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Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Forum général sur l'actualité politique du moment. Discutez ici de l'action de la Présidence, des décisions gouvernementales, des projets ou propositions de lois ainsi que de toutes les démarches de l'opposition.

Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede Zimmer » Jeu 28 Juil 2011 22:53

vudeloin a écrit:Ensuite, la vérité de l'examen du texte commande de dire que les parlementaires, en l'adoptant éventuellement avec la majorité qualifiée pour cela ( les fameux trois cinquièmes ) se mettraient pratiquement en situation de ne plus servir à rien, dès lors que les équilibres financiers de l'Etat, comme de la Sécurité Sociale, seraient fixés par " dialogue " entre le Gouvernement et la Commission européenne et traduits dans des lois cadres préemptant lois de finances et lois de financement de la Sécurité Sociale, ces mêmes lois ayant le monopole des mesures de modification des règles fiscales, réduisant à zéro, en incidence financière, la moindre proposition de loi de source parlementaire..
la Règle d'or, c'est juste le triomphe de la technocratie sur la démocratie, rien de plus !


C'est bien là que le clivage droite-gauche devrait se situer, il me semble, et non sur le seul fait (même si c'est vrai) que la présidence Sarkozy a battu tous les records en terme d'aggravation du déficit, comme le clame le PS. En même temps, la posture de celui-ci reste dans la logique du tournant, que certains qualifient de "social libéral", qu'il a opéré, lorsqu'il était au pouvoir, en 1983...
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede vudeloin » Sam 30 Juil 2011 18:00

Pour faire suite au message de Zimmer, le fait est qu'on est, avec cette règle d'or, en présence d'une forme de technicisation de l'action politique qui, sur le fond, met un terme à la moindre idée de controverse politique et idéologique.
Qu'il y ait utilité de réduire les déficits publics, c'est une chose, ne serait ce que parce que nous consacrons environ l'équivalent du produit de l'impôt sur le revenu à payer le service de la dette de l'Etat, mais encore faut il savoir comment et pourquoi.
Une politique de régression de la dépense publique ( cela s'appelle aujourd'hui la RGPP ) est une politique qui étouffre dans l'oeuf la moindre capacité de croissance économique durable et créatrice d'emplois.
Quand on dépense moins pour la culture ou l'éducation, on finit toujours par constater, avec quelque amertume, que nous n'avons pas les jeunes formés pour exercer tel ou tel métier...
La bonne blague ! On coupe à la racine l'arbre porteur des fruits de la dépense collective d'éducation et après on se retrouve avec 150 000 jeunes sans diplôme par génération...
Regardez donc combien cela peut il coûter, l'accompagnement social et professionnel de 150 000 exclus d'un système scolaire à bout de souffle ?
Mais soit, gouverner c'est prévoir, pas se contenter de compter !
vudeloin
 
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede vudeloin » Mer 17 Aoû 2011 23:10

Un article un peu ancien, commis pour aider certains décideurs à y voir plus clair, mais qui me semble avoir aujourd'hui quelques résonances...

NICHES FISCALES : VERS LA JUSTICE ET L’EGALITE ?

Confronté à des difficultés majeures en matière de finances publiques, le Gouvernement prépare une loi de finances pour 2009 dans un contexte délicat.

Contrairement aux attentes et aux intentions affichées depuis le printemps 2007, la croissance économique ne semble pas au rendez vous de la politique gouvernementale, pas plus d’ailleurs que l’amélioration durable du pouvoir d’achat des familles populaires, celle de l’emploi ( la baisse du chômage ayant manifestement une origine liée à la démographie ) ou celle de la situation générale des comptes publics et sociaux.

Dans ce contexte, il y a fort à parier que l’un des instruments de réduction des déficits que l’équipe Sarkozy Fillon Lagarde entend mettre en œuvre est la réduction du nombre et de l’impact de la dépense fiscale, ce que la presse appelle, parfois un peu abusivement, les ‘ niches fiscales ‘.

UNE AFFAIRE ENGAGEE DE LONGUE DATE

Ce n’est pas d’hier que la fiscalité dite dérogatoire est au centre des préoccupations du Gouvernement, comme d’ailleurs des parlementaires.

Le Conseil National des Impôts, dans l’un de ses rapports annuels publié en 2003, et portant sur la fiscalité dérogatoire, soulignait alors ( nous citons )

I. Les dépenses fiscales représentent un enjeu budgétaire important.

Le nombre et le coût des dispositions fiscales dérogatoires sont élevés en France. Actuellement, on recense, pour les seuls impôts dont le produit est affecté à l’Etat, plus de 400 dispositifs. Ce chiffre n’a cessé de croître. Environ la moitié des mesures recensées font l’objet d’un chiffrage, pour un coût total d’environ 50 Md€, soit 3% du PIB et 20% des recettes fiscales nettes de l’Etat. Le coût des dispositifs nouveaux introduits entre 1997 et 2001 (dernier résultat connu) s’élève en 2003 à près de 9 Md€, les mesures nouvelles les plus significatives étant la prime pour l’emploi (coût estimé à plus de 2,1 Md€ en 2003) et le taux réduit de TVA sur les travaux d’amélioration des logements de plus de deux ans (3,5 Md€).

Ces mesures fiscales dérogatoires concernent tous les impôts : l’impôt sur le revenu est cependant particulièrement concerné, l’estimation des dépenses fiscales représentant environ 60% du produit net de cet impôt, contre 37% en 1980.

Toutefois, les mesures ainsi recensées ne constituent pas toutes à proprement parler des dispositions fiscales dérogatoires mais peuvent participer à l’équilibre général de l’impôt.

Comparativement à d’autres pays, la France se singularise par un nombre élevé de dépenses fiscales. Le Royaume-Uni ou l’Allemagne par exemple comptent ainsi environ deux fois moins de dépenses fiscales. En revanche, le poids des dépenses fiscales en France est inférieur à celui de nombreux pays, comme le Canada et le Royaume-Uni (où il représente environ 15% du PIB), ou les Etats-Unis et l’Espagne (environ 6%).
( fin de citation )

Et le rapport du Conseil National des Impôts formulait un certain nombre de propositions en faisant mieux connaître les dépenses fiscales, par distinction, au sein des dépenses fiscales, des allégements structurels et des instruments de politique publique, rendant plus transparente l’estimation du coût des dépenses fiscales, en améliorant l’information en matière de fiscalité dérogatoire locale et sociale, mais aussi par une politique visant à mieux encadrer la possibilité de recourir à des dispositifs dérogatoires., notamment en justifiant le choix de l’instrument de politique publique en fonction des objectifs recherchés, ou encore en évaluant les effets des dépenses fiscales rattachées à des programmes budgétaires.

Ce qui conduisait aussi le Conseil à préconiser de ( nous citons de nouveau )

Réexaminer les régimes dérogatoires existants en vue d’une fiscalité plus simple, plus juste et plus efficace.

Une troisième série de propositions porte sur la simplification des régimes fiscaux dérogatoires.
L’enjeu d’une telle réforme est double :
- Une simplification devrait permettre, à partir de règles plus claires, de rendre la fiscalité plus équitable. Il s’agit de limiter les inconvénients du système actuel où les avantages accordés à certains groupes de bénéficiaires ne sont justifiés ni par des considérations d’intérêt général ni des préoccupations de cohérence économique.
- Une simplification contribuerait en outre à rendre la fiscalité plus efficace.
Un impôt établi sur la base d’une législation peu lisible est exposé à une moindre acceptabilité de la part des contribuables, à un risque accru d’évasion fiscale et à un coût de gestion lourd pour l’administration. Revenir à des principes plus clairs permettrait de réduire ces différentes sources d’inefficacité.

L’idée aurait pu être avancée d’une vaste réforme de la fiscalité, et notamment de l’imposition des revenus, conjuguant la suppression d’un grand nombre de dépenses fiscales à une baisse des taux d’imposition.

Intellectuellement séduisante, cette option présenterait toutefois plusieurs inconvénients lourds, qui pourraient entrer en contradiction avec l’objectif de simplification recherché. Elle risquerait en effet de se traduire par la remise en cause d’allégements structurels de l’impôt, dont la plupart sont anciens, par des transferts de charges au détriment des familles, des personnes âgées, des invalides et des foyers aux revenus les plus modestes, et par une atténuation de la progressivité de l’imposition des revenus.

Aussi apparaît-il plus réaliste de proposer de suivre une démarche de simplification de la fiscalité qui consiste à ne réexaminer que les dispositifs fiscaux dérogatoires les plus critiquables, sans remettre en cause les allégements structurels qui font partie de l’équilibre de l’impôt.

( fin de citation )

On le voit, les termes du débat sont posés depuis plusieurs années. L’un des problèmes étant que, loin de se conformer aux recommandations du Conseil national des Impôts, les gouvernements de droite qui se sont succédés depuis 2003 n’ont pas cessé de créer de nouveaux dispositifs fiscaux dérogatoires ; accroissant de fait le niveau des dépenses fiscales avec, en corollaire, comme chacun a pu le voir ces derniers temps, la stagnation et souvent la réduction de la dépense budgétaire directe.

LE RAPPORT MIGAUD CARREZ

C’est dans ce contexte que la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, sous la direction de son Président ( l’ancien rapporteur général du Budget Didier Migaud, député PS de l’Isère ) et de son Rapporteur Général ( Gilles Carrez, député Maire UMP du Perreux sur Marne ) vient de publier un rapport d’information sur les niches fiscales, sous le numéro 946, qui procède à une révision générale de ces politiques.

Les intentions du rapport sont précisées d’ailleurs par le Président socialiste de la Commission des Finances qui indique liminairement ( nous citons )

Aborder le thème de la réforme fiscale suppose inévitablement de faire la part des principes et de la méthode. D’un côté, la Représentation nationale est dépositaire du consentement à l’impôt, chargée d’approuver périodiquement le « contrat fiscal », codicille du contrat social, qui lie la Nation à l’État ; de l’autre, elle est le législateur qui doit demeurer soucieux de l’intelligibilité et de l’accessibilité du droit fiscal. D’un côté, il faut s’assurer que l’impôt respecte les prescriptions de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes duquel « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; de l’autre, il s’agit de faire en sorte que l’impôt réponde à des critères de simplicité et de rendement.
Et précise
Les auditions que nous avons menées, comme les déplacements que nous avons effectués, ainsi que les données que nous avons pu consulter, nous ont permis de confirmer le constat d’une multiplication de dispositifs fiscaux dérogatoires, dont l’efficacité n’est pas évaluée et, semble-t-il, peu assurée. Le rapport propose des moyens pour parvenir à une plus grande rigueur dans leur évaluation, et à leur suppression si elles ne sont pas ou plus légitimes. C’est bien le moins que l’on puisse proposer face à l’évolution déraisonnable des niches fiscales, dont les documents budgétaires pour 2008 indiquent qu’elles sont au nombre de 486 et représentent un coût cumulé de quelque 73 milliards d’euros, soit plus du quart des recettes fiscales nettes
Le rapport confirme également l’existence de brèches dans l’équité de l’impôt sur le revenu (IR). Il en offre une analyse exhaustive et propose des préconisations précises, qui peuvent être mises en œuvre sans délai. D’une certaine façon, c’est la technique au secours de la philosophie : notre IR contient des failles permettant qu’il soit éludé, avec plus ou moins de bonne foi, dans des proportions qui heurtent la justice fiscale et minent le consentement à l’impôt ; cinq brèches sont bien identifiées ; colmatons-les (1).
Mais quid de la philosophie au secours de la technique ? Que ferons-nous si, par un malheureux hasard, telle ou telle des brèches à colmater ne l’est pas avec tout le soin que nous recommandons ? Surtout, compte tenu de l’arsenal existant des quelque 189 niches fiscales propres à l’IR, qui pourra garantir qu’aucun conseiller fiscal ne sera assez habile pour offrir à des contribuables très aisés d’autres voies vers une réduction manifestement excessive, en équité, de l’impôt dû ? On voit bien qu’un plafonnement analytique, « niche par niche », n’offre pas de réponse qui soit à la hauteur de l’enjeu : outre qu’il nécessite, dispositif par dispositif, des arbitrages parfois difficiles, il ne répond pas aux questions soulevées à propos de la justice fiscale et de l’efficacité des mesures prises au regard des objectifs affichés.
Ce qui conduit l’intéressé à préciser le fond de sa pensée ( nous citons toujours )
C’est la raison pour laquelle il m’apparaît indispensable d’en appeler résolument, comme le fait la troisième partie de ce rapport, à une réforme fiscale de plus grande ampleur assurant qu’aucun contribuable ne pourra s’affranchir de sa juste contribution au financement des charges publiques. Une réforme fiscale pour des prélèvements plus justes, plus efficaces, plus simples et plus transparents devrait être un chantier prioritaire. C’est ce que les députés socialistes s’efforcent de proposer depuis plusieurs années déjà ; c’est le débat que j’ai personnellement contribué à faire vivre encore récemment, dans un rapport d’information de mars 2007 (2), comme avec des amendements déposés en loi de finances, et même dès le tout début de la législature, dans le cadre de la loi dite « TEPA » (3) : il me paraissait notamment impératif, alors que le Gouvernement s’employait à renforcer le bouclier fiscal, de chercher à éviter que ne s’émousse le glaive de la justice fiscale.
Et de proposer entre autres :
L’impôt minimum alternatif paraît à bien des égards un moyen de réconcilier technique et philosophie de l’impôt. S’il a été possible en effet de mettre en place un bouclier fiscal, rien ne justifie que l’on ne parvienne pas à mettre en place ce qui pourrait constituer son « miroir » sous la forme d’un impôt minimum ; non pas un impôt universel que tous devraient acquitter quelles que soient leurs facultés contributives, ou une forme de « flat tax » qui substituerait une imposition proportionnelle à l’imposition progressive : à bien des égards, la CSG joue d’ores et déjà ce rôle.
Mais bien un impôt alternatif, avec un abattement à la base, et dont les taux suivraient un barème alternatif propre à corriger les défauts que connaît la progressivité actuelle de l’IR. Ainsi, nous nous doterions d’un filet de sécurité, ou plutôt d’un « filet d’équité », à même de garantir qu’aucun contribuable ne réduise son impôt de manière excessive au regard de ses facultés contributives, par quelque moyen que ce soit. Ce faisant, nous donnerions corps au souhait formulé par le constituant de 1789 dans l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
*
Le rapport gouvernemental d’octobre 2007 conclut sur l’idée selon laquelle la France dispose déjà d’une imposition minimale des revenus : la contribution sociale généralisée (CSG). Certes, mais cela ne signifie pas que l’imposition globale des revenus ainsi réalisée soit suffisamment juste et efficace. Il serait même plus pertinent de réfléchir à une amélioration en profondeur de l’existant, comme je m’y essayais dans mon rapport de mars 2007. Si l’on veut lier cette réflexion aux thèmes traités dans le présent rapport, alors l’alternative est la suivante :
− soit il convient de rapprocher, voire de fusionner l’IR et la CSG afin de mettre en place un véritable impôt citoyen dans notre pays, globalement progressif et plus équitablement réparti ;
− soit, tant que le fragile pilier de l’imposition progressive des revenus en France demeure le seul IR, il convient d’assortir celui-ci d’un dispositif d’impôt minimum afin de rendre cet impôt plus citoyen qu’il ne l’est aujourd’hui.
( fin de citation )

Citons également les termes de l’avant propos de Gilles Carrez : ( les passages en gras étant du fait de l’auteur, contrairement au texte de Didier Migaud dont nous avons jugé utile de pointer certains aspects )
La dépense fiscale est, en soi, un bon outil de politique économique et sociale. Il est en effet parfaitement légitime de créer des régimes fiscaux dérogatoires, afin de favoriser tel comportement économique ou de modifier la distribution des richesses nationales.
Cependant, les dépenses fiscales se sont, au fil des années, multipliées dans des proportions excessives. Elles ont progressivement démembré des pans entiers de notre fiscalité. Aujourd’hui, l’utilisation des « niches » fiscales permet à certains contribuables d’échapper à l’impôt, et la superposition des régimes dérogatoires nuit à l’efficacité de notre système fiscal. Ce sont ainsi les fondements de notre fiscalité qui sont mis à mal.
Comment, dans ces conditions, maîtriser les dépenses fiscales pour rendre l’impôt à la fois plus juste et plus efficace ? C’est pour tenter de répondre à cette question ambitieuse que notre commission des Finances a créé une mission d’information.
L’exercice n’était pas facile, tant le nombre et la diversité des dépenses fiscales compliquent leur évaluation, et, aux termes des nos travaux, j’ai bien conscience que nous n’avons pas épuisé pas la question.
La mission d’information a néanmoins réussi à rassembler l’ensemble des groupes politiques autour d’une quarantaine de propositions concrètes. C’est à mes yeux son principal mérite. À travers le présent rapport, le Gouvernement dispose ainsi d’une « feuille de route », susceptible de rassembler toutes les sensibilités politiques autour de trois convictions unanimes.
Première conviction : la dépense fiscale n’est plus une question purement fiscale, elle est devenue un enjeu budgétaire crucial pour l’avenir de nos finances publiques. Sur ce point, tous les membres de la mission d’information sont tombés d’accord pour que nous nous dotions des règles de gouvernance indispensables à la maîtrise des dépenses fiscales.
Deuxième conviction : pour rétablir l’équité de notre fiscalité, il est indispensable d’encadrer les dépenses fiscales qui actuellement ne sont pas plafonnées. Les plus gros contribuables optimisent en effet leur situation fiscale en recourant massivement aux dispositifs non plafonnés. La mission d’information est convaincue qu’il est possible de mettre fin à ces dérives, tout en maintenant l’aide fiscale bénéficiant aux secteurs concernés, et émet dans ce sens des propositions précises.
Enfin, troisième conviction, un encadrement des dépenses fiscales non plafonnées n’est pas suffisant : il n’empêchera pas aux contribuables aux revenus très élevés de combiner plusieurs dispositifs pour continuer à échapper à l’impôt. La mission d’information s’est donc prononcée en faveur d’un plafonnement global.
( fin de citation )

Cette conversion soudaine de certains à l’égalité fiscale interroge.

Comme le souligne le rapport d’information, ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros qui sont en jeu et qui participent aujourd’hui de ce qui est, aussi étrange que cela puisse paraître, le premier budget de l’Etat.

En effet, aucune mission budgétaire ne présentait, en cette loi de finances 2008, d’engagements de crédits à hauteur de 73 milliards d’euros.

RAPPEL DE QUELQUES ASPECTS

On ne peut cependant oublier dans ce débat que la croissance et l’embellissement de l’appareillage de la dépense fiscale ne constitue qu’une partie de la réalité de la transformation de l’impôt ( ou des cotisations sociales ) comme instrument de politique budgétaire.
La logique intellectuelle devrait en effet ajouter au montant très élevé de la dépense fiscale les recettes fiscales que l’Etat consacre à alimenter des dotations budgétaires ou des fonds dédiés à la prise en charge de certaines obligations fiscales et sociales des entreprises.

C’est notamment vrai pour le transfert de ressources fiscales destiné à compenser les allégements de cotisations sociales ( 31 milliards d’euros au dernier décompte…) ou encore l’alimentation de la dotation destinée à suppléer l’exclusion de la part taxable des salaires au titre de la taxe professionnelle ( plus de 12 milliards d’euros aujourd’hui…).

Un des autres aspects clés du débat est le caractère parfois fragmentaire de l’évaluation des dépenses fiscales.

Le document budgétaire «  Evaluation des voies et moyens – Tome II «  comprend ainsi moult dispositifs dont l’estimation est inconnue.

Si l’on s’en tient aux mesures chiffrables et chiffrées, l’Etat consacre 27 732 millions d’euros à alléger l’imposition des entreprises au titre de la TVA, de l’impôt sur les sociétés ou encore de la TIPP.

Soulignons notamment dans cet ensemble conséquent les 4 milliards perdus dans le régime spécifique d’imposition des plus values, ou encore les 620 millions perdus au titre du régime du bénéfice mondial consolidé.

Mais certaines mesures ne sont pas rapportées dans le document d’évaluation, et singulièrement le report en arrière des déficits fiscaux.

Des mesures à effet mixte pour les ménages et les entreprises sont ensuite répertoriées.

Elles constituent une dépense fiscale chiffrée totale de 3 356 millions d’euros, essentiellement pour l’exemption des contrats d’assurance maladie complémentaire et la détaxation des biocarburants.

Enfin, les dépenses fiscales chiffrées en direction des ménages recouvrent un ensemble de 41 835 millions d’euros, avec un accent particulier mis sur les revenus du capital et la fiscalité du patrimoine.

Ainsi, les dispositifs propres aux revenus de capitaux mobiliers et au patrimoine recouvrent près de 9 milliards d’euros au seul titre de l’impôt sur le revenu ( un sixième du produit de l’impôt et bien plus que la contribution de ces revenus au rendement de l’impôt ), tandis que l’ISF est ponctionné de 777 millions d’euros au total ( plus de 15 % du rendement de l’impôt ) et que la fiscalité des transmissions est allégée de 965 millions d’euros, dont l’essentiel profite aux grosses successions et donations.

Ce qui tend à prouver que la dépense fiscale s’est, de manière prioritaire, manifestée ces derniers temps en direction des revenus les plus importants et des plus grandes entreprises.

Dans un autre ordre d’idées, aucune étude d’impact n’a été effectuée quant au changement de barème de l’impôt sur le revenu, qui a permis aux très hauts revenus de bénéficier d’une très importante réduction de leur cotisation, suite à l’intégration de l’abattement de 20 % dont tiraient parti salaires et pensions, par le passé.

Les plus récentes discussions législatives et parlementaires ont d’ailleurs fait la part belle à la dépense fiscale ( voir la loi TEPA avec la défiscalisation des heures supplémentaires, par exemple ) au détriment de la dépense budgétaire.

C’est vrai notamment quand on aborde des questions comme celle du logement où les différents dispositifs d’incitation à l’investissement immobilier ( Besson, Borloo, De Robien, etc…) coûtent plus cher que les engagements budgétaires directs de la mission budgétaire ‘ Ville et Logement ‘.

En définitive, tout porte à croire que nous avons atteint les limites de l’exercice et qu’aller encore plus loin sur la question de la dépense fiscale conduira à mettre un terme à une égalité devant l’impôt déjà largement obérée…

QUE FAIRE ?

User de la dépense fiscale, c'est rompre par principe le principe d'égalité devant l'impôt.

Quand la dépense budgétaire est en effet par principe neutre et partagée par tous, la dépense fiscale ne s’adresse, bien souvent, qu’aux initiés et à ceux qui la font jouer.

L’un des exemples les plus caricaturaux de cette iniquité profonde de la dépense fiscale réside dans la dépense liée aux emplois à domicile, qui est prise en compte ‘ plein pot ‘ pour l’employeur, pouvant le conduire à la non imposition de fait, tandis que le salarié ( ou le plus souvent la salariée ) concerné-e peut, pour sa part, se retrouver en situation de payer l’impôt sur le revenu.

La même idée vaut pour le bouclier fiscal dont le succès tout relatif montre surtout qu’il a, de manière évidente, été surtout utilisé par des contribuables plutôt aisés et singulièrement assujettis à l’ISF.

Peut on se contenter d’un simple toilettage de la fiscalité dérogatoire ?

A l’évidence, non.

Et il est d’ailleurs sensible de constater que le rapport Migaud – Carrez, malgré de nombreuses informations utiles, polarise l’attention sur le seul impôt sur le revenu, alors que nous venons tout de même d’indiquer qu’une bonne part de la dépense fiscale connue portait sur d’autres contributions.

Cette polarisation pourrait dès lors trouver un écho favorable du côté du Gouvernement qui procéderait dès lors à la mise en question de quelques mesures de caractère symbolique ( dispositif Malraux, investissements dans les DOM TOM par exemple ), communiquant bruyamment sur l’égalité fiscale, mais en n’en faisant pas trop sur la motivation essentielle de tout cela, c'est-à-dire la réduction des déficits publics dans le cadre des critères européens de convergence.

Mais on peut envisager les choses autrement.

D’une part, une analyse critique de chaque disposition dérogatoire, de son efficacité sociale et économique, de sa pertinence.

Il existe, dans le droit fiscal, des dispositifs dérogatoires qu’on ne peut chiffrer et dont aucune analyse n’a pu établir le bien fondé.

Les supprimer allégerait déjà considérablement le droit.

Mais on peut aussi se demander si tel ou tel dispositif est parfaitement juste ( taux d’imposition des plus values par exemple ) et concourt aux objectifs généraux de la politique économique.

D’autre part, procéder à un vaste reprofilage de l’ensemble de la dépense fiscale, en vue notamment de lui substituer ce qui n’aurait jamais du être remis en question, c'est-à-dire la dépense budgétaire directe.
Les marges dégagées à la suppression de certains dispositifs fiscaux dérogatoires ne peuvent servir exclusivement, comme on peut le craindre, à la réduction comptable du déficit budgétaire.

Ce que nous gagnerions en justice à supprimer tel ou tel dispositif portant atteinte à l’égalité devant l’impôt sera oublié alors même qu’il importe de redonner tout son sens et sa qualité à la dépense publique directe.

Ce qui est notamment vrai pour la politique de l’emploi qui a, entre autres défauts, de privilégier dépense fiscale et recettes fiscales dédiées en substitution aux dépens de tout effort budgétaire direct pour la sécurité de l’emploi, le développement de la formation, le soutien aux petites et moyennes entreprises.

EN GUISE DE CONCLUSION

Ceux là mêmes qui, depuis plusieurs années, ont beaucoup pêché en multipliant dispositifs dérogatoires et incitations diverses sont ceux qui nous appellent aujourd’hui à la sagesse et à la mesure.

Nous pouvons partager leur volonté, mais nous ne devons pas l’associer à la persistance d’une politique de réduction de la dépense publique, au travers de la RGPP et des lois de finances, qui marque le déclin du rôle de l’Etat et des administrations publiques dans la vie de la Nation.

Ce qui est par contre certain, c’est que nous devons opter délibérément pour une mise en déclin de la dépense fiscale, restaurant pour aujourd’hui et l’avenir les marges de manœuvre nécessaires pour répondre aux besoins collectifs.

C’est cela que doivent imposer le débat d'idées et le mouvement social : faire en sorte que l’impôt, enfin, au lieu d’être un enjeu de débat entre spécialistes, soit de nouveau l’outil dont l’ensemble de la société a besoin pour répondre aux attentes de ses membres.
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede hartman » Mar 23 Aoû 2011 20:03

Je pense que pour sortir du bourbier économique où nous sommes, il faut mettre en place des règles strictes à respecter. Ces "règles d'or" sont un bon début mais je doute que cela soit suffisant. Il sera nécessaire pour la population, dans son ensemble, de faire des sacrifices qui, comme leurs noms l'indique, ne se feront pas de gaité de coeur. De plus, il faudrait que nos gouvernants et le courage d'aller jusqu'au bout et peut être même plus loin ...
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede Nico » Mar 23 Aoû 2011 22:55

hartman a écrit:Je pense que pour sortir du bourbier économique où nous sommes, il faut mettre en place des règles strictes à respecter. Ces "règles d'or" sont un bon début mais je doute que cela soit suffisant. Il sera nécessaire pour la population, dans son ensemble, de faire des sacrifices qui, comme leurs noms l'indique, ne se feront pas de gaité de coeur. De plus, il faudrait que nos gouvernants et le courage d'aller jusqu'au bout et peut être même plus loin ...


Peut-être serait-il bien, dans un premier temps, d'instaurer des symboles dans ces sacrifices. L'idée de Jean-Louis BORLOO de baisser les revenus des Parlementaires et des membres du Gouvernement de 5% n'est pas si absurde. Certes, ça reste du domaine du symbole, les économies réalisées ne sont pas du tout à la hauteur, mais ce sont des économies!

Pour aller plus loin, pourquoi ne pas envisager une baisse plus sévère, mais nécessaire de 40%, mais étendue aux membres du Gouvernement, aux Sénateurs, aux députés et au Président de la République (souvenons-nous de la hausse de +120% il me semble!)?

*Pour le Président de la République, il gagne 21 026€/mois (-40%=12 616€/mois), soit une économie de 8 410€.
*Pour nos 577 députés gagnant 8 231€/mois (-40%=4 939€/mois), soit (3 292*577) une économie de 1 899 484€.
*Nos 348 Sénateurs en septembre gagneront 8 272€/mois (-40%=4 963€/mois), soit (3 309*348) une économie de 1 151 532€.
*Mr FILLON gagne 21 026€/mois, comme pour le Président de la République, l'économie est de 8 410€.
*Nos 24 Ministres ont 14 017€/mois (-40%=8 410€/mois), soit une économie de (5 607*24) 134 568€.
*Les 9 Secrétaires d'Etat touchent 13 316€/mois (-40%=7 990€/mois), soit une économie (5 326*9) de 47 934€/mois.

En faisant une mesure simple, compréhensible et naturelle, l'économie serait de 3 250 338€/mois!!

C'est un chiffre énorme: 3 millions et un peu plus, et encore, je ne compte pas tous leurs privilèges et n'ait pris nullement en compte les cas des Présidents LARCHER et ACCOYER que j'ai considéré comme simple Parlementaires.
Comme quoi, des économies, quand on veut en faire, on peut en faire! :!:
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede vudeloin » Mer 24 Aoû 2011 11:52

hartman a écrit:Je pense que pour sortir du bourbier économique où nous sommes, il faut mettre en place des règles strictes à respecter. Ces "règles d'or" sont un bon début mais je doute que cela soit suffisant. Il sera nécessaire pour la population, dans son ensemble, de faire des sacrifices qui, comme leurs noms l'indique, ne se feront pas de gaité de coeur. De plus, il faudrait que nos gouvernants et le courage d'aller jusqu'au bout et peut être même plus loin ...


Des sacrifices ? Mais lekeldon ?
Parce que, mine de rien, vu que ce message n'apporte aucune information nouvelle, il faut tout de même préciser que ce n'est pas l'enflure des dépenses publiques qui est à l'origine des déficits cumulés et de la dette...
Aurais je eu la faiblesse de penser que la lecture du long message sur les niches fiscales et de " l'histoire à épisodes" ne paraissaient pas assez claires pour montrer que c'est la réduction continue des recettes fiscales et sociales qui est à l'origine de la situation actuelle, avant toute chose ?
Et l'échec du pari du " bon usage " des baisses d'impôts et de cotisations par ceux en disposant ?

Après, sur les sacrifices, comme nous sommes tout de même la seconde économie de la zone euro, et la cinquième du monde, on peut se demander pourquoi nous n'aurions pas les moyens, entre autres, d'assurer une bonne couverture maladie à l'ensemble de la population...
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede vudeloin » Mer 24 Aoû 2011 22:44

Les derniers messages ici publiés et l'annonce des mesures Fillon censées permettre la réduction des déficits appelle évidemment quelques observations que je livre à la critique de chacun sur le forum !

Dans un premier temps, il conviendrait de se demander si ou ou non la situation et l'équilibre de notre fiscalité peuvent permettre de considérer que l'état actuel des dispositifs fiscaux en vigueur, quelque soit l'impôt d'ailleurs, soit placé sous les auspices de l'égalité.

Le problème, c'est que les quarante dernières années fiscales ont été marquées, de manière générale, par un allégement constant des impôts pesant sur les familles les plus aisées et les plus grandes entreprises, au regard des ménages les plus modestes et des petites et moyennes entreprises.

Même si certaines mesures ont été rapportées, le bouclier fiscal ou le crédit d'impôt recherche, cela n'a de sens que si l'on a des revenus et un patrimoine relativement conséquent ou qu'on doit effectuer de gros investissements de recherche développement.

( Surtout que, comme dirait l'autre, y a déjà la TVA déductible pour aider au financement de la recherche développement ).

Pour donner un exemple, une petite histoire.

Quand j'ai commencé à travailler il y a pas loin de trente ans, j'ai été embauché, à partir d'un traitement fixé par référence à l'échelle indiciaire de la fonction publique territoriale, l'équivalent de 1,6 fois le SMIC d'alors.

Toujours à la même époque, le taux maximal d'imposition à l'impôt sur le revenu était de 65 %...

Et la situation des comptes publics, déjà passablement dégradés, avait amené Jacques Delors à instaurer un emprunt obligatoire auprès des ménages les plus aisés.

Aujourd'hui, en 2011, si je devais être embauché aux mêmes conditions qu'à l'époque, je serais rémunéré à hauteur d'1,1 SMIC, mais, pendant ce temps, le taux d'imposition maximal est passé à 40 %...
En tout cas, au barème progressif, puisque, comme chacun sait, une part essentielle des revenus financiers et du patrimoine échappe à cette imposition, les modalités particulières de prise en compte propres à ces revenus permettant cette exclusion...

Bien entendu, on pourrait toujours se demander, pour ne donner que cet exemple, ce que des années de baisse du taux maximal d'imposition de l'IR et, par voie de conséquence, du rendement de l'impôt ont fini par coûter aux finances publiques.

Mais surtout de se demander quels résultats économiques tangibles peuvent être mis en regard de cet «  effort «  de longue haleine de baisse de l'impôt...

Donc, pour moi, au départ, ni les ménages ni les entreprises ne sont à proprement parler à égalité au regard de ce qu'ont été les dernières années en matière de fiscalité.

Aussi, parler désormais, comme l'a fait Valérie Pécresse, en présentant les mesures ce soir dans les studios de télévision, «  d'efforts équitables «  est au mieux une vue de l'esprit, au pire une escroquerie intellectuelle.

Ensuite, les mesures ont un caractère assez stupéfiant...

Parce que, franchement, augmenter la TVA sur les entrées au Parc Astérix ou à Eurodisney pour réduire les déficits publics, cela ne fait pas très sérieux.

Pas plus que n'est sérieuse la surtaxe de 3 % qui va toucher les revenus annuels supérieurs à 500 000 euros annuels...

Ladite taxe devrait rapporter entre 200 et 300 millions, somme que l'on pourra sans doute utilement comparer avec les deux milliards de baisse de l'ISF prévus par la loi de finances rectificative de juillet dernier !

Sur ce point, je me permets de noter d'ailleurs que la fameuse pétition des 16 grandes fortunes prêtes à payer plus était assortie d'un certain nombre de conditions, notamment en termes de baisse des dépenses publiques, qui montre décidément que la haute bourgeoisie française a toujours autant de peine avec la justice fiscale.

Pas question pour elle de payer plus si les autres ne font pas aussi quelques efforts.

D'ici à ce que la privatisation d'un certain nombre de services publics ( santé, éducation, pour ne citer que quelques exemples ) ne permette à quelques uns de se fabriquer quelques «  fromages «  de plus à exploiter, il n'y a sans doute qu'un pas que je me permets, sans complexe, de franchir.

Toujours est il qu'il n'aura échappé à personne que les mesures à plus fort rendement ne concernent pas les plus riches ( et surtout pas les entreprises qui ne sont touchées, et encore très à la marge, que sur la scandaleuse double exonération des cotisations sociales au titre des heures supplémentaires ) mais plus directement les droits de consommation.

Quant à la mesure sur les droits de mutation d'immeubles, elle risque fort d'être «  corrigée «  à la hausse par un nouveau relèvement des prix du marché, qui n'en a pourtant déjà pas besoin.

Bref, la seule chose intéressante, peut être, dans cette affaire, c'est que le Gouvernement a concédé que la croissance ne serait pas au niveau attendu au début de l'année, mais se situerait plutôt aux alentours de 1,75 %.

Peut être aussi qu'un de ces jours, nous finirons par savoir le fin mot de l'histoire quant à la consistance et la réalité d'une dette publique dont je rappelle qu'elle est perpétuelle depuis... François Ier !
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede Jean-Philippe » Ven 26 Aoû 2011 10:36

Même si les sondés sont largement favorables à la règle d'or (60% en moyenne, 81% à droite, 52 à gauche selon un sondage CSA), ils ne semblent pas tenir rigueur aux socialistes de leur refus de la voter.

http://www.lepoint.fr/economie/sondage-plus-d-un-francais-sur-deux-approuve-la-regle-d-or-25-08-2011-1366023_28.php

En effet, 57% ont davantage confiance dans le candidat PS, quel qu'il soit, pour réduire la dette et les déficits, contre 37% pour Nicolas Sarkozy selon BVA, 47% contre 35 pour Hollande face à Sarkozy, 44 contre 38 pour Aubry selon CSA.
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/08/26/97001-20110826FILWWW00205-primaire-ps-retour-de-dsk-pas-plebiscite.php
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede vudeloin » Sam 27 Aoû 2011 09:17

un sondage interne, en quelque sorte, dans lequel une partie de la presse tend à vérifier par elle même si l'exercice d'enfumage et d'angoisse auquel elle a pu se livrer tout l'été a rencontré quelque succès...
Parce que bon, qui peut être contre le fait d'avoir moins de dettes ?
Allez en effet demander cela à des sondés dont les préoccupations matérielles sont assez constantes ;)

Voilà qui va nécessiter encore quelques rappels !
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Re: Règle d'or budgétaire : solution ou aggravation ?

Messagede vudeloin » Sam 27 Aoû 2011 11:10

Pour prolonger le message précédent, deux trois observations.

La dette publique, dont on nous parle depuis quelques temps, recouvre de fait quatre éléments principaux.

Le plus important, et de loin, c'est la dette obligataire de l'Etat, ou de long terme.
Je dis dette obligataire mais encore faut il en regarder les composantes.

Fin juin 2011, dernière donnée disponible ( allez voir sur le site de l'Agence France Trésor, si vous le souhaitez au www.aft.fr ) nous avons une dette ainsi répartie :

Obligations à terme : 878 milliards d'euros ( il y en avait 641 fin 2007 après le vote de la loi TEPA )
Bons du Trésor à annuités ( titres de moyen terme ) : 252 milliards d'euros
Bons du Trésor sur Formule ( titres de court terme, forme nouvelle de trésorerie immédiate qui a remplacé les concours de la Banque de France en usage dans les années 60 ) : 189 milliards d'euros.

C'est, faut il le souligner, ce segment de la dette publique qui a connu la plus grande vitalité sur la période, signe des difficultés récurrentes de trésorerie d'un Etat qui a, au fil du temps, abandonné une bonne part de ses recettes fiscales antérieures au motif de faciliter les agissements des acteurs économiques.

Quand Nicolas Sarkozy sollicite, en 2009, le concours du Ministère des Finances pour que les entreprises se voient remboursées par anticipation de tous les crédits d'impôt sur les sociétés dont elles pouvaient disposer, il y a une conséquence immédiate à ce choix : le niveau des Bons du Trésor sur Formule progresse et atteint le pic historique de 214 milliards d'euros en fin d'année !

Entraînant par là même la naissance d'un risque plus patent de «  banqueroute «  puisque la durée de vie moyenne de la dette s'en réduit d'autant ( les BTF sont émis pour un an ).

Nous avons donc une dette publique qui représente aujourd'hui, fin juin 2011, 1 319 milliards d'euros, une quinzaine de milliards d'euros étant gagnée sur les opérations de «  swap «  qui peuvent l'assortir.

Le swap, pour aller vite, ce sont des mesures de négociation finale des tites de dette, notamment lorsque les conditions sont créées pour un échange de taux d'intérêt. Voir ce qu'en dit l'AFT


L’Agence France Trésor a conclu des contrats d’échanges de taux d’intérêt (« swaps ») avec des contreparties financières choisies parmi la liste des spécialistes en valeurs du Trésor. Afin de réduire la durée de vie moyenne, les swaps furent mis en œuvre de façon à substituer à une charge de taux fixe long une charge de taux fixe plus courte. Compte tenu des offres du marché, qui ne portent pas directement sur des échanges de taux fixes, mais se sont développées sur des échanges entre taux fixes et taux variables, ceci exige la réalisation de deux opérations liées : par la première, l’Etat reçoit un taux fixe associé à des maturités longues et paye un taux variable (court terme) ; symétriquement, par la seconde, il reçoit le taux variable infra-annuel et paie le taux fixe associé à des maturités intermédiaires, cela afin de réduire la volatilité de la charge de la dette induite par la première.




Sa durée de vie moyenne est aujourd'hui de 7 ans et 31 jours, c'est à dire supérieure à l'équivalent en annuités budgétaires de ce que représente l'encours même de la dette...

Il y aurait risque de faillite ou de banqueroute de la France, me semble t il, si nous avions une dette publique d'Etat dont la durée de vie était inférieure au nombre d'annuités de recettes budgétaires nécessaires pour la solder.

Cette durée de vie a cependant une contrepartie bien connue : celle qui veut que, plus on emprunte sur le long terme, plus le prêteur fait rémunérer son risque en relevant d'autant le taux d'intérêt pratiqué.

Donc, la dette publique de l'Etat représente la première partie de l'ensemble de la dette publique.

Elle est fondée, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, sur une accumulation progressive des déficits budgétaires, nonobstant le fait que, depuis fort longtemps, l'Agence France Trésor réalise de plus en plus d'adjudications de titres de dette destinés, tout simplement, à amortir les titres plus anciens.

Car le fait générateur de l'inscription de titres de dette, c'est leur adjudication et c'est ce qui en fait une dette négociable.

Principe simple : l'AFT émet pour x milliards d'euros d'obligations ou de bons du Trésor, assortis d'une proposition de taux d'intérêt ( ce n'est que là qu'intervient par exemple la question de la notation des Etats ).

Les opérateurs des marchés financiers ( banques, assurances, organismes de placement collectif, fonds d'investissement les plus divers ) indiquent leurs intentions ( cela se passe de manière électronique, bien entendu ) et manifestent leur intérêt pour le produit.

Si l'adjudication du jour est sur souscrite, c'est à dire si la demande s'avère supérieure à l'offre, l'AFT peut réduire le taux d'intérêt proposé jusqu'à disposer du volume d'achat correspondant à la demande de l'étage au dessus ( si j'ose dire ), c'est à dire le Ministère des Finances, puisque tout cela se déroule dans le «  paquebot «  planté au bord de la Seine sur le quai de Bercy.

Les variations sont faibles ( parfois 0,05 % ) mais 5 points de base sur une dette de long terme à 50 ans pour 10 milliards d'adjudication, cela peut finir par faire un certain montant...

On peut aussi se demander qui détient la dette, vu l'extrême rapidité avec laquelle les adjudications se déroulent ( on est loin des emprunts du passé avec souscription dans les bureaux de poste et campagne publicitaire audiovisuelle ).

Comme je viens de le dire, ce sont des entreprises du secteur financier qui s'assurent la quasi totalité des souscriptions.

Ensuite, évidemment, elles peuvent être résidentes, c'est à dire domiciliées en France ou non résidentes, c'est à dire à l'étranger.

Mais il ne faut pas forcément s'alarmer du fait que la part de la dette détenue par les non résidents soient importante.
D'une part, parce que nous pouvons fort bien avoir une souscription de dette par BNP Paribas à Paris, comme par la filiale de BNP implantée à Luxembourg, à Genève ou encore à … Jersey.

Ensuite, pourrait on se demander si les Français résidents à l'étranger ne sont pas aussi, sans le savoir forcément, détenteurs de titres de dette publique.

Croyez vous franchement que les 80 milliards d'euros d'avoirs français déposés dans les banques suisses dorment tranquillement dans des coffres en attendant des jours meilleurs ?

On peut faire confiance au Crédit Suisse ou à UBS, malgré quelques légers problèmes ces temps ci, pour pratiquer une «  gestion active «  de ces avoirs...

Au demeurant, notre ingéniérie financière est suffisamment performante pour que les banques françaises et les compagnies d'assurance de notre pays soient également détentrices de titres de dette publique d'autres pays.

A preuve, s'il en était, que c'est le cas puisque la Poste vient d'annoncer une baisse de son résultat, non pas par diminution du courrier distribué, mais parce que ses filiales financières, et sans doute ses SICAV, vont devoir éponger quelques pertes subies en Grèce sur les titres obligataires de ce pays.

Une bonne part de la dette publique demeure donc la propriété des Français eux mêmes, les véhicules utilisées étant le plus souvent les contrats de prévoyance ( assurance vie...) souscrits dans les banques ou auprès des services financiers de la Poste.

Les non résidents sont, fin juillet 2011, détenteurs de 65,2 % de l'encours de la dette de l'Etat.

Au demeurant, plus le taux de détention par les non résidents est élevé, plus le signe d'une certaine «  confiance «  dans le produit financier correspondant existe.

On doit remarquer que, depuis un an, le taux de détention des non résidents s'est réduit de six points.

Soit ils commencent de se défier du produit «  dette publique française «, ce qui ne serait pas bon signe et manifesterait quelque méfiance à l'égard des politiques en vigueur dans notre pays ; soit, ce peut aussi être le produit de placements de «  sécurité «  d'entreprises et d'établissements financiers «  résidents «  qui, disposant d'une trésorerie, décident de l'affecter à souscrire des titres de dette.

Le «  patriotisme économique «  n'a pas grand chose à faire dans cette affaire, soulignons le...

Second élément de la dette publique, celle des collectivités locales.

L'encours est beaucoup moins important ( moins de 120 milliards d'euros au 31 décembre 2009, dernier décompte arrêté ) et présente deux particularités essentielles.

La première, c'est que la comptabilité des collectivités locales leur impose, par nature, de présenter un budget en équilibre, en fonctionnement comme en investissement.

Et qu'une collectivité normalement gérée dispose d'un excédent de fonctionnement qu'elle peut virer ensuite au budget d'investissement pour autofinancer ses dépenses d'équipement.

Le compte d'investissement est lui, soldé, par sollicitation de l'emprunt en sus de ce virement.

Et ce, pour une raison très simple ( Zimmer pourra sans doute nous le confirmer ), c'est que la dette des collectivités locales ne trouve son origine que dans la réalisation de dépenses d'équipement.

C'est à dire que la contrepartie matérielle de la dette est patente et se traduit en voirie nouvelle, en collèges, en lycées, en maisons de retraite, que sais je encore...

Et comme de juste, les collectivités locales portent aujourd'hui 70 % des investissements publics dans notre pays.
Ce n'est donc pas une «  mauvaise dette «  que celle qui affecte les collectivités territoriales, du point de vue de son utilisation pour le moins, même si on peut peut être discuter ici ou là de la nécessité de réaliser tel ou tel équipement.

Et les collectivités locales sont de bons débiteurs, puisque les impôts locaux pourvoient, par nature, au règlement des intérêts...

Deux problèmes récents sont toutefois apparus : le premier, c'est la contraction des subventions de fonctionnement de l'Etat (DGF entre autres) qui, conjuguée à la réforme des finances locales ( suppression de la taxe professionnelle ) contribue à rigidifier les ressources des collectivités sur un volet fiscal plus étroit.

Le second, c'est celui né de la prédominance de la Caisse des Dépôts et notamment de Dexia Crédit Local de France dans la distribution des emprunts souscrits par les collectivités.

A savoir que Dexia a distribué auprès des collectivités des emprunts dits structurés, assortis notamment de conditions spécifiques ( alignement sur la valeur de certaines devises étrangères entre autres ) dont la charge d'intérêt peut devenir un sérieux problème.

Et l'amortissement plus encore.

Mais on est loin des sommes en jeu pour la dette de l'Etat.

Troisième ensemble de la dette publique, la dette sociale.

Une dette, constituée ou créée en 1993, par cantonnement des déficits cumulés de la Sécurité Sociale, et qui ne cesse depuis de croître et embellir, malgré quelques phases d'équilibre des comptes sociaux entre 1997 et 2002 notamment, sous les effets de la croissance retrouvée, des trente cinq heures et des emplois jeunes...

Nous avons quelque chose de bien précis pour y répondre : c'est tout simplement la Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale, ou CADES, qui recueille le produit, entre autres, de la contribution de remboursement de la dette sociale ( CRDS ) que tous les salariés trouvent sur leur fiche de paie.
Les choses, au demeurant, n'ont pas toujours été aussi simples, puisque la CADES a aussi du rembourser un temps à l'Etat des sommes par lui avancées et qu'elle est l'un des intervenants les plus actifs sur les marchés financiers où elle émet régulièrement des bons CADES et des billets CADES, destinés à lui permettre de faire face à ses obligations.

Et que cette trésorerie plus ou moins coûteuse qu'elle va chercher sur les marchés financiers préempte évidemment sur ses ressources fiscales dédiées.

Pour cette année 2011, en moyen ou long terme, la CADES a ainsi émis 10 milliards d'emprunts libellés en dollars, 1,9 milliard en livres sterling, 13,8 milliards d'emprunts en euros, 350 millions en francs suisses et 800 millions en couronnes norvégiennes.

Nous pouvons donc espérer, pour la bonne santé de nos finances sociales, que l'ensemble de ces valeurs monétaires connaisse une dépréciation vis à vis de l'euro tandis que nous pouvons constater que les revenus du pétrole de la Mer du Nord ont été, pour partie, placés dans une valeur sûre, la Sécurité Sociale française !

Apparemment, vu que l'émission en couronnes est sur le long terme ( 2025 ) et assortie d'un taux de 4,80 %, les gérants du fonds souverain Statoil ne croient pas à la faillite de notre système de retraite !

On peut évidemment se perdre en conjecture sur les origines du déficit de la Sécurité Sociale, certains ayant tendance à y voir les effets d'un excès de dépenses, d'autres une insuffisance de recettes.

Sûr que 2,8 ou 2,9 millions de chômeurs à temps plein par la faute de la panne de croissance, de Fukushima et de l'éruption des volcans islandais ( peut être bientôt les cyclones tropicaux ) et plus de 4 millions de personnes privées d'un emploi à temps plein, cela finit par peser dans les comptes sociaux.

2 millions de SMICards de plus, pour prendre un exemple un peu excessif, c'est 600 millions de cotisations dites ouvrières de plus dans les caisses de la Sécurité sociale tous les mois...

Enfin, dernier élement de la dette publique, celle des entreprises publiques et des établissements publics.

Là, il y a de tout...

Mais le pire, bien entendu, ce peut être la dette de RFF, propriétaire du réseau ferré depuis 1997 et donc l'encours ( 23 ou 25 milliards d'euros ) n'a quasiment pas varié depuis.

Ne vous inquiétez pas, la plupart du temps, les entreprises publiques endettées ont des recettes commerciales ( des billets de train, des factures d'électricité, que sais je encore ) pour faire face à leur dette.

Une dette qui, à l'instar de celle des collectivités locales, est cependant le plus souvent associée à leurs investissements, donc...

Combien cela fait il au bout du compte ?

1 600 milliards d'euros, c'est à dire, faut il le rappeler, quelque chose comme environ 25 000 euros par Français ou résident de notre beau pays, ou 45 000 euros par contribuable ?

Insupportable ?

Voire, parce que 25 000 euros d'une dette d'une durée de vie moyenne de sept ans, assortie de contreparties réelles ( dette détenue à titre domestique, actifs matériels acquis, titres de dettes étrangères détenues par exemple ), cela fait l'équivalent du revenu fiscal moyen déclaré au titre de l'impôt sur le revenu par foyer fiscal...

En gros, outre qu'on peut réduire d'au moins un tiers le montant de la dette parce que ce sont les Français qui la détiennent en direct, nous avons plus de sept ans pour solder l'équivalent d'un an de revenu...

Et pour poursuivre l'image, quand un jeune ménage avec deux enfants emprunte 150 000 euros pour acheter un pavillon de banlieue, n'est il pas autant, sinon plus endetté ?

En plus, il y a une loi économique assez redoutable qui veut que si l'Etat ne s'endette pas, ce sont les autres acteurs économiques qui vont le faire, qu'il s'agisse des entreprises comme des particuliers.

Et que la réduction de la dette, recherchée par tous, finira par réduire le volume de la formation brute de capital fixe, c'est à dire des investissements productifs dans les entreprises et les dépenses d'équipement des ménages...

Je n'ose imaginer l'état de la croissance et de l'économie si cela arrivait.

Alors, je pense qu'on peut dire «  vive la dette «  mais oui aussi à une réforme fiscale qui remette les pendules à l'heure du côté de l'égalité devant l'impôt, maltraitée depuis au moins aussi longtemps que le solde budgétaire global des comptes de l'Etat !
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