de vudeloin » Jeu 28 Avr 2011 18:31
Comme il faut bien en finir à un moment donné, un dernier détour, quant aux villes ayant voté à gauche ou non en 1977, par les quatre départements de la grande couronne de l’Ile de France cette année là .
Nous avions vu, lors des messages précédents, que la gauche avait conquis, en petite couronne, des positions importantes, puisque, mine de rien, sur les 123 mairies de ces départements ultra urbanisés, nous avions, en mars 1977, 54 maires PCF et 18 maires socialistes et apparentés.
Le tout face à 51 maires de droite et du centre, qui ne gardaient, entre autres, que la satisfaction d’avoir vu la capitale du pays et de la Région, Paris, choisir un maire RPR pour la première élection municipale depuis 1871…
En grande couronne, les positions de la gauche étaient, de manière générale, plus réduites et surtout, le plus souvent, strictement limitées aux municipalités ouvrières gérées par le Parti Communiste.
L’une des grandes affaires, si l’on peut dire, des municipales 1977 est l’émergence d’une nouvelle génération de candidats socialistes, en général plutôt jeunes et souvent issus des couches moyennes en développement dans la population locale, qui vont constituer l’essentiel des nouvelles équipes municipales de gauche élues dans ce printemps de victoire et d’espérance de succès plus grands encore…
Pour donner une idée des phénomènes, commençons le tour des départements par la Seine et Marne, le plus « rural « des départements franciliens.
De quelques positions déjà anciennes comme la cité cheminote de Mitry Mory pour le PCF, nous allons aboutir, en mars 1977, à un authentique raz de marée des mairies d’union de la gauche.
Evidemment, certaines villes résistent à la pression comme Melun, Fontainebleau ou encore Provins, cette dernière ville réélisant Alain Peyrefitte, qui fut Ministre dans ces années là et fut notamment le père de la loi « Sécurité et liberté « .
Mais le PS va emporter Meaux, avec Jean Lion, Pontault Combault ( Jacques Heuclin ), Roissy en Brie ( Louis Reboul ), Brie Comte Robert, Combs la Ville ( Alain Vivien, député et futur animateur de la lutte contre les sectes au sein de la MIVILUDES ), Ozoir la Ferrière ( qui va commencer son jeu d’alternance entre gauche et droite ), Coulommiers ( avec la défaite du sortant, le député UDR Bertrand Flornoy ), Nemours ( où Jean Grattier défait le sénateur radical valoisien Etienne Dailly, futur membre du Conseil constitutionnel et père, entre autres, de la société par actions simplifiée ), Souppes sur Loing…
Mais les progrès du PS affecteront singulièrement les agglomérations nouvelles avec des victoires à Emerainville, Moissy Cramayel, Nandy, Savigny le Temple, Torcy, Vert Saint Denis tout en obtenant aussi des succès sur Othis, Verneuil l’Etang, Trilport, Thieux, Crégy les Meaux ou Soignolles en Brie.
Des municipalités de sensibilité de gauche sont également élues dans de petites communes ou des communes en devenir comme Le Châtelet en Brie, Gouaix, Courtomer ( où l’élu, Marc Bareyre, est progressivement allé vers la droite ), Saint Ouen en Brie, Quincy Voisins, Coutençon.
Une municipalité de tendance PSU est même élue dans le village de Coupvray, alors surtout connu pour être le lieu de naissance de Louis Braille, l’inventeur de l’alphabet pour aveugles bien connu.
Le PCF n’est pas en reste dans cette élection 1977 puisqu’outre son fief de Mitry Mory, il se renforce et se retrouve à la gestion d’un nombre relativement important de communes : des villes comme Villeparisis, Montereau Fault Yonne ( José Alvarez ), Champs sur Marne ( Lionel Hurtebize ), Dammarie les Lys, La Ferté sous Jouarre ( avec le docteur Bevilacqua ), Nangis ( Claude Pasquier ), ou encore Chelles, le succès le plus significatif cette année là ( victoire du député Gérard Bordu ).
Les succès du PCF se doublent de l’élection de mairies à direction communiste dans des communes plus petites ou des villes moyennes : Veneux les Sablons, Varennes sur Seine, Fontenay Trésigny, Le Pin, Brou sur Chantereine, Ecuelles, Pézarches, Solers, Fontenailles, Trilbardou ou encore Saint Loup de Naud.
La liste n’est pas exhaustive mais, nonobstant le fait que certaines villes, aujourd’hui de gauche, ne figurent pas encore dans cet ensemble, 1977 marque clairement le début de temps nouveaux dans la vie politique seine et marnaise, largement dominée par la droite, et singulièrement les gaullistes, depuis 1958.
Dans les Yvelines, vous pouvez évidemment vous douter de la résistance des fiefs naturels de la droite que sont des villes comme Le Chesnay, Le Vésinet, La Celle Saint Cloud ou Jouy en Josas.
Pour autant, la droite a, là encore, senti passer le vent du boulet.
A Versailles, les centristes, menés par le bâtonnier André Damien, infligent une défaite sans appel au giscardien Bernard Destremau, ancien champion de tennis tandis qu’à Saint Germain en Laye, on assiste à la première élection du journaliste de télévision Michel Péricard en qualité de maire RPR de la cité royale.
Mais la poussée de gauche est forte et affecte nombre de villes.
Le PS gagne ainsi les municipales à Mantes la Jolie ( Paul Picart ), Conflans Sainte Honorine ( Michel Rocard y est élu, au terme d’une primaire avec le candidat PCF ), Andrésy, Elancourt ( que le PS gérera jusqu’en 1995 ), Plaisir ( que le PS a perdu en 2001 ), Verneuil sur Seine ou encore Villepreux et Ablis.
La liste des mairies de gauche s’enfle singulièrement des mairies conservées ou gagnées par le PCF : Achères ( Pierre Soulat ), Bois d’Arcy, Trappes ( avec le futur sénateur Bernard Hugo ), Sartrouville ( Auguste Chrétienne ), Houilles ( Eugène Séleskovitch ), Saint Cyr l’Ecole ( Jean Cuguen ), Guyancourt ( Robert Rondeau ), Magny les Hameaux, Maurepas, Limay ( Maurice Quettier ), Mantes la Ville ( René Martin, qui deviendra sénateur après le suicide du sénateur PS Philippe Machefer ), Les Mureaux ( Roger Le Toullec ), Poissy ( Jean Tricart ), Carrières sous Poissy, La Verrière, Fontenay le Fleury, Les Clayes sous Bois ( Jeannine Thomas Flores, qui sera maire pendant 24 ans ), mais encore Chevreuse, et les petites communes de Gommecourt ou Issou.
Pour sa part, le MRG pouvait aussi compter sur les maires de Marly le Roi ( Jean Béranger qui sera sénateur ) et Montesson.
Sans compter le cas particulier de Rambouillet, dont la maire était alors Jacqueline Thome Patenôtre, qui fut députée MRG des Yvelines mais qui restera proche de Robert Fabre et le suivra dans son évolution vers le soutien de VGE en 1981.
Cette liste, d’ailleurs non exhaustive des communes de gauche yvelinoises en 1977 conduira d’une part le PCF à la Présidence de la Ville Nouvelle de Saint Quentin en Yvelines et d’autre part à l’élection de trois sénateurs de gauche aux sénatoriales de septembre 1977, la gauche ayant constitué une seule liste face à une droite divisée.
Seront donc élus : Bernard Hugo, le maire communiste de Trappes, Jean Béranger, le maire MRG de Marly le Roi et Philippe Machefer, élu PS sur Houilles et enseignant à la fac’ de Nanterre.
Dans l’Essonne, où le PCF vient de prendre la majorité du Conseil général avec le conseiller général et maire de Vigneux sur Seine Robert Lakota, la poussée de gauche est également spectaculaire.
Le PCF est à l’apogée de son influence dans le département ( il a trois députés sur quatre et préside le conseil général ) mais il va aussi réaliser une performance exceptionnelle aux municipales en gardant Corbeil Essonnes ( Roger Combrisson, député ), Palaiseau ( Robert Vizet, député ), Athis Mons ( Paulette Chemier ), Brétigny sur Orge ( Alain Blin, conseiller général ), Champcueil, Sainte Geneviève des Bois ( Jean Ooghe, qui a aussi été sénateur ), Savigny sur Orge, Saint Michel sur Orge, Morsang sur Orge, Fleury Mérogis, Grigny, Igny, Vauhallan, Champlan, Etampes ( Serge Lefranc fils), Saclas ( Serge Lefranc père, ancien Questeur du Conseil de la République ), Pussay, Janville sur Juine, Ollainville, La Norville, La Ville du Bois, Lisses, Ris Orangis, Saint Germain les Arpajon, Saulx les Chartreux, Leuville sur Orge, Villiers sur Orge, Villabé ou encore Villebon sur Yvette. Et nous avons déjà évoqué le cas de Vigneux sur Seine.
Le PS, pour sa part, apparaît en grand sur la carte politique locale en gérant les mairies de Massy ( Claude Germon, futur directeur de « Combat socialiste « ) ; Evry ( Jacques Guyard ), Bures sur Yvette, Les Ulis ( Paul Loridant, premier maire élu de la commune ), Chilly Mazarin, Yerres, Courcouronnes, Crosne ( Michel Berson, futur Président du CG ), Nozay, Boussy Saint Antoine, Etréchy, Juvisy sur Orge, Montgeron, Orsay, Limours en Hurepoix, Villiers le Bâcle ou Saint Pierre du Perray.
Liste non exhaustive là encore mais qui motive pleinement, surtout qu’en matière de villes importantes, la droite n’avait gardé que Viry Châtillon, Draveil, Arpajon, Longjumeau ou Brunoy, que les sénatoriales 77 aient conduit à l’élection de deux sénateurs communistes et d’un sénateur socialiste.
Dans le Val d’Oise, la gauche a également connu une forte progression de son influence.
Le PCF, alors leader dans le département ( position qu’il ne perdra qu’à l’occasion des présidentielles de 1981 ), aura la gestion des communes d’Argenteuil, Bezons, Montigny les Cormeilles ( gagnée cette année là par Robert Hue ), Goussainville, Garges les Gonesse, Sarcelles ( avec le député Henri Canacos ), Fosses ( gagnée cette année là par le futur conseiller général Gérard Lenoir ), Marly La Ville, Vemars, Chaumontel, Saint Martin du Tertre, Piscop, Franconville ( gagnée par Annie Brunet sur la droite ), La Frette sur Seine ( emportée par surprise par Henri Paulin ), Pierrelaye, Eragny sur Oise ( Louis Don Marino ), Persan ( avec le sénateur Fernand Chatelain ), la petite commune industrielle de Bray et Lû dans le Vexin, Montmagny, Méry sur Oise et Mériel.
Dans ce dernier cas, le maire élu en 1977 décèdera en 1979 ( ou 1980 ) et sera remplacé par l’un de ses adjoints socialistes.
Le PS, pour sa part, fera également son entrée dans le paysage politique du département.
Notamment en gardant son vieux fief de Villiers le Bel, mais en renforçant sa présence en emportant les mairies de Taverny ( au terme d’une primaire entre Jean Pierre Le Coadic, futur député, et Francis Arzalier, le conseiller général communiste élu en 1976 ), Saint Gratien, Saint Ouen l’Aumône ( première élection d’Alain Richard, futur député et Ministre de la Défense ), Menucourt, Courdimanche, Boisemont, Ecouen ( première élection de Bernard Angels, futur sénateur ), Domont, Bouffémont ( élection de Michel Coffineau, futur député ), Ableiges, Survilliers ou encore Montreuil sur Epte.
Le MRG et les divers gauche obtinrent la majorité dans les communes de Saint Leu La Forêt ( François Gayet ), Nointel, Marines et Villiers Adam.
La gauche ne réussit cependant pas dans toutes ses entreprises, malgré la réalité de nombreux succès.
Ainsi, la droite – plutôt giscardo centriste dans ce département – conserva les mairies de Cergy ( où le développement urbain n’avait pas encore vraiment commencé ), Pontoise ( avec le sénateur Alfred Chauvin ), Sannois, Cormeilles en Parisis, Ermont, Eaubonne, Magny en Vexin, Gonesse ( ville où François Mitterrand avait pourtant obtenu la majorité absolue au premier tour de la présidentielle de 1974 ), Louvres, Soisy sous Montmorency entre autres localités sur lesquelles la gauche aurait pu nourrir quelques espoirs.
Une droite qui avait conservé sans problèmes les communes bourgeoises de L’Isle Adam ( avec le Ministre de l’Intérieur Michel Poniatowski ), Montmorency et Enghien les Bains.
Ou encore dans les villégiatures de Beauchamp, Herblay ou Le Plessis Bouchard.
Enfin, sur Beaumont sur Oise fut élue une liste socialiste dissidente, composée d’élus d’essence SFIO et d’élus modérés.
Un schéma proche se retrouva au Thillay, avec un maire socialisant, des adjoints de droite et membres du PS ( dont le futur maire de la commune, Georges Delhalt ) tandis qu’à Arnouville les Gonesse, la succession de l’ancien député SFIO Mazurier fut assurée par Claude Bigel, membre du parti socialiste démocrate, c'est-à -dire du parti regroupant les socialistes opposés au programme commun et bientôt ralliés à l’UDF.
Enfin, comme assez souvent, la droite et le centre restèrent dominants dans la plupart des communes rurales du Vexin et du pays de France.
Cette affaire entendue, nous verrons dans les messages suivants quelques unes des pistes d’explication que l’on peut donner aux succès municipaux de la gauche en 1977, même si l’évidente politisation de ces élections a constitué l’un des éléments clés des résultats constatés.