de Oskial » Mar 4 Juil 2023 11:36
Je suis surpris que, dans un sujet sur les émeutes qui embrasent notre pays depuis une semaine, les seuls échanges concernent l'opportunité ou non de dissoudre des mouvements politiques ayant appelé à la révolte ou l'ayant insuffisamment condamnée. En premier lieu, tous les mouvements révolutionnaires, quels qu'ils soient, voient dans la révolte du Peuple la réponse légitime à la violence des dominants. Rien de très surprenant donc dans la position du NPA (qui est devenu un groupuscule scindé en de multiples factions et dont la capacité d'influence est aujourd'hui limitée aux paroles de Besancenot et Poutou). Les tweets de ce dernier pourraient tomber sous le coup de la loi, mais sans assurance et, surtout, quel gouvernement aurait intérêt à faire d'un groupuscule sans activité réelle et sans beaucoup d'influence un martyr de la cause de la jeunesse de banlieue.
Concernant LFI, la posture est totalement différente et ne tombe pas sous le coup de la loi. Je résume les propos de ces derniers jours : ils refusent de délégitimer la colère des émeutiers tout en expliquant qu'ils ne sont pas eux-mêmes partisans de la violence. Ca ne me parait pas juridiquement être suffisamment solide pour justifier la dissolution (sans compter que pour LFI, je ne sais pas ce qu'ils pourraient dissoudre tellement c'est déjà gazeux...).
Ce qui me surprend plus, c'est qu'en se focalisant sur les enjeux politiques (et quelque peu politiciens) de ces éventuelles dissolutions, nous ne discutions pas du fond, des raisons de ces explosions sociétales et de ce qu'elles nous disent sur l'évolution de notre société. J'ai pour ma part une sentiment d'échec terrible basé sur un constat : une part grandissante de la jeunesse des quartiers "populaires" ne se reconnait plus dans les institutions et dans le pacte social. Certains le dénoncent depuis longtemps mais en faisant de la religion le fondement de cette césure. Je suis de ceux qui pensent que l'émergence d fait religieux dans ces quartiers (je travaille comme prof des écoles dans l'un d'entre eux) n'en est que la conséquence et un facteur aggravant. Le premier fondement est l'incroyable sentiment de relégation sociale et la désespérance qu'elle induit et qui fait des ces quartiers des poudrières qui n'attendent qu'une toute petite étincelle pour laisser sortir cette rage, très peu politisée. On casse parce que c'est finalement le seul pouvoir d'influence et de nuisance que l'on a, tant on a désespéré des autres (tissu associatif, politique et élections...). Ce qui me désespère, c'est que ce constat et cette analyse ont déjà été faits après les émeutes de 2005. 18 ans ! 18 ans pour presque rien. Si, du bâti : on a rénové, tenté de panser des plaies en arrosant des associations à qui on a donné pour mission d'éviter que la cocotte minute explose. Mais en ne prenant quasi aucune mesure réelle pour rompre avec la logique de ségrégation sociale. On a même laissé ces ghettos se sur-ghettoïser, en pérorant régulièrement sur les zones de non-droit, en oubliant que des millions de personnes y vivent, travaillent, tentent d'y élever leurs enfants etc. Les plus belles rénovations du monde ne font rien contre le sentiment d'assignation que ressentent ces populations avec tous les stygmates qui y sont attachées.
Et le même phénomène est en train de se rejouer : on va accuser les parents démissionnaires, l'Islam, le wokisme, la gauche, l'extrême droite etc. d'être à l'origine de tout cela. C'est pratique et ça marche chez la majorité de nos concitoyens. Ca évite de dire que la cause de cette distanciation de notre population avec notre pacte social réside dans l'échec dudit pacte : accroissement des inégalités sociales, mythe de l'égalité des chances et de la méritocratie, ghettoïsation et assignation à résidence de millions de Français, communautarisation d'abord basée sur l'origine sociale (les villes ou les quartiers de riches et ceux de pauvres) sans qu'aucun lieu ne soit le creuset pour tout le monde (et encore moins l'école basée sur une carte scolaire qui respecte scrupuleusement les zones d'assignation).
Je trouve ces sujets (et ce n'est que ma vision) bien plus intéressants et préoccupants que la posture du NPA ou de LFI. Je vais même vous avouer quelque chose : je pense que si Mélenchon et Poutou avaient appelé au calme, ça n'aurait rien changé. Par contre, l'absence de réponse, de changement de paradigme, risque de multiplier ce genre d'épisodes et, à terme, de menacer la paix sociale sur notre territoire.