Azertyuiop a écrit:Je suis en désaccord avec les analyses ci-dessous. Elles grossissent largement des particularismes locaux pour tenter d'en faire une portée nationale qu'elle n'a pas, ou a minima, pas dans ces proportions.
Les 15% de reports de Mélenchon vers Le Pen me paraissent au contraire extrêmement crédibles. Car il n'y a pas que le Pas-de-Calais, l'Ariège ou la Dordogne en France (d'ailleurs, pour ce qui concerne les départements du Sud-Ouest, je pense que MLP a surtout bénéficié d'assez bons reports de voix de Lassalle plus que de Mélenchon), il y a surtout pour ce qui concerne le vote JLM les grandes métropoles et les banlieues où il fait l'essentiel de ses voix. Et là , si on s'y penche, on voit qu'il ne doit y avoir que 3 à 7% des électeurs de Mélenchon dans ces grands centres urbains qui ont glissé le bulletin Le Pen dans l'urne au second tour. Sachant que même dans les départements ruraux ou ouvriers, les reports de voix de JLM vers MLP ont été très partiels (exceptées les Outre-Mer où les reports de voix de Mélenchon ont été absolument massifs), je ne vois pas de départements où les reports de voix de LFI vers RN ont pu dépasser 35%. Si on fait une moyenne de tous les territoires, le taux de reports LFI vers RN de 15% me paraît très crédible. Par ailleurs, les bons reports de l'électorat Roussel sur Le Pen à Saint-Amand-les-Eaux vient plus du fait que Roussel a bénéficié d'un vote de figure locale et donc assez transpartisan dans sa commune, et a dû bénéficié de voix de sympathisants RN qui sont retournés à leur famille d'origine au second tour. D'ailleurs, cela se voyait par le score de Le Pen au premier tour dans cette ville qui était largement inférieur à ce qu'il pouvait espérer si on regarde les scores que le RN réalise habituellement sur cette commune : -5 points par exemple par rapport aux européennes où son score au niveau national était semblable à celui de la présidentielle.
Cela vaut aussi pour Zemmour. Certes, les quartiers bourgeois rétifs au RN et où Zemmour était haut ont clairement donné de très mauvais reports de voix de cet électorat à Le Pen, largement inférieur à 78%, ce n'est pas le cas dans tous les territoires. Dans les zones rurales, les reports se se fait de manière ben plus massive. Idem dans les zones où le RN est fort et où Zemmour a siphonné son électorat potentiel davantage que celui de Fillon.
Par ailleurs, je ne vois pas trop en quoi le fait de faire de bons scores dans les campagnes doit forcément être le signe d'une protestation et non d'une adhésion. Et à l'inverse, en quoi faire des bons scores dans les villes serait un signe de vote "d'extrême-droite". À l'aune de cette classification, ce sont Mélenchon et Macron qui seraient les représentants de l'extrême-droite...
Les campagnes par ailleurs, n'ont pas voté MLP uniquement par anti-macronisme. La hausse de MP dans l'ensemble des campagnes (et notamment dans les campagnes de l'ouest où le FN était historiquement très faible) ne date pas d'hier. Déjà , en 2012, elle était largement entamée t les scores de MLP proches de sa moyenne nationale dans ces territoires avaient surpris. C'est ensuite une tendance longue mais durable qui s'est poursuivie à la présidentielle de 2017 mais aussi aux européennes de 2019 où la percée est devenue de plus en plus notable avec le passage au-dessus de la moyenne nationale pour nombre de ces territoires. Voir des départements du Sud-Ouest donner des scores à MLP compris entre 45% et 52% n'a donc rien de surprenant aujourd'hui, et surtout, n'a rien d'un hasard ou d'un phénomène conjoncturel.
Petit détail : MLP fait bien au second tour un score supérieur à son père au premier tour en 1988 (elle fait 14,90%, son père 13,38% à l'époque). Par contre, elle fait moins bien que le FN à Paris aux européennes de 1984, qui avait dépassé les 15% (et avait ensuite régressé extrêmement rapidement).
Le seul point sur lequel je pourrais être d'accord serait sur le fait que l'existence manifeste d'un plafond de verre dans les grandes villes rend très compliqué la perspective d'une conquête du pouvoir. Mais pas parce que son électorat menacerait d'être siphonné par des partis de gauche. C'est même plutôt l'inverse qui est en train de se produire, ou a minima qui s'est produit récemment, puisque les électeurs de Mélenchon de 2017 qui ont voté Le Pen au premier tour en 2022 sont beaucoup plus nombreux que les électeurs ayant fait le chemin inverse, et c'est d'ailleurs pour cela que Mélenchon a autant régressé dans les zones rurales et territoires désindustrialisés alors que sa progression au niveau national était très nette. Et puis franchement, le retour d'un parti de gauche à la priorisation des questions sociales, je n'y crois pas une seconde.
Merci de ce retour précis, que je ne partage pas totalement, vous vous en douterez. Tout d'abord, je n'ai jamais dit que les reports Mélenchon sur MLP pouvaient s'élever à 35%, ce qui aurait été considérable. Je penche toujours plus vers une hypothèse de 20 à 25%, grand maximum. Je partage votre analyse, et je l'ai d'ailleurs mentionné dans mon message initial, concernant les voix Mélenchon des métropoles et des banlieues : elles ont largement voté Macron (ou blanc) au 2ème tour. Votre hypothèse de 5% des voix vers Le Pen est crédible, même si, comme le notait républicain67 pour les villes alsaciennes (je n'ai pas pu vérifier dans les autres grandes villes), certains bureaux de vote très mélenchonistes au 1er tour ont accordé des scores de plus de 35 à 40% (Cité de l'Ill à Strasbourg, un peu au Neuhof aussi,voire plus à Mulhouse et Colmar) à MLP au 2ème tour. Ces scores MLP ne peuvent pas mathématiquement s'expliquer uniquement par les voix Zemmour ou NDA ou même Lassale (très faibles dans ces bureaux) et pas non plus par la hausse de l'abstention et des blancs/nuls...De là à penser qu'il y a pu avoir des reports de voix Mélenchon supérieurs à 5% dans ces bureaux, il n'y a qu'un pas, que je me permets de franchir. Cependant cela reste très ponctuel tout de même; et donc je ne généraliserai pas.
Concernant les reports Mélenchon de départements ruraux ou ouvriers vers Le Pen, je maintiens que ce niveau de report est là supérieur aux 15% envisagés par les sondages. Il est possible qu'une partie de la hausse Le Pen dans le Sud-Ouest soit due à Lassale, mais si l'on se penche sur les votes des communes rurales du sud-ouest on a du mal à discerner une logique dans les reports de ce vote. A mon avis, le vote Lassale a une dimension régionale et notabiliaire dans le sud-ouest, et ses voix ont tout aussi bien pu aller vers Le Pen que vers Macron (cf : faible score de Le Pen dans son département du 64, il est vrai historiquement faible pour le FN de tout temps). A l'inverse, le score de Le Pen dans certaines villes "rouges" (Fos sur Mer, Firminy, Allier intérieur) ne peut pas s'expliquer sans des reports de voix Mélenchon ou Roussel au 2ème tour (et pas seulement à Saint Amand pour ce dernier bien sur). Je vous accorde que ce vote rural et ouvrier ne représente pas la majorité des voix Mélenchon de 1er tour, mais il n'est pas négligeable pour autant. Je serais plus sceptique sur le passage "direct" d'électeurs Mélenchon du 1er en 2017 vers MLP dès le 1er tour en 2022 (ne pas oublier que Roussel a fait 2,3% et que les zones de baisse importante de Mélenchon sont souvent liées au score Roussel), mais ce sont ces électeurs là que je vois voter MLP au 2ème tour notamment.
Pour ce qui est des reports Zemmour, vous utilisez le raisonnement inverse de celui que vous appliquez pour Mélenchon. Vous me dites : OK les reports sont mauvais dans les métropoles, et banlieues/communes riches, mais il sont bons dans les zones rurales, qui sont importantes dans son vote global (contrairement à ce que vous semblez dire pour Mélenchon, dont le vote rural serait négligeable, ce qui est contestable). C'est en partie vrai (et encore, certaines communes rurales très zemmouriennes n'ont pas voté MLP au second tour), mais c'est surtout que si vous considérez que l'électorat Mélenchon est majoritairement issu des métropoles et des banlieues (ce qui est vrai), que dire de l'électorat Zemmour? La grande majorité de ses voix est issue de communes riches et/ou peuplées. Aussi, ses voix en milieu rural ont peu de poids dans l'étude des reports globaux... Et le fait est que les reports des voix Z dans les métropoples et banlieues riches ont été médiocres vers MLP.
Par ailleurs, je m'explique sur la distinction entre vote rural et vote urbain. Le vote RN a bénéficié d'un certain succès dans les grandes villes jusqu'en 2002 grosso modo (avec un pic atteint en 1995 dans la plupart des grandes villes pour ce qui est du score de premier tour, 1988 voire 1984 à Paris vous avez raison). Depuis lors, le RN régresse dans ces villes, sans doute en raison de la baisse de l'importance des thématiques liées à l'immigration dans les métropoles, du poids de la diabolisation sur les populations de type CSP+ (notamment sur le sujet de l'Europe), et aussi des changements sociologiques (baisse de la part des ouvriers). Ce vote FN des années 80/90/2000 dans les villes (je ne parle pas du vote des villes en tant que tel) était avant tout motivé par le sujet de l'immigration. Le vote MLP depuis 2012 s'est beaucoup diversifié/nationalisé et ruralisé, sur d'autres thèmes (pouvoir d'achat...), et je persiste, il est beaucoup moins lié aux thématiques "traditionnelles du RN". Si je devais résumer le RN est désormais le parti de la France des oubliés, exactement comme le M5S l'était en Italie (cf : les scores de ce parti en Italie du Sud avant son arrivée au pouvoir, qui étaient tout aussi impressionnants que ceux du RN actuellement). Je ne dis pas que les dynamiques sont absolument similaires, il y a toujours un élément lié à l'immigration dans le vote RN, mais la dimension de protestation "pure" est beaucoup plus forte désormais. Or, la dimension protestataire est beaucoup plus volatile que le vote "anti immigrés" des origines du FN. Regardez la chute du M5S après son arrivée au pouvoir en Italie, et vous pouvez imaginer le destin du RN si MLP avait gagné cette élection. En attendant, avec le confort de l'opposition, elle ne les perdra pas tout de suite j'en conviens, mais Le risque pour elle est que cet électorat ne se soit mobilisé que pour la présidentielle, et vote beaucoup moins aux législatives, voire vote pour ses "notables" locaux connus (même si avec la fin du cumul des mandats, cet élément est beaucoup moins fort).
Enfin, je persiste à penser qu'une gauche recentrée sur les questions sociales et mettant sous le boisseau ses lubies sociétales aurait un vrai coup à jouer avec cet électorat. On le verra dans les seconds tours gauche/REM hors métropoles à mon avis aux législatives...Mais il est vrai que je pense aussi que la gauche va rater encore une fois le coche sur cet angle là , les leaders LFI ne sont pas vraiment pas élus de circonscriptions, où ils peuvent voir ses logiques là apparaître.