Pour prolonger le message précédent, deux trois observations.
La dette publique, dont on nous parle depuis quelques temps, recouvre de fait quatre éléments principaux.
Le plus important, et de loin, c'est la dette obligataire de l'Etat, ou de long terme.
Je dis dette obligataire mais encore faut il en regarder les composantes.
Fin juin 2011, dernière donnée disponible ( allez voir sur le site de l'Agence France Trésor, si vous le souhaitez au
www.aft.fr ) nous avons une dette ainsi répartie :
Obligations à terme : 878 milliards d'euros ( il y en avait 641 fin 2007 après le vote de la loi TEPA )
Bons du Trésor à annuités ( titres de moyen terme ) : 252 milliards d'euros
Bons du Trésor sur Formule ( titres de court terme, forme nouvelle de trésorerie immédiate qui a remplacé les concours de la Banque de France en usage dans les années 60 ) : 189 milliards d'euros.
C'est, faut il le souligner, ce segment de la dette publique qui a connu la plus grande vitalité sur la période, signe des difficultés récurrentes de trésorerie d'un Etat qui a, au fil du temps, abandonné une bonne part de ses recettes fiscales antérieures au motif de faciliter les agissements des acteurs économiques.
Quand Nicolas Sarkozy sollicite, en 2009, le concours du Ministère des Finances pour que les entreprises se voient remboursées par anticipation de tous les crédits d'impôt sur les sociétés dont elles pouvaient disposer, il y a une conséquence immédiate à ce choix : le niveau des Bons du Trésor sur Formule progresse et atteint le pic historique de 214 milliards d'euros en fin d'année !
Entraînant par là même la naissance d'un risque plus patent de « banqueroute « puisque la durée de vie moyenne de la dette s'en réduit d'autant ( les BTF sont émis pour un an ).
Nous avons donc une dette publique qui représente aujourd'hui, fin juin 2011, 1 319 milliards d'euros, une quinzaine de milliards d'euros étant gagnée sur les opérations de « swap « qui peuvent l'assortir.
Le swap, pour aller vite, ce sont des mesures de négociation finale des tites de dette, notamment lorsque les conditions sont créées pour un échange de taux d'intérêt. Voir ce qu'en dit l'AFT
L’Agence France Trésor a conclu des contrats d’échanges de taux d’intérêt (« swaps ») avec des contreparties financières choisies parmi la liste des spécialistes en valeurs du Trésor. Afin de réduire la durée de vie moyenne, les swaps furent mis en œuvre de façon à substituer à une charge de taux fixe long une charge de taux fixe plus courte. Compte tenu des offres du marché, qui ne portent pas directement sur des échanges de taux fixes, mais se sont développées sur des échanges entre taux fixes et taux variables, ceci exige la réalisation de deux opérations liées : par la première, l’Etat reçoit un taux fixe associé à des maturités longues et paye un taux variable (court terme) ; symétriquement, par la seconde, il reçoit le taux variable infra-annuel et paie le taux fixe associé à des maturités intermédiaires, cela afin de réduire la volatilité de la charge de la dette induite par la première.
Sa durée de vie moyenne est aujourd'hui de 7 ans et 31 jours, c'est à dire supérieure à l'équivalent en annuités budgétaires de ce que représente l'encours même de la dette...
Il y aurait risque de faillite ou de banqueroute de la France, me semble t il, si nous avions une dette publique d'Etat dont la durée de vie était inférieure au nombre d'annuités de recettes budgétaires nécessaires pour la solder.
Cette durée de vie a cependant une contrepartie bien connue : celle qui veut que, plus on emprunte sur le long terme, plus le prêteur fait rémunérer son risque en relevant d'autant le taux d'intérêt pratiqué.
Donc, la dette publique de l'Etat représente la première partie de l'ensemble de la dette publique.
Elle est fondée, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, sur une accumulation progressive des déficits budgétaires, nonobstant le fait que, depuis fort longtemps, l'Agence France Trésor réalise de plus en plus d'adjudications de titres de dette destinés, tout simplement, à amortir les titres plus anciens.
Car le fait générateur de l'inscription de titres de dette, c'est leur adjudication et c'est ce qui en fait une dette négociable.
Principe simple : l'AFT émet pour x milliards d'euros d'obligations ou de bons du Trésor, assortis d'une proposition de taux d'intérêt ( ce n'est que là qu'intervient par exemple la question de la notation des Etats ).
Les opérateurs des marchés financiers ( banques, assurances, organismes de placement collectif, fonds d'investissement les plus divers ) indiquent leurs intentions ( cela se passe de manière électronique, bien entendu ) et manifestent leur intérêt pour le produit.
Si l'adjudication du jour est sur souscrite, c'est à dire si la demande s'avère supérieure à l'offre, l'AFT peut réduire le taux d'intérêt proposé jusqu'à disposer du volume d'achat correspondant à la demande de l'étage au dessus ( si j'ose dire ), c'est à dire le Ministère des Finances, puisque tout cela se déroule dans le « paquebot « planté au bord de la Seine sur le quai de Bercy.
Les variations sont faibles ( parfois 0,05 % ) mais 5 points de base sur une dette de long terme à 50 ans pour 10 milliards d'adjudication, cela peut finir par faire un certain montant...
On peut aussi se demander qui détient la dette, vu l'extrême rapidité avec laquelle les adjudications se déroulent ( on est loin des emprunts du passé avec souscription dans les bureaux de poste et campagne publicitaire audiovisuelle ).
Comme je viens de le dire, ce sont des entreprises du secteur financier qui s'assurent la quasi totalité des souscriptions.
Ensuite, évidemment, elles peuvent être résidentes, c'est à dire domiciliées en France ou non résidentes, c'est à dire à l'étranger.
Mais il ne faut pas forcément s'alarmer du fait que la part de la dette détenue par les non résidents soient importante.
D'une part, parce que nous pouvons fort bien avoir une souscription de dette par BNP Paribas à Paris, comme par la filiale de BNP implantée à Luxembourg, à Genève ou encore à … Jersey.
Ensuite, pourrait on se demander si les Français résidents à l'étranger ne sont pas aussi, sans le savoir forcément, détenteurs de titres de dette publique.
Croyez vous franchement que les 80 milliards d'euros d'avoirs français déposés dans les banques suisses dorment tranquillement dans des coffres en attendant des jours meilleurs ?
On peut faire confiance au Crédit Suisse ou à UBS, malgré quelques légers problèmes ces temps ci, pour pratiquer une « gestion active « de ces avoirs...
Au demeurant, notre ingéniérie financière est suffisamment performante pour que les banques françaises et les compagnies d'assurance de notre pays soient également détentrices de titres de dette publique d'autres pays.
A preuve, s'il en était, que c'est le cas puisque la Poste vient d'annoncer une baisse de son résultat, non pas par diminution du courrier distribué, mais parce que ses filiales financières, et sans doute ses SICAV, vont devoir éponger quelques pertes subies en Grèce sur les titres obligataires de ce pays.
Une bonne part de la dette publique demeure donc la propriété des Français eux mêmes, les véhicules utilisées étant le plus souvent les contrats de prévoyance ( assurance vie...) souscrits dans les banques ou auprès des services financiers de la Poste.
Les non résidents sont, fin juillet 2011, détenteurs de 65,2 % de l'encours de la dette de l'Etat.
Au demeurant, plus le taux de détention par les non résidents est élevé, plus le signe d'une certaine « confiance « dans le produit financier correspondant existe.
On doit remarquer que, depuis un an, le taux de détention des non résidents s'est réduit de six points.
Soit ils commencent de se défier du produit « dette publique française «, ce qui ne serait pas bon signe et manifesterait quelque méfiance à l'égard des politiques en vigueur dans notre pays ; soit, ce peut aussi être le produit de placements de « sécurité « d'entreprises et d'établissements financiers « résidents « qui, disposant d'une trésorerie, décident de l'affecter à souscrire des titres de dette.
Le « patriotisme économique « n'a pas grand chose à faire dans cette affaire, soulignons le...
Second élément de la dette publique, celle des collectivités locales.
L'encours est beaucoup moins important ( moins de 120 milliards d'euros au 31 décembre 2009, dernier décompte arrêté ) et présente deux particularités essentielles.
La première, c'est que la comptabilité des collectivités locales leur impose, par nature, de présenter un budget en équilibre, en fonctionnement comme en investissement.
Et qu'une collectivité normalement gérée dispose d'un excédent de fonctionnement qu'elle peut virer ensuite au budget d'investissement pour autofinancer ses dépenses d'équipement.
Le compte d'investissement est lui, soldé, par sollicitation de l'emprunt en sus de ce virement.
Et ce, pour une raison très simple ( Zimmer pourra sans doute nous le confirmer ), c'est que la dette des collectivités locales ne trouve son origine que dans la réalisation de dépenses d'équipement.
C'est à dire que la contrepartie matérielle de la dette est patente et se traduit en voirie nouvelle, en collèges, en lycées, en maisons de retraite, que sais je encore...
Et comme de juste, les collectivités locales portent aujourd'hui 70 % des investissements publics dans notre pays.
Ce n'est donc pas une « mauvaise dette « que celle qui affecte les collectivités territoriales, du point de vue de son utilisation pour le moins, même si on peut peut être discuter ici ou là de la nécessité de réaliser tel ou tel équipement.
Et les collectivités locales sont de bons débiteurs, puisque les impôts locaux pourvoient, par nature, au règlement des intérêts...
Deux problèmes récents sont toutefois apparus : le premier, c'est la contraction des subventions de fonctionnement de l'Etat (DGF entre autres) qui, conjuguée à la réforme des finances locales ( suppression de la taxe professionnelle ) contribue à rigidifier les ressources des collectivités sur un volet fiscal plus étroit.
Le second, c'est celui né de la prédominance de la Caisse des Dépôts et notamment de Dexia Crédit Local de France dans la distribution des emprunts souscrits par les collectivités.
A savoir que Dexia a distribué auprès des collectivités des emprunts dits structurés, assortis notamment de conditions spécifiques ( alignement sur la valeur de certaines devises étrangères entre autres ) dont la charge d'intérêt peut devenir un sérieux problème.
Et l'amortissement plus encore.
Mais on est loin des sommes en jeu pour la dette de l'Etat.
Troisième ensemble de la dette publique, la dette sociale.
Une dette, constituée ou créée en 1993, par cantonnement des déficits cumulés de la Sécurité Sociale, et qui ne cesse depuis de croître et embellir, malgré quelques phases d'équilibre des comptes sociaux entre 1997 et 2002 notamment, sous les effets de la croissance retrouvée, des trente cinq heures et des emplois jeunes...
Nous avons quelque chose de bien précis pour y répondre : c'est tout simplement la Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale, ou CADES, qui recueille le produit, entre autres, de la contribution de remboursement de la dette sociale ( CRDS ) que tous les salariés trouvent sur leur fiche de paie.
Les choses, au demeurant, n'ont pas toujours été aussi simples, puisque la CADES a aussi du rembourser un temps à l'Etat des sommes par lui avancées et qu'elle est l'un des intervenants les plus actifs sur les marchés financiers où elle émet régulièrement des bons CADES et des billets CADES, destinés à lui permettre de faire face à ses obligations.
Et que cette trésorerie plus ou moins coûteuse qu'elle va chercher sur les marchés financiers préempte évidemment sur ses ressources fiscales dédiées.
Pour cette année 2011, en moyen ou long terme, la CADES a ainsi émis 10 milliards d'emprunts libellés en dollars, 1,9 milliard en livres sterling, 13,8 milliards d'emprunts en euros, 350 millions en francs suisses et 800 millions en couronnes norvégiennes.
Nous pouvons donc espérer, pour la bonne santé de nos finances sociales, que l'ensemble de ces valeurs monétaires connaisse une dépréciation vis à vis de l'euro tandis que nous pouvons constater que les revenus du pétrole de la Mer du Nord ont été, pour partie, placés dans une valeur sûre, la Sécurité Sociale française !
Apparemment, vu que l'émission en couronnes est sur le long terme ( 2025 ) et assortie d'un taux de 4,80 %, les gérants du fonds souverain Statoil ne croient pas à la faillite de notre système de retraite !
On peut évidemment se perdre en conjecture sur les origines du déficit de la Sécurité Sociale, certains ayant tendance à y voir les effets d'un excès de dépenses, d'autres une insuffisance de recettes.
Sûr que 2,8 ou 2,9 millions de chômeurs à temps plein par la faute de la panne de croissance, de Fukushima et de l'éruption des volcans islandais ( peut être bientôt les cyclones tropicaux ) et plus de 4 millions de personnes privées d'un emploi à temps plein, cela finit par peser dans les comptes sociaux.
2 millions de SMICards de plus, pour prendre un exemple un peu excessif, c'est 600 millions de cotisations dites ouvrières de plus dans les caisses de la Sécurité sociale tous les mois...
Enfin, dernier élement de la dette publique, celle des entreprises publiques et des établissements publics.
LÃ , il y a de tout...
Mais le pire, bien entendu, ce peut être la dette de RFF, propriétaire du réseau ferré depuis 1997 et donc l'encours ( 23 ou 25 milliards d'euros ) n'a quasiment pas varié depuis.
Ne vous inquiétez pas, la plupart du temps, les entreprises publiques endettées ont des recettes commerciales ( des billets de train, des factures d'électricité, que sais je encore ) pour faire face à leur dette.
Une dette qui, à l'instar de celle des collectivités locales, est cependant le plus souvent associée à leurs investissements, donc...
Combien cela fait il au bout du compte ?
1 600 milliards d'euros, c'est à dire, faut il le rappeler, quelque chose comme environ 25 000 euros par Français ou résident de notre beau pays, ou 45 000 euros par contribuable ?
Insupportable ?
Voire, parce que 25 000 euros d'une dette d'une durée de vie moyenne de sept ans, assortie de contreparties réelles ( dette détenue à titre domestique, actifs matériels acquis, titres de dettes étrangères détenues par exemple ), cela fait l'équivalent du revenu fiscal moyen déclaré au titre de l'impôt sur le revenu par foyer fiscal...
En gros, outre qu'on peut réduire d'au moins un tiers le montant de la dette parce que ce sont les Français qui la détiennent en direct, nous avons plus de sept ans pour solder l'équivalent d'un an de revenu...
Et pour poursuivre l'image, quand un jeune ménage avec deux enfants emprunte 150 000 euros pour acheter un pavillon de banlieue, n'est il pas autant, sinon plus endetté ?
En plus, il y a une loi économique assez redoutable qui veut que si l'Etat ne s'endette pas, ce sont les autres acteurs économiques qui vont le faire, qu'il s'agisse des entreprises comme des particuliers.
Et que la réduction de la dette, recherchée par tous, finira par réduire le volume de la formation brute de capital fixe, c'est à dire des investissements productifs dans les entreprises et les dépenses d'équipement des ménages...
Je n'ose imaginer l'état de la croissance et de l'économie si cela arrivait.
Alors, je pense qu'on peut dire « vive la dette « mais oui aussi à une réforme fiscale qui remette les pendules à l'heure du côté de l'égalité devant l'impôt, maltraitée depuis au moins aussi longtemps que le solde budgétaire global des comptes de l'Etat !