de Républicain67 » Jeu 10 Mar 2022 16:00
Après avoir reçu l’aval du modérateur Bertrand Salvat (que je remercie au passage), je vous propose d’ouvrir des sujets d’un genre nouveau, plus intellectuels, des sujets de fond pour faire simple. Je ne suis pas le seul à avoir remarqué depuis quelques années (et surtout maintenant) une baisse réelle du niveau du débat sur ce forum : invectives, messages très partisans, peu d’ouverture au débat chez certains contributeurs… Les analyses de fonds se limitent malheureusement à l’analyse des élections et à l’histoire électorale. J’aimerais relever le niveau en ouvrant des sujets consacrés à des thèmes plus politiques et moins partisans, tels que des discussions centrées sur la typologie des partis politiques, la communication politique, les nouvelles formes de militantisme (y compris sur internet), les idéologies…
Dans l’attente de l’ouverture d’une partie consacrée aux sujets de fond, j’ouvre ici une première discussion consacrée à la typologie des partis politiques. Pensez-vous que le clivage traditionnel entre partis de masse et partis de cadres est encore pertinent dans la France des années 2020 ?
Les chercheurs et observateurs de la vie politique (française et étrangère) ont souvent fait la distinction entre les partis de masse et les partis de cadres.
Les partis de cadres sont apparus en premier, dans le but simple de soutenir des personnalités politiques dans le cadre des élections. Ils sont peu structurés, ne comptent que peu d’adhérents et encore moins de militants. Ces partis politiques sont essentiellement actifs en période électorale et centrés sur une ou plusieurs figures nationales ou locales. Le Parti radical et les partis de droite et du centre (sauf démocrates-chrétiens) sont historiquement en France des partis de ce type.
Les partis de masse sont eux plus récents. Ils proviennent à la base de deux grands courants politiques : le socialisme et le mouvement ouvrier d’une part, de la démocratie chrétienne d’autre part. Ils sont plus idéologiques et comptent de nombreux adhérents et militants actifs. On peut dire qu’il s’agisse de partis populaires, comparés aux partis de cadres plus élitistes (partis de notables). Les partis de masse traditionnels sont en France la SFIO, puis le Parti socialiste, le Parti communiste français, les mouvements démocrates-chrétiens (MRP, Centre démocrate et leurs successeurs) et les partis gaullistes (bien qu’ils soient fortement teintés de bonapartisme et centrés sur un leader).
Pensez-vous que ce clivage traditionnel existe toujours aujourd’hui ? Les partis ont perdu énormément d’adhérents. L’individualisme est fort présent dans la société. Les grands partis et institutions collectives et idéologiques (Parti communiste, Eglise catholiques, syndicats…) sont très affaiblis et n’ont plus de forte emprise sur les individus. De nouvelles formes de militantisme (activisme, écologie, nouveaux mouvements sociaux, militantisme sur internet…) sont apparus et concurrences fortement les pratiques traditionnelles. La France est un pays avec peu de militants politiques, comparés à l’Allemagne ou au Royaume-Uni. Seul 1% des Français sont membres d’un parti politique. Les partis ont d’ailleurs une mauvaise image dans l’opinion. Récemment sont apparus des partis d’un genre nouveau : les « partis clics » (LREM et LFI). Ils sont centrés sur une personnalité (Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon), n’ont pas de vrais militants actifs (on peut s’inscrire facilement sur internet, sans réellement militer dans la vraie vie), pas de cotisations, et n’existent véritablement qu’en période électorale. Ils sont peu structurés, mais aussi peu actifs sur le terrain. On l’a bien vu lors des élections municipales de 2020 et départementales de 2021 : très peu de candidats, essentiellement dans les grandes villes, peu d’élus. On leur reproche aussi d’être très verticaux et peu démocratiques.
Il n’y a plus de vrais partis de masse en France. Les derniers grands partis traditionnels (LR, PS, PCF) sont aujourd’hui très affaiblis, comparés au passé. Les cellules d’entreprise n’existent plus et ses partis se sont aussi fortement ralliés à l’électoralisme ambiant. Des partis considérés comme émergents, tels qu’EELV, ont en réalité peu d’adhérents (quelques milliers). Le dernier (petit) parti réellement militant, avec des militants dévoués et implantés dans les entreprises est Lutte Ouvrière.
Les petits partis centristes (UDI, LC, PRG, MoDem satellites de LREM…), satellites des grandes formations restent des vrais partis de cadres. Ils n’ont que peu de militants, n’existent pas sur l’ensemble du territoire. Ils sont surtout liés à leurs élus et dépendent pour leur survie de formations plus importantes. Ces partis n’arrivent généralement pas à monter des listes propres aux élections municipales et régionales. Ils doivent leurs élus à des alliances électorales avec des partis plus importants.