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Election présidentielle de 1965

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Election présidentielle de 1965

Messagede HORATIO » Jeu 5 Mai 2011 23:27

L’élection présidentielle des 5 et 19 décembre 1965 s’est déroulée au scrutin universel direct, précédemment cela n’était arrivé qu’une seule fois (1848).

Résultats :

1er tour 2ème tour
Inscrits 28 910 581 28 902 704
Votants 24 502 916 (84,75 %) 24 371 647 (84,32 %)
Suffrages exprimés 24 254 556 23 703 434
Bulletins blancs ou nuls 248 360 668 213
Abstentions 4 407 665 (15,25 %) 4 531 057 (15,68 %)

Charles de Gaulle.
Union pour la nouvelle République - Union démocratique du travail ;
10 828 521 44,65 % / 13 083 699 55,20 %

François Mitterrand.
Convention des institutions républicaines, investi par la SFIO, soutenu par le PCF, le Parti radical et le PSU.
7 694 005 31,72 % / 10 619 735 44,80 %

Jean Lecanuet.
Mouvement républicain populaire, soutenu par le Centre national des indépendants et paysans.
3 777 120 15,57 %

Jean-Louis Tixier-Vignancour.
Sans étiquette (extrême droite)
1 260 208 5,20 %

Pierre Marcilhacy. Parti libéral européen. 415 017 1,71 %
Marcel Barbu. Sans étiquette (gauche). 279 685 1,15 %


Dans le camp de Charles de Gaulle, on espérait la victoire dès le premier tour.

François Mitterrand, candidat de la gauche réalise un bon score.

Jean Lecanuet et Jean-Louis Tixier Vignancour créent l’un et l’autre la surprise.

Deux candidats pressentis ont renoncé à se présenter, il s’agit d’Antoine Pinay et de Gaston Defferre.


Titre du sujet édité par Zimmer le 06/05/11 à 04 h 00
Dernière édition par HORATIO le Ven 6 Mai 2011 19:09, édité 1 fois.
HORATIO
 

Re: Election présidentielle de 1965

Messagede vudeloin » Ven 6 Mai 2011 07:37

Oui, mais là, on va entrer dans les détails et dans pas longtemps...
On commence par quoi ?
L'endroit où Mitterrand est devenu le candidat unique de la gauche ?

PS sur Tixier Vignancour qui crée la surprise, tout doit être relativisé...
Ne serait ce que parce qu'il faudra sans doute rapprocher le score de l'avocat d'extrême droite du NON aux différents referendums gaullistes sur la question algérienne, par exemple...
Ou du score de la droite non gaulliste aux élections de 58 et de 62...
vudeloin
 
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Re: Election présidentielle de 1965

Messagede vudeloin » Ven 6 Mai 2011 15:33

Comme le note avec intérêt HORATIO, François Mitterrand a contraint le général De Gaulle à un ballottage en décembre 1965 qui a commencé par surprendre l’intéressé, qui se voyait déjà élu au premier tour.

Ne serait ce que parce qu’en 1962, il avait réussi à faire voter OUI à l’élection au suffrage universel direct du Président de la République alors même que tous les autres partis politiques de l’époque que l’UNR, le parti gaulliste, étaient opposés à une telle disposition.

Et un OUI qui, en dépassant les 62 %, devait assurer une élection de « maréchal « au Général ( désolé ).

L’assurance du Président sortant se retrouve débattue, dans une certaine mesure, par le niveau particulièrement élevé de la participation électorale au premier tour.
C’est d’ailleurs sans doute ce phénomène qui est le premier facteur de la surprise.

Sur 28,2 millions d’inscrits, on compte en effet un peu petit plus de 24 millions de votants en Métropole, soit une participation de 85 %.

L’abstention est plus forte Outre Mer (26,3 %) mais, à l’époque, les opérations de vote manquent dans cette partie de la France de l’absolue transparence qui préside aujourd’hui au déroulement des opérations électorales.

Ainsi, le général De Gaulle obtiendra 3 423 voix sur 3 438 exprimés sur l’archipel de Wallis et Futuna, dans des conditions où l’on peut douter de l’absolue justesse du résultat officiel.

La même observation vaut pour les Comores où le sortant réalise 108 974 voix sur 109 861 exprimés…

Mais soit, la participation globale est forte.

Une participation qui atteint 86,4 % dans les Côtes du Nord ( le département breton le plus porté à voter Mitterrand avec 34,9 % des voix ), 86,7 % dans le Doubs, 87,5 % dans l’Eure ( le département d’élection de Pierre Mendès France ), 88,5 % en Mayenne ( département gaulliste avec 49,9 %), 89,3 % dans le Nord qui va donner 48 % à De Gaulle, natif de Lille, mais 35,6 % à Mitterrand ; 88,4 % dans le Pas de Calais, encore largement dominé par Guy Mollet ( De Gaulle fait 44,7 % au premier tour, Mitterrand 40 % ), 86,3 % dans le département de la Seine ( De Gaulle : 41,8 % ; Mitterrand : 35,6 % ), 88 % en Seine et Oise ( De Gaulle : 41,3 % ; Mitterrand : 36,3 % ).

On peut donc penser que, dans certains départements conservateurs, De Gaulle a vu son score porté par le haut niveau de participation mais que des couches nouvelles d’électeurs, notamment en Région Ile de France, ne semblent pas aussi séduites que cela par le vote gaulliste et accordent déjà une certaine audience à une gauche en phase de restructuration.

Car, c’est bien là l’un des aspects de la campagne de 1965, la gauche est partie rassemblée derrière un seul candidat à l’occasion de ces présidentielles.

Un candidat assez particulier, ancien Ministre de la IVe République, y compris sur des portefeuilles sensibles ( Intérieur, Justice ) en des temps troublés ( guerre d’Algérie…) et dont le parcours politique assez sinueux peut en dérouter plus d’un.

Comment François Mitterrand, élu UDSR contre les communistes à la Libération, spécialiste de la tractation de couloir d’Assemblée avec son groupe de députés charnière au centre de nombre de gouvernements de troisième force, est il devenu le candidat unique de la gauche ?

L’affaire a été maintes fois racontée et je ne vais pas la refaire ici, surtout que la plupart des biographes de l’intéressé ont plus argué sur son génie politique et sa détermination que sur les conditions objectives de son accession au rôle.

Mitterrand, en 1958, est battu aux législatives dans la Nièvre et l’on peut presque penser qu’une partie de sa carrière est finie.
Il n’aurait sans doute, malgré son antigaullisme affiché, jamais été totalement soutenu par les communistes nivernais ni par les électeurs qu’il a pu attirer auparavant, pour constituer le « cordon sanitaire « qu’il a fabriqué pour son siège, face au PCF, justement.

Alors, contre mauvaise fortune bon cœur, il se fait élire sénateur de la Nièvre et siégera d’ailleurs ( une plaque en témoigne dans l’hémicycle du Sénat ) vers le centre de la Haute Assemblée.

Nous n’insisterons sur l’affaire de l’Observatoire, survenue peu de temps après cette élection…

Redevenu député de la Nièvre ( Château Chinon, Montsauche les Settons, Lormes, entre autres ) en 1962, François Mitterrand anime alors, comme chacun le sait, de petits clubs de réflexion de gauche socialiste ou socialisante qui vont faire émerger la Convention des Institutions Républicaines, où il apporte une partie de ses anciens compagnons de l’UDSR dont il était toujours officiellement membre à ce moment là.

La CIR anime l’action du courant socialiste pour la constitution de la Fédération de la Gauche Démocratique et Socialiste, ensemble réunissant SFIO, partis socialisants divers, radicaux orientés à gauche et autres et François Mitterrand indique, dès septembre 1965, son intention d’être candidat à l’élection présidentielle des 5 et 19 décembre.

Mais sa candidature est d’autant plus facilitée que les deux principaux partis de gauche de l’époque, semblent avoir un intérêt stratégique commun à ne pas présenter de candidat.

Le PCF de Waldeck Rochet, opposé à l’élection présidentielle lors du referendum de 1962, ne considère pas jouable de présenter un candidat, qui n’aurait d’ailleurs qu’une chance très limitée de l’emporter, pour ne pas dire infime.

Et la SFIO de Guy Mollet, dont l’aura a beaucoup décrû avec la résolution du conflit algérien par l’indépendance et qui s’est coupée d’une bonne partie de l’opinion, ne sent pas le moment venu.

En même temps, inconcevable pour Mollet de voir un candidat communiste représenter la gauche.

Mitterrand est donc, d’une certaine manière, une forme de second choix, de plus petit commun dénominateur qui fait les affaires stratégiques de l’un et l’autre parti en n’y appartenant pas.

L’affaire se conclura entre les envoyés de chacun des partis dans le cabinet d’un avocat communiste parisien, Jules Borker, situé quelque part au centre de Paris.

C’est en effet ce ténor du barreau parisien, avocat en son temps de Josette Audin, la veuve du mathématicien Maurice Audin, disparu dans d’étranges circonstances dans l’Alger de 1957, qui va servir de messager entre les parties, c'est-à-dire entre Mollet pour la SFIO et Waldeck Rochet pour le PCF, ainsi qu’avec François Mitterrand.

Et pour donner l’état d’esprit, le mieux est sans doute de citer le fonds documentaire relatif aux réunions de la direction du PCF de cette époque.

Séances du 23 septembre,présidées par Jacques DUCLOS et Gustave ANSART :
-Rapport de Waldeck ROCHET :il regrette le refus de la SFIO de trouver un accord sur une candidature d ’union à l ’élection présidentielle autour d ’un programme commun. Depuis la situation a évolué,François MITTERRAND s ’est déclaré candidat,soutenu par les socialistes. Le bureau politique pense que le PCF peut aussi apporter son soutien à cette candidature de la gauche unie ;
-Jacques DUCLOS propose la désignation des membres des commissions de travail de la réunion ;
-Oswald CALVETTI émet des réserves sur la candidature de François MITTERRAND,bien qu ’il soit d ’accord. Il n ’y a pas eu de signature de programme commun. Des divergences demeurent
(Constitution de 1958,Europe);
-Léon FEIX est d ’accord avec la candidature de François MITTERRAND. Cela va relancer le Front unique et raffermir la position du PCF dans le paysage politique français ;
-Jean SURET-CANALE pense que cette candidature est un bon compromis ;
-Michel SIMON trouve que le bureau politique a su parfaitement gérer la situation. Il faudra faire un effort d ’explication parmi les militants pour qu ’ils acceptent la candidature de François MITTERRAND ;
-André FAIVRE pense que cette candidature va aider la bataille du PCF,faire avancer ses revendications ;
-Marcel RIGOUT estime que la candidature de François MITTERRAND semble faire l ’unanimité parmi les militants ;
-Henri JOURDAIN critique Gaston DEFFERRE,son livre Nouvel horizon et sa tentative d ’alliance avec le MRP. La candidature de François MITTERRAND est un bon compromis ;
-Jacques DUCLOS annonce la tenue d ’une conférence de presse par Waldeck ROCHET pour faire connaître la décision du comité central ;
-Henri MARTIN déplore que l ’UEC et le PSU critiquent la position du PCF.Le PCF ne suit pas François MITTERRAND pour sauver la face,mais pour abattre le gaullisme et aller vers le programme commun. Il relate l ’état d ’esprit des militants dans les entreprises à propos de cette candidature ;
-Jacques DENIS pense que le PCF doit jeter toutes ses forces dans la bataille ;
-Jeannette VERMEERSCH trouve Oswald CALVETTI trop réservé. On est en plein dans le combat pour le programme commun ;
-René ANDRIEU analyse de façon critique la tentative avortée de la Fédération social-démocrate et l ’attitude de Guy MOLLET. Il parle du Vietnam. Il indique que Gilbert BÉCAUD lui a fait écouter une chanson à la gloire de l ’homme providentiel (?) et s ’est défendu de tout anticommunisme. Il pense que la plate-forme politique de François MITTERRAND est à l ’opposé de celle de Gaston DEFFERRE ;
-Oswald CALVETTI répond aux remarques de Jeannette VERMEERSCH. Il n ’est pas opposé à François MITTERRAND et pense que l ’on peut s ’exprimer librement au comité central. Il voulait contribuer pleinement à la réflexion et n ’a pas de réserve ;

( fin de citation ).
vudeloin
 
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Re: Election présidentielle de 1965

Messagede HORATIO » Ven 6 Mai 2011 19:08

@ vudeloin
C’est l’ensemble des candidats qui a provoqué le ballottage mais Jean Lecanuet un peu plus que les autres.

Sa candidature a été testée par l’IFOP pour la première fois dans le sondage du 22 octobre au 5 novembre 1964, elle était créditée de 4,5%.

Six sondages ont été réalisés en 1964 par cet institut : 22 septembre ; début octobre ; 22 octobre au 5 novembre ; 6 au 16 novembre, 17 au 27 novembre ; 1 et 2 décembre.

L’IFOP a annoncé à l’avance la mise en ballotage de Charles de Gaulle.


Charles de Gaulle : 68 / 69 / 66 / 61 / 46,5 / 43. Rappel du résultat : 44,65%.

François Mitterrand : 23 / 22 / 23 / 25 / 28 / 27. Rappel du résultat : 31,72%.

Jean Lecanuet : -- / -- / 4,5 / 7 / 14 / 20. Rappel du résultat : 15,57%.

Jean-Louis Tixier-Vignancour 7 / 7 / 4,5 / 6 / 7 / 7,5. Rappel du résultat : 5,20%

http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... m_7_2_1112
HORATIO
 

Re: Election présidentielle de 1965

Messagede vudeloin » Ven 6 Mai 2011 21:47

Lecanuet ? Le dentifrice Email Diamant fait candidat ?
Bon, on verra de quoi il en est mais bon, comment De Gaulle est passé de 62,25 % au referendum de 1962 à 45 % au premier tour de décembre 1965, cela mérite autre chose qu'une impression générale...
vudeloin
 
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Re: Election présidentielle de 1965

Messagede HORATIO » Sam 7 Mai 2011 01:47

vudeloin a écrit:Lecanuet ? Le dentifrice Email Diamant fait candidat ?

Ou peut-être celui qui, le premier, allait devenir président de l’UDF (1er février 1978), parti dont le nom provient du livre « Démocratie française » écrit par VGE.
Il aura fallu ensuite 30 ans pour passer de l’Email au MoDem ?

vudeloin a écrit:Bon, on verra de quoi il en est mais bon, comment De Gaulle est passé de 62,25 % au referendum de 1962 à 45 % au premier tour de décembre 1965, cela mérite autre chose qu'une impression générale...

Pour la présidentielle, il n’aura fallu quelques semaines pour que les intentions de vote envers Charles de Gaulle passent de 68 à 43%....
HORATIO
 

Re: Election présidentielle de 1965

Messagede vudeloin » Sam 7 Mai 2011 07:41

Bon, j'étais pas bien vieux à l'automne 65 et je ne lisais pas les sondages...
Je pense même que les outils des sondeurs devaient être à peu près aussi fiables que ceux d'aujourd'hui ( c'est dire )...
Mais je ne suis pas certain que la candidature Lecanuet ait suffi à créer le choc conduisant De Gaulle au ballottage.
Dire cela, c'est à peu de choses près comme dire que l'élimination de Jospin en 2002 est due à la dispersion des voix de gauche, et aux candidatures Taubira et Chevènement.
( Pourquoi alors le PS a favorisé ces candidatures en demandant à quelques centaines de ses élus d'apporter leur parrainage à l'un de ces deux candidats, hein ? )
Peut être que tout simplement, l'élection de 65 fut plus " politique " que simplement guidée par le rôle, l'importance ou le statut des candidats... Et que chacun des candidats ( il n'y avait aucune candidate à l'époque ) commença tout simplement à y compter ses petits, c'est à dire l'audience de chaque grand courant politique dans le pays.
Rappelons tout de même que Lecanuet, bien que MRP et futur fondateur du Centre Démocrate, devenu le Centre Démocratie Progrès puis le Centre des Démocrates Sociaux ( seul l'emballage change, reste le contenu ), eût pour ce scrutin le soutien du Centre National des Indépendants et Paysans, c'est à dire d'une organisation pas vraiment centriste, dont l'une des scissions avait conduit à la création de la Fédération Nationale des républicains indépendants, c'est à dire les RI de Giscard...
J'ai quelques doutes sur le fait que tous les giscardiens aient voté De Gaulle...
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Re: Election présidentielle de 1965

Messagede vudeloin » Sam 7 Mai 2011 16:36

La mise en ballottage de De Gaulle fut elle vraiment une surprise ?

C'est évidemment cette question pour le moins étonnante que l'on peut poser à la lecture immédiate des faits qui implique, par conséquent, de poser quelques étapes et jalons dans l'analyse que l'on peut produire, a posteriori, sur un événement politique d'importance.

Encore que nous n'avions rien vu puisque trois ans et demi après le premier tour de cette élection, un referendum mal goupillé, imparfaite traduction des aspirations exprimées dans la fureur créatrice de mai 68, conduira au départ du Commandeur, et à modifier notre calendrier électoral, d'ailleurs, en plaçant désormais l'élection présidentielle au printemps.

Situation qui sera complétée, à son corps défendant ou plutôt sans défense, par le pauvre Georges Pompidou, héritier du Grand Siècle et que Moisan croquait chaque semaine en Régent dans le Canard Enchaîné...

Pour en revenir à la fin de l'automne 65, il me semble qu'il faut s'arrêter quelques instants sur des chiffres un peu antérieurs.

Les premiers, ce sont ceux du referendum de 1962 sur l'élection au suffrage universel direct du Président de la République.

Ce vote, essentiel, est organisé le 28 octobre 1962, et se présente sous des auspices complexes pour De Gaulle.

Le front constitutionnel qui l'avait soutenu en 1958 s'est largement fissuré et il n'a, pour le soutenir, que les militants, élus et adhérents de l'Union pour la Nouvelle République, son parti, et ceux des Républicains Indépendants, en scission du CNIP et regroupés autour de Giscard d'Estaing.

Face à lui, opposition de la gauche, depuis les communistes, opposés au «  pouvoir personnel «  et dont la position se traduira par principe par le refus de participer à l'élection, sinon «  contraints et forcés «  en 1969, mais aussi la SFIO ou le PSU;
Au centre gauche et au centre, la majorité des radicaux et le MRP sont également opposés au projet tandis qu'à droite, CNIP et extrême droite proche de l'OAS, composée de quelques uns des déjà nostalgiques de la France coloniale qui fourniront ensuite une bonne partie des troupes du Front National dix ans plus tard, sont également en opposition.

Malgré tout cela, le OUI l'emporte et recueille au total 13 510 516 voix contre 7 974 538 NON.

Une nette majorité ( plus de 5,5 millions de voix tout de même ) qui donne une légitimité réaffirmée au Général.
Sauf que, dans un contexte et une configuration politique différents, la ratification des accords d'Evian avait recueilli 17 866 423 OUI quelques mois plus tôt contre seulement 1 809 074 NON.

Quelques semaines plus tard, les cartes sont rebattues à l'occasion des législatives de novembre 1962., où le parti gaulliste, l'UNR, va clairement afficher sa primauté à l'intérieur de la droite, en réduisant la présence des autres forces alliées depuis 1958 ( CNIP et MRP notamment ).

Le premier tour se traduit d'abord par le vote de 18 333 791 suffrages exprmiés.
On se situe donc en dessous du nombre de suffrages observés lors du referendum (21 485 054 ), signe, peut être, d'une certaine lassitude des électeurs ou d'une forme de résignation...

La campagne référendaire, provoquée par un conflit institutionnel ( De Gaulle n'ayant pu faire passer sa réforme au Parlement avait opté pour l'organisation du referendum et la dissolution anticipée de l'Assemblée nationale ), avait sans doute occulté le scrutin législatif et le résultat favorable au projet élyséen a pu provoquer une forme de réflexe légitimiste.

Sauf que les résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur et traduisent en fait des rapports de forces plus complexes.

A gauche, le PCF obtient 4 003 553 suffrages et 21,84 %, ce qui constitue un progrès sur 1958 et se traduira, compte tenu des accords de désistement avec la SFIO, par un renforcement de la représentation du Parti, passant de 10 à 41 députés.

La SFIO obtient pour sa part 2 298 729 suffrages et 12,54 %, signe de son tranquille et serein déclin.
D'autant que le PSU, avec 427 467 voix et 2,33 %, n'est pas sans influence à l'époque.

Ce qui nous donne une gauche «  affirmée «  à 6 729 749 voix et 36,71 %.

Les radicaux, pour leur part, poursuivent eux aussi leur déclin, en obtenant 1 429 649 voix, soit 7,79 %.
Il faudra, le moment venu, regarder dans cet ensemble la part des radicaux proches de la gauche ( autour de Maurice Faure ou de René Billères ) de ceux proches de la droite.

Les soutiens du gaullisme sont de deux ordres.
D'une part, l'UNR, qui affirme sa primauté à droite avec 5 855 744 voix et 31,94 % des voix ( 10 points d'avance sur le PCF, seconde force politique du pays ), une situation qui mènera ce parti, par le jeu du scrutin à deux tours et du découpage, à disposer de 233 sièges dans la nouvelle Assemblée Nationale.
Ensuite, les Républicains indépendants de Giscard d'Estaing, dotés de 1 089 348 voix, soit 5,94 % des suffrages.
C'est à dire qu'avec 6 945 092 voix et 37,88 % des voix, le bloc favorable au pouvoir ne fait que peser autant que la gauche «  certifiée « .

Au centre, reste le MRP, en lente mais sûre décrue, qui ne se trouve plus en situation de présenter des candidats dans tous les départements et qui obtient 1 665 695 voix, soit 9,08 % des suffrages.

Dans l'opposition de droite au gaullisme, avec les blessures vives de l'Algérie française, on trouve enfin le CNIP, riche de 1 404 177 voix, soit 7,66 % des votes et des candidats d'extrême droite pour 159 429 voix et 0,87 %.

A ce stade, il ne faut pas oublier que Mitterrand aura le soutien de la gauche et de la majorité des radicaux, tandis que Lecanuet aura celui du MRP et du CNIP lors de la présidentielle de 1965.

C'est à dire que notre candidat rouennais avait, en 1965, comme un «  talon «  de 2,5 à 3 millions de voix à sa disposition.

De même que Mitterrand pouvait compter sur un « talon «  proche de 7 millions de voix et De Gaulle sur autant.

A la nuance près que le OUI avait dépassé les 13 millions de suffrages au referendum...

Ce qui veut juste dire que De Gaulle aura un nombre de voix situé entre l'influence de ceux qui le soutiennent et le volume des OUI du referendum et que Mitterrand, mine de rien, fera trois millions de voix de plus que le nombre des suffrages favorables au NON lors du referendum...

Il y a donc eu des reclassements dès 1965 au sein de chaque famille politique, et il y a eu, aussi, une évolution de l'électorat.

Parce que, pour ceux qui l'auront noté, on est tout de même passé de 18,3 millions de bulletins validés en novembre 1962 lors des législatives à 24,2 millions en décembre 1965, ce qui veut tout de même dire que l'on compte à peu près 33 % de votants en plus...

Ce n'est pas rien et cela veut dire, notamment, que les générations plus nombreuses des années 40 commencent à parvenir à la citoyenneté, sans compter ( je comprends que cela en soit ainsi pour les moins de quarante ans d'aujourd'hui ) que la France des années 60 change, et change vite, notamment parce qu'elle s'urbanise et qu'elle s'urbanise partout...
Et que la France qui travaille est de moins en moins rurale et de plus en plus industrielle.
La suite au prochain numéro...
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Re: Election présidentielle de 1965

Messagede HORATIO » Sam 7 Mai 2011 17:32

vudeloin a écrit:La mise en ballottage de De Gaulle fut elle vraiment une surprise ?

Pour l’intéressé cela l’a été.
Les surprises, c’était peut-être ce que Charles de Gaulle aimait le moins.
En mai 1968, le Président français a été à nouveau surpris.
Quelles étaient les personnes qui lui permettaient de se situer, à part Georges Pompidou, le général Jacques Massu et quelques personnalités gaullistes ?
HORATIO
 

Re: Election présidentielle de 1965

Messagede ubil » Dim 8 Mai 2011 05:53

Une petite précision face à cet excellent exposé, Vudeloin...
la France n'est pas de plus en plus industrielle, elle est de plus en plus services.
A cette époque, la part su secteur secondaire stagne dans la population active, alors que celle du secteur tertiaire explose...
Petite remarque, mais qui a son importance, quand on considère la sociologie électorale de l'époque
ubil
 
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