pierrep a écrit:SALVAT a écrit:Merci à ChritianC d'avoir enrichi mon propos mieux que je ne l'aurais fait.
Il a cité le président macron à Mulhouse et il m'oblige à rapprocher deux citations que je n'avais pas publiées il y a 4 jours, pour éviter d'en rajouter sur l'idéologie dans laquelle il baigne....depuis qu'il est apparu sur la scène politique, ce que j'avais détecté et dénoncé il y a déjà bien longtemps dans ce forum, ce qui m'avait valu une rafale de critiques....dont les auteurs seront fiers de se relire.
Nul besoin de commenter il suffit de lire :
Discours de Pétain du 12 août 1941
« J'ai des choses graves à vous dire. De plusieurs régions de France, je sens se lever depuis quelques semaines un vent mauvais.
« L'inquiétude gagne les esprits, le doute s'empare des âmes. L'autorité de mon gouvernement est discutée ; les ordres sont souvent mal exécutés (...) Nos difficultés intérieures sont faites surtout du trouble des esprits, de la pénurie des hommes et de la raréfaction des produits.
« Le trouble des esprits n'a pas sa seule origine dans les vicissitudes de notre politique étrangère. Il provient surtout de notre lenteur à reconstruire un ordre nouveau, ou plus exactement à l'imposer."
Emmanuel Macron a appelé à «l’union» pour mener «la guerre» contre l’épidémie de coronavirus, en fustigeant «les facteurs de divisions» et «celles et ceux qui voudraient fracturer le pays», après une visite de l’hôpital militaire de campagne à Mulhouse.
«Nous devons n’avoir qu’une obsession, être unis» contre le virus, a-t-il ajouté, car «lorsqu’on engage une guerre on s’y engage tout entier, on se mobilise dans l’union».
Avec, à l'appui, son expression devenue familière : "faire bloc".
Bertrand SALVAT
Je suis étonné ( pour rester modéré ) que l'on puisse mener ce genre de comparaisons . C'est offensant et c'est en fait critiquer la recherche d'union nationale derrière nos actuels gouvernants .
Je pense que n'importe quel autre Président récent Sarkozy , ou Hollande , et Chirac aussi aurait usé des mêmes termes dans pareil contexte . Je trouve vraiment déplacé que des " commentateurs" cherchent à surfer sur cette terrible situation pour tenter de régler des comptes politiques !
Au départ, la comparaison portait seulement sur l'emploi d'une rhétorique éveillant des souvenir historiques. Que les présidents récents auraient usé des mêmes termes est très possible, car il y a dans le discours politique (français?) un tropisme militaire et guerrier qui transcende les clivages. Mais cela ne change rien à l'affaire: c'est le président actuel qui répète "Nous sommes en guerre", qui se met en scène entouré de militaires, sur fond d'hôpital militaire, pour expliquer qu'il envoie dans les DOM-TOM des navires de guerre et mobilise des avions de l'armée de l'air pour évacuer des malades, et exalte le rôle de l'armée dans le "combat" contre la virus.
Accessoirement: que l'armée mette ses moyens à contribution pour soigner et sauver les malades est parfaitement normal; on peut seulement au passage relever que ces moyen sont bien maigres (un hôpital de tentes pour 30 lits, et il ne semble pas qu'il y en ait d'autres disponibles), le service de santé des armées ayant été aussi saigné à blanc que le système hospitalier par l'austérité imposée à tout service public, y compris l'armée. J'y reviendrai
Pour ce qui est de la similitude des propos présidentiels avec le discours pétainiste: je l'ai ressentie en entendant E. Macron culpabiliser les Français, qui n'avaient pas fait ce que le Président leur avait dit de faire: les difficultés à venir viendraient de l'indiscipline des gens, qui sont allé dehors se faire plaisir (par "esprit de jouissance") au lieu de rentrer en cellule "méditer sur l'essentiel", comme les y invitait l'homélie présidentielle. Et cette culpabilisation se poursuit dans les médias et la communication gouvernementale avec l'exhibition quotidienne du nombre des amendes infligées aux contrevenants mal ou pas confinés, de l'augmentation régulière du montant de ces amendes et de l'aggravation programmée des autres peines encourues - avec en plus la mise en scène manichéenne de l'opposition entre les "bons Français", très majoritaires selon les sondages, qui suivent scrupuleusement les injonctions du Pouvoir et une poignée de mauvais citoyens qui par égoïsme mettraient en danger la communauté nationale et seraient légitimement réprimés pour cela.
Précision: j'admets tout à fait que le confinement soit nécessaire et je le respecte moi aussi scrupuleusement. C'est la communication gouvernementale à son sujet qui me gêne.
Ce qui me gêne surtout, plus globalement, et que je crois légitime de commenter, voire de critiquer, c'est la finalité, même pas implicite, de ce discours de guerre: oui, il a pour but de servir "la recherche d'union nationale derrière nos actuels gouvernants".
Je comprends tout à fait qu'en temps de guerre, de vraie guerre, critiquer publiquement le gouvernement et les chefs de l'armée est dangereux, car comme disait une affiche de 1939, "l'ennemi guette nos confidences" et peut profiter de ce que lui apprennent des critiques, même et surtout pertinentes, pour y adapter sa stratégie et prendre l'avantage. Donc, oui, en temps de vraie guerre, "Silence!"
Je comprends tout à fait aussi qu'en temps de vraie guerre, l'Union nationale" soit "sacrée", s'impose, pour que l'ennemi ne puisse tirer parti des divisions de la Nation, ne trouve pas chez des mécontents de quoi former et armer une "Cinquième colonne" qui se mettrait à son service, ou tout simplement que des mécontents ne viennent à penser qu'ils auraient des profits à tirer d'une victoire de l'ennemi, voire s'avisent qu'au plan du Droit, du bon sens ou que sais-je, c'est l'ennemi qui a raison. Donc, oui, en temps de vraie guerre, Union sacrée! - union sacrée qui en temps de vraie guerre a bien souvent été trahie, et parfois par les gouvernants ou les élites, mais ceci est une autre histoire.
Seulement ici, et n'en déplaise au Président, nous ne sommes pas dans une vraie guerre. Parce que le virus n'est pas un ennemi. Il n'est pas à l'affût de nos critiques pour y découvrir nos points faibles et en tirer parti. Il ne risque pas d'avoir parmi nous des agents et des collaborateurs.
Nous ne sommes pas en guerre; nous sommes face à une épidémie contre laquelle travaillent des personnels hospitaliers.
Le Président n'est pas un stratège ni un combattant que les nécessités de la guerre rendraient intouchable. Lui et son gouvernement s'arrogent un rôle guerrier épique qui n'est pas le leur. On leur demande simplement d'être de bons intendants qui permettent aux personnels médicaux de travailler dans les meilleures conditions avec les moyens adéquats.
Commenter et critiquer la manière dont il met à leur disposition ces conditions et ses moyens ne gêne en rien le travail des soignants, n'entrave pas le fonctionnement du système de santé, ne "fracture" pas la Nation qui souffre et s'inquiète.
Et ce d'autant plus que critiquer les errements et les insuffisances de cette mise à disposition de moyens et de conditions ne fait que prolonger les cris d'alarme et les revendications de ces mêmes soignants, exprimées récemment et de plus longue date.
Il est légitime, ici et maintenant de commenter et de soumettre à examen critique la préparation immédiate, ou l'absence de préparation immédiate, à l'arrivée de l'épidémie: le Gouvernement, depuis janvier, a-t-il fait plus ou moins, plus ou moins bien, plus ou moins vite qu'il n'aurait pu ? qu'il n'aurait dû ? que n'ont fait d'autres ? Les conditions, les moyens ont-ils été bien préparés ? bien procurés ? Les bonnes mesures ont-elles été prises au bon moment ? Poser publiquement ces questions, commencer publiquement à recueillir des éléments de réponse, confronter publiquement nos expériences et nos impressions à ce propos, exprimer nos critiques sur l'action (ou l'inaction) de Gouvernement dans la tâche subalterne qui lui incombe : tout cela peut se faire dans le temps même de l'épidémie, même si bien sûr les réponses ne seront trouvées qu'avec le recul que nous n'avons pos encore.
Et le même questionnement doit aussi remonter plus loin en arrière, un regard critique peut et doit être porté sur une politique de santé fondée sur la restriction des coûts, menée avec la bénédiction de Bruxelles par des gouvernements successifs de couleurs politiques variées, et poursuivie sans état d'âme et avec zèle par l'actuel Pouvoir: fermetures d'hôpitaux, suppressions de lits, compression de personnels, "mégotage" sur les stocks, le matériel, les fournitures élémentaires, etc. La gestion technocratique libérale a rendu l'hôpital exsangue, capable "à flux tendus" de faire face tant bien que mal (et plutôt mal que bien) à des difficultés ordinaires; surgit une difficulté extraordinaire: tout craque.
Dire cela n'est pas être un mauvais citoyen en temps de guerre, un collaborateur de l'ennemi. Parce qu'il n'y a pas d'ennemi et que nous ne sommes pas en guerre.
Et avancer tout cela, ce n'est que commenter l'emploi d'un discours de guerre, car la rhétorique est aussi (et avant tout) de la politique, et que l'implicite d'un discours vaut la peine d'essayer de le déchiffrer et de le mettre au jour.
Pardon d'avoir été un peu long. Mais j'ai l'impression d'avoir été indirectement mis en cause.
Je ne crois pas être doué pour le surf. En revanche, paraître offensant pour le Chef de l'Etat, en temps de paix, ne me dérange pas.