citoyen electeur a écrit:Plus généralement, la fermeture de comptes de personnalités politiques d'opposition pose question, puisqu'aucun juge ne vient tempérer les choix de ces réseaux monopolistiques. Ce sont souvent des comptes d'opposants qui sont fermés, en France. Aux USA, c'est l'alt-right qui subi les foudres de ces réseaux, ces mêmes réseaux qui laissent les Talibans s'exprimer sur les réseaux.
Concernant le cas américain, ces derniers mois on a a assisté à un développement assez ironique concernant cette thématique.
Aux USA, le cas qui a fait coulé beaucoup d'encre était celui de Donald Trump. Concernant ce dernier, Facebook et Twitter lui ont laissé pendant très longtemps une grosse marge de manœuvre dans son expression dans ses publications (expression qui enfreignait clairement le règlement interne de ces compagnies), au nom de son statut d'homme politique, puis de président.
Le problème étant que beaucoup des publications de Trump reprenaient des mêmes ou des propos ouvertement racistes (notamment pendant la campagne de 2016 contre les Mexicains, ou pendant l'épisode de Charlottesville en soutenant des milices d'extrême droite), complotistes (sur les fraudes électorales ou la pandémie de Covid, avec la mise en avant de "traitements" originaux par exemple), quand il ne promouvait pas carrément l'exécution d'un crime (ce fut très sensible sur les journées de début janvier, avec l'assaut contre le Capitole).
Facebook et Twitter ont été très embêtés par tout ça, le droit américain étant plus large que le notre quant à la liberté d'expression, mais étant aussi nettement plus procédurier que le nôtre quant à des poursuites éventuelles pour la mise en danger de la vie de personnes. Ces réseaux sociaux ont d'ailleurs été les plus pro actifs contre les interventions de Trump lorsque celles ci étaient potentiellement reliables à des événements ayant pu contribuer (directement ou indirectement) à des décès (Charlottesville, le javel pour soigner le Covid ou l'assaut contre le Capitole du 06 janvier).
Dans un premier temps (et pendant longtemps), ces réseaux sociaux ont tranché leur dilemme (respecter la liberté d'expression, surtout du président élu des USA, tout en limitant les risques de poursuites éventuelles quant à la promotion de discours haineux ou complotistes pouvant entraîner des crimes et/ou des morts) en accompagnant les publications de Trump par des alertes ou des informations complémentaires. Cela a tenu bon an mal an jusqu'à l'assaut contre le Capitole (qui rappelons le a entraîné la mort de 5 personnes). Trump continuant à célébrer les "héros" du Capitole, Twitter et Facebook ont alors suspendu les comptes de Trump, profitant sans doute de manière peu courageuse du fait que ce dernier allait bientôt quitter la Maison Blanche :).
Et on en arrive au développement ironique que j'évoquais en préambule : suite à ce bannissement, les réseaux de l'alt-right ont décidé de créer un nouveau réseau social où la liberté d'expression serait totale, et ne pratiquant aucune forme de censure, ou même de contrôle.
Jason Miller, porte-parole de Trump lors de ses campagnes de 2016 et 2020, a donc créé un réseau social clone de twitter, appelé GETTR, où pourraient se retrouver les trumpistes sans craindre aucune censure d'aucune sorte. Et ce qui devait arriver arriva : cette plate-forme, en plus d'accueillir les propos d'ardents trumpistes, s'est mise aussi à voir fleurir la propagande de l'état islamique.
https://www.politico.com/news/2021/08/0 ... sis-502078Et là où c'est très ironique, c'est que suite à ça, Miller a dû se résoudre à bannir et à censurer certains contenus au sein de GETTR, allant jusqu'à concéder que la liberté d'expression ne pouvait être totale et devait forcément avoir des limites.
C'est juste que dans son esprit, un discours faisant l'apologie de l'assaut contre le Capitole du 06 janvier est acceptable, alors qu'un discours promouvant une action terroriste de l'état islamique ne l'est pas. Comprenne qui pourra...
Pour en revenir au cas français, et aux réseaux sociaux en général, il y a un vrai problème épineux dans cette histoire. Techniquement, les réseaux sociaux sont la propriété des compagnies privées qui les exploitent, et dans le cadre du droit, une compagnie privée a le droit d'avoir un règlement interne quant à l'accès de sa clientèle à ses services. Dans le cinéma où je travaille, la compagnie se réserve le droit de refuser l'accès de l'établissement en fonction de critères exposés dans une politique commerciale (en l’occurrence, par exemple, le cinéma où je travaille interdit l'accès aux enfants de moins de 2 ans et se réserve le droit de refuser l'accès à des personnes aux comportements jugés "perturbateurs").
Il en va de même pour Twitter et Facebook, mais eux représentent aussi des plates-formes d'expression publique désormais, ce qui intègre dans l'équation le délicat sujet de la liberté d'expression, et donc de ses limites éventuelles.
Et dans le cas d'Eric Zemmour, en effet, les condamnations juridiques dont il a déjà fait l'objet (concernant la promotion de discours haineux, injurieux et/ou discriminatoires) donnent largement aux compagnies gérant ces réseaux sociaux une couverture légale pour justifier un éventuel bannissement de l'usager en question.
Et rappelons que des comptes de quidam bannis pour les mêmes motifs que ceux avancés pour justifier le bannissement de Zemmour, il y en a des tas tous les jours. C'est juste que ces bannissements là font moins la une des médias, eu égard à l'anonymat des personnes concernées.