de vudeloin » Sam 16 Juil 2011 11:09
La réalité, dans cette affaire, c'est que les quarante dernières années ont été marquées par un déficit chronique des comptes de l'Etat ( dont l'état de la dette est le produit cumulé, ne l'oublions jamais ) du fait de plusieurs facteurs essentiels.
Un, la suspension de la faculté laissée au Trésor de se refinancer auprès de la Banque de France, nécessitant que le déficit soit financé par recours aux « marchés financiers « ( merci Giscard d'Estaing !), en développant le segment obligataire de ceux ci par émission successive d'emprunts d'Etat de quotité toujours plus importante.
On se souvient du fameux emprunt Giscard de 1973 indexé sur l'or qui ferait aujourd'hui bien rigoler, sur le fond, ceux qui ont proposé aux collectivités locales des « emprunts structurés « indexés sur un panier de valeurs monétaires ces dernières années...
Cette perte de faculté a conduit à un renchérissement continu du coût de la ressource, non seulement en termes nominaux ( le taux d'intérêt facial ) qu'en termes réels ( c'est à dire le taux d'intérêt déduit de l'inflation ).
A ce propos, j'ai entendu hier quelques doctes économistes, dont Christian Saint Etienne, l'un des membres du Cercle des Economistes, nous expliquer que l'Etat ne s'était jamais aussi facilement refinancé, parce que les taux sont faibles.
Assertion pour le moins surprenante d'un tel scientifique puisque le taux d'intérêt réel de la dette publique française doit être regardé par référence à l'inflation, et qu'il est en gros proche de 1,5 point.
Conclusion : pour tenir le financement, l'Etat doit procéder à une réduction d'autant de son déficit ( soit par hausse des recettes, soit par baisse des dépenses )...
Cette réalité de l'inflation est d'ailleurs prise en compte, depuis 2000, dans notre dette publique, puisque France Trésor émet des OAT ( titres de long terme ) indexés sur l'inflation, subtile invention d'un Ministre des Finances nommé Dominique Strauss Kahn.
C'est à dire que, si nous ne connaissons pas l'échelle mobile des salaires et des pensions, nous connaissons au moins celle des rentes !
Puisque la mesure tend à garantir le « pouvoir d'achat « et la « rémunération « des acquéreurs de titres de dette publique.
En soi, ceci dit, une dette publique ou non, ce n'est pas forcément scandaleux ni anormal.
Les ménages, toutes proportions gardées, sont, dans notre pays, plus endettés encore, au montant unitaire, que l'Etat...
Et on peut fort bien être endetté pour sa voiture, sa maison ou son mobilier ( vaut mieux éviter quand même dans le dernier cas ).
Quand on s'endette pour payer sa nourriture ou ses vacances, là , c'est raide...
Le problème de la dette publique, depuis 1971 et surtout depuis 1985, c'est qu'elle trouve son origine dans l'exténuante course au moins disant fiscal qui a accompagné la « globalisation « et la construction européenne, au sein de ce mouvement.
Depuis 1985, si l'on ne prend que l'impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et les cotisations de Sécurité Sociale, ce sont entre 600 et 700 milliards d'euros de recettes que l'Etat a, soit abandonnées, soit dû geler pour faire face aux allégements consentis.
Ajoutez y la baisse de la TVA sur les produits de luxe, la réduction continue du produit de l'impôt sur le revenu, notamment par l'abaissement du taux marginal d'imposition, l'émergence d'une dépense toujours plus importante de couverture de l'explosion de la fiscalité locale pour les ménages les plus modestes et je pense que nous ne sommes plus très loin de retrouver la totalité de la dette publique.
En tout cas, de celle inscrite au bilan de l'Etat...
Les questions qui viennent sont alors multiples : la baisse de l'impôt sur les sociétés a t elle amélioré notre commerce extérieur ? Favorisé le développement de l'emploi industriel et des investissements ?
Les exonérations de cotisations sociales ont elles permis de créer des millions d'emplois bien rémunérés et qualifiés ?
N'y a t il, dans le pays, aucun déficit de main d'oeuvre ?
L'allégement et la quasi disparition de la taxe professionnelle ont ils constitué un facteur déterminant d'implantation des entreprises ?
La baisse de l'impôt sur le revenu des foyers les plus aisés a t elle empêché l'expatriation fiscale ? Favorisé une utilisation optimale du revenu des ménages en faveur de l'emploi dans notre pays ?
Permis le financement et la création de centaines de milliers de nouvelles entreprises, à nouveau créatrices de millions d'emplois ?
Je n'en ai pas l'impression et la seule qui demeure, c'est que nous avons connu depuis vingt cinq ans un développement spectaculaire de l'assurance vie, largement adossée à la dette publique, et des produits financiers dérivés.
A propos, la dette publique de l'Etat, pour 40 %, est détenue par des résidents.
Conclusion : avant de nous affoler sur un montant unitaire restant limité ( 25 000 euros par habitant, ce qui doit faire le prix de 2 mètres carrés dans un appartement parisien situé dans les beaux quartiers de la capitale et un peu au dessus du revenu fiscal moyen annuel des ménages ), retirons en 40 % qui nous appartiennent collectivement.
Sans compter que, malgré tout, cette dette sert encore, un peu, à investir pour l'avenir.
De ce point de vue, il conviendra notamment de rappeler que les collectivités locales ne sont endettées que pour leurs investissements !
Augmentez les impôts, serait on tenté de dire, puisque leur baisse ne semble pas avoir permis de laisser en bon état notre économie et notre société !