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Au début de la semaine, je m’attendais à un mini remaniement de façade, à un changement de papiers peints. C’est d’ailleurs ce que pense plus de la moitié des français, et c’est aussi ce que chantent en chœur les opposants. Pas tout à fait au hasard, pour donner l’impression aux électeurs qu’ils sont proches d’eux, puisqu’ils disent la même chose. Et bien j’avais tort et les opposants ont également tort. Il faut observer la séquence. On peut distinguer plusieurs étages.
Sous la V République, les habitudes font que le président limoge le gouvernement, puis choisit un premier ministre. Ce peut-être le même PM ou un nouveau PM. Puis vient la longue litanie de la liste des ministres sur le perron de l’Elysée. Macron a choisi une autre séquence.
Premièrement, il a confirmé Borne au poste de PM par un texto adressé aux commentateurs politiques. Oui, un simple texto. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un soutien appuyé. Ce qui renforce une lecture déjà trop connue avec Macron. Les PM successifs ne doivent pas faire d’ombre au président, et en même temps le président tient à garder ses distances avec le PM, pour ne pas être trop sali par les opinions défavorables. Pour continuer, pense-t-il, à mieux briller.
Quant à Borne, le fusible a reçu une feuille de route. Elle a une dizaine de 49.3 à préparer pour l’automne. Un domaine dans lequel elle excelle, en adressant quelques petits regards en coin.
Deuxième étage de la fusée. Ne pas donner une liste des ministres. Organiser des fuites. Faire durer le plaisir. Il avait pratiqué exactement de la même manière en juin 2022. Or les commentateurs n’avaient pas identifié la manœuvre. Donc pourquoi se gêner, et pourquoi ne pas réutiliser la même tactique. Avec un gros avantage : pendant que les journaleux s’évaporent en conjectures, on parle de Macron. D’où cette déduction : pour Macron, faire de la politique, c’est aussi occuper l’espace médiatique. Dans le cas présent, pendant les cinq jours ouvrés d’une semaine. Pas mal pour un mini remaniement. Tant que les français se satisfont de ces longues piécettes de théâtre, Macron aurait tort de s’en priver.
Le troisième étage est plus inquiétant car moins visible. Qui sont les ministres qui sont remerciés ? On peut les appeler de différentes manières. On pourrait les qualifier de techniciens, de technocrates, de personnalités de la société civile, ou autres.
Pour madame Schiappa, la une de Playboy avait fortement déplu au château. Crime de lèse-Brigitte quand cette dernière n’est vraiment pas le genre de Playboy ? Ou crime d’avilissement de la fonction ministérielle aux yeux d’un président qui veut qu’on le regarde comme au-dessus de la mêlée, de par sa grandeur ? Plus une utilisation des fonds publics qui a sali le gouvernement ? Un peu des trois. Et au total, trop de salissures ! Aux yeux de Macron, Schiappa était déjà limite en juin 2022. Elle n’a pas su corriger le tir et se la jouer grande dame respectable et agressive. Mais il s’agit là d’un cas particulier.
Ce qui compte, ce sont les autres ministres qui sont remerciés. Symptomatique est le cas de Ndiaye. Les commentateurs ont pour une fois bien identifié la faute de Ndiaye : « Il n’a pas imprimé la fonction ». Je ne vais pas m’appesantir pour savoir si c’était un bon ou un mauvais technicien de l’Education Nationale. Il a principalement été le relai et le vendeur des conceptions de Macron et de Trogneux sur le système scolaire. Il n’a pas failli à cette mission.
Il faut surtout observer la communication de Ndiaye. A chaque question gênante, il commençait par détourner les flèches avec son bouclier intellectuel. Puis toujours à l’abri de son bouclier, il exposait ensuite ses explications. C’est ce que révèle son usage immodéré des circonlocutions. Sauf que sur les plateaux télé, ça ne passe pas. Et une large part des populations françaises veut de l’expression simple, compréhensible en un dixième de seconde, et sans tour de magie. Ainsi Macron veut des apparitions percutantes. Que Ndiaye ait été bon ou mauvais importe peu. Il n’a pas créé de l’adhésion chez les enseignants et sa communication a déplu au château.
En remplacement de quelques ministres de ce genre, on a Gabriel Attal. Attention les yeux, ça va clasher. On a aussi, pour reprendre les propos de Charles de Courson, l’incendiaire de l’Assemblée Nationale. A savoir Aurore Bergé. Là encore, ça va cliver et clasher. Les télés et les réseaux sociaux adorent. Même chose pour Fadila Khattabi et Prisca Thevenot. Mais au moins on aura de la communication tranchante et mordante. Voilà ce qu’indique le choix de ces nouveaux ministres.
En résumé, que signifie cette séquence ? Quelle est la ligne conductrice ? De nombreux opposants affirment que cette ligne directrice ne change pas. Ils ont tort. Ils ont tous tort. La séquence choisie par Macron indique qu’il a décidé de continuer et de renforcer la tactique de l’occupation de l’espace médiatique dans la durée. Quant aux décisions, il est probable qu’elles continueront à être prises par le trio Macron, Kohler, Trogneux, bien à l’abri des regards. Avec l’aide des cabinets de conseil. Le critère de choix des ministres ? C’est tout pour la com’ devant les micros et les caméras. Les techniciens qui bossent dans leurs bureaux ministériels, c’est dehors. Les ministres doivent savoir vendre les décisions du château.
Les commentateurs et les opposants ont opté pour une analyse basée sur l’opposition entre le fonds et la forme. La forme change mais pas le fond, disent-ils. Ils se trompent. Ce remaniement est fait pour que les ministres gouvernent de moins en moins, et pour qu’ils communiquent de plus en plus.
