ChristianC. a écrit:La cour suprême fédérale a-t-elle pouvoir de casser la décision de la cour du Colorado et de rétablir le droit pour D. Trump de concourir dans cet Etat ?
L'avis, quel qu'il soit, de la cour de Washington, sur l'arrêt du Colorado, aura-t-il force de loi dans chacun des 50 Etats fédérés, ou faut-il s'attendre à voir se succéder 49 procédures devant les cours locales, suivies de 49 appels à la cour fédérale et 49 arrêts de la susdite ?
Et cette inéligibilité, si elle est maintenue ou établie, concernera-t-elle la seule élection générale de novembre, ou vaudra-t-elle aussi pour les élections primaires internes au parti Républicain, qui auront dans chaque Etats ?
Alors, la décision de la Cour Suprême du Colorado est valable pour toutes les élections, aussi bien les primaires que la générale. Cette institution juridique a considéré que Trump tombait sous le coup du 14e amendement de la constitution US, et que donc il est disqualifié pour concourir à toutes les élections au sein de l'état. Précisons que même d'éventuels bulletins en
write-in seraient invalidés.
A supposer que cette décision soit maintenue (j'y reviendrais plus tard), cela ne changerait pas fondamentalement les choses pour la générale, Trump ayant très peu de chances d'arriver en tête dans le Colorado, mais cela accroitrait encore un peu son déficit au niveau du vote populaire national. Par contre, pour les primaires ce ne serait pas la même limonade : il ne pourrait gagner aucun des électeurs de l'état pour la convention républicaine, qui seraient donc répartis uniquement entre ses concurrents directs selon leurs scores respectifs.
Petit rappel sur le 14e amendement : il a été adopté par les états du Nord peu après la fin de la guerre de Sécession, à une époque où les états du Sud étaient administrés par le Nord. Les Yankees s'étaient montrés plein de mansuétude envers la majorité des leaders sécessionnistes, déjà en ne les pendant pas, et en leur infligeant des condamnations somme toutes assez légères au regard de la gravité des peines encourues. Mais leur mansuétude avait ses limites : ils n'avaient pas très envie de revoir toute une génération d'hommes politiques sudistes ayant défendu la fin de l'Union (et la trahison envers la constitution dont ils étaient signataires) les armes à la main revenir siéger tranquillement dans les allées du pouvoir de Washington DC. Les états du Nord ont donc fait voter ce fameux 14e amendement, qui est à la fois très précis sur certains points (la personne n'a pas besoin d'avoir été condamnée pour être concernée, le simple fait qu'elle ait participé à une insurrection contre l'état US suffit, et en cas de participation à ladite insurrection elle est exclue des scrutins électoraux), mais très flou sur d'autres (l'article ne précise pas vraiment ce qu'est une insurrection contre l'état ni quelles fonctions électives sont concernées).
Ce flou était intentionnel histoire de pouvoir ratisser large contre les chefs sudistes au cas où.
A mon sens, dans le cas de Trump, il y aurait je pense de réels arguments juridiques à faire valoir, dans un sens ou dans l'autre, pour savoir si il est bien concerné par ledit amendement.
Suite à cette décision de la Cour Suprême du Colorado, la SCOTUS ne va plus pouvoir ignorer l'éléphant dans la pièce et va devoir se prononcer. C'est le
chief justice Roberts qui va encore être grognon, l'institution qu'il préside va encore perdre des plumes dans la bataille. La SCOTUS a 3 options qui s'offrent à elle :
1) elle rejette la lecture de la Cour Suprême du Colorado, soit sur la forme (pour X ou Y raisons elle considère que la procédure n'est pas kasher), soit sur le fond (elle considère que Trump n'est pas coupable d'avoir participé à une insurrection, ou que la présidence du pays n'est pas concernée par le 14e amendement)
2) elle valide la lecture, et exclut de fait Trump du processus électoral en lui infligeant une forme de déchéance électorale dans le cadre du 14e amendement
3) elle ménage la chèvre et le chou, se retranche derrière le droit électoral des états, et considère qu'il est de leur ressort, en fonction de leur droit fédéré, de savoir si oui ou non le 14e amendement s'applique dans leur état
Et déjà , il y a un premier souci : certains arguent que les 3 juges nommés par Trump devraient se récuser du dossier au nom d'un conflit d'intérêt :). A mon avis ils ne le feront pas :)
Je serai très étonné que la SCOTUS opte pour l'option 2 (avec 6 juges conservateurs sur 9, dont 3 nommés par Trump, ce serait une lecture assez inattendue de leur part :) ). Les options 1 et 3 sont par contre possibles. En cas d'option 1 cependant les Suprêmes vont devoir sérieusement définir les contours exactes du 14e amendement pour établir un précédent solide. En cas d'option 3, ça va être la fête et un joyeux bordel au niveau des états (Trump sera probablement disqualifié par certains états, mais pas par d'autres).
Quant aux conséquences politiques, je dirais que cet arrêté de la cour suprême du Colorado ouvre un peu précocement la longue litanie des ennuis judiciaires du Donald, ennuis multiples et variés, qui ne vont cesser de se télescoper tout au long de l'année 2024 avec la présidentielle, les primaires, puis la générale. Faisant de l'élection à venir un vaste bourbier pour lequel le commentateur politique amateur que je suis a déjà des perceptions d'aigreur d'estomac. Dans un monde idéal et une démocratie lambda, les actes de Trump le 06/01/21 devraient l'avoir d'office délégitimé aux yeux d'une part substantielle de l'électorat US. Hélas, non, en tout cas pas auprès des électeurs républicains. Auprès des électeurs dans leur ensemble, je continue à ne pas voir comment tous les procès et condamnations divers et variés à venir pourraient ne pas avoir un impact négatif sur Trump. Quoi qu'on en pense il y a bien un débat juridico-constitutionnel pour savoir si l'ancien président américain a bien participé ou non à une conspiration et une insurrection contre l'état américain et ses institutions. Et le pire, c'est que ce n'est là qu'un volet parmi tant d'autres des ennuis judiciaires de l'ex président en question, et probable futur nouveau candidat.
Trump qui en plus ses dernières semaines a la main très lourde dans ses discours et ses idées : la dérive fasciste est de plus en plus évidente (il annonce qu'il ne sera un dictateur que pendant les 24 premières heures de son mandat, le temps de mettre tous ses opposants en prison et de ne peupler les administrations que par des personnes lui ayant fait allégeance personnelle). Il a aussi trouvé que remettre une pièce dans le juke box de l'obamacare (en promettant de nouveau de l'abolir et de le remplacer par un nouveau plan magique) était une bonne idée. Les élus républicains sont moins d'accord sur ce sujet là .
https://www.theguardian.com/us-news/202 ... la-jayapalhttps://apnews.com/article/trump-obamac ... 997b07fc2c