plus que les scores attendus : pour 6 des 7 états où on avait des sondages (Californie, Iowa, Maine, Massachussetts, Texas et Vermont), Biden obtient des scores de 11 à 19 points supérieurs à la moyenne attendue. Dans le 7e état sondé, le Minnesota, il obtient à peu près ce que les sondeurs lui prédisaient. Surtout, ce qui continue à m'interpeler beaucoup, c'est que côté démocrates on a énormément plus de votants que lors des primaires de 2012 où Obama était seul en piste.
Alors je ne dis pas que tout cela démontre d'ores et déjà que les sondages de la générale surestiment Trump et sous-estiment Biden. Mais cela confirme une tendance qu'on observe déjà dans les sondages depuis plus de 2 ans : une surestimation des républicains et une sous-estimation des démocrates.
Concernant la suite, Trump et Biden devrait chacun atteindre la majorité absolue des délégués de leur convention courant mars, consacrant ces primaires 2024 comme les moins à suspens et les plus prévisibles depuis au moins 2004 (où Bush se représentait et où Kerry avait tué le match assez rapidement). C'est d'autant plus notable que les 2 candidats qui tuent le match sont très impopulaires et ayant chacun un profil qui soulève des interrogations et des questions.
Certainement pour le plus grand déplaisir d'une majorité des Américains, et sauf surprise majeure dans les mois à venir, la présidentielle de 2024 sera un match retour de 2020. Dont le perdant sera celui qui attirera contre lui le plus de vote d'opposition je pense.