de vudeloin » Lun 13 Juin 2011 10:24
Alors qu'il ne reste qu'une poignée de bureaux de vote à dépouiller ( une vingtaine tout au plus sur l'ensemble du pays, soit moins de cinq mille électeurs peut être ), les résultats se dessinent avec plus de précision encore.
L'AKP de Recep Tayyip Erdogan est en tête avec 21 442 206 votes, et 326 députés sur les 550 de la Grande Assemblée Nationale.
Un nombre de voix qui lui confère un pourcentage de 49,9 %, juste en dessous de la majorité absolue, donc.
On compte en effet 42 969 408 bulletins valides dans les urnes turques ce 12 juin, c'est à dire qu'il s'en faut de seulement 43 000 voix ( ou 42 498 en fait ! ) que l'AKP ne soit pourvue de la majorité absolue des suffrages.
Le CHP kémaliste, plutôt de centre gauche, obtient 11 134 616 voix, soit 25,9 % et 135 élus.
Le parti est en progression sur l'élection précédente et s'impose, comme souvent, dans la partie européenne de la Turquie, dans la région de la Mer Egée ( il est de nouveau en tête sur Izmir – ou Smyrne dans la Grèce antique - ) et dans la province de Tunceli.
Enfin, le parti arrive en seconde position sur Istanbul et son influence se fait sentir notamment sur les rives du Bosphore puisque plusieurs districts de la capitale ( Kadikoy sur la rive asiatique ou Besiktas sur l'autre rive) lui donnent la première place, sans parler du district des Iles des Princes ou de certains districts situés aux limites d'Istanbul en Europe.
Istanbul, ville turque sans doute la plus « européanisée « , élit également trois députés indépendants.
Dans la circonscription Istanbul 1 ( partie asiatique de la ville ), elle élit la députée alévite kurde Sebahat Tuncel.
Dans les deux circonscriptions européennes, sont élus le cinéaste Sirri Surreya Onder et le dirigeant du Parti du Travail Abdullah Levent Tuzel.
Sebahat Tuncel obtient, en indépendante, plus de 3,2 % des votes, tandis que Onder atteint 4,85 % et Levent Tuzel dépasse les 5 points.
Les députés indépendants sont singulièrement présents dans le Kurdistan où, de manière générale, la somme des voix obtenues par ces candidats est majoritaire et s'avère supérieure, à tout le moins, au score de quelque autre parti que ce soit.
Il y aura 36 élus indépendants dans la nouvelle Assemblée, portés par le vote de 2 859 269 électeurs.
La troisième force politique du pays est le parti nationaliste MHP, affaibli et qui n'a obtenu que 5 580 580 voix (13 %) et 53 députés, les derniers résultats stambouliotes l'ayant privé d'un 54e élu.
Influent jusqu'ici sur la partie Sud du pays, le MHP est en recul généralisé sur l'ensemble du pays et n'est en tête que dans la province d'Igdir, où il partage les deux élus avec une élue indépendante, kurde d'origine.
Il n'a pas subi l'humiliation que lui prédisaient certains sondages qui le vouaient à la disparition, faute d'avoir atteint la barre des 10 % au niveau national, mais a enregistré un recul sensible, perdant donc 18 de ses 71 sortants.
Ces élections, si elles confirment la primauté du parti islamiste dit modéré de l'AKP, ont fait l'objet d'une présentation quelque peu discutable en France.
A en rester aux commentaires télévisés ou aux annonces Internet, la victoire de l'AKP était écrasante et la porte de l'islamisation renforcée de la Turquie était grande ouverte, puisque Erdogan disposait des moyens ( les 2/3 des élus ) pour ce faire.
En fait, l'AKP n'obtient pas la majorité absolue des suffrages et les règles du jeu électoral font même qu'il perd 15 députés dans une Assemblée où il n'avait déjà pas la majorité qualifiée pour « islamiser « la Constitution turque.
Tout semble en fait se passer comme si la « modernisation « toute relative que connaît la Turquie, et qui fait émerger une classe moyenne de plus en plus proche de ce que nous connaissons en Europe, s'était en quelque sorte retournée contre ceux là mêmes qui la conduisent, c'est à dire le parti au pouvoir.
Si le bilan de l'AKP au pouvoir n'a pas été sanctionné, loin de là , l'impression demeure qu'une sorte de prévenance existe dans l'opinion publique pour ne rien changer à l'ordre constitutionnel des choses, en attendant que la croissance économique en cours ne finisse par changer les données profondes d'un pays encore largement marqué par la ruralité.
Un pays également marqué par le clientélisme électoral, faut il le souligner, mais qui, sur le fond, a résolu le problème de la corruption d'une bonne partie de l'ancienne classe politique en cessant de lui accorder le moindre soutien.
Le score anecdotique du Parti démocrate, issu du parti de Suleyman Demirel, qui fut longtemps l'adversaire politique premier du CHP des Ecevit, est là pour le consacrer.