Bonjour à tous,
J'ai retrouvé dans mes archives ces trois cartes qui viennent relativiser une idée suivant laquelle l'analyse géographique des résultats de candidats ou listes qualifiés de "marginaux" ne représenterait que peu d'intérêt.
1- Le candidat Emile Muller à la présidentielle de 1974.
D'aspect sympathique et jovial, le visage poupin et l'accent alsacien chantant, le député-maire de Mulhouse veut représenter un courant centriste réformateur indépendant dans la campagne. Son discours reprend les ambitions traditionnelles des sociaux-démocrates européens tels que l'approfondissement de la construction européenne vers un fédéralisme poussé, la poursuite de la déconcentration et l'institution d'assemblées locales disposant de compétences propres. Il vise deux électorats pourtant bien distincts mais aux préoccupations parfois communes : l'électorat centriste, celui du Centre démocrate et du Parti radical, ainsi qu'un électorat socialiste peu enclin à soutenir le candidat d'Union de la gauche, prisonnier, selon Muller, de l'alliance avec les communistes. Or, ce dernier se heurte à deux obstacles de taille à savoir le ralliement des principales composantes du centre aux trois principaux candidats (Centre démocrate et les radicaux valoisiens tardivement vers Giscard, le C.D.P. duhamélien vers Chaban et le M.R.G. vers Mitterrand) et la "gauchisation" du P.S. depuis 1971 qui n'a pas véritablement déstabilisé la tendance centriste encore traumatisée par l'échec retentissant de la candidature Defferre en 1969. Emile Muller ne peut compter que sur le soutien de quelques fédérations du Mouvement réformateur et surtout sur le M.S.D.F. assis sur un mince réseau d'élus locaux autour de l'Alsace (Mulhouse bien sûr) et de la Picardie (Abbeville avec Max Lejeune).
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sguillerez at 2011-05-07
Son résultat, un minuscule 0,69%, est prévisible. Il symbolise la mort du Mouvement réformateur et l'échec d'un centrisme indépendant dans un cadre politique à la bipolarité marquée. La carte révèle que les zones de moindre faiblesse sont essentiellement concentrées dans le quart Nord-Est de la France, hormis le cas des Pyrénées-Orientales où Muller a ranimé les quelques restes d'un électorat socialiste indépendant jadis fidèle à Arthur Conte ou au député-maire de Perpignan Paul Alduy (ce dernier se ralliera à la candidature de François Mitterrand dont il sera le responsable du comité local de soutien ). Ses meilleurs résultats se situent naturellement en Alsace avec 6,9% dans le Haut-Rhin et 11,76% dans sa ville de Mulhouse où visiblement il mobilise imparfaitement une clientèle électorale consolidée depuis une quinzaine d'années (à la différence du candidat Royer à Tours). Les résultats en Picardie prouvent que l'influence de Max Lejeune a peu porté en dehors du Ponthieu (6,4% à Abbeville). Ailleurs, c'est le vide. Les bastions radicaux et socialistes du Sud-Ouest se sont écartés massivement de la candidature Muller préférant Mitterrand ou Chaban.
2- La liste E.E.E.
Cette initiative est née dans la douleur, partie du sentiment de dépit d'un J.J.S.S., président du Parti radical valoisien, embarrassant et encombrant, qui a perdu le panache des années 1969-1970. Son idée d'un radicalisme rénové porteur d'un discours ambitieux s'est évanouie dans les nécessités de la vie politique française, étouffée par une bipolarisation outrancière qui condamne à l'échec l'absence de ralliement aux blocs préétablis. Largement battu aux législatives partielles de Nancy-Nord à l'automne 1978 par un socialiste, malmené dans son propre parti, J.J.S.S. n'est en 1979 qu'une personnalité de second rang. Or, il considère l'échéance européenne fondamentale, déterminante en ce qui concerne l'avenir de la France et entend participer de tout son poids à la campagne. Ecarté de la liste "Union pour la France en Europe" conduite par Simone Veil et mis en minorité au Parti Radical, il constituera sa propre liste d'extrême justesse à trois semaines du scrutin. Se battant pour une Europe plénière et déclarant la guerre au chômage, cette liste "Emploi-Egalité-Europe" tente de rassembler les radicaux de tous les bords comme la journaliste Françoise Giroud, démissionnaire de la vice-présidence de l'U.D.F., le M.R.G. dissident Guy Gennesseaux ou le maire de Rambouillet et vice-président du Mouvement européen Jacqueline Thome-Patenôtre.
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sguillerez at 2011-05-07
Ses résultats seront décevants. Il mord marginalement sur la liste U.D.F. dans les bastions conservateurs. La liste E.E.E. dépasse les 2% en Rhône-Alpes et dans un arc de cercle allant des Pays-de-la-Loire à l'Alsace passant par une Lorraine qui a tourné définitivement la page du radicalisme schreibérien (4,4% en Meurthe-et-Moselle avec des pointes à 6-7% dans l'ancienne circonscription de J.J.S.S.). Inutile de s'attarder sur le sort de celui qu'on appelait le "prince de Lorraine". Il est vrai, comme le disait Françoise Giroud à propos de Chaban en 1974, qu'on ne tire pas sur une ambulance ...
3- La liste "Union de défense interprofessionnelle pour une France indépendante dans une Europe solidaire".
C'est la concrétisation d'une alliance purement électorale entre une fraction d'un vieux C.N.I.P. . à bout de souffle et désorienté et les lambeaux du poujadisme dont le leader, dénonçant encore et toujours les magouilles politiques et l'ostracisme des moyens d'information, a perdu la verve d'autrefois. Organisée autour d'associations de rapatriés ou de défense d'intérêts socio-professionnels, elle a comme tête de proue, outre un Pierre Poujade décrépit qui n'amuse plus personne, quelques élus locaux de poids, anciens ministres en marge de la majorité présidentielle comme Philippe Malaud, député de Saône-et-Loire, ou Jacques Médecin, député-maire de Nice, qui poursuit son virage vers la droite de la droite.
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sguillerez at 2011-05-07
La carte des résultats du 10 juin peine à ressusciter les citadelles poussiéreuses du C.N.I.P., l'Aveyron de Boscary-Monsservin ou la Côte d'Or du chanoine Kir où la barre des 2% est franchie. L'influence personnelle de Malaud et de Médecin dans leurs départements personnels ont variablement joué. La liste frôle les 5% dans le département du premier et atteint même 51% à Dompierre-les-Ormes, village du Macônnais dont il est maire. En revanche, elle peine à dépasser 3,2% dans les Alpes-Maritimes avec un très décevant 5,81% à Nice, ville pourtant tenue de manière quasi-continue par la dynastie Médecin depuis les années 20.
J'attends avec impatience commentaires et observations de votre part.
Bien à vous.